i m a smart person i just do stupid things
crédits/ maurawrites & catragifss
@Clarence Aldridge 12/2024 - st vincent's hospital

’’C’est qu’un connard.’’ il n’a pas peur de le clamer haut et fort bien avant que la porte du médecin soit refermée, puisqu’il serait parfaitement capable de lui dire en face si on lui laissait l’opportunité. Sur ses talons aiguilles, Lynda trottine derrière lui en essayant d’apaiser les choses, mais ses mots n’ont que peu de relief pour celui qui fulmine de colère en poursuivant, sur le même ton hargneux : ’’Il ne m’a même pas ausculté, tu peux me dire comment il peut affirmer que tout va bien ? Il voit à travers la peau ce tocard ?’’ marchant à toute vitesse  sans même se retourner, le pianiste oblige son assistante à lui courir après, la malheureuse slalomant tant bien que mal entre les visiteurs pour ne pas le perdre de vue, en ayant toujours la volonté d’être le fragment de tempérance pour la tempête humaine qu’il représente ‘’Il connaît son métier, quand même…’’ elle le rappelle d’une voix presque craintive, qui semble être à peine convaincue par l’argument qu’elle avance pourtant : pour l’interrompre dans sa course frénétique, Lynda accroche son biceps musclé d’une main, l’obligeant à ralentir la cadence afin qu’elle puisse le rattraper au milieu du hall. ’’Izan…’’ lèvres pincées pour retenir un soupir, il tend les muscles de son cou en balayant machinalement le paysage devant lui, sans réellement voir ou entendre quoique ce soit d’autres que les battements de son coeur coléreux, semblable à un tambour qui signalerait le début d’une guerre perdue d’avance. Personne ne le croit, surtout pas Lynda. ’’Je crois que tes douleurs sont dans ta tête…’’ il peste en claquant sa langue derrière ses lèvres entrouvertes, abattu par l’idée qu’on n’accorde pas l’once d’un crédit à ce qu’il avance. ’’Je vais nous chercher quelque chose à boire, attends-moi ici.’’ elle tend sa paume pour caresser son bras mais, réfractaire à ce geste de pitié qui lui est intolérable, Izan se recule sans prendre la peine de lui répondre.

Pendant que Lynda s’éloigne en disparaissant dans la foule, il se laisse tomber sur l’une des chaises collées contre le mur, passant sa main sur son visage aux traits froissés comme pour délaver son esprit de ces vilaines pensées. Évidemment qu’ils sont froissés, ses traits, étant donné qu’il ne dort pas ; ses éternelles insomnies ne facilitent en rien l’endormissement mais, lorsqu’il y parvient, il se réveille au beau milieu de la nuit en ayant l’impression qu’on a versé de la lave en fusion dans les veines de son poignet, si bien qu’il songe, parfois, à ce qu’on l’ampute purement et simplement de son membre. Ce n’est pas normal, ça. On aurait beau lui rabâcher, il refuse de croire qu’il y a une once de normalité à ses douleurs chroniques. Il a joué pendant des années, il a joué, presque, avant de savoir lire et écrire, parfois jusqu’à seize heures par jour, et l’on voudrait lui faire croire que c’est normal qu’il ne puisse plus jouer pendant une demi-heure sans souffrir ? Il n’est pas conditionné pour être tenu éloigné de son piano, Izan. C’est une dynamique que son corps, son esprit et son coeur ne sont pas en mesure d’assimiler ; il a besoin de son instrument, physiquement et mentalement. Il n’y a rien de normal à ce qu’il en soit privé. Mais il n’y a personne pour l’écouter et, perdu dans ses pensées, il fixe un point invisible sur le sol, sans voir le visage familier qui s’avance vers lui. Peut-être, le premier qui prendra la peine de le croire.

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& catragifss
@Clarence Aldridge 12/2024 - st vincent's hospital

Tu traverses le hall de l’hôpital, l’esprit embrouillé et le cœur un peu trop éraillé. T’as ce regard du médecin qui vient de sortir du chaos ce masque impassible façonné par des heures d’urgence, et qui profite d’une trêve pour prendre une pause. Autour de toi, l’air est chargé de cette énergie singulière que l’on ne trouve qu’entre ces murs immaculés. Des murs où résonnent des histoires trop lourdes pour être racontées, où le soulagement et la joie côtoient la douleur la plus vive, où la mort trace son sillage en silence pendant que la vie pousse son premier cri.

Mais ce n’est pas ce qui te hante, ni ce qui te donne cette sensation d’étouffer. Ce n’est pas ce n’est pas non plus ce qui te pousse à accélérer le pas pour franchir les portes automatiques de l’entrée. Non, le seul coupable est ce besoin qui s’insinue dans chaque recoin de tes veines. Cette putain de nicotine qui pollue tout ton être. Tu sens son absence, t’appeler, te tirailler. Car Clarence, c’est le seul moyen que tu as trouvé pour soulager ce cœur qui menace de dérailler. Ce poison aussi mortel qu’indispensable. T’as essayé d’arrêter. Trop souvent, sans jamais y arriver. Car sous cette rivière trop calme se cache un feu insoupçonné. Celui de ta personnalité toujours tiraillée par ce que tu préfères taire et prêt à éclater à la moindre étincelle.

Alors tu avances, le pas nerveux, une main déjà plongée dans ta poche à la recherche de ce réconfort qui finira par te tuer. Mais alors que ton regard balaye distraitement la foule, une silhouette attire ton attention. Tu te figes. Cette silhouette, tu la reconnais aussitôt, presque instinctivement. C’est lui. Izan. Il est assis, le regard perdu sur le sol. La lumière froide et impersonnelle des néons l’entoure comme une cloche de verre. Et cette simple vision suffit à te ramener à cette nuit, brutale et irréelle, où il était arrivé sur un brancard. Presque inanimé, tout comme Hélène. Tout s’était joué dans la précipitation et dans la précision presque mécanique que ton métier exige. Tu avais tenu sa vie entre tes mains, littéralement. Pour toi, Izan n’était qu’un figurant dans le décor de ta vie. Le meilleur ami d’Helen. Celui qu’il t’arrivait seulement de croiser lors d’un passage à l’improviste chez la brune lorsqu’elle était encore ta voisine. Mais cet accident à tracé un fil invisible entre vous. Un fil que tu n’avais jamais eu l’intention de créer, mais qui existait malgré tout. Ton regard reste accroché à cette silhouette affaissée, comme si le temps s’était figé autour de vous deux. Tu te demandes ce qu’il fait là, lui qui avait pourtant signé cette décharge insensée. Qui a quitté l’hôpital alors que son corps portait encore les stigmates de cette tragédie. Tu te revois apprenant la nouvelle, envahi par une colère froide. Comment avait-il pu prendre une décision aussi inconsidérée ? Et aujourd’hui, il est là, devant toi. Ce souvenir te revient avec une amertume presque brûlante et te donne l’envie de te précipiter vers lui, de le secouer et de lui jeter ce venin qui te brûle déjà les lèvres.

Mais quelque chose te freine. Il y a dans son attitude un poids qui dépasse la fatigue. Une douleur muette, un désarroi qui émane de lui et t’enveloppe presque malgré toi. Tu le ressens, jusque dans ta poitrine. Ce vide, ce creux, il t’atteint. Et soudain, ta colère vacille, se heurte à quelque chose de plus profond. Tu restes là, figé entre deux élans, incapable de décider si tu dois aller à sa rencontre ou le laisser à son silence. Mais décident pour et décident de prendre sa direction. Ta poitrine se met à gronder à mesure que la distance entre vous se réduit. Tu te tiens bientôt devant lui, à quelques mètres. Il n’a pas bougé, n’a pas levé les yeux. Ses épaules semblent encore plus lourdes de près. Tu inspires profondément, cherchant à canaliser cette part brute et à fleur de peau qui s’agite au fond de toi. Et puis sans réfléchir, tu lâches quelques mots : « Un revenant… » Ta voix tranche l’air entre vous, lourde de ces reproches qu’il pourra deviner. Tu fais à la fois référence au fait qu’il s’était volatilisé sans un mot après avoir signé cette foutue décharge. Papier qu’il serait presque tenté de lui faire bouffer à cet instant et au fait qu’il aurait pu y rester. Ce n’est pas une attaque frontale, pas encore. Suffisante pour attirer son attention et pour provoquer une réaction. Tu attends, ton océan givré posé sur lui. « Je ne pensais pas te revoir si tôt ici… » En réalité le revoir tout court. Mais à mesure que l’encre de ses yeux se pose sur toi, une étrange douceur s’installe sur tes traits, un sourire furtif effleurant presque tes lèvres. Parce qu’au fond, t’es soulagé de le voir, même si tu n’osais l’admettre. Alors, sans un mot de plus, tu t’affales à ses côtés, le dos courbé, comme si tu voulais alléger un peu de la lourdeur qui semble le déchirer. Tes coudes se posent sur tes cuisses et tes mains, instinctivement, se rejoignent dans une tentative de trouver un semblant de réconfort. « Quel mauvais vent t’amène ? » Ta question flotte dans l’air, mais ce n’est pas tant les mots qui comptent. Ton regard se perd un instant dans l’horizon avant de revenir se poser sur lui, porteur de cette bienveillance silencieuse qui te caractérise. Et bien que timide, il y a cette complicité qui se glisse doucement entre vous. Comme une promesse muette, une amitié encore à naître, prête à surgir là où on ne l’attendait pas.

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@Clarence Aldridge 12/2024 - st vincent's hospital

Il voudrait juste qu’on pose un, qu’on lui apporte une solution. C’est bête, il pensait naïvement que c’était le rôle des personnes ici, ceux qui se trimballent toute la journée avec un stéthoscope flanqué autour du cou ou dépassant de la poche, avec cette toute puissance que confère la blouse blanche qu’ils trimballent sur leur dos, aussi ostentatoire que les robes des prêtres. C’est dans ta tête invalide considérablement les douleurs dans son poignet, qui seraient le résultat de quelque chose qui déraille dans sa tête, un mauvais contact, un court-circuit qui envoie un signal erroné à son cerveau, une interprétation faussée qui se répercute précisément à cet endroit-là. Des conneries qu’il tente de balayer en massant son front du bout de ses doigts, alors que son coeur tambourine dans ses oreilles en frappant une musique belliciste ; ça l’enrage cruellement de constater que personne ne le croit, qu’il est emmuré dans l’idée que ses douleurs sont psychologiques et qu’il n’y a donc aucune raison de s’alarmer, alors que l’inquiétude circule dans ses veines comme un mauvais poison. La douleur qu’il éprouve régule considérablement ses ambitions, recentre toutes ses pensées sur cette présence lancinante qui neutralise tout ce qui gravite autour de lui : pourquoi diable le pianiste s’imposerait-il, même inconsciemment, une telle torture, alors que tout ce qu’il souhaite est retrouver sa pleine mobilité pour sauver sa carrière ? « Un revenant… » la voix est trop grave pour être celle de Lynda, alors il éloigne sa main de son front pour découvrir ses yeux, en même temps qu’il lève le menton pour découvrir le visage de son interlocuteur. Izan ne peut pas dire qu’ils sont véritablement familiers, Clarence et lui, davantage liés par une connaissance commune qu’autre chose, mais son visage est suffisamment intime pour qu’il puisse le tolérer dans la spirale de sa nervosité. ’’Salut.’’ qu’il répond d’une petite voix neutre, sans effusion de joie ni de colère, loin de redouter le ton bougon employé par le médecin ; il l’a entendu, bien sûr, mais difficile de lui reprocher d’afficher cette mine renfrognée quand c’est celle qu’on lui connaît le plus. « Je ne pensais pas te revoir si tôt ici… » son dos s’appuyer contre sa chaise, il pince ses lèvres en baissant un instant les yeux sur ses propres mains posées sur ses cuisses, en semblant dire « moi non plus » ’’Faut croire que cet endroit me manquait.’’ qu’il lance d’une voix tiraillée par la malice en tournant son menton pour l’observer, son profil grave, la barbe qui parsème sa mâchoire, sa posture courbée, ses mains jointes comme d’une prière silencieuse… Il a envie de lui demander s’il va bien, le musicien, mais il a comme l’impression que la réponse ne soulagerait ni l’un ni l’autre. « Quel mauvais vent t’amène ? » la formule lui arrache l’étirement d’un sourire teinté d’amusement quand, fixant le sol tachetée devant lui, il pose son regard sur Clarence dans un battement de cils, curieusement allégé par la présence du médecin qu’il ne connaît que trop peu ’’Rien de grave, il parait.’’ les fils de sa voix se tendent sur les derniers mots, preuve que l’idée n’adhère pas totalement dans son esprit ’’Des douleurs au poignet mais…’’ il relève légèrement sa main, agitant ses doigts dans le vide avant de claquer : ’’…Apparemment ce serait dans ma tête.’’ ses sourcils plissent son front quand ils remontent sur ce dernier, la pointe de sa langue glissant sur ses dents du haut comme pour contenir un flot de paroles tout aussi coléreux que le reste, avant qu’il ne demande, d’une voix qui se veut plus souple : ’’Comment tu vas, toi ?’’ il se retient de dire qu’il le trouve fatigué, songeant que ce n’est sûrement pas la meilleure chose à dire à un médecin - surtout quand il vous a sauvé la vie, ouais.