When the light is off
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Eva Barrett & @leonard carlson Toowong, Highland Terrace N°502

Beaucoup de choses avaient changé depuis qu'Eva habitait sous le toit des Carlson. Elle ne sortait plus autant qu'avant, ou du moins elle s'arrangeait pour le faire pendant les heures d'école d'Archie et de Noah parce que le soir elle avait mille chose à faire avec les garçons entre les devoirs, le repas, les douches... Elle profitait de voir des copines ou des rendez vous galants pendant son heure de midi, elle jonglait sans cesse entre son emploi du temps personnel, sa vie professionnelle et la vie de famille. Au final, la seule chose qui n'avait pas changé, c'était son célibat. Celui-ci semblait s'accrocher à elle comme une moule s'accroche à son rocher dans l'océan. Et en même temps... Est-ce qu'elle arriverait quand même à trouver du temps pour une histoire si elle trouvait chaussure à son pied? Les hommes qu'elle rencontrait étaient quasiment systématiquement rebutés à l'idée qu'elle habite avec un père de famille et qu'elle s'occupe de ses enfants. Dans le fond, c'était assez original, mais ça ne voulait pas dire qu'elle ne pourrait pas glisser un jeune homme au milieu de tout ça? C'était ce qu'elle essayait de se convaincre avant de convaincre la gente masculine...

Le dernier en date? Joel. Leur premier rendez-vous s'était bien passé, ils avaient bien accroché mais elle avait à nouveau failli le perdre lorsqu'il avait appris qu'elle vivait chez les Carlson. Mais elle n'avait pas abandonné et elle lui avait promis qu'elle lui prouverait que construire quelque chose de solide avec elle était possible. Alors lorsque Leonard lui avait dit qu'elle avait le vendredi soir et le samedi matin de libre, qu'il avait du temps pour s'occuper des deux garçons, Eva n'avait pas hésité et elle avait proposé une soirée à Joel comme deuxième rendez-vous. Elle avait sorti sa plus belle robe bustier, ses plus beaux talons et elle avait teinté ses lèvres de rouge avant de retrouver le jeune homme en ville. Grand, bouclettes blondes, sourire charmeur... Il lui plaisait vraiment et elle espérait du plus profond d'elle que ça pouvait marcher. Elle était comme ça Eva, elle craquait rapidement, elle s'emballait et brûlait les étapes. Peut-être qu'un jour, un homme trouvera que c'était quelque chose qui faisait son charme. Les deux adultes allèrent manger au centre ville puis ils se baladèrent sous les lumières des rues animées. Il riait à ce qu'elle disait, il avait l'air de passer un bon moment. Peut-être que c'était lui, le bon? Joel l'invita chez lui. Il habitait un petit appartement non loin du musée et l'endroit était très charmant. Il sorti une belle bouteille de vin rouge et une chose en entrainant une autre ils avaient fini dans les draps de son lit. Ça avait été parfait. Eva ne regrettait vraiment pas sa soirée. Elle somnola quelques heures - elle dormait toujours mal lorsqu'elle n'était pas dans son lit - et essayant de tenir compte des conseils qu'elle avait reçu d'âmes avisées, elle se leva discrètement avant le jeune homme. Elle laissa un petit mot en précisant qu'elle ne fuyait pas et qu'au contraire, elle attendait son appel avec impatience. La vérité c'était qu'elle devait rentrer pour être suffisamment fraiche pour s'occuper d'Archie et Noah en fin de matinée.

Il fut presque cinq heures trente du matin lorsque la brune fut déposée par son taxi devant la maison des Carlson. Elle retira ses talons afin d'être la plus silencieuse possible et remonta l'allée avant d'ouvrir la porte d'entrée. Elle posa doucement son sac et ses talons au sol, suspendu son manteau au crochet et décida d'aller à la cuisine pour se servir un grand verre d'eau. Seulement, elle ne s'attendait pas du tout à trouver la silhouette de Leonard dans la légère lumière de la pièce. Eva retint son souffle, une main sur son coeur. Eva: « Leonard! Tu m'as fait peur. » Elle jeta un rapide coup d'oeil à l'horloge et son récent statut de gardienne des garçons Carlson revint à la surface. Eva: « Tu n'es pas bien? Ou ce sont les garçons? »

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Impossible de trouver le sommeil, j’ai beau tourner dans mon lit, faire de la méditation, compter les moutons, je n’y arrive pas. La maison me semble vide, c’est idiot et probablement un peu égoïste. Mais Eva m’a manqué ce soir, notre routine habituelle, notre complicité, les regards parfois un peu trop long que nous échangeons. Je tente de chasser cette idée de ma tête, de penser à la complicité et à l’amitié qui est en train de naître entre nous. Je me raccroche à ça, mais ce soir, je n’arrive pas à dormir. Trois heures du matin à l’horloge murale, et toujours pas un bruit dans la maison. Les garçons dorment à poings fermés et moi, je rumine. Je finis par me relever, les cheveux en bataille, l’esprit dérangé. Je me fais une tisane. Par la baie vitrée, le ciel rouge des incendies crée une boule dans ma gorge. Accoudé à l’îlot, je me décide à sortir mon portable. Pas de nouvelle. Un nouveau regard vers le ciel me pousse à envoyer un premier message. « J’espère que tu vas bien, donne-moi juste des nouvelles si tu vois ce message. » Portable rangé, je bois ma tisane lentement, le temps semble s’étirer. Nouveau coup d’œil à l’horloge. À peine vingt minutes se sont écoulées. Les cent pas dans la maison. L’inquiétude qui commence à monter dans mon esprit. Et si elle était bloquée ? Blessée ? Un peu incertain, je ressors à nouveau mon portable, seul le reflet de la photo de mes deux fils et de Sloane sur le fond d’écran me répond. Je joue avec mon alliance dont je n’ai jamais réussi à me défaire. Qu’aurait fait Sloane. Je compose le numéro d’Eva, que j’ai appris par cœur pour en avoir un de secours. Tombe directement sur la messagerie. Ce qui ne fait que d’augmenter mon inquiétude. « Eva, c’est Leo, j’espère que tout va bien. Rappelle-moi si tu as ce message. » J’ai des doutes qu’elle le fasse. Dans l’heure qui suit, je laisse à nouveau deux messages, de plus en plus inquiet. Sans nouvelles. J’allume la télé comme pour me rassurer en n’entendant aucun fait concernant une jeune femme blessée par les incendies sur la nuit aux infos qui tournent en boucle sur la chaîne locale. 
 
Presque cinq heures du matin, je n’ai toujours pas fermé l’œil. Je retourne m’accouder à l’îlot, la fatigue commence à me guetter, mais l’inquiétude est plus forte, me faisant à moitié somnoler, incapable de savoir l’attitude à tenir. La tête dans les mains, un sursaut me surprend quand la porte de l’entrée s’ouvre. Je relève le regard, comme pour réaliser que je suis toujours là, dans la pénombre. Doucement, je m’extirpe de la chaise alors que la silhouette d’Eva se dessine devant moi. « Leonard! Tu m'a fait peur. » Mon cœur s’accélère un peu, le soulagement et une pointe de colère qui émerge. « Toi aussi, tu m’as fait peur. » Mais pas pour les mêmes raisons, le ton est sans doute un peu trop réprobateur, comme si je m’adressais à une adolescente qui n’a pas respecté le couvre-feu. « Tu n'es pas bien? Où sont les garçons? » Pas bien n’est pas tout à fait le mot. « J'étais mort d’inquiétude, Eva, tu étais où ? Tu ne réponds même pas au téléphone. » Dans ma voix, une pointe de colère qu’elle n’a sans doute jamais entendue quand je m’adresse à elle. « Il y a des incendies dehors… tu peux pas… » Elle peut, je m’arrête, elle peut faire ce qu’elle veut, ne me doit rien. Mon regard se pose sur ses vêtements, sa coiffure un peu débraillée, les talons qu’elle a déposés dans le couloir. Elle était avec un homme, cette idée m’arrache un pincement que je refuse d’accepter. Et pourtant… il est là.« T'avais éteint ton portable ? » Je ne sais pas pourquoi cette idée me blesse...

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Sortir avec Joel lui avait fait un bien fou. Ces derniers temps, elle avait eu l'impression de n'avoir eut que deux casquettes; celle de la booking agent et de la nounou des garçons Carlson. En comptant Leonard. Il s'était passé tellement de choses en peu de temps et comme elle avait profité de chaque instant de libre pour le passer avec des hommes qui ne voulaient pas d'elle, le fait d'avoir eu le droit à un second rendez-vous avec le blond lui avait fait l'effet d'un baume au coeur. Elle avait eu le droit à une seconde chance de profiter de sa présence et de rêver un peu à un avenir avec lui. Certes, ce n'était qu'un second rendez-vous mais elle n'oubliait pas son sourire lorsqu'elle lui racontait quelque chose ou sa manière de s'assurer qu'elle voulait bien coucher avec lui et qu'elle ne disait pas oui parce qu'elle n'osait pas dire non. Ou pire; que le vin rouge avait trop pris le dessus pour refuser. Il avait été gentil, tendre et intéressé. Et ça contrastait énormément avec les autres rencards qu'elle avait eu ces derniers temps. Elle s'autorisait à espérer qu'il la rappellerait, elle s'imaginait déjà le présenter à Leonard et... Leonard... Cette soirée avec Joel avait également été l'occasion de moins penser au père de famille. A cette proximité qui était née entre eux et à cette vie de famille qu'elle pouvait toucher du doigt. Mais ce n'était pas sa famille. Noah et Archie n'étaient pas de son sang et elle ne partageait pas son lit avec le mari de sa meilleure amie. Tout ça n'était qu'une illusion. Elle n'était que l'amie qui donnait un coup de main dans une famille déjà composée et soudée. Tout ça... Elle devait le construire avec quelqu'un d'autre. Rencontrer sa famille, emménager ensembles, attendre une demande en mariage puis tout faire pour tomber enceinte. C'était des étapes qu'elle n'avait jamais franchi, tout était à faire.

En rentrant, elle n'attendait qu'une chose; boire un grand verre d'eau et s'écrouler dans son lit pour enfin dormir quelques heures et pourquoi pas... Rêver de ce futur avec Joel? Une douche ne sera clairement pas de refus ensuite au réveil. Mais la réalité, sa vraie vie de scouateuse chez les Carlson lui retombe violemment dessus lorsqu'elle se retrouva devant Leonard. Ce dernier avait les cheveux en bataille et des cernes lui tombant jusqu'au sommet de ses pommettes. « Toi aussi, tu m’as fait peur. » Son ton la surprend. « J'étais mort d’inquiétude, Eva, tu étais où ? Tu ne réponds même pas au téléphone. » Machinalement, Eva recule d'un pas. Elle savait pourtant qu'elle ne risquait rien en la présence de Leonard mais c'était plus fort qu'elle; un homme énervé l'inquiétait toujours. D'autant plus qu'elle n'aurait jamais cru entendre ce ton venant de lui. « Je... » Elle n'a pas vraiment la place pour donner son avis. Son coeur commence à battre plus rapidement dans sa poitrine et ce n'est pas des papillons dans le ventre qu'elle ressent à ce moment là. « Il y a des incendies dehors… tu peux pas… » Cette phrase la fait tiquer. Comment ça elle ne pouvait pas? Il lui avait donné sa soirée. Comme un patron donne sa soirée à sa jeune fille au pair. Comme une employée. Chose qu'elle n'était pas. « T'avais éteint ton portable ? » Un peu brusquée, elle secoue la tête et fouille dans son sac à main pour sortir son téléphone portable. L'écran est noir. Elle soupire. « Non, il n'a plus de batterie. Tu veux voir l'écran comme preuve tant que tu y es? » Elle se rend compte qu'elle a aligné son ton sur celui de Leonard. Elle avait l'impression d'être une adolescente qu'on reprenait parce qu'elle était rentrée plus tard qu'autorisé. Pour une fois qu'elle avait pu profiter d'une soirée... « Je ne suis pas assez idiote pour aller danser au milieu des flammes Leonard. »

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Dans la pénombre, il est difficile de voir les expressions de son visage, et pourtant, il me semble que j’y lis de la peur, couplée au pas qu’elle fait en arrière pour s’éloigner un peu de moi. J’essaie de me montrer plus doux ; la peur me fait réagir comme un père en colère contre sa fille rentrée trop tard, mais elle n’est pas ma famille, pas ma femme, tout juste mon amie et elle ne me doit rien, alors pourquoi est-ce que je ressens ce creux dans mon ventre, cette impression d’avoir été trahi ? « Je… » Les mots semblent lui manquer et rapidement, je m’en veux de nous avoir mis dans cette situation. Qu’est-ce que je fais là ? À l’attendre au milieu de la nuit, à demander des comptes à une femme qui a abandonné sa propre vie pour venir me soutenir et prendre soin de ma famille. J’essaie de tempérer mes propos, de lui faire comprendre que je me suis inquiété à cause des incendies. Mais à son regard, je comprends que mon argumentation n’est pas suffisante et qu’elle m’en veut de la traiter comme une enfant. « Non, il n'a plus de batterie. Tu veux voir l'écran comme preuve tant que tu y es? » Le ton m’étonne pourtant un peu, l’attitude aussi. « Je… non… » Je baisse les yeux, me sens honteux, je n’ai qu’une envie, retourner dans ma chambre et oublier cette altercation.

« Je ne suis pas assez idiote pour aller danser au milieu des flammes, Leonard. » Tous mes propos semblent d’un coup déplacé, réinterprétés par Eva pour me donner le mauvais rôle. « J’ai pas dit ça ! » Je me défends avec un peu plus de hargne que prévu. Comme pour faire descendre un peu la tension, je retrouve ma place sur mon siège et soupire longuement. « Je me suis inquiété, c’est tout… » Je n’ai pas envie de m’excuser pour ça et pourtant, je sens bien que je devrais le faire, que c'est sans doute ce qu'elle attend de moi. « Je sais bien que tu n’es pas idiote, mais…  Il y a eu des morts, et je doute qu’ils étaient tous idiots… Un accident est vite arrivé et… » Et je ne peux plus imaginer ma vie sans elle, une information que je ne peux toutefois pas lui livrer aussi frontalement, je le sais bien. « Tu répondais pas… » Je tente de percevoir son regard, de savoir si elle est encore en colère, si elle m’en veut. « Mais apparemment, tu as juste passé une bonne soirée. » Le ton est un peu plus amer qu’il ne le devrait sans doute, je me déteste de lui parler comme ça, de lui donner l’impression qu’elle n’a pas le droit d’avoir des moments à elle, et pourtant, je sens que je suis jaloux, que je lui en veux de trouver du plaisir avec un autre homme, alors pourtant que je serais bien incapable de lui en donner autant. Une situation qui devient de plus en plus floue et complexe dans mon esprit, me poussant à me demander si faire emménager Eva dans notre maison était vraiment une bonne idée.

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« J’ai pas dit ça ! Je me suis inquiété, c’est tout… » Eva fronça un peu les sourcils. Pourquoi n'avait-il pas commencé par juste dire ça? Au lieu de lui rentrer dedans comme s'il lui en voulait pour d'autres raisons. L'inquiétude, ça elle pouvait comprendre et accepter. Remis dans le contexte, effectivement, elle aussi se serait inquiétée si elle ne l'avait pas vu au petit matin après qu'il se soit absenté durant une soirée. « Je sais bien que tu n’es pas idiote, mais…  Il y a eu des morts, et je doute qu’ils étaient tous idiots… Un accident est vite arrivé et… Tu répondais pas… » En sortant avec Joel ce soir, Eva et lui avaient bien sur surveillé les dernières actualités. Comme elle venait de le dire, ils n'étaient pas assez idiots pour aller boire un verre trop près des flammes. Bien que la brunette ne faisait pas vraiment parti de la famille Carlson, elle ne prendrait pas le risque qu'ils doivent assister à un deuxième enterrement dans leur entourage en si peu de temps. Elle comprenait que Leonard ait pu s'inquiéter mais le ton employé n'avait pas été adéquat selon elle. Il lui avait donné sa soirée, elle était majeure et vaccinée et elle avait surement suffisamment montré et prouvé sa maturité quant au danger depuis qu'elle était arrivée sous leur toit. « Mais apparemment, tu as juste passé une bonne soirée. » Elle allait se radoucir avant d'entendre ces paroles. C'était quoi ce ton de nouveau? Elle avait l'impression de devoir culpabiliser d'être sortie alors que c'était exactement ce qu'il lui avait dit de faire ce soir là. Elle n'avait peut-être pas passé assez de soirées dans sa chambre, seule pendant que les enfants dormaient et qu'il s'était endormi sur le canapé? Elle s'était toujours arrangée pour que ses rancards se passent en journée, elle s'était accordée une seule soirée et Leonard semblait le lui reprocher. Elle avait juste envie que cette conversation se termine. Le jour n'allait pas tarder à se lever sur Brisbane et tous les deux allaient sûrement dire des choses qui allaient dépasser leurs pensées à cause de la fatigue. « Tu as encore autre chose à me reprocher? » demanda-t-elle, les bras croisés sur sa poitrine.


Eva le cachait à Leonard mais une des raisons de son éternel célibat c'était qu'elle vivait ici et qu'elle s'occupait des enfants d'un autre. Les hommes qui avaient bien voulu lui donner une raison avant de fuir l'avaient dit; ils ne pouvaient pas sortir avec quelqu'un qui vivait sous le même toit qu'un autre homme qui pourrait être son mari étant donné leurs âge et leur situation sentimentale quasi identique. Bien que dans le fond, elle ne savait pas si Leonard avait recommencé à voir des femmes. Ou une femme. Il lui avait dit que non mais peut-être par pudeur. Son coeur se serra et elle soupira. Ça ne servait à rien d'envenimer les choses comme ça. Elle alla se poster à côté du jeune homme et pris appui sur le plan de travail. Elle hésita puis tourna le visage vers lui. « Il faut que je te pose la question Leonard... » Et sa réponse la terrorisait. « Est-ce que ça te pose problème que je vois des hommes tant que je serais là pour vous aider? » Parce que si c'était le cas, elle devra prendre une décision. Impossible mais elle devait savoir si elle allait devoir choisir entre sa quête du prince charmant ou rester célibataire jusqu'à la majorité d'Archie et Noah. Jusqu'à ce qu'ils n'aient plus besoin d'elle. « Parce que si tu penses que ça peut être un problème dans l'équilibre de cette maison il faut... que je sache. » Son but n'était pas de le mettre mal à l'aise ou de mettre mal à l'aise les garçons. Bien qu'elle soit discrète.

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L’impression que ma bouche n’est plus connectée à mon cerveau, qu’elle parle sans ma permission et me fait dire des choses que je devrais garder pour moi. Ce ton insupportable qui fait grésiller mes propres oreilles, assez pour que je ne puisse même pas lui en vouloir de me questionner avec agacement. « Tu as encore autre chose à me reprocher? » La simple posture de son corps m’indique qu’elle m’en veut. « Non… » Je souffle les mots un peu coupable. Une partie de mon cerveau est capable d’entendre son agacement de se rendre compte des sacrifices qu’elle a faits pour aider ma famille, pour m’aider moi. L’autre, plus animal, incapable de se raisonner et de faire taire l’agacement qui me gagne, la colère, la jalousie inexplicable et surtout inexprimable.

Le silence retombe dans la pièce, je devrais sans doute aller me coucher, mettre fin à cette altercation que je n’ai aucune envie de poursuivre. Et pourtant, je ne bouge pas, je la laisse venir se poser à côté de moi, je la regarde s’accouder, sentant son désarroi et son indécision. « Il faut que je te pose la question, Leonard… » Mon regard se tourne vers elle, je voudrais allumer une lumière de plus pour voir un peu mieux son visage, pour décrypter les émotions qui se jouent en elle à cet instant, sa voix que je sens un peu hésitante. « Est-ce que ça te pose problème que je voie des hommes tant que je serai là pour vous aider? » La question semble réveiller une angoisse nouvelle en moi. La sensation que si je n’ai pas la bonne réponse, elle pourrait partir, nous quitter pour de bon… Me quitter. « Parce que si tu penses que ça peut être un problème dans l'équilibre de cette maison, il faut… que je sache. » L’équilibre de la maison… Est-ce que c’est vraiment ce qui m’inquiète, ce qui m’a poussé à rester debout toute la nuit ? « Non… Non, ce n’est pas un problème pour l’équilibre…. » Je me cache derrière les mots, je le sens, je crois qu’elle le sait, je sens son regard pressant sur moi. « Ce n’est pas…. » L’impression que ce mensonge ne peut pas quitter mes lèvres, parce que je sais que je n’y crois pas vraiment, je voudrais lui dire que je n’ai aucun problème, qu’elle est libre…. Mais les mots restent coincés dans ma gorge, mon cœur se serrant. « J’en sais rien, je suis… » Perdu, frustré, incapable de lui livrer une version correcte de ce qui est en train de se jouer dans mon cerveau. « Je crois que je suis un peu confus… t’avoir ici, passer mes soirées avec toi, partager mes états d’âme, l’éducation de mes fils, c’est troublant…» C’est trop sans doute, trop pour nous deux et notre amitié naissante. « Je pourrais presque croire que tu es elle, que tu peux simplement la remplacer, mais… » Mon regard se relève sur elle, croisant ses pupilles foncées et ses yeux fatigués créant un sentiment étrange en moi. « Ce n’est pas le cas. » C’est sans doute la simplicité de le croire, de la considérer comme je le faisais avec ma femme. De voir naître des sentiments interdits, sans savoir dire s’ ils lui sont dédiés ou sont un souvenir de ceux que j’ai pour Sloane… « J’ai… besoin de dormir. » Avant de lui en dire plus, de lui en dire trop pour que ça soit réparable après une bonne nuit de sommeil.

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Eva craint la réponse de Leonard. S'il lui disait qu'en effet, le fait qu'elle voit des hommes pourrait poser problème dans l'équilibre de la famille Carlson, elle serait complètement perdue. Elle aspire à trouver l'homme de sa vie, à fonder sa propre famille et avoir sa propre maison. Les trois garçons ont, cependant, pris une place immense dans sa vie. Qu'il soit en matière de temps et de sacrifice mais aussi de joie et de guérison. Il lui serait impossible de choisir entre les Carlson et une relation amoureuse. Même si pour le moment, cette relation n'existe pas. Elle ferme douloureusement les yeux, dans la pénombre, et elle serre discrètement les poings à en faire pâlir ses jointures. Ne me fais pas choisir. Ne me fais pas choisir. Ne me fais pas choisir. Il semble hésiter à son tour, chercher ses mots. La jeune femme peut sentir le sang quitter son visage. « Non… Non, ce n’est pas un problème pour l’équilibre… Ce n’est pas… J’en sais rien, je suis… » Pourtant il semble toujours hésiter. Eva ne supporterai pas un mensonge. Elle ne pourrait pas tolérer qu'il lui dise que non s'il pense le contraire. C'est un sujet bien trop important pour elle et il le sait. « Ne joue pas avec ce sujet je t'en prie. » Sa voix se brise un peu. Mais Leonard reprend la parole et à présent, Eva a l'impression qu'on lui vide une bassine d'eau glacée sur la tête. « Je crois que je suis un peu confus… t’avoir ici, passer mes soirées avec toi, partager mes états d’âme, l’éducation de mes fils, c’est troublant… Je pourrais presque croire que tu es elle, que tu peux simplement la remplacer, mais… Ce n’est pas le cas. » Une nausée lui monte dans la gorge et son coeur semble s'emballer dans sa poitrine. Elle a entendu et compris les mots de Leonard mais malgré le flot de pensées qui se mélange dans sa tête actuellement, la seule chose dont elle est vraiment capable de se rendre compte c'est le fait que son coeur ne s'était pas emballé de cette manière avec Joel. Pas avec Joel, ni Joachim, ni tous les autres hommes avec qui elle avait passé du temps ces derniers mois. « J’ai… besoin de dormir. » Elle entend le tabouret glisser sur le sol mais elle réalise qu'elle doit agir avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il ne soit monté dans sa chambre et que cette conversation ne soit plus jamais abordée. Eva attrape le poignet du jeune homme pour le retenir. « Leonard... Je ne suis pas Sloane et personne ne peut la remplacer. » Volontairement, elle ne parla pas du trouble qu'il évoquait parce qu'elle voulait surtout qu'il se rappelle que la femme qu'il a aimé était irremplaçable. Et c'était probablement la seule et meilleure chose à lui rappeler en ce moment même. Son décès était encore récent et tout les deux avaient déjà parlé de leur deuil. Il n'était pas terminé et les sentiments qu'il ressentait toujours pour elle n'allaient pas s'évaporer en quelques semaines. Il l'aimait toujours et la confusion était probablement tentante mais effectivement... Elle n'était pas sa femme et ce n'était pas pour Eva qu'il ressentait quoi que ce soit. C'était pour ses souvenirs avec elle et leurs habitudes ensembles qu'il ressentait encore quelque chose. Et jamais Eva ne pourrait les remplacer. Elle fronça les sourcils, se rappelant de quelque chose. « Avant que tu n'ailles dormir, j'aimerai te montrer quelque chose. » Peut-être qu'elle cherchait quand même un peu à se faire pardonner d'être rentrée au petit matin. La brune ne lâcha la main de Leonard qu'en arrivant à l'étage, dans sa chambre. Elle ouvrit le placard "caché" qu'il lui avait montré l'autre jour, là où il cachait son obsession pour les chapeaux. « J'espère que tu ne m'en voudras pas mais je me suis dit que ça te ferait plaisir. » Elle alluma la lumière et sous leurs yeux, ils découvrirent la décoration qu'elle avait fait pendant qu'il était au travail. Juste avant que les feux ne commencent. Elle s'était arrangée pour fixer harmonieusement tous les couvre chefs de Leonard au mur. Il n'avait plus besoin de les cacher ni d'en avoir honte. L'espace du placard s'était un peu amenuisé, elle pouvait sentir le parfum du jeune homme lui arriver aux narines. Elle pouvait surement renier le trouble qu'il y avait entre lui et elle à cause du décès de sa femme mais elle allait avoir bien du mal à renier son propre trouble en présence du bouclé.

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La peur me prend au ventre maintenant, l’inquiétude d’avoir tout gâché, de voir à nouveau l’équilibre précaire que nous avons construit se détruire. D’infliger ça à mes fils, qui n’ont rien demandé, qui ne sont pas responsables de mes états d’âme et des tourments de mon être. Pourquoi la jalousie me ronge, est-ce que ce n’est qu’une projection de ma femme que je fais sur elle ? Quelque part, j’ai envie de m’en persuader, parce que si ce n’est pas le cas, alors les choses vont se compliquer, et je ne suis pas prêt à voir ça arriver. À troubler le semblant de paix que la présence d’Eva a ramené dans la maison et dans mon esprit. Ma tirade finit, et le besoin de m’évader se fait plus grand de repousser la conversation qui pourrait découler de cet aveu incontrôlé. Je me lève pour quitter la pièce quand sa main attrape mon poignet, un contact qui me provoque un frisson inattendu, mes poils s’hérissant sur ma peau. « Leonard… Je ne suis pas Sloane et personne ne peut la remplacer. » Je la regarde et je sais, je sais qu’elle n’est pas Sloane, je ne sais pourtant pas pourquoi mon cœur continue de s’emballer à son contact, pourquoi je ne peux faire taire cette envie de la prendre dans mes bras et de me faire pardonner mon affront. « Je suis un peu perdu, Eva. » Je lui livre la vérité brute, la seule qui est entendable. Le mélange des émotions, la fatigue, la proximité de son corps dans la pénombre qui m’ébranle.

« Avant que tu n'ailles dormir, j'aimerai te montrer quelque chose. » Le ton a radicalement changé, un peu plus taquin, un brin enthousiaste. Il me semble qu’en quelques secondes, elle a réussi à faire revirer mes états d’âme. Sans répondre, je la suis, sa main venant glisser dans la mienne pour m’emporter jusqu’au haut des escaliers et ouvrir un placard que je connais bien. « J'espère que tu ne m'en voudras pas, mais je me suis dit que ça te ferait plaisir. » Mes yeux s’écarquillent devant ce spectacle. Chaque chapeau à sa place, mise en avant de manière élégante et simple. Sorties de leur cachette pour se montrer au grand jour. Je sens l’émotion me saisir, ma vision se brouiller un peu. « C’est… parfait. » Mon regard cherche le sien, le voile toujours présent s’estompant quand une goutte vient quitter mes yeux. Je ne peux pas expliquer pourquoi cet acte me touche autant. Comme si, contrairement à Sloane, Eva me reconnaissait, acceptant mon petit penchant de bizarrerie et voulait le mettre en avant. Ma main vient rapidement essuyer la larme pour lui adresser un sourire plus franc. « Ça me touche beaucoup. » Je pense qu’elle l’a déjà vu, mais je me sens obligé de lui dire. « Je suis vraiment trop con… Je suis désolé, Eva. » Je finis quand même par lui glisser. La peur au ventre qu’elle décide de quitter la maison, de me soustraire de ces instants de bonheur qu’elle m’apporte. « J’aurais juste dû te demander si tu as passé une bonne soirée ? » Peut-être qu’une partie de moi va détester d’entendre la réponse, de savoir qu’elle s’est sentie mieux avec un autre. « Il a été gentil avec toi ? » Je connais une partie de ses antécédents, et une forme primaire protectrice me prend quand j’imagine qu’on peut lui faire du mal. Pourtant, ce soir, c’est sans doute moi qui lui en ai fait.