Welcome to the ghost flat, no roommates in sight
@Dina Reyes @Sara Gutiérrez  @Willow Storm  @Primrose Wheeler  
 

« T’as deux loyers de retard et en plus tu penses que j’vais t’aider avec tes cartons ?! » J’avais bien tenté de lui faire les yeux doux, mais rien à faire, il voulait que ma chambre soit vide avant quinze heures. « Laisse tes clefs dans la boîte aux lettres. » avait été sa dernière phrase avant de claquer la porte derrière lui. Ok, j’étais un peu compliquée à vivre, mais de là à être aussi dramatique…
Du coup, pas le choix, j’avais appelé quelques amis, principalement des gros bras, pour m’aider, et puis au milieu de tout ça Isabel, qui faisait un peu tâche, mais qui était d’une grande aide. Et on s’était tous mis au travail : remplissant carton après carton. J’avais l’impression d’avoir des montagnes d’affaires, de vêtements, de chaussures et de babioles en tout genre… mais une fois dans des boîtes, au final, ma vie était contenue en six ou sept cartons. Je n’avais pas de vaisselle, ayant tout laissé dans la coloc précédente, pas de meubles ; seulement un matelas une place et un petit tapis de couleur verte. Ouais, c’était ce que j’avais de plus imposant : ça, ma guitare et quelques planches de skate. Le reste, c’était des papiers, posters, photos et vêtements.

« Mets l’adresse dans le GPS, on va prendre le matelas et ce sera bon. » Heureusement qu’un ami de l’époque du lycée a une voiture, parce qu’évidemment, mon nouveau logement est quasiment à l’autre bout de la ville, et non, je n’ai pas embauché de vrais déménageurs, ni loué de camionnette… De toute façon, je n’ai même pas le permis ! Tout rentre sans mal dans le coffre, le 200 Hughton Avenue à Redcliffe est entré dans le GPS, et on est en route ! Il n’y a pas à dire, c’est vraiment agréable d’avoir des potes sur qui compter ! Enfin, ça, c’est ma pensée durant le trajet. Une fois devant le bâtiment, mes affaires vidées de la voiture pour finir sur le trottoir, et mon pote qui referme le coffre avant de remonter en voiture et de m’abandonner en indiquant avoir "autre chose à foutre"… d’un coup, je suis un peu moins reconnaissante et je commence à douter de la qualité de mes amis. Mais c’est un détail.

Je suis sur le point, quand même, d’emménager dans un lieu que je n’ai jamais visité, avec un groupe de filles que je n’ai jamais rencontrées… c’est un sacré pari. J’ai seulement eu une certaine Dina au téléphone, une fois, et par mail également, pour la signature du bail. D’ailleurs, sur le papier, le loyer est raisonnable (en même temps, à cinq, forcément), et on m’a indiqué que ce qui sert actuellement de bureau sera ma chambre. Je n’ai rien à redire là-dessus, à mes yeux c’est du grand luxe ! J’ai déjà dormi deux semaines dans une baignoire, donc un bureau, c’est parfait. Puis quoi qu’il arrive, je n’ai pas trouvé d’autre option plus rapide que celle-ci. C’est ça ou la rue, donc ma signature a très vite trouvé sa place sur le bail.

La voiture de mon pote s’éloigne et j’observe l’extérieur du bâtiment. Les grandes vitres de cet ancien entrepôt, ce look un peu new-yorkais — enfin, que j’associe à New York, sans avoir jamais mis les pieds en dehors de Brisbane — ce lieu dégage vraiment une bonne vibe ! Bien mieux que l’appartement sombre que je viens de quitter (*dont on m’a virée, serait plus juste). Je me félicite intérieurement pour cette décision précipitée. Encore une fois, ma bonne étoile est là pour moi.
Je tente laborieusement de mettre mes cartons sur mes planches à roulettes (work smarter, not harder) et enfin je me jette à l’eau et sonne à la porte. Angoissée ? Un peu, oui. Je n’ai pas l’habitude des colocs uniquement féminines alors j’ai un peu peur de ce que ça va donner… La porte s'ouvre en quelques minutes sur une petite brune, latine, aux grands yeux bruns et à l'aura solaire. « Euh, salut, j'suis la nouvelle coloc. » que j’annonce en agitant la main en guise de salutation. J'ai ma veste de survêtement oversized qui a un peu pris la poussière durant le déménagement, une brassière qui, du coup, laisse entrevoir une griffure sur mon ventre après avoir porté n'importe comment mes cartons... Je ne sais pas trop quelle première impression je fais dans cet état, mais bon, on va dire que ça compte pas vraiment, hein ? Même si soyons clairs : en temps normal, j'ai le même look, juste un peu moins poussiéreux.