restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry & PABLO 12/2024 - galerie d'art

C’était une erreur. Il n’y a rien de plus simple que cette explication tranchée dans le vif de cette attirance à laquelle ils n’ont pas su résister : une malheureusement aberration qui ne doit pas se renouveler. Il tente de se faire une raison, Izan, il essaye de la placarder sur toutes ses pensées pour en faire une loi immuable, mais les horloges de son coeur et de son esprit ne fonctionnent pas avec les mêmes aiguilles : la première est indisciplinée et la deuxième joue les modèles de vertu. Elles divisent la chair de ses réflexions et envies, ces aiguilles, elles les déchirent en deux inconciliables morceaux mal assortis qui s’affrontent pour la première place. Car la configuration des triangles amoureux, Izan ne connait que trop bien, il a déjà hérité de nombreuses blessures à force de se confronter à cette place peu enviable de dernier arrivé dans une équation sentimentale, et il n’a aucune envie de perdre davantage de morceaux de lui-même ; c’est qu’il n’y aurait plus grand-chose pour le maintenir debout, après. Alors, même si, entre eux, c’était une passion presque adolescente profondément enracinée dans le coeur, même s’ils se dévoraient comme s’il n’y avait rien d’autre à espérer de la vie que ce contact entre leurs peaux, leurs lèvres et leurs mains, Izan tente de renoncer à attendre autre chose de ces quelques heures dérobées en secret.

Sur papiers, donc, le renoncement est simple, presque trop sommaire pour ne pas être trompeur, pour ne pas le faire batailler avec les sentiments qu’il trimballe sans trop savoir quoi en faire. Se dire « je n’attends rien » ne ramène malheureusement pas à la réalité associée, et même si l’alcool a suffisamment délié sa langue pour qu’il envoie ces stupides et foutus sms, cela lui semble plus facile au fil des jours qui s’égrènent dans un schéma presque répétitif : ils se voient seulement pour l’élaboration de l’album, se lancent quelques regards qui s’éternisent un peu mais trop, certes, mais les yeux ont beau se chercher, s’effleurer et se caresser, aucun des deux musiciens ne franchit la barrière interdite ; voilà qu’il deviendrait presque raisonnable, le terrible garnement. Il ne nierait pas qu’être en présence de Maxime remue quelque chose en lui, mais le quelque chose est tout aussi douloureux que doucereux : il sait, aujourd’hui, reconnaître les symptômes de l’amour, mais il est tellement terrifié à l’idée d’en être malade qu’il ne questionne même pas le diagnostic que le médecin pourrait poser sur son cas. Il sait pas, lui, s’il est capable de composer avec le fait d’aimer un homme qui appartient à un autre. Mais ils sont lourds, ces fourvoiements cachés, ces pensées secrètes, ces espérances inavouées, mais ils sont surtout vecteurs de vérités qui jouent les bourreaux : il n’est jamais assez pour les autres, n’est-ce pas.

’’C’est ici, t’es sûr ?’’ Lynda le demande en passant les portes de la galerie, pendant qu’il traîne les pieds derrière elle, souffrant d’un mal de tête qui n’en finit plus — c’est ce qui arrive quand on force trop sur l’alcool, qu’elle lui a dit ’’Bon, tu le vois ?’’ il ne voit plus grand-chose, Izan, et la luminosité est beaucoup trop forte pour lui être confortable alors, il plisse légèrement ses paupières en balayant l’assemblée du regard, sans que les visages ne se détachent véritablement les uns des autres. ’’Quedal.’’ et il n’a pas vraiment envie de le voir, là tout de suite, surtout après ces putains de sms envoyés cette nuit — elle grogne en se retournant vers lui, comprenant peut-être qu’il ne lui sera d’aucune aide dans son état, alors elle le fusille du regard avant de claquer un ’’Je vais le chercher, bouge pas.’’ ce n’est pas comme s’il pouvait aller bien loin mais, pour ne pas rester planté au milieu du chemin, il s’aventure mollement devant les premiers tableaux que ses yeux rencontrent, sans être véritablement effleuré par leur symbole ; rien de personnel, Izan n’a jamais connu la moindre inclinaison pour les tableaux et fresques qui amassent des populations entières sous une cloche d’admiration : il peut reconnaître le talent de l’artiste, dont le coup de pinceau est remarquable mais, il ne se sent guère porté par une quelconque effusion admirative. ‘’Ça vous plait ?’’ passant le bout de ses doigts contre sa paupière curieusement lourde et douloureuse, Izan pivote sur ses pieds pour rencontrer l’homme qui s’adresse à lui. Il lui sourit, du moins, c’est un sourire factice qu’il lui vend, comme la brèche du piège que l'hispanique ne voit pas venir ’’Pas vraiment, non.’’ son excès d’honnêteté ne l’empêche pas de sourire à son tour avec quiétude, si bien qu’il glisse même son autre main dans la poche de sa sur-chemise blanche et noire. ’’Je n’aime pas trop l’art figé, je préfère…’’ -‘’La musique.’’ il allait plutôt dire « ce qui est en mouvement » mais, quelque peu désarçonné par cette approche, il plisse légèrement ses paupières en examinant plus attentivement le visage de son interlocuteur, sans véritablement remettre son identité sur l’éclat curieux de ses yeux, rapaces qui tient sa proie et qui n’attend qu’un moment opportun pour l’emporter avec lui. ’’On se connait ?’’ Pablo, ondulant son menton de gauche à droite, demande plutôt : ‘’C’est Maxime que vous venez voir ?’’ machinalement, les yeux du pianiste bifurquent de gauche à droite à la recherche de Lynda mais, comme il ne trouve pas la silhouette de son assistante, il rétorque en n’ayant toujours pas assimilé qu’il s’agit du conjoint de son collaborateur : ’’Il y a eu un problème avec le dernier enregistrement, il faut rec…’’ - ‘’Il est là-bas.’’ en grattant le coin de sa mâchoire, Pablo commence à s’éloigner et, même si Izan trouve son attitude curieuse, il lance un dernier regard en direction de la foule — faudrait pas que Lynda pense qu’il est parti sans elle, avant de lui emboiter le pas, pressé d’en finir avec cette foutue collaboration.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva & PABLO 12/2024 - galerie d'art

Son souffle se coupe lorsque ses prunelles aux lueurs de miel se posent sur le SMS d’Izan, avant que tout son corps ne réagisse à ces quelques mots brûlants. Je te veux, ce sont les mots qu’il lui a susurré dans le studio d’enregistrement, avant qu’ils ne franchissent tous les interdits. A tour de rôle, les deux hommes manifestent ce désir ardent qui les consume, qui les font souffrir autant qu’ils leur procurent du plaisir. Parce que c’est bon, c’est grisant de désirer une personne, mais on déchante bien vite quand on se rend compte qu’un des deux protagonistes est en réalité en couple, bien installé dans sa relation depuis sept ans, et qu’il n’a pas pour projet de la quitter pour une relation tumultueuse qui verra peut-être la même conclusion qu’à Paris. Ils ont eu beau se couvrir de baisers avant de se quitter, le constat était malgré tout sans appel, et ils ont osé le prononcer à voix haute, pour que ce soit clair : ils ne doivent pas recommencer. Ils ne peuvent pas, et Izan brise cette promesse avec ces messages. Mes mains veulent ta peau, mes lèvres veulent ta bouche. Un soupir envieux s’échappe de ses lèvres alors qu’il repose lourdement sa tête sur son oreiller. Max ne sait pas que Pablo a aperçu ce message dans la nuit, par contre ce qu’il sait, c’est qu’il crève d’envie de lui répondre, à l’hispanique. Lui aussi, il le veut, il lui a déjà dit, et il le veut encore, même s’il a déjà eu son corps contre le sien. Il est accro, le français, si bien qu’il accepterait l’idée d’être collé à lui durant des journées entières. Mais Izan a raison, il ne va pas lui répondre… il ne doit pas le faire, il ne doit pas céder à cette plainte envieuse et excitante de son corps. Pour résister, Maxime décide de s’éloigner de son téléphone, qu’il laisse sur le lit. Il ressent aussitôt le besoin de passer sous le douche, pour se remettre de ces émotions qui le submergent et qui le font douter de tout aujourd’hui. Le français comprend ce que son cœur lui chante, il réalise la force de ses sentiments pour Izan, mais il ne prévoit pas de quitter Pablo pour lui… c’est égoïste, mais rien ne lui garantit qu’il ne le fera pas souffrir une seconde fois. C’est injuste pour l’espagnol, mais Maxime refuse de laisser l’hispanique piétiner son cœur comme il l’a fait à Paris. S’il a réussi à le convaincre de ne pas avoir voulu l’utiliser pour lancer sa carrière, Izan ne l’a pas convaincu à propos du fait qu’il ne l’a pas fréquenté rien que pour s’amuser, et profiter. Le français n’en est plus là dans sa vie, il ne veut pas juste coucher pour coucher. Ce qu’il veut, Max, c’est l’aimer tout entier. Je te veux, toi. Les mots résonnent dans sa tête, malgré l’eau qui ruisselle de ses épaules jusqu’à son torse, pour finir sa course sur le receveur de la douche. Il a beau fermer les yeux, pour assourdir encore davantage ses pensées en passant son visage sous le pommeau de douche, mais il n’y arrive pas. Il le veut aussi, il le veut si fort. Mis à part assouvir cette frustration tout seul ce matin, c’est tout ce qu’il aura, le français.

Pablo est déjà parti ce matin parce qu’il s’agit d’un jour important pour lui : ses œuvres sont exposés dans une galerie importante à ses yeux, alors il doit encore tout préparer que ce soit parfait. C’est pour cette raison qu’il n’explosera pas devant Maxime, après avoir lu le SMS. Pourtant, des choses, il en aurait tout un tas à dire ; Pablo n’a jamais vu cette collaboration d’un très bon œil, depuis le début, puisqu’il connait le passé commun d’Izan et de son compagnon. Il s’est montré réticent, il en a fait part à Maxime pour qu’il sache véritablement dans quoi il s’embarquait en acceptant le contrat. Certes, ce serait important pour sa carrière, mais Pablo accentua énormément le côté psychologique de ce travail auprès de l’homme qui l’a détruit sept ans plus tôt. Il se souvient, l’avoir ramassé à la petite cuillère. Il se souvient, du ressentiment, de la déception, du dégoût, de la colère… et il ne veut pas que ça entrave son histoire avec Max. Autant dire que c’est raté, puisque le célèbre pianiste se permet de lui faire des avances très brûlantes par message. Il n’oublie pas, il tempère juste. Ce n’est pas le moment d’entrer dans un état de furie, car le plus important pour le moment, c’est son expo. Il est prévu que Maxime le rejoigne en début d’après-midi, pour l’aider et que tout soit prêt à 18h. Il remarque bien, le français, que quelque chose ne va pas chez Pablo, qui surveille lui aussi le comportement de son amant. Rien ne laisse supposer que Maxime ait répondu favorablement à de telles avances, même passées, puisque rien n’a changé dans sa manière d’être avec lui (et pourtant, s’il savait). Il ne lui dira rien à la galerie, il ne veut pas gâcher son moment, mais le français sait qu’une discussion est nécessaire en rentrant ce soir, sauf s’il ne s’agit là que du stress de l’expo, ce qui est aussi probablement le cas. Malgré l’envie d’être possédé tout entier par l’hispanique, Maxime est présent, et il se fait violence pour l’être complètement pour Pablo.

En réalité, Maxime ne s’attend absolument pas à voir Izan et Lynda débarquer à l’exposition en fin de soirée. Il est presque vingt heures quand son regard croise celui de l’hispanique, qui semble lui aussi avoir une petite mine. Évidemment que son cœur s’emballe en le voyant, et il se mettrait presque à rougir de l’avoir en face de lui après les sms de ce matin… C’est la première fois qu’ils se voient ailleurs qu’au studio d’enregistrement, mais Max trouve le lieu très mal choisi, à cause de la présence de Pablo. Au fond, il espère que son conjoint n’ait pas croisé Izan, puisqu’il connaît la haine qui le traverse lorsqu’il prononce ce nom, même sans avoir envoyé de messages sensuels à un homme en couple. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il aurait pu transformer ce tu en vous, mais c’est Izan qui prend de gros risques ici, pas Lynda. « Ca n’a pas l’air d’aller ? » Peu importe le caractère interdit de leur relation, Max s’inquiétera toujours pour l’hispanique, qu’il ne sent pas comme d’habitude. Une idée lui vient alors en tête : peut-être qu’il a justement croisé son conjoint, et ça l’horrifie. « Vous tombez assez mal, c’est l’exposition de Pablo. Je ne peux pas m’absenter pour le moment. » Il se gratte l’arrière de la tête, embêté, mais il reste sur ses positions. Il ne veut pas partir maintenant, ce n’est pas encore terminé. « On peut peut-être régler ça, demain matin ? » Le Label peut bien attendre quelques petites heures de plus, non ? Une voix grave et chantée se manifeste ensuite dans son dos, tandis qu’une main vient s’écraser dans le creux de ses omoplates, pour glisser jusqu’à son épaule. Pablo est là, et il lance un regard coupable à l’hispanique en face de lui. « Régler quoi ? » Son ton est dur, alors qu’il est généralement agréable avec tout le monde, Pablo. Mais ce dernier arrive et se retrouve interpellé par ces mots qui pourraient très bien faire référence au message qu’Izan lui a envoyé. Et ça l’insupporte, autant que ça le met en rogne. Apercevoir le visage arrogant du pianiste fait naître une rage encore plus fort à cet instant, si bien qu’il lâche, d’une voix sarcastique, mais avec un sourire qui respire l’hypocrisie à plein nez : « C’est donc toi, le fameux Izan Da Silva. » Le combat de coq commence, sous le regard étonné de Maxime qui ne comprend pas ce qu’il lui prend. Pablo vient nicher ses doigts contre sa nuque, pour y déposer des caresses possessives. Il marque clairement son territoire, qu'il sait convoité par l'ennemi face à lui. « C’est marrant, je t’imaginais plus… charismatique. » Le français est tellement sur le cul qu’il ne sait même pas quoi répondre aux provocations lancées par l’espagnol ; de toute manière, il sait en connaissance de cause, qu’il vaut mieux le laisser redescendre tout seul. Maxime espère juste qu’Izan ne lui rentrera pas dans le lard en retour… ce n’est pas gagné, et se prépare à subir le pire.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry & PABLO 12/2024 - galerie d'art

« Qu’est-ce que tu fais là ? » est la façon dont Maxime accueille sa venue, et Izan en serait probablement vexé si un tambour ne jouait pas si cruellement une série de martèlements disgracieux dans son crâne, rendant chaque pulsation plus douloureuse que la précédente. Il promettrait bien de ne plus jamais boire une seule goutte d’alcool mais il l’a proclamé tellement de fois que plus personne ne prend la peine d’y croire et, surtout pas lui-même ’’Estime-toi heureux que ce soit moi et non Scott.’’ il remet les choses en perspective avec la menace de l’homme qui a une poigne de fer, et qui l’aurait déjà arraché à ces idiotes toiles colorées pour quelque chose de beaucoup plus noble : la musique. Il n’est pas du genre à jouer des compromis, Scott, il impose parce qu’il a des équipes à gérer et qu’il n’a pas le temps, ni le luxe, de verser dans la complaisance d’autrui ; on fait ce qu’il dit sinon on vire, c’est comme ça qu’il fonctionne et il vaut mieux prendre le pli « Ca n’a pas l’air d’aller ? » - ’’Faut que je dorme.’’  mais ça m’empêche pas de répondre présent quand on m’appelle venant pincer le haut de son nez entre son son pouce et son index, il ferme les yeux quelques secondes en sentant que rabattre le rideau rouge sur la scène de ses yeux lui permet de soulager grandement sa migraine ; dieu qu’il rêve de son grand lit à l’hôtel « Vous tombez assez mal, c’est l’exposition de Pablo. Je ne peux pas m’absenter pour le moment. » il ne réagit pas vraiment parce qu’il considère que ce n’est pas de son fait : il a simplement obéi à la demande de Scott qui, à coups sûrs, ne prendra pas la chose avec autant de souplesse que lui mais, sur le moment, il s’en balance beaucoup trop pour lui rappeler qu’ils ont des délais à respecter et qu’ils sont déjà en retard sur ce qui devait être rendu à cette date ’’Je lui dirai.’’ il le promet d’une voix calme et neutre en massant le milieu de son front, incapable de se souvenir des gestes effectués par Jayden la dernière fois qu’il l’a soulagé d’une migraine tout à fait semblable ; est-ce que c’est convenable de débarquer à l’improviste chez son meilleur ami pour être dorloté quelques minutes ? « On peut peut-être régler ça, demain matin ? » faisant coulisser sa main sur une moitié de son visage en recouvrant brièvement sa paupière, il réouvre les yeux pour déposer ses deux billes dorées mais fatiguées sur le visage de Maxime, sans trop savoir quoi lui apporter comme réponse puisque, dans les faits, ce n’est pas avec lui qu’il faut négocier — si tenté est que Scott marchande quoique ce soit ’’Je crois qu’il n’y a pas d’autres solutions, de toute façon. Tu verras avec Scott demain, moi j’suis passé parce qu’il l’a demandé, point.’’

Le compositeur a tout juste le temps de redresser ses épaules pour amorcer son départ que le compagnon de Maxime se mêle à leur conversation, en ne manquant pas d’établir une poigne territoriale sur le français qui se retrouve sans nul doute confronté à son pire cauchemar « C’est donc toi, le fameux Izan Da Silva. » le ton employé pour le désigner lui fait tout d’abord arquer un sourcil pendant qu’il dévisage son interlocuteur en ne semblant pas véritablement heurté par le jeu mielleux qui se déroule juste devant lui — même si, secrètement, ça l’enrage au point qu’il aimerait mieux lui repasser les mains avec un fer brûlant plutôt que de les voir vagabonder sur le corps d’un homme qui lui appartient. « C’est marrant, je t’imaginais plus… charismatique. » c’est tellement mesquin que ça transpire la fausseté et l’exagération par tous les pores de sa peau. Il n’est pas sûr de lui, Pablo, pas plus qu’il n’est sûr de son couple sinon il n’aurait pas besoin de faire un étalage aussi purulent de gestes et de paroles possessives à l’égard de son compagnon, et cette diablerie dénigrante oblige le pianiste à souffler un petit rire amusé du fond de sa gorge sans qu’il ne rompe le contact visuel avec l’espagnol ’’Mince, va falloir que je trouve comment survivre au fait qu’un mec donc je ne connais même pas le prénom ne me trouve pas charismatique…’’ il l’a prononcé sur un ton théâtral tellement bien dompté qu’on pourrait croire qu’il est sincère, s’il n’y avait pas cette demi-lune narquoise qui commence à envahir ses lèvres. C’est un jeu qu’il maîtrise à la perfection, l’insolence, elle est sa marque de fabrique, il est né de ce moule irrévérencieux et il en fait, sans même s’en rendre compte, une carte de charme qui se pare sur son visage pour l’embellir davantage ; du charisme, il n’en manque pas, et encore moins quand il prédomine avec son regard qui se pare d’une lave incandescente pour mieux contrebalancer la plume assassine de sa langue, qui flirte avec le mépris sans jamais s’en rendre ouvertement coupable : le sous-entendu est clair et fait déchanter Pablo, dont l’expression s’affaisse quand il comprend que Maxime n’a — vraisemblablement — pas assez parlé de lui à son ancien amant. Le peintre lui lance alors un regard emplit de reproches silencieux pendant qu’Izan poursuit en s’adressant à Maxime, et en ayant presque oublié sa migraine : ’’Bon, qu’est-ce qu’on fait ? Tu viens ? Tu ne viens pas ? Ton mec te pisse dessus pour marquer son territoire ?’’ oui, il le compare à un chien, mais c’est dit sur un ton tellement charmant qu’on ne pourrait que difficilement lui reprocher, n’est-ce pas. Sauf qu’il se rend compte que ça expose clairement sa propre jalousie et, de tous les nombreux défauts qu’il possède, c’est le seul qu’il s’efforce de corriger et de masquer parce que ça en dit beaucoup trop sur les sentiments qu’il porte envers quelqu’un d’autre ; en l’occurence, il est clair qu’Izan abhorre cette main étrangère qui se pavane sur la nuque qu’il a si souvent embrassé et mordu. « Non, il ne vient pas. Il est avec moi. » il pince ses lèvres très succinctement en regardant le français un moment de trop, comme s’il espérait secrètement que Maxime le contrarie à ce sujet. Oh, il n’est pas naïf au point de ne pas savoir ce que leur couple doit représenter aux yeux du français, mais ce qu’il ignorait ne pouvait pas lui causer du tort, or, dans la conjoncture des choses, face à la démonstration affective qui le met face à leur union bel et bien réelle, ça le blesse suffisamment pour qu’il morde l’intérieur de sa joue. Il pourrait parler — Maxime aussi doit le savoir, Izan pourrait ouvrir la bouche et balancer au visage du peintre qu’il a fait jouir son mec quelques jours auparavant mais, plutôt crever que de lui dire même si, dans le fond, tout ça, ça appuie sur la blessure de leur rupture : Pablo a droit à tout ce qu’ils n’auront jamais et quelque part, ça l’insupporte de devoir préserver le cocu de service quand il pourrait lui fermer son clapet avec un ravissement certain. ’’Bah tu vois j’pensais que c’était lui, le chien… Une chance qu’il ne te tienne pas en laisse.’’ ça aurait été plus facile de se taire. En réalité, il aurait même dû se taire et s’en aller sans faire entendre sa voix dans cette rondeur délicieusement cynique qui lui confère cette aura impertinente mais, il n’a pas été élaboré avec la bienséance innée et le silence salvateur : il crache son venin en ne perdant pas l’ombre de son sourire auréolée d’insolence, sans se préoccuper du remède qu’il devrait apporter pour réparer les dommages. Il s’en fout, des dommages, Izan, il n’a jamais prétendu être autre chose que ce qu’il est : lui-même.

Le premier coup de poing qui lui est décroché vient heurter le coin de sa lèvre inférieure de plein fouet, cisaillant sa gencive et produisant une profonde douleur lancinante jusque dans ses dents, qu’il serre machinalement pour encaisser le choc ; sous la force abrupte qui s’est déchainée sur son visage, il a légèrement tourné son menton sur le côté en retenant sa respiration, ses pensées s’éparpillant pour ne laisser qu’une seule certitude : ce connard vient de le frapper. « Peut-être que ça te servira de leçon. » en apportant son index à ses lèvres pour essuyer le sang qui perle de l’entaille creusée dans sa lippe inférieure, il ne peut s’empêcher d’émettre un rire aussi bas que fin, comparable à une petite quinte de toux qu’il n’aurait pu réprimer ’’C’est tout ?’’ l’affront est lancé alors que la pointe de sa langue ne peut s’empêcher de passer sur le coin de sa lèvre tuméfiée, la douleur, la déception et la fatigue commençant à produire un cocktail curieusement dangereux dans son corps. ’’Tu espères que je retienne quoi, en tapant comme une fillette ?’’ il se moque ouvertement de lui et ça le provoque, Pablo, il a les yeux qui ont presque doublé de volume tant il est pétri par la haine, incapable de discernement, ne voulant sans nul doute pas perdre la face devant son conjoint, lui envoie un autre coup de poing qui atteint cette fois-ci l’arcade qui, frappé de plein fouet par la bague qu’il porte, se met aussitôt à saigner à son tour. Ça l’étourdit quelques secondes, lui dont le crâne était comme un tambour, l’air se met à miroiter et des gerbes de lumières argentées se mettent à pleuvoir devant ses yeux qui papillonnent, mais cela ne l’empêche pas de continuer à sourire malgré sa peau qui se teinte d’une teinte vermeille à certains endroits. Sur sa langue, pèse pourtant une goût de rouille qu’il reconnaît être celui du sang, et il s’apprête à reprendre la parole quand, peut-être lassé de cet air victorieux qui trône sur le visage d’Izan, Pablo saisisse son poignet — celui que quelqu’un d’autre a déjà cassé — pour le tordre en lui arrachant un cri de douleur abominable, qui s’extirpe de sa bouche avant de lui couper le souffle — littéralement, pendant quelques secondes, il arrête de respirer.

Il y a huit os dans le poignet — vingt sept dans la main. Ils ont beau être tous différents, être (presque) parfaitement alignés, leurs contours correctement dessinés et reliés les uns aux autres dans un réseau de ligaments intacts qui courent sous sa peau, Izan a l’impression que Pablo vient de lui fracture chaque os, chaque tissu, chaque veine, chaque articulation. ’’Izan ?!’’ elle l’a entendu — elle aurait reconnu sa voix parmi toutes celles de l’assemblée mais, lui, il ne l’entend pas. Quand il retrouve sa respiration, l’air remonte en une bouffée haineuse dans sa gorge et il agrippe la nuque de Pablo de sa main libre afin de le maintenir droit quand il cogne férocement son visage contre la surface de la table devant eux, dans un craquement macabre qui l’oblige à relâcher le poignet meurtri. Il a le nez en sang, Pablo, mais miraculeusement pas cassé — dommage dirait Izan, qui s’apprête à recommencer quand Lynda s’immisce entre eux, sa frêle silhouette étendant ses bras pour que ses mains doucereuses viennent prendre possession de son pianiste, qu’elle éloigne de son adversaire ’’Izan, Izan… Écoute-moi…’’ il ne la regarde pas parce que ses yeux sont braqués sur l’homme qui se tient le nez en geignant comme un gosse, et que tout son corps tremble encore nerveusement de la douleur qu’on vient de lui causer ; il n’a presque pas réagi quand Pablo a frappé son visage mais, qu’il ose s’en prendre à l’essence même de ce qui fait de lui un pianiste, ça a fait surgir quelque chose dont il ne soupçonnait même pas l’existence. ’’Ils en valent pas la peine… Laisse… Viens avec moi.’’ elle se saisit de son poignet avec toute la douceur du monde, comme s’il s’agissait-là d’un objet précieux qu’il fallait à tout prix préserver et, déjà rassurée de constater qu’il n’a pas l’air cassé, elle se retourne vers le couple pour les toiser avec un air mauvais, qui en dit suffisamment pour qu’elle puisse garder le silence les concernant. ’’On s’en va.’’ elle ne lui laisse pas le choix, de toute façon, puisqu’elle l’entraîne à l’extérieur pour qu’ils puissent retrouver leur chauffeur, en pestant mille insultes contre les deux restés dans la galerie.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva & PABLO 12/2024 - galerie d'art

Le ton employé par Pablo ne dit rien qui vaille au français, qui ne bouge pourtant pas d'un pouce en sentant son conjoint chercher la provocation, voire même peut être la confrontation avec l'hispanique. Qu'il raille en face de lui qu'il ne trouve pas le charisme qu'il pensait voir, ça rend furieux Maxime qui ne comprend pas quelle mouche l'a piqué. Même s'il connaît la haine et qu'il est à même de la comprendre à l'égard de l'homme qui l'a autrefois fait souffrir, cela n'est pas suffisant pour qu'il s'adresse à lui de cette façon aujourd'hui. Il s'est passé quelque chose, et il ne sait pas quoi. La seule réponse probable pour le moment, c'est qu'ils se sont déjà croisés avant qu'Izan ne le trouve, et que d'autres paroles ont causé cette violente tempête dans le regard froid de son conjoint. Maxime n'est pas rassuré de l'issue de cette conversation, de cette main qui tient fermement sa nuque, comme pour montrer à l'hispanique qu'il lui appartient. Il a l'étrange sentiment que Pablo veut montrer qu'il est à lui, et cette question d'égo le dérange beaucoup, surtout devant Izan qui est celui qui possède véritablement son cœur entre les deux hommes. " Mince, va falloir que je trouve comment survivre au fait qu’un mec donc je ne connais même pas le prénom ne me trouve pas charismatique… " Il le ressent, le regard accusateur de Pablo sur lui. Il la ressent, la déception d'être un inconnu aux yeux d'Izan, alors que Pablo sait parfaitement qui il est, lui. Il est vrai que Max n'a quasiment pas parlé du peintre avec le pianiste, même s'il est persuadé de l'avoir évoqué une fois où deux... Ce n'est visiblement pas suffisant pour le barcelonais qui manifeste clairement une dose supplémentaire de colère à cause de ça, en plus du fait qu'Izan n'hésite absolument pas à rétorquer. Il le cherche, il l'a forcément trouvé. Et il sait reconnaître l'insolence d'Izan quand elle se manifeste, puisqu'il l'a déjà tellement côtoyé pour savoir qu'il prend plaisir à rétorquer et faire mal là où il faut. " Bon, qu’est-ce qu’on fait ? Tu viens ? Tu ne viens pas ? Ton mec te pisse dessus pour marquer son territoire ? " Ses yeux s'écarquillent, il a du mal à croire ce qu'il entend là. Il est vraiment en train de le comparer à un animal de compagnie ? À un chien ? Il est choqué, blessé, vexé par la méchanceté gratuite de l'hispanique à son égard. Il ne lui a rien fait, rien dit, et il l'attaque avec une violence qu'il reconnaît à peine. Des engueulades, ils en ont eu. Des mots blessants, il en a essayé un certain nombre de la bouche d'Izan, encore récemment avant sa crise de panique dans l'ascenseur. Les choses s'étaient tassées, calmées, et pour cause ils avaient fini par céder à une tentation trop délicieuse... Il est loin, ce moment où leurs corps s'entrechoquent avec passion et désir. La seule lueur qu'il reconnaît dans le regard d'Izan, c'est la cruauté. " Non il ne vient pas. Il est avec moi. " Max est tellement sur le cul, qu'aucun mot ne sort de sa bouche à lui. Il assiste à ce combat entre les deux hommes qu'il aime, même si son cœur a déjà fait un véritable choix depuis longtemps. Il remarque le regard appuyé d'Izan, comme s'il s'attend à ce qu'il contredise Pablo qui parle pour lui ; en règle générale, personne ne parle à sa place. Il est parfaitement capable de se défendre tout seul et de rétorquer quand des paroles ne sont pas appropriées. Mais là, il est figé. Et Izan n'a pas fini de le décevoir. "Bah tu vois j’pensais que c’était lui, le chien… Une chance qu’il ne te tienne pas en laisse." Il est imprévisible, l'hispanique. Si bien que Max craint un instant qu'il n'aborde la tromperie et l'infidélité dont le français est entièrement responsable. Il n'a pas su se tenir face à cet homme qui a emprisonné son cœur au moment où leurs regards se sont de nouveau croisés. Le pouvoir de ses sentiments a été plus fort que toi, mais là c'est la déception qui prend le dessus. C'est l'insolence de trop, ce soir.

Les événements se déroulent très vite ensuite, et Max ne voit pas venir le coup non plus contre le visage au sourire impertinent du pianiste. Il lâche un gémissement de fureur, tandis que son corps recommence enfin à réagir. Il tente de maintenir Pablo vers l'arrière pour qu'il ne recommence pas, car il sait que l'espagnol a le sang chaud, et qu'il est capable d'y retourner. "Peut être que ça te servira de leçon. " - "Pablo, arrête. " Ses lèvres retrouvent leur habilité à parler, parce qu'il ne doit pas poursuivre les provocations. Cette histoire va mal finir, c'est certain. Maxime essaie de se concentrer sur son conjoint, pour le raisonner, mais son regard ne peut s'empêcher d'observer Izan du coin de l'œil. Indéniablement, il s'inquiète de sa douleur, des dégâts que Pablo vient de causer sur ce visage qu'il pourrait contempler pendant des heures. Il aperçoit le sang, et son cœur lui crie de s'occuper de lui. Mais il n'oublie pas les mots qui heurtent, il n'oublie pas la colère à son égard, et le sentiment de trahison qu'il ressent après qu'ils se soient abandonnés dans les bras de l'autre. " C'est tout ? Tu espères que je retienne quoi, en tapant comme une fillette ? " Il le cherche, alors évidemment qu'il le trouve, le barcelonais. Il lui assène un second coup de poing, en ayant bien évidemment forcé pour que Max arrête de le retenir. Cette bagarre, causée par sa faute, il ne faut pas se leurrer, prend des proportions qui ne lui plaisent guère, et encore moins lorsque Pablo a l'idée de venir lui tordre le poignet. Il sait que c'est son point faible, il en profite perfidement. Tout continue d'aller trop vite, et il n'a pas le temps de s'égosiller la voix pour faire entendre raison à Pablo d'arrêter, puisque Izan est plus rapide, et qu'il attaque à son tour physiquement. Une seconde, il le voit avec son arcade en sang, celle d'après, c'est Pablo qui est recouvert de cette couleur cramoisi au nez, suite au coup donné contre la table devant eux. La violence monte d'un cran, il faut que ça cesse. " Bon sang, arrêtez ! " Il entend la voix de Lynda derrière lui qui intime au pianiste de ne plus répliquer, tandis que Max s'applique à tenir les épaules d'un Pablo enragé, prêt à frapper pour être le dernier. "Pablo, arrête, tout le monde te regarde. C'est ton expo, vous êtes en train de tout gâcher. " La raison, qu'il reprenne conscience de l'environnement dans lequel ils se trouvent. Ce n'est pas le moment, ni le lieu, pour se battre avec Izan. Pablo respire bruyamment, des perles de sang rouge foncé s'échappant de ses narines en feu." On s'en va. " Son cœur continue de s'inquiéter pour l'homme qu'il ne peut décemment pas rejoindre, parce que c'est Pablo, son conjoint. Il a besoin de lui, alors Max préfère ne pas se retourner pour leur adresser un dernier regard avant de partir. Le français ancre plutôt ses billes aux nuances de miel au regard virulent de Pablo, ses yeux injectés de sang. Son pouce tente de l'apaiser, de caresses délicates contre sa mâchoire, et il finit par laisser retomber la pression... Enfin. "Viens, on va nettoyer ça... " qu'il lui intime d'une voix douce et délicate, alors que son cœur bat deux mesures dans sa poitrine ; il s'inquiète pour Izan, sans pour autant accepté ses mots blessants, et il s'inquiète pour Pablo, qui vient certainement de ruiner cette soirée qu'il attendait avec tant d'impatience.

Le couple s'éloigne, alors que les regards curieux et abasourdis des visiteurs les suivent. Max et Pablo retrouvent un semblant d'intimité et de calme dans les toilettes, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'un tsunami ne vienne les frapper de plein fouet, il le sent. Le français s'empare de plusieurs morceaux de papier qu'il finit par lui tendre, pour qu'il puisse essuyer l'écoulement de son nez endolori. " J'espère qu'il a eu mal, ce connard. " La tempête est déjà de retour dans l'esprit du pianiste, qui soupire profondément en se frottant le visage de ses mains presque tremblantes. " Mais qu'est-ce qu'il te prend ?" Il ne comprend pas pourquoi tant de hargne. Un rire sarcastique s'echappe des lèvres du barcelonais, qui lui adresse un regard à la fois surpris et évident ; il devrait pourtant bien le savoir, non ? Ce sms, il l'a lu aussi, n'est ce pas ? " T'as rien à me dire ? " Aïe, ça ne sent pas bon. Le français déglutit, en le fixant. Pablo sait quelque chose, mais quoi ? Max n'en a pas la moindre idée. Cela explique sa réaction, même s'il ne connaît pas les tenants et les aboutissants de sa colère. Il peut s'en douter, puisque ce n'est pas comme s'il n'a rien à se reprocher, le français... Il reste alors silencieux, ses poings posés contre ses hanches, sans arrêter de le fixer : il va évidemment prétendre ne rien comprendre, c'est plus facile et moins piègeux. " Fais pas semblant, tu l'as lu, son message. " Et merde. Max sait évidemment de quel message il parle. J'te veux, toi. Il comprend mieux la haine, la rage, l'envie de lui refaire le portrait, de lui montrer qu'il lui appartient, à lui. Ça s'entend tout à fait, mais la chose sur laquelle Max tilte aussi, c'est sur le principe qu'il ait vu, ou lu consciemment ses messages ? " Oui, je les ai lu, et je n'y ai pas répondu. " précise-t-il, avant d'ajouter : " Mais depuis quand tu lis mes messages ? T'as pas confiance ? " Il se sent culotté de dire ça, mais le français ne va décemment pas lui raconter la vérité sur ce qu'ils ont vécu, Izan et lui, il y a quelques jours de ça dans la salle d'enregistrement, alors qu'il l'attendait au restaurant pour célébrer l'anniversaire de leur ami. Il se sent honteux de prétexter être vexé qu'il lise ses messages, alors qu'il aurait tout à fait raison de ne pas lui faire confiance. Pablo soupire à son tour ; l'engueulade est là, il n'y a pas de retour en arrière possible. " En toi, oui. En lui, non, et ça me semble légitime, non ? Tu acceptes, toi, qu'il te dise qu'il te veut, après ce qu'il t'a fait vivre ? Il se joue de toi, et tu vas le laisser faire ? Et moi, dans tout ça ? Explique-moi, Max, parce que je ne comprends pas pourquoi tu t'énerves contre moi, alors que c'est lui le fautif. " Il ouvre la bouche, il la referme. Il fait les cent pas, parce que son corps a besoin de rejeter la tension et la colère d'une autre manière que par les mots, mais ce n'est pas suffisant. Pablo a ouvert les valves de sa propre rage, et il s'apprête à la déverser sur lui : " Donc, tu t'es intelligemment dit que ce serait une bonne idée que de lui casser la gueule, en plein milieu de ton expo ? " C'est parti. " Déjà, tu te rends compte que tu viens de frapper et de tordre le poignet au pianiste le plus important du Label, que ça risque forcément d'avoir des répercussions sur ma carrière ? S'il porte plainte, le contrat, c'est terminé, j'te signale. Est ce que tu y as pensé, avant de lui flanquer ton poing dans la gueule ? " - " Il aurait surtout dû la fermer, sa gueule. " -" Et toi, t'aurais dû ranger ton orgueil. Évidemment qu'en le cherchant, tu allais le trouver. C'était ridicule, votre numéro. A tous les deux. " Et parce qu'il ne veut pas aggraver davantage les choses entre eux, Maxime se poste devant lui, prêt à déguerpir : " M'attends pas ce soir, je vais chez Lincoln. "

Il n'a pas la force d'aller chez son meilleur ami. Maxime a trop de colère en lui, qu'il se contente de marcher dans la rue. L'air frais lui fait du bien, mais ses pensées s'emmêlent et l'épuisent. Il est sérieux, Max, quand il évoque la probabilité qu'Izan porte plainte, ou que le Label porte plainte contre Pablo. Lynda était là, elle sait exactement qui il est, et quel est le lien qui les unit... Mais ce qui l'enrage le plus, ce sont les mots de l'hispanique. En réalité, le contrat, il n'en a rien à foutre. Tant pis s'il ne peut finalement pas aller au bout de celui-ci, parce qu'il n'est pas là pour ça. S'il a accepté de travailler avec l'hispanique, au fond, c'était pour le retrouver. Qu'il le perçoive comme un petit chien qui suit les ordres de son copain à la lettre, ça le soûle. Qu'il se soit emporté contre lui après le moment de tendresse qu'ils ont partagé, ça le soûle aussi. Alors, Max décide qu'il ne peut pas laisser passer ça : il le sait, il ne se sentira bien que s'il affronte personnellement les attaques d'Izan. Le français s'empare alors de son téléphone pour réclamer le numéro de Lynda auprès de Lucy. Les deux assistantes se sont fortement rapprochées ces derniers temps, c'est gros comme une maison. Lucy finit par lui donner, après moultes insistements sur la raison de cette demande. Il a aussi dû se batailler avec Lynda qui ne s'est pas dérangée pour l'asséner de menaces. Elles glissent sur son indifférence, et il se rend, déterminé à l'Emerald hôtel. Postré devant la porte de la chambre de l'hispanique, le français tambourine jusqu'à ce que son regard retrouve le sien. Il a une sale tête, ça le frustre de ne pas manifester d'abord son inquiétude. Mais il a trop besoin de lui hurler dessus. " Laisse-moi entrer, j'ai deux trois choses à te dire. " Il ne veut pas que l'effusion de sa colère n'atteigne les oreilles d'inconnu dans le couloir du luxueux hôtel ; alors il l'exige, d'entrer. De toute façon, s'il ne le laisse pas, il compte bien forcer le passage.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry & @Rafael Gomez 12/2024 - galerie d'art

*
**
’’Aïe.’’ la syllabe s’étire sur le contour de ses lèvres dans un élan plaintif pendant qu’il plisse une paupière en essayant de reculer son visage encore tâché de sang, même si l’homme affairé à recoudre son arcade ne lui laisse pas tellement la possibilité de se soustraire aux instruments argentés et froids qui malmènent sa peau. ’’Aïe ! Mais t’es médecin ou boucher, toi ?’’ il pourrait dire merci Raf d’avoir déballé ton matériel pour soigner la plaie que j’ai récolté après avoir insinué grossièrement qu’un mec était un chien galeux mais ce serait mal le connaître et, en l’occurence, il sait qu’il n’a pas besoin de jouer des courbettes et des élans mielleux pour entretenir leur amitié, solidifiée par les années et les épreuves qu’ils ont partagé. ’’J’te jure j’vais finir borgne avec toi…’’ il le siffle entre ses dents avant de se taire parce qu’il se demande, avec un sens des priorités peu commun, s’il serait toujours capable de jouer du piano correctement en ne voyant qu’une partie du clavier. Mais la voix de son ami le ramène rapidement dans la salle de bain tout à fait grandiose qu’ils occupent, en tâchant les serviettes blanches de l’hôtel avec le sang qui ne cesse de perler de son arcade ouverte, puisque Raf insiste pour obtenir des précisions, notamment sur qui est responsable de sa blessure et, tout à coup, comme une ampoule qui grille, l’expression du pianiste s’affaisse pour ne laisser qu’une vague empreinte de tristesse, qu’il n’arrive pas véritablement à partager. Izan ne regrette pas d’avoir provoqué la colère de Pablo — même si, dans sa conception des choses, il n’a fait que répondre aux attaques perfides du peintre, lui qui ne sait pas courber le dos et se taire quand la situation l’exige. ’’C’est pas important.’’ il l’assure d’une petite voix éteinte qui n’éclot que rarement sur sa langue, lui qui est d’ordinaire si prompt à se dévoiler sous une aura de malice et d’insolence que rien ni personne ne peut endiguer, voilà qu’il hausse mollement ses épaules en brandissant une indifférence qui n’est rien d’autre que mensongère. ’’Laisse tomber, d’accord ? C’est pas grave. J’vais survivre.’’ comme toujours ; il a survécu quand sa mère lui a craché au visage qu’elle ne l’avait jamais aimé, et il a survécu quand il a découvert que son ex-fiancé l’avait utilisé pour oublier un autre. Il n’est jamais assez, Izan, il l’a appris, il l’a compris, il l’a accepté.

’’C’est fini ?’’ il n’a presque plus rien senti, sur les derniers instants, à peine quelques picotements qui lui semblaient lointains, comme si, sous l’essor de ses pensées éparpillées, il avait perdu des bribes de sensibilité. Il se retourne vers le grand miroir et, attrapant un coin de la première serviette qui lui tombe sous la main pour essuyer sa tempe et le coin de sa mâchoire, pendant que Raf rassemble ses affaires pour rejoindre l’hôpital. Il faut qu’il lui dise merci, il le sait, mais ce sont des mots qui ont du mal à rouler sur le velours de ses lèvres ; il regarde le reflet de son ami dans le miroir pendant quelques secondes puis, détournant les yeux, il lâche un ’’Merci pour ça.’’ qu’il ne répétera pas deux fois mais, heureusement, des coups contre la porte se font entendre, incitant le pianiste à tourné son menton vers le salon. ’’T’as commandé quelque chose ?’’ il le demande en quittant la salle de bain, trouvant de plus en plus curieux que le personnel de cet hôtel de luxe tambourine à la porte comme un forcené. Épongeant toujours le sang de son arcade avec la serviette imprégnée du liquide vermeil, Izan ouvre la porte de sa main libre et, ne s’attendant assurément pas à se retrouver face à Maxime, il fronce les sourcils en reculant légèrement son menton, sans véritablement comprendre ce qu’il fout là. T’as fini de promener ton chien ? est ce qu’il s’apprête à lui demander, n’ayant visiblement pas retenu la leçon que Pablo a voulu lui donner « Laisse-moi entrer, j'ai deux trois choses à te dire. » le ton de sa voix laisse clairement entendre qu’il vient pour en découdre à son tour et, comme il n’a aucune envie de s’écharper avec son ancien amant maintenant, il lui lance un regard condescendant tout en alliant un ton méprisant au grave de sa voix, qui se maintient bas : ’’Je vais te faire gagner du temps sans perdre le mien : si t’es venu pour me dire à quel point j’ai été mesquin avec ton mec, j’en ai rien à foutre. Si t’es venu pour exiger des excuses, j’en ai rien à foutre. Si t’es venu pour me dire que tu ne veux plus bosser sur l’album, surprise, j’en ai rien à foutre non plus.’’ il est loin d’être aussi indifférent à cette perspective mais, trop fier pour l’admettre, il s’apprête à poursuivre sur cette même lancée que Rafael apparaît à côté de lui, prêt à partir pour l’hôpital ; Izan relâche alors la porte pour permettre à son ami de se glisser sur le palier, avant d’achever sa tirade à l’attention de Maxime : ’’Autre chose ?’’ il n’attend pas de réponse et se tourne plutôt vers Raf, auquel il lance un sourire complice, l’air de dire tu peux partir, tout va bien pour moi.

’’Aïe.’’ Quel plaignard celui-là. « Tu veux arrêter de bouger, oui ? » qu’il lui ordonne en retenant sa tête plus fermement. Deux points de sutures, deux ou trois points de rapprochements et la blessure devrait être suffisamment refermé pour permettre une guérison acceptable. Il s’applique, Rafael, mais il n'a sans doute pas la délicatesse d’un médecin qui passe ses journées à recoudre des plaies depuis des années. C’est quand même mieux que d'aller attendre des heures aux urgences, parce qu'il s'est retrouvé dans une mauvaise situation. ’’Aïe ! Mais t’es médecin ou boucher, toi ?’’ - « L’école de boucherie était pleine alors j'ai dû prendre mon deuxième choix, tu vois. » Il sourit, moqueur, sa technique de piètre qualité pour détendre l'atmosphère ne semble pas vraiment fonctionner. En même temps, Rafael serait sûrement dans le même état si un connard venait de lui casser la gueule et qu'il avait dû marcher sur son orgueil pour appeler son ami à la rescousse. ’’J’te jure j’vais finir borgne avec toi…’’ Oui, oui, oui. Relax, il en reste juste un. » qu’il annonce en traversant de nouveau sa peau de son aiguille. Un court silence s’installe pendant que Rafael termine son dernier point, qu’il éponge pour une énième fois le sang qui coule de son arcade sourcilière. Il fouille quelques secondes dans sa trousse de premier soin avant d’en sortir les pansements nécessaires. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » qu’il demande tout en sachant très bien qu'il n'a pas envie d’en parler. Il devait tout de même s’attendre à ce qu’il pose quelques questions en le voyant avec le visage ensanglanté. ’’C’est pas important.’’ Assez important pour nécessiter une réparation, mais pas assez pour aborder le sujet visiblement. Peut-être plus tard, quand l'adrénaline sera redescendue, que l’égo se sera replacé et qu'ils pourront relater l'événement en plaisantant. Le regard qu'il pose sur son ami lui démontre clairement qu'il ne le croit pas une seule seconde. ’’Laisse tomber, d’accord ? C’est pas grave. J’vais survivre.’’ Oui, effectivement, physiquement, il devrait survivre. Pour le reste ? Il ne peut pas dire sans savoir ce qui s'est réellement passé. « Et l’autre ? Quelle tête il a ? » Il est aussi amoché que lui ? Plus ? Il n'a rien du tout ? Il ne s'est pas fait ça tout seul hen. Rafael met en place le dernier point de rapprochement en place, examine la plaie un peu plus sérieusement. Ouais, ça devrait le faire. Elle ne devrait pas réouvrir. Enfin, sauf s'il se prend un autre coup en pleine tronche. ’’C’est fini ?’’ - « Ouaip » qu’il confirme en s’attelant à ramasser tout son matériel qu'il remet dans sa trousse, puis jette les compresses imbibées de sang aux ordures. ’’Merci pour ça.’’ qu’il lui dit alors que son regard croise celui de son ami dans le miroir. « Pas d’quoi. » Izan sait parfaitement qu'il peut toujours compter sur lui, que ce soit pour ça ou pour à peu près n'importe quoi d'autre, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Ils sont dérangés par le bruit de coups contre la porte. ’’T’as commandé quelque chose ?’’ Il lui fait signe que non tout en se disant que, ouais, ça l'aurait été une excellente idée. Il meurt de faim. Il laisse Izan aller ouvrir la porte pendant qu’il termine de rassembler ses affaires et de faire en sorte que sa salle de bain ne ressemble pas à une scène de crime. D'une oreille distraite, Rafael entend une bribe de conversation. Il n’en décèle pas chaque mot, mais se doute que le coupable de la blessure d’Izan se trouve de l'autre côté de la porte. Il jette un coup d’oeil à sa montre. Il ne peut pas juste rester enfermé ici comme un con le temps que l’autre con s'en aille justement. La tension est plus que palpable lorsqu'il se retrouve dans la pièce principale de la chambre d'hôtel. Un bref coup d'oeil à l'intru lui confirme qu'il a encore sa belle gueule, lui. Pas de blessure au jointure non plus. Pas le coupable finalement. La cause peut-être. ’’Autre chose ?’’ Les mots ne sont pas pour lui, mais pour l’autre. Rafael passe la porte lorsque Izan se pousse pour le laisser passer. Il n'a pas vraiment le temps de rester davantage, mais il s’assure d'un dernier coup d'oeil que ça va aller pour son ami. « Essayez de pas vous entretuer, j'ai huit heures à faire. » Pas de (presque) médecin pour recoudre les prochaines blessures. Il jette un regard sur les deux hommes avant de se diriger vers les ascenseurs.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva 12/2024 - galerie d'art

Sa décision est prise, il ne quittera pas cet hôtel tant qu’il n’aura pas mis les choses au clair avec Izan. Le flot d’insultes de tout à l’heure l’a heurté, et même si les deux hommes se sont déjà montrés par le passé comme ils peuvent être blessants et provocateurs, Maxime ne veut pas lui laisser croire qu’il a tous les droits le concernant. Il ne compte pas se laisser faire, il ne compte pas prétendre que c’est pas grave, et qu’il peut recommencer quand ça lui chante, sans qu’il ouvre la bouche. La présence de Pablo l’a bloqué dans ses répliques qu’il a l’habitude de cracher à l’hispanique quand les choses dégénèrent entre eux, il l’admet totalement. Alors il est là pour rattraper le coup, et comprendre ce qu’il se passait dans la tête d’Izan. « Je vais te faire gagner du temps sans perdre le mien : si t’es venu pour me dire à quel point j’ai été mesquin avec ton mec, j’en ai rien à foutre. Si t’es venu pour exiger des excuses, j’en ai rien à foutre. Si t’es venu pour me dire que tu ne veux plus bosser sur l’album, surprise, j’en ai rien à foutre non plus. » Le ton de sa voix traduit cette tempête qui semble difficile à calmer pour le moment, et Maxime ne compte pas apaiser les choses pour le moment, puisqu’il a un certain nombre de choses à lui dire. Il s’apprête à ouvrir la bouche quand la présence d’un homme à ses côtés l’interpelle, et commence à le plonger dans une rage folle. « Autre chose ? » Le sourire qu’il lui adresse le rend dingue, si bien qu’il doit se contrôler très fort pour ne pas lui demander qui il est, d’une voix qui laisserait transparaître le violent sentiment de jalousie qui le traverse. Maxime ne veut pas parler devant l’inconnu, parce qu’il n’a rien à voir dans ce qui les concerne tous les deux… « Essayez de pas vous entretuer, j’ai huit heures à faire. » Il fulmine, mais il continue de se taire. Oh oui, des choses, il en a à lui dire. Lorsque l’inconnu s’éclipse, le regard devenu noir du français se repose sur l’hispanique, avant d’entrer dans sa chambre sans lui demander son ami. « C’est qui, lui ? » Il essaie de doser cette question, parce qu’il ne veut pas qu’Izan comprenne que ça le fait extrêmement chier de voir un mec sortir comme ça de sa chambre ; il aimerait ajouter s’il s’agit de son petit copain, s’ils viennent de coucher ensemble… mais au fond, il n’est pas prêt à entendre les réponses. Max refuse l’idée que quelqu’un d’autre que lui le touche… « Faut que tu m’expliques à quoi tu joues, là ? » Son regard cherche des indices, de ce qui a pu se passer dans cette chambre d’hôtel depuis son retour. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec ce gars ? Le français se déplace dans la pièce en se frottant le visage, parce qu’il tente de se retenir de ne pas exploser. « T’es vraiment la pire des enflures, tu le sais ça ? Tes insultes, tu peux te les fourrer où je pense. » Le jeu de ses bras témoigne sa frustration, son énervement, son incompréhension. Il est à mille lieux de se préoccuper de la bagarre en elle-même, de cette confrontation avec Pablo, parce qu’au fond, la seule chose qui compte pour lui, c’est Izan, et il ne comprend pas comment il peut agir comme il le fait. « Vraiment, explique-moi, comment tu peux coucher avec moi, m’envoyer des messages où tu dis que tu me veux, pour ensuite m’écraser comme tu l’as fait tout à l’heure… et puis quoi, en fait, après tout ça, tu couches avec un autre ? » Tout ce qu’il s’est formulé dans sa tête avant de venir est en train de disparaître, parce qu’il n’a pas supporté la présence de cet homme ici, avec lui. C’est gonflé de sa part de refuser l’idée qu’il soit en couple, ou qu’il prenne du bon temps avec quelqu’un d’autre, puisqu’il est lui-même en couple avec Pablo… Mais c’est plus fort que lui, il ne veut pas le partager. « D’ailleurs, ton message, parlons-en ! Tu t’es pas dit que ce serait compliqué à gérer, pour moi, de recevoir des messages pareils ? » Un rire un peu sarcastique s’échappe de ses lèvres, alors qu’il continue de manifester physiquement toute sa frustration. Il a besoin de bouger, encore une fois, pour laisser s’échapper le venin en lui. Izan le bouscule tellement, il lui fait perdre complètement pied, et il ne sait pas où ça va les mener, tout ça. « J’avais envie de te répondre, putin… » qu’il souffle finalement, en ancrant son regard dans le sien. Il n’a pas besoin de lui préciser ce qu’il aurait voulu lui répondre, n’est-ce pas ? Il le comprend, non, vu comme il le regarde à cet instant même ? C’est plus fort que lui, il le désire, il le veut tout entier, même s’il sait que c’est interdit.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry 12/2024 - galerie d'art

« Et l’autre ? Quelle tête il a ? » un soupir de nervosité bombe douloureusement son torse lorsque cette question traverse ses oreilles, mais Izan maintient le sceau autour de ses lèvres pendant de longues secondes, puisqu’il est loin d’être fier d’avoir usé de la violence physique pour répondre aux provocations de l’autre tocard, dont la simple évocation lui fait articuler ses doigts contre sa cuisse. D’ordinaire, le pianiste se contente de frapper avec ses mots et non pas avec ses poings même si, pour sa maigre défense, la douleur occasionnée à son poignet, gravement fragilisé par une fracture récente, a été si atroce qu’elle l’a brièvement transformé en monstre d’agressivité, l’otage d’une fureur hargneuse dont il ne se savait même pas porteur. Qu’est-ce qu’il aurait été capable de faire, si Lynda ne s’était pas interposée entre eux ? ’’Je lui ai éclaté la tronche contre la table. J’crois que son nez n’a pas apprécié.’’ le ton de sa voix est laconique, sans grande effusion de gloire puisqu’il n’en retire aucune prétention, même s’il n’irait pas non plus jusqu’à dire qu’il regrette son geste ; il a trop peu de compassion envers le peintre pour être en capacité de lui accorder la moindre pitié. Dans les racines de sa haine, il sait qu’il y a la jalousie qui cultive les bourgeons qui ont fleuri sur le sang versé : le manège possessif de Pablo — puéril mais insupportablement vrai, l’avait aveuglé de rage, une colère féroce qui avait rendu son sang noir, déferlant sa basalte perfide dans ses veines et faisant chanter un tambour de guerre dans ses oreilles. Il aurait été capable de recommencer, il le sait, il se l’avoue derrière le silence qu’il impose à Rafael, et ça le terrifie de s’en rendre compte, ça l’épouvante de réaliser à quel point ses émotions sont excessives quand ça le concerne lui.

Mais elle ne le lâche pas pour autant, la colère, et il ne fait pas grand effort pour l’effacer de la palette de ses émotions une fois que son ami disparait derrière les deux portes de l’ascenseur, son regard dévié sur le palier permettant au français de pousser la porte pour s’inviter dans la chambre, sans attendre la moindre autorisation « C’est qui, lui ? » - ’’Qu’est-ce que ça peut te foutre ?’’ il le claque d’une voix sévère en fermant la porte après le passage de son amant, empruntant ensuite le même chemin que lui pour traverser le salon et rejoindre la grande salle-de-bain, dont les deux portes ouvertes permettent d’entrevoir sa silhouette postée devant l’imposant miroir. Il ne devine pas encore la jalousie de Maxime derrière cette question, puisqu’il s’attend à ce que le français fasse campagne pour défendre l’honneur de son conjoint et, désireux de se barricader pour affronter l’offensive qui lui serre le coeur par avance, Izan achève de nettoyer sa tempe en mouillant l’extrémité de sa serviette, qui n’est plus très blanche à force d’éponger son sang. « Faut que tu m’expliques à quoi tu joues, là ? » un rire acide coulisse sur ses lèvres espacées pendant qu’il baisse le menton en relâchant son linge auréolé de nuances rouge et rose pastel, s’éloignant de la double vasque en marbre pour appuyer son épaule contre l’encadrement de la porte, pendant que Maxime rumine dans le salon comme un lion prisonnier d’une cage trop étroite ’’Je suis celui qui joue ?’’ que Maxime l’accuse alors qu’il est celui qui plane entre deux hommes, c’est suffisamment mesquin pour lui souffler un vent de révolte qu’il tâche de contenir, et dont il le prévient avant que la tempête se déclare avec un : ’’Tu veux vraiment aller sur ce terrain là, Max ?’’ il lui demanderait bien mais qu’est-ce que tu fous aussi, puisqu’il ne reste pas en place, le français, et ses mouvements incessants, compulsifs, d’une turbulence sans égale, lui font lentement incliner le menton sur le côté pendant qu’il l’observe, sous l’inclinaison d’une irrésistible pensée qui n’a pas sa place dans cette dynamique ; il est quand même extraordinairement attirant quand il est abreuvé de colère, Maxime, le souffle emmêlé, les joues rougies par la fureur, le corps supplicié à la nervosité, la bouche devenue instrument de sa férocité délicieuse, qui ne font qu’accentuer l’attrait sensuel qu’il éprouve à son égard « T’es vraiment la pire des enflures, tu le sais ça ? Tes insultes, tu peux te les fourrer où je pense. » - ’’Je te remercie d’avoir traversé la ville pour me faire ces compliments.’’ qu’il répond d’une voix redevenue étrangement calme, d’une insolence presque caressante, sans le quitter des yeux et sans délaisser le mur qui soutient son épaule, une lueur malicieuse brillant dans ses yeux même s’il sait qu’il joue avec le feu, mais peut-être espère-t-il justement se brûler ? « Vraiment, explique-moi, comment tu peux coucher avec moi, m’envoyer des messages où tu dis que tu me veux, pour ensuite m’écraser comme tu l’as fait tout à l’heure… et puis quoi, en fait, après tout ça, tu couches avec un autre ? » c’est une fausse note dont il prend gravement ombrage, Izan, non pas parce qu’on l’accuse d’avoir une aventure avec l’un de ses plus anciens amis mais parce qu’il trouve grotesque que celui qui ose lancer les poursuites soit coupable des torts qu’il lui reproche ’’Parce que tu vas me dire que tu fais abstinence avec ton mec, toi ?’’ il regrette d’avoir posé la question à l’instant où elle lui échappe, parce qu’il n’a pas envie d’entendre la réponse qu’il a déjà en tête, et ça le torpille de l’intérieur d’avoir le sursaut de cette vérité qui lui rebondit en pleine figure ’’Pas la peine de répondre, j’veux pas savoir.’’ qu’il clame pour l’empêcher de parler, son corps fuyant cette conversation en même temps que son encadrement de porte, qu’il abandonne pour passer derrière le piano situé de l’autre côté de la pièce, comme s’il se cachait derrière un bouclier capable de le protéger de tous les reproches qu’il s’apprête à récolter, et dont les maux pleuvent sur sa tête sous un violent orage. « D’ailleurs, ton message, parlons-en ! Tu t’es pas dit que ce serait compliqué à gérer, pour moi, de recevoir des messages pareils ? » il rogne sur les pensées enjôleuses qui se sont invitées dans son esprit puisque, cette demande rabroue sa fierté ; il sait qu’il n’aurait pas dû envoyer ce message, et il ne tarde pas à promettre, mauvais à souhait : ’’Je ne t’enverrais plus rien, ça te va comme ça ?’’ qu’il laisse filer à travers ses mots, s’installant derrière le piano sans relever le couvercle pour dévoiler les touches, préférant avancer son coude pour l’appuyer sur la surface froide et lustrée de l’instrument qui, aujourd’hui, n’est qu’une façon de plus de mettre de la distance entre eux. Il vaut mieux mettre de la distance, pas vrai ? « J’avais envie de te répondre, putin… » il avait baissé les yeux sur le bois vernis, dont la brillance jouait avec les lumières de l’extérieur, mais il redresse ses longs cils pour sonder l’expression de Maxime, en comprenant aisément la bardée de sous-entendus qui siègent derrière cet aveu soufflé à demi-mots. Savoir que cette envie devenue besoin est réciproque ne le soulage pas vraiment, puisque leur « nous deux » est toujours confisqué par le couple qu’il forme encore avec Pablo et qui, ce soir, plus que jamais, ne saurait être éludé.

Pendant quelques secondes, peut-être trop longues, il se contente de le regarder sans savoir quoi dire, en ayant l’impression d’une descente à toute vitesse sur des rails en mauvais état, un plongeon dans une mer beaucoup trop profonde pour la petite suffisance de ses poumons, sans vouloir admettre qu’une petite partie de lui, une partie qu’il déteste, aimerait traverser la pièce pour l’embrasser, jusqu’à ce que ses lèvres oublient celles du peintre, jusqu’à ce que sa peau oublie ses mains, jusqu’à ce que son corps oublie qu’il a, autrefois, appartenu à un autre. Parce que c’est bien ça, tout le noeud du problème : il est viscéralement jaloux de celui qui peut prétendre à être avec Maxime, et non pas seulement dans le secret des draps froissés ; il veut être avec lui tout le temps, il veut être celui que Maxime cherche à travers la foule, être la main qui trouve la sienne pour être rassurée, être le corps contre laquelle il se blottit, être la voix qui souffle des mots doux dans ses pensées… Mais il arrive sept ans trop tard, il le sait. La schizophrénie de ses désirs lui fait détourner les yeux quand il effleure le piano du bout des doigts, et le silence qui rend ses lèvres mutiques est une paralysie de l’âme, un cri étouffé qu’il contient en ayant l’impression de lutter contre le néant. Qu’est-ce qu’il peut dire ? Il n’y a rien à dire, rien de bien en tous cas, et il a l’impression que le moindre épanchement lui vaudrait d’éparpiller les miettes de ce qu’il lui reste, mais c'est plus fort que lui. ’’Il a dit que tu étais à lui.’’ et c’est faux ’’Ça m’a énervé. Sa main m’a énervé.’’ parce qu’elle te touchait le tapotement de ses doigts a redoublé, et il ne prend toujours pas la peine de lever les yeux pour soutenir le regard de Maxime ; en cet instant, il aurait juste envie d’être seul.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva 12/2024 - galerie d'art

Il cherche des réponses à ses questions dans la chambre d'hôtel, parce qu'il n'a que ça en tête depuis qu'il vient de voir sortir cet homme. Le sourire d'Izan à son égard est de ceux qu'il aime recevoir lui aussi, alors c'est l'évidence même à ses yeux : ils ont couchés ensemble. Le français n'est pas à même d'être suffisamment observateur pour se rendre compte qu'Izan vient de se faire recoudre ; il analyse les draps du lit, le sofa bien arrangé de la chambre, en se demandant où ils se sont donnés du plaisir, et ça le torture fortement. " Qu'est-ce que ça peut te foutre ? " L'hispanique ne se rend pas compte de tout ce que ça change pour Max. Il débarque ici initialement pour l'incendier, et finalement il se retrouve dans la situation où il doit réfréner sa jalousie. Son but n'est pas de lui donner les munitions et qu'il comprenne à quel point il le veut continuellement, malgré le caractère inderdit de leur relation... Mais c'est ce qu'il va se passé. " Je suis celui qui joue ? Tu veux vraiment aller sur ce terrain là, Max ? " Il apprécie trop l'entendre utiliser ce surnom, il a toujours trouvé qu'il chantait différemment de sa bouche. Mais ce n'est pas le moment d'avoir ce genre de pensées, alors qu'il est envahi par la colère et la déception de son comportement. Oui, il a le sentiment qu'il joue. Oui, il est prêt à s'aventurer sur ce terrain là, s'il le faut. Il veut comprendre ce qu'il a dans sa tête pour agir comme il le fait, même s'il n'est pas le mieux placé pour juger quoique ce soit. Il se sait en couple, mais Izan le savait, lui aussi, en couchant avec lui... L'imaginer toucher un autre corps que le sien, ça le dégoute. Alors il l'insulte, il a besoin de déverser sa colère. Il ne le fait peut être pas de la bonne manière, il connaît l'impulsivité d'Izan et ce qu'il peut se ramasser en retour, mais ça doit sortir. " Je te remercie d'avoir traversé la ville pour me faire ces compliments. " Cette insolence, encore et toujours. Sa voix est plus calme, plus caressante, mais elle ne suffit pas à éteindre le feu de sa jalousie dans son corps. La seule chose qui pourrait lui permettre de redescendre, déjà, ce serait d'entendre de sa bouche qu'il n'a pas couché avec cet homme. "Parce que tu vas me dire que tu fais abstinence avec ton mec, toi ? Pas la peine de répondre, j'veux pas savoir. " Il entend une part de sa jalousie à lui aussi, mais ce qu'il entend surtout, c'est qu'il ne nie pas. Il ne confirme pas qu'il ne s'est rien passé dans cette chambre avec quelqu'un d'autre, et ça le rend fou. Son regard s'assombrit par la déception le suit alors qu'il part s'installer derrière son piano, alors qu'il s'éloigne de lui, alors qu'il voudrait plutôt que ce soit l'inverse qui arrive. " T'as couché avec, alors? " Parce qu'il n'y a plus que ça qui compte, en fait. Izan s'évertue à le laisser dans le flou, il n'en peut plus de ne pas savoir. Même si entendre qu'il a couché avec lui fera mal, il est prêt à le faire. " Je ne t'enverrai plus rien, ça te va comme ça ? " Il se prend le visage entre ses mains, parce que sa mauvaise foi n'a pas sa place ici. Fait-il exprès de ne pas comprendre ce qu'il cherche à lui dire ? Il est jaloux, parce qu'il le désire trop. Il n'y a rien d'autre à comprendre. Alors il lui dit, qu'il aurait aimé lui répondre, d'une voix presque plaintive. Max aurait aimé lui répondre qu'il voudrait être sien, qu'il veut que ses lèvres glissent sur ses lèvres et sur son corps. Il aurait aimé lui répondre qu'il le veut tout entière, toute une nuit, et pas que quelques heures à la volée dans la salle d'enregistrement. Il aurait aimé lui répondre qu'il veut s'endormir à ses côtés, après avoir entendu la douce mélodie de ses soupirs contre sa bouche. Tout ça, est ce qu'il l'entend ?

Un silence s'installe entre eux. Izan ne rétorque plus rien, installé à son piano. Même s'il n'a pas la réponse à sa question, Maxime finit par se calmer. Son corps s'agite moins, occupé à fixer l'hispanique qui témoigne une certaine nervosité. Il le voit tapoter de ses doigts la surface lisse de l'instrument en face de lui, alors il attend. Quelque chose le tracasse, il veut savoir quoi. " Il a dit que tu étais à lui. Ça m'a énervé. Sa main m'a énervé. " Il reste là, à l'observer. Il s'attend à ce qu'il relève les yeux vers lui, pour qu'il puisse analyser l'expression de son regard doré. En vain, Izan se résoud à maintenir les yeux sur ses doigts qui s'agitent frénétiquement sur le piano. Maxime n'est pas dupe, évidemment qu'il perçoit sa jalousie ; est-il étonné de la constater, alors qu'il ressent la même ? Les deux hommes ne supportent ni l'un ni l'autre d'appartenir à un autre homme, c'est évident. Lentement, le français finit par bouger de nouveau, pour réduire la distance qu'Izan a instauré entre eux. Ce moment d'accalmie fait du bien à son cœur, même si au fond, rien n'est résolu... Il se dit juste, sur le moment, qu'il ne veut plus hausser la voix, après cet aveu soufflé lui aussi à demi-mots. Ils souffrent tous les deux, ils se torturent, et Max est prêt à se jeter une nouvelle fois dans la rupture de cette promesse faite à un autre homme que lui. Il ne peut pas s'en empêcher, il veut trop sentir l'hispanique à ses côtés. D'un geste doux, le français attrape la main mouvementée d'Izan tout en s'installant à son tour à côté du piano, une jambe de chaque côté du banc. Aussitôt, le contact de ses doigts qui s'entrelacent aux siens comblent ce manque qu'il ressent depuis qu'il a quitté la salle d'enregistrement la dernière fois. " Je ne supporte pas l'idée qu'un autre te touche... " Sa voix est basse, murmurée. Ses yeux lorgnent déjà beaucoup trop sur les lèvres d'Izan qu'il se résoud néanmoins à ne pas embrasser pour l'instant : il sait qu'il est en tort, il sait qu'ils ne doivent pas... Tout comme il sent qu'ils vont braver une nouvelle fois l'interdit. " Caresse-moi, embrasse-moi... fais-moi tiens. "  C'est tout ce qu'il désire, le reste n'a plus aucune importance.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry 12/2024 - galerie d'art

tw :  

La jalousie est tyran qui a installé son règne entre eux : après la rivalité de leurs prouesses respectives derrière leur instrument de prédilection, après les regards dédaigneux au détour des couloirs, après l’amour naissant écrasé par la semelle de l’incompréhension, voilà qu’elle s’installait, durablement, comme un squatteur profite d’une fenêtre cassée pour investir un lieu qui ne lui appartient pas. Parce qu’elle n’a aucune raison d’être là, cette jalousie mordante et déchirante, elle existe sans motif et sans légitimité ; l’un comme l’autre n’a aucune raison d’en souffrir mais ils sont là, monstres de chagrin et d’envie, portant le poids d’un amour trop lourd qui ne se dit pas. « T'as couché avec, alors? » Izan applique ses deux paumes contre son visage sans accrocher le moindre wagon de réponse à ce train qui tourne en boucle ; il ne comprend pas, le pianiste, pourquoi c’est si important, pourquoi Maxime insiste pour obtenir une réponse alors qu’il juge ne lui en devoir aucune. Ce n’est pas comme s’ils avaient tacitement établi des règles dans cette relation qui n’en est même pas une, tout au plus ont-ils eu la lucidité d’admettre que ces quelques heures soustraites à la dérive de leur quotidien ne devaient pas être reconduites ; alors même s’il voyait réellement quelqu’un d’autre, qu’est-ce que cela changerait ?

Ça l’énerve d’être ainsi celui qu’on pointe du doigt — même si ce n’est guère pour les raisons qu’il croyait, parce qu’il aimerait bien rappeler qu’entre eux, celui qui n’est pas libre, c’est Maxime, et que ce n’est pas vraiment à son amant qu’il faut demander des comptes. Il a envie d’abattre cette carte qui ferait de lui le grand vainqueur de cet affrontement verbal mais, elle serait également bien trop traitresse de la jalousie qui est de plus en plus fertile en son coeur, côtoyant les sentiments amoureux pour les rendre de plus en plus évidents — mais plutôt clamser sur place que de le dire à voix haute. De toute façon, il refuse de dire davantage que ce qu’il vient d’avouer, puisque le silence qui lui répond tout d’abord est aussi accablant que salvateur : il n’a aucune envie d’entendre Max lui rappeler que Pablo a tous les droits, mais il commence à regretter d’avoir laissé sa langue soulagée ce qui pèse sur tout son être comme une chape de plombs. Il n’aurait pas dû le dire ; la pulpe de ses premières phalanges martèlent davantage le couvercle du clavier, dans un rythme suffisamment nerveux pour qu’on devine qu’il est la proie d’oiseaux de malheurs qui viennent grignoter les derniers éclats de lumière qu’il avait réussi à conserver… Jusqu’à ce que ses doigts soient délivrés de leur souffrance par cet effleurement de peau qui fait trembler jusqu’aux contours de son coeur agité, son regard ne cherchant même pas à observer leurs phalanges mélangées, leurs mains cramponnées l’une à l’autre comme pour étreindre la douleur, puisque ses billes attristées remontent aussitôt vers celles de Maxime. « Je ne supporte pas l'idée qu'un autre te touche... » il le regarde, le dévisage de ses yeux qui sont le porte-parole de ce que sa bouche refuse de dire : ne vois-tu donc pas qu’il n’y a que toi ? Il n’a aucune obligation de le dire, il le sait, rien ne le force à rétablir la vérité pour décharger Maxime de sa souffrance mais, puisqu’il la voit dans son regard, cette douleur, puisqu’il l’entend dans sa voix et qu’il peut presque la sentir autour de son corps, il pince ses lèvres pour réprimer un soupir, avant de répondre d’une voix tout à fait infime : ’’C’est juste un ami.’’ Izan cherche son regard du sien et, sitôt qu’il le détient, il poursuit : ’’Il ne s’est jamais rien passé avec lui.’’ tu ne peux pas en dire autant, toi il a bien conscience de relâcher la seule arme qu’il savait détenir pour ne pas être le seul à souffrir des affres de la jalousie mais, il découvre que l’habitant acariâtre qui lui sert de coeur est beaucoup moins égoïste qu’il ne le croyait ; tacitement, il ne supporte pas de voir Maxime souffrir, même s’il se retrouve seul dans la salle de torture de leur relation. « Caresse-moi, embrasse-moi... fais-moi tiens. » ça fait trembler quelque chose en lui, ça bouscule sa respiration qui se froisse, ça brasse ses pensées pour les confondre en un palabre de mots qui n’ont aucun sens, mais malgré toute sa volonté de s’accrocher aux résolutions qu’il avait prise, Izan n’a aucune autorité sur sa main libre qui s’avance déjà pour glisser contre la joue de Maxime, ses doigts les plus bas effleurant la peau délicate de sa gorge pour effleurer la veine qui pulse sur les restants de colère furieuse, avant d’être guidés jusqu’à sa nuque, comme si sa peau voulait gommer et recouvrir l’empreinte d’une autre. ’’C’est ce que je veux…’’ il s’est rapproché pour pouvoir le murmurer contre sa bouche, ses lèvres s’étant drappées de douceur pour effleurer les siennes à chaque syllabe, faisant miroiter des caresses qui ne viennent pas puisqu’il rajoute, toujours d’une voix basse : ’’…Que tu sois à moi.’’ pendant que ses doigts s’enfoncent dans la jungle de ses cheveux sombres, ses lèvres viennent se déposer sur les siennes avec une tendresse étonnante après les vagues de haine qu’ils se sont jetés à la figure, comme un serment fait un peu plus près, un aveu qui se confirme par ce que sa bouche confie à la sienne : c’est un secret amoureux, ces baisers qui foisonnent, si pressés les uns contre les autres, si bien qu’on ne peut pas les compter. Leurs baisers se multiplient pendant que les vêtements sont soustraits, puisque le désir éclate, flamboie, jaillit et grandit, devient plus fort qu’eux, plus fort que toutes les promesses faites ailleurs : la seule qui compte est celle qu’ils viennent de proclamer : tu es à moi, autant que je suis à toi.

Dans les draps blancs qui accueillent leurs réconciliations ô combien suaves, leurs peaux se collent sans se départager, formant un tissu de caresses sur lequel ses lèvres s’éparpillent aléatoirement, s’espaçant de quelques degrés pour que l’épiderme de sa gorge se voile de son souffle chaud en des passagers discrets, semant quelques baisers pour distraire son amant, détournant même sournoisement son attention avec ses mains aventurières qui savent comment le faire fléchir, le conduire aux portes des soupirs brûlants, des petits gémissements qui s’évanouissent contre leurs lèvres, pour que ses dents puissent laisser l’empreinte de cette passion dévorante, qui s’allie à la jalousie, sur la courbe de son épaule. Il ne culpabilise pas de marquer son territoire, revenant happer ses lèvres avec les siennes sans réprimer le sourire qui orne ses lippes usées par les baisers qui fleurissent comme des je t’aime qu’il ne lui a jamais dit, quand leurs corps, mêlés, endurent la fièvre amoureuse du plaisir, dans une chaleur indescriptible qui remonte de leurs reins tel un tsunami qui menace de tout emporter, qui les emporte, qui les laissent, enlacés l’un contre l’autre, essoufflés, et transis d’amour.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva 12/2024 - galerie d'art

tw :  
L’esprit du français façonne des images qu’il refuse d’imaginer mais qui s’impose en lui avec une telle facilité depuis qu’il a vu le visage de cet homme, sortir de sa chambre d’hôtel, avec une attitude qui ne lui présage rien de bon ; leurs corps qui se pressent, leurs soupirs qui se mêlent, leurs doigts qui s’enlacent et qui se caressent, et il n'ose imaginer la suite, le plaisir ressenti, la passion comblée. La jalousie qu’il éprouve le fait tant souffrir, il ne veut pas se rendre à l’évidence qu’Izan puisse laisser quelqu’un d’autre toucher ce corps qu’il voudrait posséder complètement, le français. Il voudrait qu’il soit sien, tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes, toutes les secondes et que plus personne d’autre que lui ne puisse un jour se délecter du velouté de sa peau hâlée. Il veut être le dernier homme qu’il connaisse de toute sa vie, celui qui fait vibrer son cœur, son corps, son être tout entier, jusqu’à la fin de ses jours. Le français n’a besoin que d’être rassuré, lorsqu’il s’empare de la main de l’hispanique, lorsqu’il admet de vive-voix qu’il ne supporte pas l’idée qu’un autre le touche. Ces mots veulent dire beaucoup de choses, mais ils savent l’un et l’autre qu’ils se sont déjà beaucoup trop fait souffrir pour entendre véritablement les sous-entendus prononcés à voix basse. « C’est juste un ami. Il ne s’est jamais rien passé avec lui. » Son cœur se soulève d’un soulagement immense, ses phalanges se resserrent davantage contre celles de l’hispanique alors que leurs regards s’accrochent intensément. Ils savent tous les deux qu’ils n’ont pas le droit, que se toucher de cette manière c’est jouer avec le feu ; ils ont conscience qu’ils se sont promis qu’ils ne recommenceraient pas, mais tout laisse supposer qu’ils n’ont pas le courage nécessaire pour résister à la tentation de leurs corps et à l’amour qui enflamment leurs regards. Ils se désirent d’une force incommensurable parce que ce n’est pas que l’affaire d’une attirance physique, il y a bien plus que ça. Maxime est sérieux lorsqu’il lui implore presque de le faire sien, pour qu’il lui appartienne à lui, et non plus à Pablo. C’est ça qu’il veut, lui appartenir, qu’Izan lui appartienne, rien de plus, rien de moins. « C’est ce que je veux… que tu sois à moi. » Le français s’abreuve de son souffle, en laissant Izan être celui qui rapproche leurs deux corps, leurs deux bouches ; sa main contre sa joue le fait soupirer et il attend,  impatiemment, qu’il l’embrasse. Capables de se déchirer l’un et l’autre, puis l’instant d’après de se laisser aller à une multitude de baisers qui respirent l’envie de se retrouver et de s’aimer, c’est aussi pour cette raison que Max n’envisage pas d’éloigner le barcelonais de l’équation. Ils se sont prouvés, un trop grand nombre de fois, que cette impulsivité et cette force qu’ils mettent dans leur relation n’est pas toujours la plus facile à gérer, et que le risque à perdre est très grand… le français a déjà trop souffert la première fois, il y a sept ans, à Paris, et il ne se sent pas prêt à recommencer, même s’ils sont censés avoir appris de leurs erreurs. Ils ont beau avoir grandi, avoir mûri, il y a encore trop d’instabilité dans leur histoire pour que la confiance règne complètement ; Izan a été capable de lui claquer la porte au nez une première fois, il est à même de le refaire. Pourtant, c’est à corps perdu qu’il répond à l’appel de ses lèvres, malgré la peur de ce qu’il va advenir de tout ça. Craquer une seconde fois, c’est nouer davantage cet attachement évident entre eux, c’est officialiser davantage que c’est plus que physique, en tout cas de son côté. La force de ses sentiments l’empêche de résister, et il ne cherche finalement pas à le faire. Même s’il est le seul à l’aimer, il veut le faire ce soir.

Son corps mêlé au sien dans les draps qu’il a cru être partagés avec un autre avant lui, le français devient ivre de plaisir à chaque fois que les mains d’Izan parcourt sa peau, faisant cambrer son corps avec tant de facilité et d’expertise qu’il lui en fait perdre la tête. Il s’abandonne complètement à ses côtés, en profitant du confort de ce lit qui accueille des retrouvailles tant désirées, à la fois tendres et passionnées. Contrairement à la première fois, ils savent qu’ils ont plus qu’une heure pour se retrouver et ça se ressent dans la manière dont ils ont de se chercher du regard, de capturer leurs lèvres, de se délecter des soupirs de l’autre ; ils prennent le temps de faire monter et grandir ce désir brûlant qui les anime. Il imprime chaque caresse, chaque baiser, chaque morsure qu’il reçoit contre sa peau, dans cette danse sensuelle entre leurs corps ; il retient chaque note suave de ses gémissements contre son oreille, contre sa bouche ; il garde en mémoire chaque coup de reins, chaque va-et-vient et chaque sensation de chaleur qui le transperce avant qu’ils ne soient plus que fatigue, néanmoins comblés d’un amour secrètement gardé.

**

Délocalisés dans la baignoire pour permettre à leurs corps transpirants de se détendre et de se laver des précédentes salves de plaisir, le besoin de proximité et de tendresse est plus fort que tout ; leurs corps tout entier réclament d’être blottis, alors c'est collés qu'ils s'installent dans la salle de bain. Ils ont la nuit entière devant eux pour combler ce manque qui s’est creusé dans leur cœur depuis la dernière fois et Max est prêt à la savourer, jusqu’au bout. Il ne craint pas le manque de sommeil, la seule chose dont il a peur à l’heure actuelle, c’est de ne pas suffisamment profiter de ce moment en suspens auprès de cet homme qui fait tellement s’emballer son cœur. Est-ce qu’il l’entend, au moins, frapper furieusement contre sa poitrine ? Izan est adossé à lui, sa tête posée contre sa clavicule droite, tandis que les phalanges agiles du français couvrent ses bras de multiples caresses. Ce moment simple, doux et sensuel à la fois avec cette eau presque brûlante qui serait bien capable d’embraser une seconde fois son désir, il ne veut pas qu’il connaisse de fin, le français. Il aimerait rester là à jamais, avec Izan blotti dans ses bras. Le clapotis de l’eau a un effet berçant, mais il brise finalement le silence tout en faisant remonter l’une de ses mains sur son visage. « C’est douloureux, ton arcade ? » Maintenant, il peut librement exposer son inquiétude à ce sujet sans que ce soit mal interprété. Il n’y a plus que douceur et tendresse entre les deux hommes, les tensions sont derrière eux… mais jusqu’à quand ? Une chose est certaine, il ne veut pas reprendre le chemin de la haine et de la colère ce soir. « Ca me rappellerait presque certaines de nos soirées à Paris, ça… » Ce qu’ils ont vécu à Paris, ils ne l’abordent jamais, comme s’ils avaient passé un commun accord sur cet autre interdit à ne pas franchir ; admettre qu’ils ont vécu quelque chose autrefois, c’est admettre qu’ils n’ont jamais rien oublié de ce moment… pourquoi est-ce que leurs souvenirs n’ont pas été emporté et remplacé depuis ? Ils connaissent tous les deux la réponse, ils ne veulent juste pas se l’avouer.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry 12/2024 - galerie d'art

La géographie de l’amour les laissent perdus au milieu d’une intersection sans panneau pour les aiguiller sur la destination à prendre ; ils ne savent pas tellement quelle route empruntée tant elles sont sinueuses, jonchées d’obstacles qui pourraient mettre fin au voyage avant que celui-ci ne commence, assombries par les nuages de l’incertitude et du regret, point suffisamment chaleureuses pour qu’on daigne s’aventurer sur leur sol. Ils n’ont que le désir pour boussole et la passion comme carte ; c’est tout aussi explosif que destructeur, aussi délicieux qu’effrayant. Leurs coeurs, donc, se tiennent à l’abri du danger, avançant timidement les prémices d’une vérité qu’ils n’arrivent pas à contenir, qu’ils peuvent tout juste ignorer, et qui est vibrante, criante même, quand leurs corps s’avouent vaincus, raflés par les vagues du plaisir qui, lorsqu’ils sont ensemble, n’est comparable à aucun autre. L’alchimie de leurs corps entrelacés créer des étincelles ; sur leurs peau, c’est un évangile de frissons brûlants, des soupirs et des gémissements qui fondent sur leurs lèvres scellées, sur leurs mains qui vagabondent, porteuses de vilaines griffures ou de suaves caresses, cultivant une euphorie qui s’accentue à chaque fois que leurs bassins s’entrechoquent, produisant une violente chaleur qui emporte absolument tout sur son passage lorsqu’elle atteint le plus haut de ses sommets — la raison, surtout, s’évapore pour laisser place à un poison lumineux qui irradie leurs corps d’une brûlure encore plus indomptable qu’une flamme.

*
**

L’humidité a suffisamment défait ses boucles pour que, dans sa nuque, quelques mèches serpentent sur sa peau halée en dessinant de drôles de virgules, presque, des points d’interrogation hasardeusement tracés. Pourtant, des questions, Izan ne s’en pose pas : son dos calé contre le torse musclé de son amant, la nuque appuyée contre sa clavicule, il observe le ballet des doigts humides qui courent sur sa peau perlée de gouttes transparentes, le berçant de quelques caresses délicates dont il raffole déjà, en se formulant l’idée que son épiderme va sûrement avoir froid une fois qu’il en sera privé « C’est douloureux, ton arcade ? » la voix du français trouble le silence à peine rompu par le froissement de l’eau, et il fait lentement rouler sa nuque contre l’épaule de Maxime afin de tourner son menton en sa direction, ses longs cils frôlant ses sourcils quand il lève son regard mordoré pour répondre, d’une petite voix joueuse qui est annoncée par la fresque espiègle qui commence à peindre ses lèvres : ’’Disons que je suis déçu de ne pas avoir eu mon diplôme de courage.’’ immergeant son coude sous l’eau chaude, il remonte l’une de ses mains pour glisser ses doigts dans ses cheveux, les repoussant en arrière en faisant coulisser quelques grain humide sur son visage, les atomes d’eau glissant de sa tempe jusqu’à sa gorge, pendant qu’il observe la marque de ses dents, dont l’empreinte trône fièrement sur l’épaule de Maxime. Il n’a pas envie de parler des points de suture qui ont été appliqués à son arcade, il n’a pas envie de reparler de tout ça, il n’a pas envie que sa mémoire se rappelle à lui pour l’abattre devant un florilège de vérités qu’il se plait à ignorer ; peu importe le reste, peu importe les autres, peu importe le monde, pour quelques heures encore, Maxime est tout à lui, rien qu’à lui. « Ca me rappellerait presque certaines de nos soirées à Paris, ça… » ses lèvres pressées l’une contre creusent davantage ses joues sous le sourire qu’il brandit, mais celui-ci se teinte de davantage de tendresse que d’amusement ; il le soustrait néanmoins aux yeux de Maxime pour tourner son menton de l’autre côté, sa bouche flânant un baiser humide contre le biceps de son amant, juste avant qu’il ne lui rappelle, taquin : ’’Tu as raison… Tu squattais déjà ma chambre à ce moment-là, tu te souviens ?’’ et pour rien au monde il n’aurait voulu que la silhouette de Maxime en soit délogée mais puisque le français a prétendu par sms que cela datait de sept ans et qu’il n’y avait nullement besoin d’éclaircir davantage le sujet, Izan ne se pense pas en droit de le dire ’’On dirait que c’est une habitude, chez toi.’’ l’accusation est portée par un sourire mutin et un oeil brillant de malice, même s’il est obligée de décaler un peu sa nuque vers le bord de son épaule pour pouvoir admirer son profil, dont chaque courbe lui semble être d’une beauté parfaite, une mélodie sans fausse note, une partition sans rature ’’Tu es beau…’’ sa voix bourdonne presque tant elle s’est faite basse, sans chercher à enrober son éloge d’une quelconque malice cette fois ; il le pense sincèrement, et cela est lisible jusque dans les yeux qui ne se lassent pas de l’admirer.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva 12/2024 - galerie d'art

tw :  

L'eau fumante de la baignoire apaise chaque muscle de son corps précédemment engourdi par le plaisir de leurs danses à la fois endiablées et pleines de tendresse. Il n'y a pas d'autres endroits où il souhaite être, maintenant. Tout ce dont il a besoin, le français, c'est être contre le corps de cet homme qui le connaît assez parfaitement pour lui faire vivre des sensations exaltantes, grisantes, excitantes ; ces mêmes sensations qu'il n'a plus ressenti depuis sept ans, parce qu'il n'y a que dans ses bras qu'il les connait pour de vrai. " Disons que je suis déçu de ne pas avoir eu mon diplôme de courage. " Maxime n'a pas pour vocation de reparler de ce qu'il s'est passé, il cherche juste à se rassurer sur sa douleur, parce qu'il a remarqué la violence du coup, le sang, puis bien plus tard, qu'il a été recousu. Il ne veut pas les entraîner sur cette route semée d'obstacles qui porte le nom du barcelonais, dont la présence dans la vie du français n'est pas écartée. Même s'il l'a rejoint ce soir dans sa chambre d'hôtel, Pablo l'attendra demain chez eux, dans leur appartement, où ils entameront une seconde explication certainement à tout ce grabuge. Tout ceci n'est qu'une parenthèse, Max en a bien conscience, mais il veut la vivre pleinement, parce qu'elle le rend heureux, comblé, transit d'amour, pour cet homme qui ne réalise pas à quel point il est prêt à tout pour lui. Pour les écarter d'une nouvelle zone d'ombre et préserver cet instant de douceur et d'intimité, Maxime se surprend à aborder Paris, alors qu'ils ne se sont risqués qu'à en parler une seule fois, pour qu'il soit finalement à l'origine d'une conclusion qui ne lui plaît guère : il aimerait comprendre pourquoi Izan s'est emporté si vite, pourquoi ils se sont laissés s'échapper l'un et l'autre, alors qu'ils n'en avaient clairement pas envie ; ils se l'ont dit, Izan prévoyait de lui demander de l'accompagner à Berlin, et Maxime s'est expliqué sur la raison de son emportement. Une pièce manque à ce puzzle d'incompréhension, une pièce qu'ils ne sont tous les deux pas encore disposés à se donner. " Tu as raison... Tu squattais déjà ma chambre à ce moment-là, tu te souviens ? " Le baiser qu'il dépose contre son biceps lui rappelle bien d'autres baisers échangés dans les mêmes circonstances, avec vue sur la Tour Eiffel et coupe de champagne au bord de la baignoire. Évidemment qu'il se souvient, évidemment que les souvenirs restent intacts. Sept années séparent Paris d'aujourd'hui, et pourtant il a l'impression, en retrouvant le goût de ses baisers et de ses caresses, qu'il s'agit d'hier encore qu'il le rejoignait dans sa chambre pour y faire plus que jouer du piano. " On dirait que c'est une habitude, chez toi. " Sa remarque le fait largement sourire, ses yeux braqués sur leurs jambes entremêlées dans l'eau pleine de mousse. Ce moment est précieux à ses yeux, cette douceur dans leur échange fait du bien à son cœur qui était tout à l'heure en train d'étouffer. " C'est uniquement parce que j'apprécie beaucoup tes chambres d'hôtel, tes goûts de luxe déteignent sur moi, j'imagine. " En sentant l'hispanique poser son regard sur lui, le français incline suffisamment son propre visage pour encrer ses billes pleines de tendresse dans les siennes, tandis que l'une de ses mains se relève pour venir caresser ses boucles relâchées par l'humidité de la pièce. " Tu es beau... " Le compliment le surprend, autant qu'il le touche profondément. Il sent sa sincérité, et ça l'émeut. S'il savait, lui aussi, comme il le trouve beau, encore plus dans cette baignoire, complètement nu, son torse musclé qui sort de l'eau. Il est divin, il est magnifique, il est celui qui le fait vibrer d'un seul regard, parce que tout l'attire chez lui ; autant son corps que sa personnalité. En guise de réponse, les phalanges du français glissent lentement tout contre sa joue pour venir s'emparer délicatement de son menton et l'inviter à relever encore davantage la tête de quelques degrés, pour permettre à sa bouche de retrouver la sienne. Il laisse ses lèvres se délecter avec gourmandise de leurs jumelles, en de petits bruits humides qui accompagnent le clapotis de l'eau de la baignoire. " Tu essaies de me faire rougir ? " Il sourit contre sa bouche, en le regardant de manière complice et intime. " Si c'est le cas, je vais devoir sévir et te faire rougir moi aussi... Je vais être honnête, ma tête me souffle déjà quelques idées intéressantes. " Sa main libre se fraye un chemin sur ses pectoraux parfaitement dessinés, pour disparaître ensuite sous la mousse et continuer sa route sur ses abdos dont il retrace également les courbes. Ce corps il pourrait le toucher indéfiniment, sans jamais s'en lasser un seul instant. En même temps, son autre main relâche son menton pour revenir se perdre dans l'amas de boucles au niveau de sa nuque, tirant délicatement dessus pour qu'il maintienne la tête relevée, avec une certaine possessivité qui laisse aucunement douter sur la nature de ces fameuses idées. " Mais avant ça, moi aussi je te trouve très beau... " Il ne lui faut que quelques secondes pour sceller de nouveau leurs bouches dans un baiser plus fiévreux, pendant que la main qui flatte ses abdominaux les a délaissé pour venir caresser l'intérieur de ses cuisses. Leur nuit de passion (et d'amour) n'est pas terminée, il compte bien s'en assurer.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Maxime Coventry 12/2024 - galerie d'art

Les doigts qui grimpent sur son visage pour mettre en évidence sa blessure à l’arcade ne médisent pas suffisamment pour qu’il s’en insurge, si bien qu’il les laisse vagabonder sur sa peau humide en profitant simplement du contact de cette main câline, qui l’affuble de quelques caresses au milieu de ce moment d’accalmie qui laisse entrevoir toute la tendresse qu’ils peuvent (veulent) s’offrir, mais qui n’est qu’une divagation qu’ils ne peuvent même pas se permettre, une entorse aux injonctions de leurs statuts qui dénotent, un train qui s’est arrêté à la mauvaise gare et qui refuse de reprendre son chemin, songeant que l’égarement est beaucoup plus plaisant que sa destination finale, peut-être, le réel endroit où il devait se trouver. Mais le train lui semble en mauvais état, lui qui n’est guère expert en la matière, pourtant, Izan reconnait que son apparence est vétuste, délabrée, mal-entretenue par les années d’éloignement, les non-dits et les silences ; les fissures de l’usure permettent à la douleur de s’installer, aux espérances de se nicher dans un coin, des oiseaux de papier qui ne voleront jamais mais dont il prend soin quand même, se disant que, peut-être, ils trouveront le moyen de déployer leurs ailes, un jour.

« C'est uniquement parce que j'apprécie beaucoup tes chambres d'hôtel, tes goûts de luxe déteignent sur moi, j'imagine. » Izan n’a pas besoin de le regarder pour savoir que Maxime parle avec un sourire flanqué sur sa si jolie bouche, ayant entendu l’étirement de ses lèvres dans la rondeur de sa voix, dans chaque syllabe qui a roulé sur sa langue en ricochant sur son coeur pour y semer des ondes d’attendrissement qui se propagent dans tout son corps ’’C’est vrai que, venant de la bourgeoisie anglaise, t’en avais qu’une vague idée…’’ il l’ironise d’un bref mouvement du menton en conservant l’affection dans son regard plongé dans le sien, sa bouche ne tardant pas à se faire mandataire de son coeur pour lui souffler une louange qui ne saurait être plus vraie qu’en cet instant ; sous les lumières tamisées de la salle-de-bain, son torse humide sublimé par la vapeur qui dessine sa musculature ô combien séduisante, accentuée par ses mèches brunes qui collent sa peau à certains endroits, ses lèvres encore rougies par leurs baisers fiévreux, Maxime s’illustre sous un portrait que l’hispanique tente d’imprimer dans l’intimité de ses pensées pour la conserver dans un écrin puisque, une petite voix lui souffle que c’est la dernière fois qu’il pourra en être le témoin privilégié. Conscient que ces quelques heures sont précieuses, il se laisse gagner par cette main qui oriente son visage pour permettre à ses lèvres de devenir otages de baisers qui lui font fermer les yeux, qui lui font oublier, quelques secondes, que tout ceci n’est pas fait pour durer « Tu essaies de me faire rougir ? » croquant dans le coeur de sa lèvre courbée, il se recule de quelques degrés en faisant mine d’examiner les joues de son interlocuteur, fardées d’une petite teinte empourprée sans nul doute due à la chaleur « Si c'est le cas, je vais devoir sévir et te faire rougir moi aussi... Je vais être honnête, ma tête me souffle déjà quelques idées intéressantes. » - ’’Lesquelles ?’’ qu’il ose demander avec un prompt intérêt dans la voix, sa prétendue innocence s’évanouissant sitôt que sa nuque est tirée en arrière par cette main logée dans ses cheveux, ce simple geste lui octroyant une nouvelle étincelle de désir qui rend ses yeux quelque peu embrumés, si bien que ses lèvres restent entrouvertes pour bloquer sa respiration dans le fond de sa gorge, son ventre fourmillant déjà d’une impétuosité tentatrice « Mais avant ça, moi aussi je te trouve très beau... » leurs lèvres collées est un mur sur lequel s’échoue un soupir alangui, envieux, son corps frissonnant presque de froid au milieu de cette eau brûlante tant la main de Maxime est une pyromane qui fait de son corps une victime volontaire de ses incendies. Mutines, ses dents s’avancent pour capturer la lèvre inférieure de Maxime, la mordillant quelques secondes tandis que ses yeux dorés fondent dans les siens, mais ce n’est guère suffisant pour expier ce désir fou qui prend possession de son corps sous les gestes du français ; Maxime n’est plus son amant, il est un vertige, un coup de tonnerre, la foudre sur son corps, une déraison à laquelle il goûte sans pouvoir y renoncer. Ce soir, pour la deuxième fois, ils ne cherche même pas à y renoncer, leurs corps renouvellent cette danse endiablée de mains, lèvres, dents et regards emmêlés, sans se préoccuper des brûlures magnifiques qu’ils héritent sur leurs peaux, sans même voir l’eau du bain qui déborde…

*
**

Allongé sur le ventre, le visage dissimulé entre deux oreillers blancs, un bras passé au-dessus de son crâne et l’autre étendu sur le lit pour surpasser le corps de son amant, il souffle lentement dans son sommeil trop léger, qui se voit perturbé par des mouvements qu’il perçoit à côté de lui, et qui lui signalent que son compagnon tente de s’extirper des draps pour prendre la fuite ’’Non,’’ qu’il clame d’une voix grave sans encore daigner bouger de sa position beaucoup trop confortable, n’ouvrant même pas les yeux quand sa main se relève et se tend pour attraper le poignet de Maxime, forcé de retomber sur le matelas ’’Tu restes là.’’ il en donne l’ordre d’une voix malicieuse, se redressant enfin en se perchant sur son coude encore libre, puisque si son autre main relâche le poignet du français, elle fait grimper ses doigts, petits soldats qui éparpillent des caresses le long de ses côtes nues ’’Tes poumons m’en remercieront, je le sais.’’ c’est bien entendu la seule raison pour laquelle il tient à le garder près de lui, et il l’assure en penchant légèrement son menton sur le côté, puisque sa position lui permet d’observer le visage de Maxime avec une hauteur privilégiée, ses yeux errant longuement sur les traits de son visage, même dans la pénombre de la chambre, comme s’il cherchait le meilleur endroit pour déposer ses lèvres ; il observe son front lisse, le voile fragile de ses paupières, petit tissu de soie qui recouvre deux pierres précieuses, la chute de son nez droit et, enfin, sa bouche, qui doit avoir le goût de la sienne désormais. ’’Dors.’’ qu’il claque pendant que ses lèvres échouent finalement contre le coin des siennes, son coude cessant de soutenir son crâne quand, envahissant l’oreiller de son amant, il fait coulisser sa joue sur celui-ci pour se blottir contre lui, semblant dire reste avec moi pour notre dernière nuit ensemble.

restless heart syndrom
crédits/ katmcnamaragifs & annscollections
@Izan Da Silva 12/2024 - galerie d'art

Ce moment intime fait partie de ces souvenirs qu'il s'apprête à graver dans sa mémoire pour les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois à venir ; après ce soir, les deux hommes ne pourront plus vivre cet amour interdit qu'ils se susurrent, qu'ils se caressent, mais qu'ils ne saisissent pas complètement, aveuglés par les souffrances du passé. Cette légèreté entre eux soulage les cœurs, ça leur permet de reprendre leur souffle avant qu'un beau jour, la tempête recommence à taper contre la fenêtre de leurs sentiments. " C’est vrai que, venant de la bourgeoisie anglaise, t’en avais qu’une vague idée…" Pour le coup, il n'a pas tort, mais la question que se pose Maxime est pourquoi Izan se retrouve-t-il encore une fois à dormir dans une chambre d'hôtel, alors que Brisbane semble être son pied à terre ? Est-ce finalement un choix de vie ? Une réponse, il n'en aura pas, puisque des baisers capturent sa bouche tentatrice, alors que l'hispanique lui offre un des plus beaux compliments qu'il ait pu entendre ; c'est surtout sa sincérité qui le transperce. Il n'y a aucun ressentiment, aucune jalousie, aucune animosité, rien que de l'admiration, du désir, de la tendresse dans ces mots. Il chérit cet instant, prie pour que cette nuit dure éternellement. "Lesquelles? " Il n'a pas besoin de mots pour laisser entendre la nature de ses idées, ses doigts s'en chargent à sa place, ainsi que ses baisers. C'est viscéral, ce besoin de le sentir contre lui, de le posséder tout entier, toute la nuit, puisqu'il n'y aura plus de lendemain après tout ça. L'appel de leurs corps est plus fort que tout, et c'est sans retenue qu'ils se laisseront encore une fois assouvir ce plaisir immense, mêlé à la fougue, la passion, l'amour caché.

**

Les nuits sont toujours courtes pour le français, dont le corps n'a besoin que de maigres heures pour se ressourcer pleinement. Le reste de la nuit, il compte bien le passer à contempler cet homme endormi dans les draps blancs et froissés de son lit. Mais l'envie de fumer se manifeste, et il prend le risque de s'extirper du matelas pour se ruiner les poumons, le temps de quelques minutes. Évidemment qu'il compte revenir aussitôt après dans les bras d'Izan, pour rien au monde il ne raterait cette occasion de se blottir contre lui et de s'abreuver de son odeur. Il a d'ailleurs l'impression qu'elle est en lui, et l'idée lui plaît beaucoup trop. " Non. " Un rire à peine audible s'échappe de ses lèvres, alors que l'hispanique le retient sur le lit. " Tu restes là. T'es poumons m'en remercieront, je le sais. " Il le connaît trop bien, et cette idée aussi, il l'aime beaucoup trop. " Tu as toujours autant le sommeil léger. " Malgré la pénombre, ses billes aux lueurs de miel croisent les siennes, son visage surplombant le sien dans une attitude qui laisse peu de marge pour une quelconque négociation. Izan ne le laissera pas quitter le lit, et cette possessivité, il l'aime beaucoup trop aussi. " Dors. " C'est inutile d'insister, le baiser parle de lui même, ainsi que son bras passé autour de son corps, alors qu'il pose sa tête sur son oreiller ; Max n'a de toute façon pas envie d'aller à l'encontre de sa demande, ou plutôt de ses ordres. Sa main droite vient alors se poser sur le biceps nu d'Izan, qu'il caresse distraitement de quelques auréoles de son pouce, en remontant parfois contre son épaule, pendant que sa bouche à lui vient lui déposer un baiser contre son front, avant d'enfouir son nez contre le haut de sa tête. Étonnamment, Max aurait parié être incapable de dormir davantage... Il se réveillera le lendemain matin tout aussi blotti contre Izan, dont la présence, l'odeur et la chaleur l'auront bercé toute la nuit.

**

Des baisers, des regards, des caresses, ils s'en volent des dizaines au petit matin. Chaque minute ensemble à ce goût précieux, mais ils savent l'un comme l'autre que c'est bientôt fini. Ils vont bientôt devoir retourner au studio d'enregistrement, prétendre qu'il ne s'est rien passé, terminer cette collaboration comme il est convenu. Avant cela, Izan a fait monter deux plateaux de petit-déjeuner, qui donneraient presque comme un air de vacances en amoureux à cette douce parenthèse. Ils échangent, simplement, sans chichis, toujours en se couvrant d'embrassades délicates. Alors qu'il mange sa tartine de confiture, son téléphone dont il avait oublié l'existence dans son pantalon, vibre et l'incite à le consulter, rapidement.

Pablo
Je suis à la galerie aujourd'hui, j'espère qu'on pourra discuter ce soir.

Il n'a pas envie qu'Izan aperçoive ce message, il est heureusement levé prêt à aller se doucher visiblement, mais dans sa précipitation pour remettre son téléphone en veille, il fait lamentablement tomber sa tartine sur son pull. " Merde" L'énorme auréole sur son vêtement le trouble tant que le message de Pablo est déjà passé à la trappe : lui qui accorde beaucoup d'importance à la façon dont il s'habille, il réalise qu'il n'a rien d'autre à porter pour aller au studio. " J'ai pas de pull de rechange... T'aurais pas un col roulé à me prêter ? " Il grimace, il se sent bête, mais surtout il occulte totalement la réalité qui va bientôt s'imposer à lui : il devra affronter le barcelonais, alors que tout son corps réclame à rester ici, près d'Izan.