Petite pile électrique sur pattes, déjà à la limite de l’inépuisable en temps normal, la promesse d’une après-midi d’anniversaire chez l’un de ses petits camarades décuple son activité. De l’énergie à revendre, la petite tête blonde, incapable de tenir en place jusqu’à l’heure du départ. La même question redondante comme si elle était en constante communication avec l’horloge parlante. Le temps paraît encore plus long lorsqu’on fixe les aiguilles avec insistance, et l’impatience n’arrange pas les choses. Difficile d’occuper Mae, les tours habituels n’ont pas la réussite escomptée. Quelques minutes avec des crayons entre les mains, d’autres à regarder les images d’un livre, diverses tentatives, mais l’attention s’évapore trop vite et tout s’enchaîne dans une boucle infinie. Elles sont deux pour gérer la version miniature, tantôt en tandem, tantôt en alternant. Il faut au moins ça pour tenter de canaliser l’excitation de l’enfant, et pourtant, aussi bien Kayna que Lennon, s’épuisent plus rapidement que la petite. Il n’y a que le repas pour offrir un instant de répit, marquant l’étape finale avant l’événement tant attendu. Soudainement assidue afin de perdre le moins de temps possible. Plus vite terminé, plus vite elles peuvent se mettre en route. Pas de chipotage sur le contenu de l’assiette, dévoré avec un appétit gargantuesque.

L’impatience est à son comble, malgré un changement de plan à la dernière minute. Appel impromptu et la sortie familiale se retrouve amputée d’un membre, Kayna rattrapée par ses obligations professionnelles et un dossier pour lequel le temps s’est mué en facteur essentiel. « Va sauver les enfants, Wonder Woman. » Pour tenter d’atténuer le sentiment de culpabilité qu’elle lui connait à chaque fois qu’une telle situation se présente. Impossible de lui en tenir rigueur, au contraire, il n’y a que des encouragements dans la bouche de Mae et Lennon, même si la petite finira par réclamer sa mère dès l’instant où son esprit ne sera plus obnubilé par l’anniversaire. « Ne t’inquiète pas, je vais tellement t’inonder de photos que tu auras l’impression qu’on est toutes ensemble. » Un dernier câlin, toutes les trois, avant d’accompagner Kayna jusqu’au pas de la porte, où elles restent jusqu’à ne plus être capable de l’apercevoir. « Allez ! À nous deux, crevette. » Enfin le temps de se préparer pour rejoindre l’événement de l’après-midi.

Le trajet jusqu’à destination n’entame pas l’énergie du petit diablotin, véritable moulin à paroles dont l’excitation grandie à mesure que la distance s’amenuise. Pas besoin de sonner pour indiquer leur présence, Mae cogne la porte de ses petites mains jusqu’à son ouverture. Prête à débarquer comme un boulet de canon, à peine un quart de seconde avant d’oublier Lennon sur le pas de la porte. « Pas si vite crevette. » Les politesses d’usage, la petite lâche un bonjour expéditif alors que les cris d’enfants se font entendre un peu plus loin. « On a promis des photos pour maman. » Portable dégainé, elle cadre la bouille de Mae, qui affiche sourire et visage d’ange, comme elle sait si bien le faire pour attendrir n’importe qui. À peine le bruit de l’objectif qu’elle s’échappe finalement, allant rejoindre ses petits camarades. Quelques parents sont présents, pour garder un œil sur leur progéniture, ou simplement pour profiter de quelques interactions différentes de celles avec leurs gamins. Histoire d’avoir des conversations sur autre chose que la Pat'Patrouille. Parmi les présents, il y en a un qui attire rapidement son attention : Leo. Première fois qu’ils se croisent vraiment, malgré le fait que Noah et Mae fréquentent la même école. Des entraperçus brefs, à chaque fois, car le sentiment est bizarre, tout du moins, du côté de Lennon. Une pointe de malaise à chaque fois, le poids des secrets qui prend forme. Ces secrets – dont l’un s’amuse dans la pièce d’à-côté – longtemps protégés par la distance, se retrouvent maintenant exposés à la moindre bourde. Mais impossible de repousser éternellement les retrouvailles. Ils s’entendaient bien, avant qu’elle ne suive Kayna dans un autre pays du jour au lendemain, une bonne raison de mettre de côté toutes les cachoteries dont il n’est pas encore au courant et d’agir normalement. « Ça fait un bail Leo. » L’air enjoué, un euphémisme après plus d’une vingtaine d’années sans la moindre nouvelle. « Toi aussi t’es là pour le spectacle et une part de gâteau ? » Pas vraiment d’idée sur comment amorcer la discussion autrement. « Ou simplement pour surveiller ta version miniature ? »


@Leonard Carlson