A Fragmented Bond
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Clarence Aldridge & @Landry Chamberlain Début décembre
Le claquement de tes chaussures résonne dans le couloir déserté, un contraste frappant avec l’agitation constante des urgences. Tu viens de quitter cet espace singulier, presque hors du temps. C’est ici, où tu viens parfois te ressourcer. Certainement trop souvent. Où tu retrouves parfois Nina. Ces instants volés ont une saveur particulière. De ces moments d'accalmie devenus précieux dans cet océan de frénésie. Le murmure de votre dernière conversation flotte encore autour de toi, ses mots, son regard, ces silences partagés. Puis, comme toujours, le quotidien reprend ses droits, impitoyable et bruyant. Tu accélères le pas, traversant la frontière invisible entre la quiétude et l'effervescence. À peine franchis-tu le seuil du service qu’une voix te tire de tes pensées, pressante et teintée d'une inquiétude plus que palpable. Une infirmière essoufflée, te rejoint en courant, son badge frappant son torse comme une horloge frénétique. « Dr Aldridge, on a besoin de vous. Une patiente vient d’arriver. Les internes sont déjà sur place. » Tu la scrutes un court instant, à croire que tu es le seul médecin dans les parages. Tu acquiesces d’un simple mouvement de tête, en prenant immédiatement le relais. Elle t’expose brièvement la situation. Une femme dans la cinquantaine, patiente d'une unité psychiatrique transférée aux urgences à la suite d'une chute. Bouffée délirante, fracture, trauma... Pas le genre de dossier qui t'excite particulièrement, mais pas le genre que tu peux ignorer non plus. Dès que tu entres dans la salle de soins, une tension palpable te frappe sans pour autant te contaminer. Comme une vague qui déferle, mais sur laquelle tu as pris l’habitude de voguer. L’adrénaline flotte dans l’air, se mêlant au bruit des machines qui chantent leur mélodie habituelle. La patiente est agitée. Elle parle vite, beaucoup trop vite et ses mots se bousculent dans un flot incohérent. Ses mains tremblent en tirant sur les draps froissés avant de venir les poser sur sa poitrine, comme pour retenir un chaos intérieur qui menace de jaillir. Son regard affolé cherche une échappatoire. La pièce est devenue un microcosme de chaos. Ce tourbillon de sensations et de tension qui te galvanise plus que tu n’oses l’avouer.
Tu observes. Tu ressens. Les internes, quant à eux, gravitent autour de toi comme des astres affolés. Leurs visages trahissent une confusion contenue, mêlée d’une excitation fébrile. Ils te bombardent de questions, de fragments de constatations et de demandes de validation. Comme s’ils cherchaient à trouver une ancre dans l’anarchie ambiante. Tu lèves une main, à la fois pour ordonner le calme et pour recentrer l’attention. Tu t’avances vers la patiente qui repose sur un brancard, ton regard scrutant chaque détail. «
Qu’est-ce que je fais ici ? Il va me chercher. Demain, il va me chercher. » Ton regard descend brièvement sur sa jambe gauche, partiellement immobilisée. La déformation est visible sous la peau tuméfiée, confirmant la fracture. Plus haut, des bandages hâtifs laissent deviner des entailles profondes encore marquées par des filets de sang séché. «
Docteur, on a réussi à la stabiliser autant que possible, mais elle refuse qu’on touche à sa jambe. Et ses blessures… » Il hésite, cherchant ses mots, avant de continuer. «
Elles sont profondes. Nous avons fait un pansement compressif, mais… » Alors que tu t’apprêtes à poser une main réconfortante sur elle, ton regard glisse sur son dossier. Son nom inscrit en lettres capitales noires sur le papier te saute aux yeux.
Chamberlain. Ton océan se tourne violemment vers cette femme. Il n'y en a certainement pas des milliers au kilomètre carré en ville. Le lien se fait instantanément. Le visage de la patiente, tordue par l'angoisse, se fait reflet d’un autre que tu connais que trop bien.
Landry. Celui que tu as appris à connaître, malgré ce masque trop lisse qu’il aime porter devant les autres. Jouer les médecins parfaits avec cette gueule d’ange dont il se sert pour arriver à ses fins. Quitte à écraser ceux qui oseraient se mettre sur son passage.
Cette hypothèse n'a rien de sûre, mais une myriade de questions se bouscule dans ta tête. Cependant, tu préfères les mettre de côté pour te concentrer sur l’essentiel ta patiente. D'un geste sec, tu fais signe à ceux qui sont de trop. «
Vous trois, dehors, maintenant. » Les internes te regardent, étonnés par ton autorité soudaine, mais tu n’as pas l’intention de perdre davantage de temps. Puis, tu te tournes vers celle qui est devenue ton ombre depuis plusieurs semaines. Pas la plus expérimentée, mais celle en qui tu as totalement confiance. «
Toi, tu restes avec moi. Tu n'as pas le droit de souffler ne serait-ce qu'un mot sur ce qu'il se passe ici. A personne. Pas un, compris ? » Le ton est ferme, presque menaçant. Si tu as raison sur son affiliation, certains seraient prêts à payer cher pour savoir ce qu’il se trame entre ces murs. Elle acquiesce d’un geste rapide de la tête, tout en restant figée comme une plante verte. Tu te penches à nouveau sur la patiente, l’esprit verrouillé sur la nécessité d’agir. Peu importe le lien que tu viens de faire, peu importe le poids que ce nom fait peser sur tes épaules. Tu tentes de l’ausculter, mais elle te scrute avec une frayeur que tu t'efforces d’apaiser avec un sourire bienveillant. Durant une fraction de seconde, tu crois qu’elle va coopérer. Mais l’instant s’effondre comme un château de cartes.«
Ne me touchez pas ! » Sa voix déchire l’air de la salle, si forte qu’elle te fait presque reculer. Ses mains se tendent devant elle, griffant l’espace comme si elle tentait de repousser une menace invisible. Les draps qu’elle serrait contre elle tombent au sol, révélant des bras marqués de cicatrices anciennes et de plaies fraîches. «
Je suis là pour vous aider. Personne ne va vous toucher si vous ne le voulez pas, d’accord ? On va juste parler, c’est tout. » Ses yeux, grands et fuyants, se posent sur toi avec la méfiance d’un animal acculé. La pièce semble retenir son souffle. Même l’interne restée à tes côtés ne bouge plus, son regard oscillant entre toi et la patiente, comme si elle cherchait à comprendre la danse silencieuse qui s’opère. Elle te fixe intensément, comme si elle jaugeait la véracité de tes paroles. Puis à nouveau, la faible lueur de raison qui commençait à se dessiner s'estompe. «
ALLEZ-VOUS-EN ! » Le cri qu’elle pousse est déchirant. Sa douleur, sa peur, son désespoir s’entremêlent en une seule onde de choc. Ses yeux te transpercent avec une fureur teintée de terreur. Tu inspires profondément, la gorge serrée par une frustration que tu ne peux pas exprimer. Cette femme souffre, et pourtant, elle te rejette comme un corps étranger. L’instinct te pousse à insister, à tenter encore une fois de gagner sa confiance, mais ton esprit rationnel te retient. Cela ne servira à rien. Tu prends ton bipeur pour faire appel à la seule personne qui pourrait potentiellement vous aider. Tu te laisses porter par ton intuition et tu pianotes un message dessus pour lui demander sommairement de venir en urgence te rejoindre dans la chambre indiquée.
Quelques minutes plus tard, Landry pousse de la porte et fait son apparition. Son grincement suffit à attirer l’attention de la patiente. Elle se fige un instant, son regard affolé fixant la silhouette qui apparaît dans l’embrasure. Pendant ce temps, toi, tu restes en retrait, immobile, les bras croisés adossé au mur. Tu ne dis rien, préférant l'observer. Tu te permets de le scruter attentivement. Le masque de contrôle qu’il porte toujours, cette façade impeccable commence à se fissurer. Puis tout se passe en silence. Une inspiration contenue et un éclat de reconnaissance dans son regard.
Tu comprends, tu avais raison. Tu jettes un regard à ton interne pour lui demander de partir à son tour. Cette dernière claque la porte derrière en te laissant seul dans l'inconnu.
«
Madame Chamberlain a été transférée aux urgences à la suite d'une chute... » Tu finis par rompre le silence, d’une voix basse et contrôlée. Avec cet océan tranchant que tu sais si bien manier. «
Et elle n'accepte pas d'être auscultée... » Le mot tombe lourdement, comme une pierre jetée dans un lac calme. Tu ne bouges pas, mais à l’intérieur, une partie de toi se satisfait de cette confirmation. Il a cédé, incapable de feindre l'ignorance face à une vérité si flagrante. «
Je vais avoir besoin de ton aide, Landry... » Landry ne le dira jamais, mais tu as vu dans son regard qu’il est pris au piège, et ce n’est pas un homme qui supporte d’être vulnérable. Si tu veux obtenir quoi que ce soit de lui, tu dois changer d’approche. «
Écoute, je ne suis pas là pour te juger, ni pour colporter quoique ce soit. Ce qui se passe ici restera entre toi, elle, et moi. » Tu inspires lentement, ton regard toujours fixé se veut bienveillant. «
Alors, tu veux bien m'aider ? »