Comme chaque année depuis l’invention du calendrier grégorien, plusieurs siècles auparavant, le mois de décembre pointait le bout de son nez pour annoncer la fin d’un cycle. Dans son sillage suivaient bon nombre de festivités à l’image de Hanouka, Noël, le Nouvel An ou encore la journée internationale de la raclette. Bien malheureux était celui dont l’anniversaire tombait en décembre et allait se voir éclipser par ces autres célébrations.
Mais il y avait Pete. Pete qui ne comptait pas laisser son grand jour passer inaperçu. Il voulait faire les choses en grand. Il avait organisé une grande soirée d’anniversaire dans la villa de son père, producteur australien influent, pendant que celui-ci était en voyage aux Etats-Unis. Il avait invité tout ce petit monde du cinéma, du théâtre et de la télévision. Parce qu’il ne connaissait que ça.
Jesse, naturellement, avait été aussi invité. Ils avaient commencé leur carrière à la même période. A l’époque, l’ancien comédien était incroyablement jaloux de cette personne pour qui toutes les portes étaient ouvertes alors qu’elle n’était même pas si talentueuse que ça. Avec le temps, il avait fait sa connaissance et réalisé que Pete était très gentil, tout en commençant à avoir de la peine pour lui. Ce garçon vivait pour les caméras. Et s’il n’en faisait pas des tonnes, personne ne le voyait.

Jesse avait failli ne pas venir. Il s’était décidé sur un coup de tête. A la dernière minute, aurait-on pu dire si une heure de rendez-vous précise avait été fixée. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour trouver quelqu’un avec qui bavarder. Et aussitôt que la conversation commença à l’ennuyer, il trouva une excuse pour l’écourter. Il se rendit alors au bar où une barmaid avait été engagée pour la soirée. Il demanda une boisson et tourna son regard vers une personne qui se tenait juste à côté de lui. Il affiche alors un grand sourire en voyant Rory Craine.
« Hey, salut ! J’aurais pu parier que tu serais là. Ça fait longtemps, dis-moi ! Je suis content de te voir ! »
Rory avait sans nul doute été très pris par sa vie professionnelle et personnelle, tout comme l’avait été Jesse au cours des derniers mois.

(c) davidcorenswct & ABC Television Network

Anniversaire extravagant.

@JESSE COSTELLO & RORY

Les fêtes d'anniversaire étaient toujours l'occasion de recroiser des visages familiers, certains qu'on n'avait parfois pas revus depuis plusieurs années, si bien que Rory y avait vu un bon moyen de renouer avec d'anciennes connaissances. Ces derniers mois, accaparé par ses multiples projets, il avait du plusieurs fois décliner ce genre d’invitations mais comptait aujourd'hui se rattraper, non sans être venu avec un cadeau de circonstances pour la star de la fête. « Hey, salut ! J’aurais pu parier que tu serais là. Ça fait longtemps, dis-moi ! Je suis content de te voir ! » Une voix des plus reconnaissable le tira de ses réflexions tandis qu'il s'était accoudé au bar pour boire un rafraîchissement, poussant Rory à se retourner vers celui qu'il aurait évidemment du s'attendre à croiser à cette soirée. Jesse et lui avaient longtemps fait partie du même cercle d'amis, composé à l'époque de jeunes et ambitieux comédiens de théâtre pour qui la vie avait ensuite pris des chemins différents, qu'ils aient persévéré dans cette voie ou non. « Oh, Jesse, salut ! Ça me fait plaisir de te voir. » Le sourire sur ses lèvres ne mentait pas, il était ravi chaque fois qu'il retrouvait le jeune homme et avait toujours l'impression d'être ramené une quinzaine d'années en arrière. « Je pouvais pas manquer l'anniversaire de Pete. C'est un peu comme une grande réunion des anciens du théâtre, cette soirée, quand on y pense. » Et c'est cette idée qui lui avait plu dans l'idée de répondre présent : il n'avait pas si souvent l'occasion de renouer avec cette époque de sa vie, une époque à laquelle il devait pourtant sa réussite et tout ce qui avait fait de lui un acteur discipliné et nuancé. On apprenait des choses sur la scène d'un théâtre qu'un plateau de tournage ne pouvait pas toujours nous inculquer, et il n'avait jamais oublié à quel point ces années l'avaient enrichi.

« Comment vas-tu ? C'est vrai que ça fait un bout de temps. » Et il déplorait toujours de ne pas pouvoir recroiser certains de ses plus anciens amis aussi souvent qu'il le voudrait, la faute à un emploi du temps qui n'en finissait plus de s'allonger et à une vie personnelle particulièrement bien remplie elle aussi. Dans un monde où les journées feraient quarante-huit heures, il honorerait tous les déjeuners qu'il n'avait pas pu proposer ces derniers mois et trouverait le moyen d'être partout à la fois, sans jamais délaisser aucun des aspects de sa vie. Pour autant, si avoir une vie sociale aussi remplie qu'à une certaine époque lui manquait, Rory se considérait infiniment chanceux de vivre la vie qu'il menait, épanoui aussi bien dans son rôle de mari et père que face aux nouveaux objectifs professionnels que cette année lui avait amené. « Tout se passe bien, à la Northlight ? Je pensais justement aller voir un spectacle, un de ces soirs. L'effervescence du théâtre me manque. » Et bien qu'il manque de temps pour envisager un retour sur les planches tout en conciliant ses autres projets, Rory n'avait jamais totalement fermé cette porte et prenait régulièrement des nouvelles de la troupe qui l'avait vu jouer ses premières scènes. Ils restaient forcément un groupe cher à son cœur, sans que ça n'ait rien d'étonnant pour le grand sentimental qu'il était.

A Brisbane, le petit monde exclusif du théâtre et du cinéma était incroyablement restreint. On était loin de l’abondance que l’on pouvait retrouver dans certaines grandes villes étasuniennes comme Los Angeles ou New York. On faisait vite le tour. Jesse connaissait au moins de vue (il oubliait facilement les noms) la plupart des personnes présentes.
Parmi les personnes chez qui il arrivait à nommer sans hésitation se trouvait Rory. Rory Craine. Acteur renommé dans le cinéma, à l’affiche de quelques blockbusters. Il avait percé, c’était le moins que l’on puisse dire – comme beaucoup d’autres personnes à cette soirée, à divers degrés. Jesse savait que Rory avait une vie très occupée, ce pourquoi il s’attendait à le retrouver ici tout en n’étant pas certain à 100%.
« Totalement. Il y a des gens, ça fait des lustres que je ne les ai pas croisés. »
Comme tout bon ami, Rory lui demanda de ses nouvelles. Jesse lui répondit avec un enthousiasme enfantin.
« Oui, la nouvelle production fonctionne super bien. Ce qui est incroyable, c’est que depuis la sortie du film Wicked, j’ai l’impression qu’il y a un gros regain d’intérêt pour les comédies musicales. »
Comme on pouvait s’y attendre, Jesse suivait de très près l’actualité de tout ce qui touchait de près ou de loin aux comédies musicales. C’était sa passion et son travail. Même en abandonnant sa carrière d’acteur, il ne se voyait pas quitter cet univers. Qu’aurait-il fait d’autre, de toute façon ? Sa retraite prématurée avait suscité beaucoup de réactions à l’époque. Certains étaient compréhensifs, d’autres voyaient ça comme du “gâchis”. D’autres encore prétendaient l’avoir vu venir : Jesse n’avait pas les épaules pour supporter les à-côtés du métier, il avait commencé soit trop jeune, soit trop tard.
« Si tu ne l’as pas encore vu, je te recommanderais d’aller voir Six. Après l’avoir vu, j’ai passé des heures et des heures à regarder des documentaires sur les femmes d’Henri VIII. Et- »
Jesse fut interrompu par le barman qui lui servit la boisson qu’il avait commandée. Il le remercia. Mais cette très brève interruption avait suffi à lui faire perdre le fil de ce qu’il voulait dire. Pas grave, Jesse changeait de sujet comme de chemise.
« Et toi ? Comment tu vas ? Ta famille va bien ? »
Il savait que la famille comptait beaucoup pour Rory, et qu’il avait adoptée une petit fille au cours de l’année 2023. S’il était très content pour lui, il ne pouvait s’empêcher de se sentir envieux à son égard.