C’était un soir comme tant d’autres. Le genre de soirée où Camille, installée sur le canapé de son minuscule studio, faisait défiler les profils sur l’application sans vraiment y croire. Après tout, à quoi bon ? Elle avait rarement eu des échanges qui dépassaient trois messages, et encore moins des rencontres marquantes. Pourtant, ce soir-là, un message l’attendait déjà. Elle sourit malgré elle. La plupart des premiers messages qu’elle recevait étaient soit trop fades, soit carrément inappropriés. Celui-ci, bien que simple, avait un ton léger et amusé qui retint son attention. Elle parcourut rapidement son profil : Aaron, 31 ans. Ce n’était pas vraiment son type habituel, mais elle se sentit curieuse. Peut-être parce qu’il semblait avoir cet équilibre entre simplicité et profondeur qui l’attirait. De fil en aiguille, la conversation s’était étoffée. Ils avaient parlé, trouvant un terrain d’entente sur leurs passions communes. Elle s’était surprise à attendre ses messages, à sourire en lisant ses anecdotes, à partager des morceaux d’elle-même qu’elle n’offrait pas facilement. Quelques jours plus tard, elle lui proposa de se rencontrer. Pas dans un bar bondé ou un restaurant sophistiqué, mais au bord de la rivière Charles.

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Camille se rappela avoir hésité en se préparant ce jour-là. Elle n’avait pas envie de surjouer, mais elle voulait tout de même faire bonne impression. Elle opta pour une robe d’été légère, avec un appareil photo en bandoulière, juste au cas où. Quand elle arriva, il était déjà là. « Aaron ? » demanda-t-elle en s’avançant. Il était grand. Elle dut lever légèrement la tête pour le regarder dans les yeux, ce qui lui donna la sensation étrange d’être à la fois minuscule et protégée.

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Ils s’assirent finalement sur un banc, face à la rivière, les pieds presque touchés par l’ombre des arbres. Le soleil descendait à l’horizon, et Camille sentit une brise légère soulever ses cheveux.

@Aaron Fowler

beginning of endless possibilities
crédit gif - mikaeled
w/ @Camille Delacour
Bribane river - AVRIL 2024

Après trois ans à se les peler au bord de la Tamise, Aaron est de retour à Brisbane. Deux mois qu'il a passé à vivre entre le canapé de chez sa mère et celui de chez ses potes, dans l'attente de trouver l'appartement de ses rêves. Un pied-à-terre qu'il s'est payé avec ses économies londoniennes. L'appartement est neuf, lumineux, bien situé dans le quartier de Redcliff ... Que demander de plus ? L'essentiel est là, ne manque que la décoration qu'il compte déléguer à un professionnel. Libéré de cette préoccupation qui lui tortorait l'esprit depuis son retour, Aaron peut maintenant reprendre le cours normal de sa vie : sport, cours de théâtre et inscription sur les applications de rencontre. Son péché mignon. Il est inscrit sur plusieurs d'entre elles, mais maintenant qu'il est de retour sur le sol australien, il se doit d'essayer la nouvelle à la mode : Brisbuddies. Sa création de profil est d'ordinaire une banalité : toujours la même photo, la même description, les mêmes émojis ... Sauf que cette fois-ci, il ne peut pas se le permettre : il passe à la télé depuis plusieurs semaines à un horaire de grande écoute. Si de son point de vue, il s'en fiche bien d'être reconnu - cela flatte même son petit égo - il se demande si miser sur la discrétion ne lui apportera pas davantage de profil intéressant. Une stratégie sur laquelle il part, en tentant un peu de mystère : A., 31 "fun, travel and open-minded people only ". Une photo en contre-jour qui laisse apparaître juste ce qu'il faut de lui et le tour est joué.

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Son profil a du succès, moins qu'espéré, mais ça lui convient quand même. À croire que le mystère sur les applis de ce genre sont à double tranchant. Il matche au moins une fois par jour ce qui lui assure des discussions. Pas forcément les plus intéressantes, mais il s'en fiche pas mal. Lui ce qu'il veut, c'est échanger, découvrir de nouvelles personnes. D'autant plus maintenant qu'il doit se recréer un cercle. Il passe donc la plupart de ses soirées à virevolter entre les onglets de ses différents matches de la semaine. Avec deux d'entre elles, il sait que la discussion n'ira pas plus loin que derrière cet écran, quand avec une autre le coup d'un soir est une évidence. Reste enfin Cam ou Camille. 30 ans. Française. Sa photo lui a tout de suite tapé dans l'œil, même si sa nationalité lui a fait froid dans le dos. Après plusieurs années passées outre océan Indien, il sait que les françaises n'ont pas la réputation d'être très aimable. Mais attiré par le challenge, il se lance.

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Ils se parlent depuis plusieurs jours, le courant est bien passé entre eux, et Aaron a très rapidement mis ses préjugés de côté. Ils se font des blagues, discutent théâtre, peintures, musées… C'est d'une simplicité presque déconcertante pour le brun qui a plutôt l'habitude d'attirer des chaudes lapines. Quand Camille lui propose de se rencontrer irl, Aaron n'hésite pas une seconde. Elle lui propose la promenade le long de la rivière, en début de soirée, et là encore, il n'a rien à redire. Une première pour lui plus habituer au bar miteux de la ville, quand ce ne sont pas les boîtes de nuit. Aaron n'étant pas quelqu'un qui aime se prendre la tête, il enfile le premier short qui se présente à lui dans sa valise (pas encore déballée faute d'armoire) et un t-shirt qu'il va chercher à tâtons sur son lit. Des baskets addidas, une casquette et le voilà paré. Quand il arrive sur la promenade, il fait chaud, mais pas encore humide. Il s'arrête sur un stand qui vend un assortiment de dagwood dog, donug et de meat pie, en prend un avant de rejoindre la position exacte du rendez-vous. Il est le premier. Sa barquette de friture en main, il va s'adosser sur un des murets qui fait face à la rivière. Il s'apprête à pianoter une blague sur le fait que ce n'est pas sympa de lui poser un lapin, quand Camille apparaît finalement à ses côtés. « Aaron ? » Se relevant de toute sa hauteur, il la prit dans ses bras pour une accolade rapide. La façon de se saluer traditionnelle en Australie. « Hey, on ne fait pas la bise ici » plaisante-t-il avant de s'éloigner. Juste assez pour pouvoir la voir de la tête au pied. Loin de lui l'idée de l'analyser, mais il préfère s'assurer qu'il s'agit bien de la même fille que le profil tant apprécié. Après quelques pas parcourus sur le jetée à échanger des banalités, ils s'assoient un banc. La vue est magnifique ici et Aaron ne peut s'empêcher de se demander pourquoi il n'a jamais eu l'idée d'y organiser des dates. « Je nous ai pris quelques spécialités australiennes ... Si ça te dit de goûter » murmure-t-il un peu timide tout en ouvrant la barquette en carton entre eux deux. Il la laisse admirer ces mets dignes des plus gros attrapes-touriste du coin « Ce n'est pas de la gastronomie française, mais il faut que tu essaies ça au moins une fois dans ta vie ... » Lui-même n'en raffole pas, d'autant que ce n'est absolument pas recommandé pour son régime, mais de temps en temps, il se laisse tenter. Un court silence s'installe, ce qui lui laisse le temps d'ajouter « Tu es très jolie ce soir, et ton accent n'est même pas si désastreux qu'espéré… Je suis presque déçu » Un compliment qui se transforme en boutade pour lui éviter de la gêne. Du Aaron tout craché.

Camille sourit, légèrement amusée par sa remarque. Elle aimait bien cette façon qu’avait Aaron de jongler entre le charme et l’humour, sans jamais vraiment se prendre au sérieux. Elle attrapa un des snacks dans la barquette, intriguée par l’apparence étrange de la "dagwood dog". Un bâtonnet enrobé de pâte frite qui, clairement, ne lui inspirait pas une grande confiance. Pourtant, elle joua le jeu. « Alors, c’est ça que vous appelez une spécialité australienne ? » demanda-t-elle en croquant dedans avec une moue sceptique qui se transforma bientôt en sourire. « Ok, je dois l’admettre… ce n’est pas aussi terrible que ça en a l’air. Mais de là à rivaliser avec nos croissants… » Elle haussa les épaules, la malice pétillant dans ses yeux. Camille haussa un sourcil, le défiant du regard. « La prochaine fois, ça sera à moi de te faire découvrir un peu plus de la gastronomie française. » Le courant passait si facilement entre eux, comme si cette rencontre n’était que la continuité naturelle de leurs échanges en ligne. Camille, d’habitude plus réservée, se surprenait à apprécier cette simplicité. Assise à côté d’Aaron, avec la brise qui soufflait doucement sur la rivière, elle sentit un moment de sérénité rare. Ils discutèrent de tout et de rien, comme s’ils se connaissaient depuis des années. Camille partagea quelques anecdotes sur son arrivée en Australie, sur sa passion pour la photo, et sur les différences culturelles qui l’amusaient autant qu’elles la déstabilisaient. « Je pourrais te prendre en photo d’ailleurs si tu veux… pour mettre d’autres photos sur l’appli » dit-elle en grignotant l’un des snacks, son regard curieux braqué sur lui. Un silence s’installa, ponctué seulement par le bruit des vagues contre le quai. Camille regardait la rivière scintiller sous les dernières lueurs du jour, consciente de la présence chaleureuse d’Aaron à ses côtés. C’était agréable, et pour une fois, elle se laissait porter sans se poser trop de questions. « Alors, » dit-elle soudain, un sourire en coin, « si je veux marquer des points pour un deuxième rendez-vous, il faut que je continue à manger les dagwood dogs, c’est ça ? »

@Aaron Fowler