I never thought I'd hear my heart beat so loud
crédits/ youngfcs & perfectlyfuckingcivils
@Bryn Coverdale 12/2024 - fortitude valley, the brick

Si elle ne peut pas voir les nombreux drapeaux lgbt qui trônent sur les murs, ainsi que tout le reste de la décoration à la gloire du mouvement queer, Maeve ressent chaque vibration de la musique pulsée dans les hauts-parleurs avec un déplaisir qu’elle peine à dissimuler. Assise sur l’un des hauts tabourets qui bordent le comptoir, elle croise ses jambes de manière élégante en ondulant faiblement ses épaules sous la musique endiablée qui résonne entre les murs, ses deux mains tenant un cocktail que Lisbeth a commandé pour elle, en lui promettant que c’était le meilleur de la maison ’’Beurk’’ qu’elle exprime dans une petite grimace en remuant sa langue contre son palais, abandonnant ensuite son verre sur le comptoir à côté d’elle, où son coude le plus proche trouve également appui, les papilles encore alourdies par le sucre de cette boisson peu agréable, qu’elle regrette amèrement d’avoir commandé maintenant.

Elle n’a pas beaucoup hésité quand Lisbeth a lancé l’idée sur leur groupe commun, proposant de faire les fêtes de fin d’années toutes ensemble à l’avance, avant que — pour celles concernées, elles partent chacune dans leurs familles respectives. Elle avait vaguement anticipé que se retrouver avec Bryn dans les parages serait plus ou moins compliqué — puisque leur relation l’est dans une certaine mesure, mais puisque leur duo est noyé dans leur groupe commun, c’est plus facile de diluer les non-dits et les malentendus, qui s’évertuent à se multiplier entre elles. ‘’Tu ne viens pas danser ?’’ de l’autre côté du bar, Lisbeth interpelle Bryn avec d’amples mouvements des bras pour l’inviter à rejoindre la piste de danse, tandis que Maeve ricoche avec amusement par : ’’Allez, c’est ton moment de gloire.’’ taquine, elle fronce le milieu de son nez en basculant un peu sur son siège, suffisamment pour entendre le ‘’Je peux t’offrir un verre ?’’ qu’une demoiselle aux cheveux blonds lui propose, s’étant insérée entre deux tabourets pour lui faire face. ‘’C’est à toi que je parle.’’ que l’inconnue précise en déposant un posant le bout de ses doigts sur son bras, pour éclaircir la possible mésentente ’’Oh…’’ surprise, elle l’exprime par une expression qui concorde pendant que, ses pensées tournant à toute vitesse, elle balbutie un ’’Euh… Oui, oui… D’accord…’’ après tout, elle n’apprécie pas celui qu’elle a déjà commandé et, il n’y a aucun mal à accepter de boire une verre avec une inconnue ? Pas vrai ?

Danser. Je fais la grimace, est ce que j'ai envie de danser ? Peut être ? Regardant à ma droite, c'est Maeve qui m'encourage. Mon moment de gloire ?

- Ça se voit que tu m'as jamais vu danser.

C'est vrai non ? C'est sans doute pas un mal, je suis loin d'être une danseurs aguerrie, et je ne le fais que parce que ça m'amuse pas parce que je suis bonne. J'entrainerai bien la brunette avec moi, l'épisode du casque m'a tout autant réchauffée que refroidie.  J'en ai pas parlé, mais c'est pas pour autant que j'ai dit non quand j'ai su qu'elle serait là aussi ce soir. Ne sachant pas à quoi m'en tenir je reste loin tout en étant proche. Efficacité zéro, j'en ai conscience. Je vide mon verre et décide de suivre Lisbeth malgré tout espérant qu'à un moment mon cerveau se mette sur off et arrête décidé de démêler la situation.

Je danse au milieu des autres comme si il n'y avait rien autour, tâchant de me vider l'esprit. L'alcool s'insinue petit à petit commençant à engourdir mon cerveau, ce n'est sans doute pas encore assez pour le faire taire définitivement. J'ai envie de me retourner, la curiosité me poussant à zyeuter vers le bar. Je ferme mes paupières décidée à être plus forte que ça, ou à défaut, plus têtue. Je tiens de longue minutes. Finissant par craquer je regarde dans la direction du bar cherchant des yeux Maeve.

Je ne suis pas déçue du spectacle. Ou peut être que si. La fille qui parl avec elle ne fait pas partie du groupe. Je détourne les yeux, me mortifie alors que je regarde devant moi, rouge, avec l'impression que tout le monde m'a remarquée quand personne ne fait attention à moi. Un nouveau coup d'oeil m'apprend qu'elle est toujours là, et je réfléchis à l'éventualité de ramener ma fraise comme une fleur, motivée par la jalousie, plutôt que de les laisser converser. Est-ce que c'est bien ? Est ce que j'en ai le droit ? Non et non.

C'est qu'une fois la musique fini que je reprends la direction du bar où j'ai laissé la peintre. Je me fraye un chemin, jouant des coudes, et me positionne à l'opposé de sa nouvelle amie, sans m'annoncer pour autant. Le serveur m'approchant je décide de commander un nouveau verre.

- Un London mule, merci.

Je sais qu'elle aura deviné ma présence mais je ne peux pas l'interrompre si ? Je me sens stupide maintenant.

Outfit

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’’Ça se voit que tu m'as jamais vu danser.’’ le rire provoqué à ses lèvres est suffisamment franc pour froncer le milieu de son nez, et elle secoue lentement son menton de gauche à droite en pivotant sur son siège quand elle l’entend s’éloigner pour céder à l’appel de Lisbeth qui, de toute façon, obtient toujours ce qu’elle veut. Elle ne compte pas se replonger dans sa boisson tout bonnement écoeurante — beaucoup trop sucrée, et elle ondule simplement des épaules au rythme de la musique qui bourdonne (un peu trop) à ses oreilles hypersensibles, sans lui laisser le loisir d’apprécier véritablement les accords tant elle a l’impression que les enceintes hurlent dans ses tympans en menaçant de les percer. Mais c’est finalement un autre son qui lui fait froncer les sourcils : la voix d’une inconnue, au demeurant très chaleureuse, qui l’invite à apaiser sa gorge sèche par une boisson offerte : d’abord hésitante, Maeve ne tarde pas à accepter à défaut de se sentir capable de refuser — sous quel prétexte ? Un « navrée, je craque sur mon ex-copine qui ne veut pas de moi » ne lui semble pas être la réponse adéquate alors elle capitule, trop rapidement, se fendant même d’un sourire qui permet à son interlocutrice de croire que la voie est libre. ’’Je te regarde depuis tout à l’heure…’’ qu’elle lui avoue en se penchant légèrement vers elle, l’obligeant à reculer inconsciemment sur son tabouret, son dos heurtant le comptoir derrière elle pendant que ses mains, logées l’une contre l’autre, se pressent. Elle est gênée, Maeve, pas franchement à l’aise dans l’exercice de cette séduction qui ne l’attire que trop peu, même si la voix et le parfum de l’inconnue sont agréables. ’’Comment tu t’appelles ?’’ - ’’Maeve.’’ elle oublie le « et toi » parce que l’information lui semble dérisoire et, de toute façon, une voix familière se fait entendre de l’autre côté, juste à sa gauche ’’Un London mule, merci.’’ Bryn. Ça illumine quelque chose, dans son esprit, une porte de sortie à saisir pour se défaire de celle qui recommence à lui poser des questions ’’Tu en as déjà marre de danser ?’’ qu’elle lui demande d’une voix joviale, le menton tourné vers elle et une main qui, pendant quelques secondes, cherche la sienne et, à défaut de la trouver, se dépose sur son épaule, comme un point d’ancrage. ‘’Peut-être qu’elle devrait retourner danser.’’ claque l’inconnue en fixant Bryn dans les yeux, mécontente d’être interrompue dans cette discussion à sens unique ’’Je préfère qu’elle reste…’’ le message est clair, non ? Pour l’une comme pour l’autre ?

Oui, j'ai craqué. Non je n'en suis pas fière. Quelque part, laisser Maeve livrée à elle même au bar n'était pas une bonne idée de base. Le fait qu'elle ait peu de repère dans ce genre d'endroits, la musique trop forte, et le monde, ça ne peut pas être aisé pour elle. Loin de moi l'idée de vouloir la surprotéger mais je sais la difficulté, moi même étant voyante en éprouvant. Peut être que mon instinct n'était pas mauvais, du moins je peux en avoir le coeur net maintenant que je suis dans les parages.
Je ne me suis pas trompée. A peine ai je commandé qu'elle s'adresse à moi.

- Je veux pas que le monde entier assiste à ce spectacle gratuitement...

Je rajoute sur un ton léger. Sa main se pose sur mon épaule me faisant tourner le visage vers elle, et croiser enfin le regard de l'autre fille. C'est à moi qu'elle s'adresse quand elle dit que je devrais retourner danser, en parlant de moi comme si je n'étais pas là. La belle affaire. Je mords l'intérieur de ma joue, lève un sourcil. Avant que j'ai dit quoi que se soit, c'est Maeve qui tranche. Comme d'habitude, elle fait dans la dentelle et fait preuve de gentillesse quand à mon goût, du mépris aurait été plus indiqué.

- Tu devrais aller danser.

Moi aussi je m'adresse à elle, un mince sourire sur les lèvres. Nous regardant toutes les deux, elle finit par hausser les epaules, et partir. A ce moment moment le serveur pose mon verre et je lui tends quelques billets.
Je réalise à ce moment là que je viens de congédier la fille sans même l'aval de l'intéressée.

- J'ai fait fuir ta copine je crois.

Je pince les lèvres. Est ce que ce sont des excuses à peine bredouiller ?

- Tu veux que je la rattrape avant qu'il soit trop tard ?

J'espère sincèrement qu'elle va dire que non, mais on sait jamais. Peut être que j'ai surinterpréter la situation, parce que je voulais pas qu'elle reste proche de Maeve. Auquel cas je suis stupide et je me sentirais d'autant plus stupide. Je mords ma lèvre à présent et décide de me noyer dans l'alcool de mon cocktail par la paille.
Je m'adosse au bar étant ainsi sur la même ligne que Maeve et l'ayant à mon côté. Mes yeux se posent sur ses mains croisées sur ses jambes.

- Tu bois rien ?

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Disons-le clairement, Maeve est rassurée quand elle entend la voix de Bryn sur sa gauche, puisqu’elle peine à discerner son parfum si particulier dans l’océan d’effluves et de liqueurs qui l’entoure, et elle se croyait seule, abandonnée de tout son cercle d’amis, livrée en pâtures à un prédateur qui refermait peu à peu ses griffes autour de son corps frêle, elle qui est bien trop gentille pour dire clairement qu’elle n’est pas intéressée et qu’elle est furieusement mal-à-l’aise dans cette conversation qui n’en est pas vraiment une ’’Je veux pas que le monde entier assiste à ce spectacle gratuitement...’’ elle courbe ses lèvres dans un sourire sincère tandis qu’elle répond, en occultant brièvement la présence de l’autre : ’’Donc il faudrait payer pour te voir danser ?’’ mais elle ne se laisse pas facilement abattre, la troisième de leur duo, et tant pis si elle est l’indésirable, celle en trop, qui se heurte au caractère plus frontal de Bryn, qui n’a pas peur de dire tout haut ce qu’elle pense tout bas ’’Tu devrais aller danser.’’ elle lui renvoie sa propre phrase au visage et c’est suffisant pour la faire déguerpir, même si Maeve ne perçoit pas tout de suite son départ, ayant besoin que Bryn l’annonce de vive voix ’’J'ai fait fuir ta copine je crois.’’ elle paraît soulagé, Maeve, et elle retire même sa main de l’épaule de la rousse pour glisser ses deux paumes sur son propre visage, en prenant le temps de rectifier : ’’Ce n’est pas ma copine.’’ - ’’Tu veux que je la rattrape avant qu'il soit trop tard ?’’ oh pitié non qu’elle pense avec tant de force qu’elle tend machinalement ses deux mains vers Bryn, comme dans une volonté de la retenir ’’Surtout pas !’’ elle le clame d’une voix appuyée en finissant par rire de la situation, ses deux mains se superposent sur son genou le plus haut tandis qu’elle se tourne vers Bryn, dont l’attitude lui paraît soudainement être celle d’une femme jalouse. L’est-elle réellement, la surfeuse ? ’’Tu bois rien ?’’ mimant une petite grimace de dégoût, elle secoue son menton de gauche à droite en relatant : ’’Le cocktail commandé par Lisbeth est infect et… Elle voulait m’en offrir un, mais je n’ai pas eu le temps de commander.’’ pivotant encore plus vers le comptoir, elle dépose finalement ses deux mains sur ce dernier en demandant : ’Tu me conseilles quoi ? Je ne peux pas lire la carte…’’ parce qu’elle n’est pas en braille — une précision qu’elle n’a pas besoin d’énoncer.

Non, je pense que c'est plutôt moi qui devrais donner de l'argent à ceux qui me voient faire...

L'autodérision c'est toujours ma grande spécialité. Sauf quand il s'agit de gens que je n'aime pas, là je les envois plus facilement bouler. Un peu comme la nouvelle copine de Maeve. Je ne me serais pas permise de le faire, si je ne m'étais pas sentie dans mon bon droit. Cependant, connaissant la gentillesse de la jeune femme, il est possible que j'ai été trop incisive pour elle.

- T'es sûre ? Elle est plutôt jolie.

Belle même. Je sais que ce n'est pas bien ce que je fais, c'est toujours la jalousie qui me fait parler, comme c'est elle qui m'a fait aller la voir alors qu'elle se faisait aborder. Même si la finalité est la bonne, les motivations sont sans doute discutable, pas vrai ? Alors c'est sûr, je suis quelque peu rassurée quand elle me dit qu'elle ne veut pas rappeler la jeune femme qui est partie sans demander son reste.
Autant changer de sujet.

- Tu veux goûter le miens ?

Celui qui est toujours dans ma main.

- Ginger beer et gin. Avec du concombre aussi. J'te promet c'est bon. Si t'aime le gingembre.

Oui, sinon ça n'aime pas. La voyant tendre la main, je lui glisse le verre humide par la condensation dans la main, et prends la carte. Est ce que j'essaie de noyer mon sursaut de jalousie par un regain d'enthousiasme ?

- Alors tu préfères quoi comme alcool ? Déjà ça va me permettre d'éliminer des choses. Gin, Rhum, vodka ... ?

J'ai toujours été plus Gin mais c'est pour ma part. Je n'irais pas jusqu'à présumer de connaître ses goûts, il y a certaines choses que j'ai oublié.

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’’Non, je pense que c'est plutôt moi qui devrais donner de l'argent à ceux qui me voient faire...’’ le ton léger de la conversation lui fait courber ses lèvres avec un amusement qui ne peut être feint, et qui plissent jusqu’aux paupières qu’elle tente de diriger vers Bryn, même si elle se sait incapable de discerner son visage, ce soir. Elle se dit qu’elle doit être belle, la surfeuse. C’est généralement les occasions de se mettre en valeurs, une virée avec les copines, une tournée dans un bar… Elle s’est peut-être maquillée, elle a peut-être mis ses cheveux en arrière — Maeve se demande si ça permet de mieux voir les traits de son visage, à quel point ses yeux scintillent sous les lumières du bar… Elle ne devrait pas se demander tout ça, pas vrai ? ’’T'es sûre ? Elle est plutôt jolie.’’ elle se demande plutôt à quel point Bryn est jolie, ce soir, mais elle est soudainement contrariée d’entendre que l’inconnue était aussi à son goût. ’’Je ne suis pas intéressée.’’ qu’elle lance en inclinant son buste vers l’avant, ses deux coudes s’appuyant sur le comptoir pendant qu’elle tord sa bouche sur le côté, se demandant si Bryn est intéressée, elle, par d’autres filles… Maeve ne peut pas voir si son regard s’attarde sur les courbes féminines des demoiselles qui se déhanchent, si elle admire celles qui se tiennent autour d’elles, qui exultent de joie, qui descendent des verres à la vitesse de l’éclair, qui doivent aussi chercher à la séduire, sûrement… Elle déteste être extérieure à ce qui se déroule pourtant sous ses yeux, comme si elle était spectatrice d’un film sans image. ’’Tu veux goûter le miens ? Ginger beer et gin. Avec du concombre aussi. J'te promet c'est bon. Si t'aime le gingembre.’’ en entendant cette proposition, elle niche son menton dans la paume de sa main tout en orientant son visage vers Bryn, toujours un peu indisposée qu’elle puisse reluquer d’autres filles. De quel droit elle s’en sent froissée ? Elle n’a aucune raison de l’être mais, elle s’agrippe à l’idée que Bryn devait l’être aussi, un peu, pour rappliquer à la vitesse de l’éclair et jouer à ce petit jeu hostile avec l’inconnue… Si la rousse est jalouse, c’est qu’elle tient à elle, non ? ’’Je veux bien goûter…’’ qu’elle répond après quelques secondes de silence, osant tendre sa paume pour se saisir du verre généreusement offert, qu’elle allège d’une première gorgée timide, avant d’en boire une seconde un peu plus longue. ’’C’est super bon, c’est quoi le nom de ce cocktail ?’’ reposant le verre sur le comptoir, elle passe la pointe de sa langue sur ses lèvres pour les humidifier, même si elle porte un gloss à paillettes ’’Alors tu préfères quoi comme alcool ? Déjà ça va me permettre d'éliminer des choses. Gin, Rhum, vodka ... ?’’ esquissant un petit sourire complice, elle se penche davantage vers Bryn pour lui murmurer d’une voix joueuse : ’’Je ne dis pas l’alcool, tu te rappelles…’’ mais peut-être que ça lui ferait un peu de bien, d’avoir l’esprit et le coeur plus légers ’’Pas Rhum, non, mais Vodka avec quelque chose de sucrée, oui.’’ elle est tellement nulle en cocktails qu’elle n’a pas fait l’effort de retenir un seul nom, ce qui ne l’empêche pas de détourner soudainement la conversation en demandant, avec un faux sourire amusé : ’’Alors, tu as eu quelques numéros de téléphone, ce soir ?’’ elle appuie ses coudes sur le comptoir en joignant ses mains dans le vide, tout près de son visage, prête à encaisser que Bryn papillonne, alors que c’est la dernière chose qu’elle a envie d’entendre.

- Je ne suis pas intéressée.

Pourquoi est ce que j'essaie de dissimuler mon sourire en Mordant ma lèvre inférieure ? C'est mal je sais. C'est même pas fairplay quand on y pense. Elle ne peut pas voir si elle est jolie ou pas, simplement croire ce que je dis. Elle n'est pas moche cette fille, au contraire même. Qu'est ce que je vais en tirer de toute façon ? Pas grand chose. Pour l'instant, j'ai simplement la certitude qu'elle ne comptait pas repartir avec elle. 

Je change rapidement l'orientation de la discution. Prendre moins de risque, je vais finir par me brûler les ailes en continuant sur ma lancée. Ainsi, je lui abandonne mon verre, cocktail fétiche que j'affectionne particulièrement. Le mix peut sembler étrange, et pourtant, c'est un coup de fouet pour les papilles. 

- London mule. Parce que c'est avec du Gin. Tu peux aussi avoir de la vodka, ou du rhum, et du coup on adapte le nom. Moscou, jamaïcain...  

C'est facile de voir où je veux en venir. Moi même accoudée au comptoir, je suis penchée sur la lecture de la carte. Elle s'approche, je l'imite pouffant légèrement alors qu'elle dit qu'elle ne tient pas l'alcool. Ce n'est pas un scoop en effet.

- Vodka ? Ok ça marche j'ai une idée. 

Sex on the beach, un classique. En général le taux de sucre et de fruits fait que l'alcool est noyé, c'est aussi un piège. Mais est ce que c'est vraiment grave ? Non je ne cherche pas à ce qu'elle soit complètement ivre ce soir, et moi non plus. 
Je me retourne donc pour commander un verre pour la peintre, faisant signe au barman qui lui en retour me fait comprendre qu'il arrive, j'en profite pour reprendre mon verre pour en boire une gorgée et manque de m'étouffer. Des numéros ? Mes yeux papillonent, et mes sourcils se froncent. 

- Des numéros ?  

Pourquoi aurais-je des numéros ? 

- Un sex on the beach. 

Je réponds au barman qui m'a demandé ce que je voulais. 

- Je suis partie danser quelques minutes et tu me crois assez douée pour avoir récolté non pas un, mais des numéros ? Tu surestimes mes capacités.

Je rajoute en riant. Non, je ne cherche pas à avoir le moindre numéro de filles... J'ai du mal à penser aux autres filles.

- C'est toi qui te fais payer des verres ...

Que je rajoute, gentille petite pique, une accusation ? C'est toujours la jalousie qui motive ce genre de remarques. N'a t'elle pas lancé elle même les hostilités en me demandant si j'ai récupéré des numéros ? Je reprends une gorgée, ça m'empêche au moins de dire des bêtises d'avoir la langue occupée.

- D'ailleurs... T'as pas été danser toi. 

Que je lance innocemment. Déjà son verre revient, et le serveur le pose devant moi, je paye avant de le pousser sur le comptoir. 

- On trinque ? 

A quoi ?

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Elle n’est pas intéressée par l’inconnue, certes, mais elle l’est davantage concernant les demoiselles susceptibles d’intéresser Bryn. C’est une jalousie autonome, qui ne dépend de rien d’autres des films élaborés qu’elle pond à l’intérieur de son esprit pour se torturer ; bingo, elle y arrive formidablement bien. L’alcool l’aide un peu à se défaire des axes de ses incertitudes, trop nombreuses depuis qu’elle a retrouvé la surfeuse ; mais l’a-t-elle réellement retrouvée ? ’’London mule. Parce que c'est avec du Gin. Tu peux aussi avoir de la vodka, ou du rhum, et du coup on adapte le nom. Moscou, jamaïcain... ’’ Maeve hoche son menton de haut en bas en penchant de nouveau son verre auprès de ses lèvres pour en boire une petite gorgée, formulant ensuite sa pensée à voix haute : ’’Dis donc, tu t’y connais drôlement en cocktails.’’ ou alors c’est de notoriété publique et elle va passer pour l’ignorante de service ? Dans tous les cas, elle repose calmement le verre sur le comptoir, après s’être assurée de sa main libre que la place n’était pas occupée. De toute façon, elle va avoir sa propre boisson d’ici peu de temps, c’est même la mission qu’elle a confié à son ancienne petite-amie. ’’Vodka ? Ok ça marche j'ai une idée. ’’ - ’’J’ai hâte de goûter.’’ promis, elle parle de la boisson et uniquement de la boisson, même si cela ne l’empêche pas de jouer aux investigatrices en essayant de tendre des perches à Bryn concernant la productivité de sa soirée ; dans le fond, même si Bryn fait une rencontre ce soir, qu’est-ce qu’elle pourrait dire ? Rien, absolument rien, mais ça ne l’empêche pas de creuser quand même. ’’Des numéros ?’’ pourquoi a-t-elle ce ton si ahuri ? ’’Un sex on the beach.’’ la réponse tarde à venir alors, pinçant ses lèvres sous la frustration du mystère qui s’épaissit, Maeve fronce légèrement ses sourcils en pliant son bras pour appuyer son coude sur le comptoir, nichant son menton dans sa paume pendant qu’elle garde le silence, pour ne pas lui donner une porte de sortie avec la possibilité de lancer une nouvelle conversation ; elle veut savoir, elle a besoin de savoir ’’Je suis partie danser quelques minutes et tu me crois assez douée pour avoir récolté non pas un, mais des numéros ? Tu surestimes mes capacités.’’ elle pense plutôt qu’elle vise juste en pensant que Bryn est suffisamment charmante et solaire pour attirer du beau monde, et qu’il lui serait bien difficile de rivaliser. Néanmoins rassurée, elle émet un petit « hmhm » qui doit se perdre au milieu de la musique criée par les hauts-parleurs, et elle allonge finalement son avant-bras sur le comptoir pour que ses ongles en amande puissent en gratter le bois. ’’C'est toi qui te fais payer des verres ...’’ est-ce un reproche propulsé par la jalousie ? Maeve le devine et, sans trop s’en rendre compte, elle se laisse gagner par un sourire presque satisfait. Elle n’a pas fait exprès d’attirer l’inconnue, mais elle est bienheureuse de constater que Bryn n’y est pas indifférente ; elle non plus ne veut pas qu’une autre s’immisce entre elles, pas vrai ? ’’Ça ne veut pas dire que ça m’intéresse, les rencontres…’’ preuve en est, elle n’a pas cherché à poursuivre ’’D'ailleurs... T'as pas été danser toi. ’’ elle n’a pas le temps de réagir que, déjà, sa boisson lui est servie, et elle s’en saisit pour répondre à l’invitation de Bryn : ne pouvant localiser précisément le verre de sa comparse, elle se contente de maintenir le sien en hauteur pour lui laisser le loisir de venir le cogner, avant d’en boire une gorgée. C’est plutôt pas mal — à choisir, elle préfère le cocktail de Bryn mais, elle a une autre idée en tête et, abandonnant son verre sur le comptoir, elle glisse élégamment de son tabouret pour remettre ses deux pieds sur le sol. ’’Tu as raison, il faut remédier à cela…’’ elle ricoche sur la remarque de la rousse en capturant sa main dans la sienne, les guidnt vers le haut pour inciter la surfeuse à faire un tour sur elle-même, dans un petit pas de danse improvisé : ’’Guide-moi jusqu’à la piste.’’ on dira que c’est l’alcool qui lui insuffle du courage mais, elle a envie que le message soit clair pour toutes les demoiselles présentes dans le bar : Bryn n’est pas libre.

- Non pas tant je t'assure, juste les classiques.

J'hoche la tête bien sûr elle ne peut pas le voir. Je ne sors pas assez, ne bois pas assez pour connaître tous les cocktails de la terre. D'ailleurs celui que j'ai choisi pour Maeve fait parti de ces classiques que tout le monde connait plus ou moins. J'espère que ça lui plaira, dans le pire des cas, on pourra toujours partager le miens non ? Je sais ce qu'on dit à propos de partager un verre, ça serait une fenêtre sur les pensées de l'autre. Je donnerais cher pour savoir ce qu'il se passe dans son esprit.

Dans le miens, il est clair que tout est chamboulé. C'est plus simple quand la jeune peintre n'est pas dans les parages à me sourire ce qui a tendance à détourner le fil de mes pensées. C'est beaucoup plus dur pour moi depuis le jour où j'ai adopté Rima d'ailleurs. Je me souviens avec bien trop de détails l'instant où j'ai envisagé de l'embrasser, que j'ai failli céder à mes impulsions, et du fait qu'elle a commencé à hanter mes songes, mes pensées même en journée. Oui vraiment... Elle ne me facilite pas la tâche, et j'ai toujours envie de la revoir.

Aussi, quand elle me glisse à l'oreille en confidence que les rencontres ne l'intéressent pas, je ne sais pas exactement comment je dois interpréter ses mots. Les rencontres ne l'intéresse pas... Est ce que ça veut dire qu'être avec quelqu'un ne l'intéresse pas ? Je mord ma lèvre, sachant que je ne devrais pas me poser ce genre de question, et décide donc de changer une fois de plus de sujet. Le serveur, amenant le verre de la jolie brune, est aussi le bienvenu pour servir de distraction,, on trinque donc. Je me concentre sur mon propre verre plutôt que sur les lèvres de Maeve sur le verre. C'est malhonnête de l'observer en toute impunité quand elle ne se rend pas compte sur regard posé sur elle.

Me redressant, je la regarde se mettre debout les sourcils légèrement froncé alors que j'essaie de comprendre ce qu'elle compte faire. Elle attrape ensuite ma main sans que je m'y attende la monte doucement, et me fait tourner m'arrachant un rire. Malheureusement pour Maeve, elle est obligée de me demander de la guider vers la piste, ne pouvait m'y attirer par elle même alors qu'elle risque de nous faire tomber toutes les deux. Pourtant c'est loin de me déranger.

- Vos désirs sont des ordres Miss Mayers.

Calme tes ardeurs Coverdale. Serrant sa main dans la mienne, je passe donc devant attirant dans mon sillage la peintre. Arbitrairement je choisis un endroit où m'arrêter, entourées ainsi d'inconnus. Où sont passer les filles ? J'en ai aucune idée. Ainsi donc, peut être un peu nerveuse, je me retourne pour lui faire face. En réalité, c'est la première fois qu'on se retrouve ainsi, dans un lieu public, dans un endroit où on pourrait facilement lire dans mes yeux l'attirance. Faut dire que l'ambiance n'aide pas, pas plus que la tenue qu'elle porte, ou qu'elle m'ait proposé de danser.

Cette fois ci c'est moi qui la fait tourner, lâchant par la suite sa main, n'osant pas la garder prisonnière de la tienne. Suivant le rythme de la musique, je commence à me déhancher fermant sciemment les yeux pour m'éviter de la regarder de trop, essayant de me détendre, regrettant presque le verre que j'ai abandonné sur le comptoir. Boire plus d'alcool est il une bonne idée ? Non.

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Maeve ignore ce que « les classiques » veut dire véritablement, et cela se voit sur son visage puisqu’elle hausse ses sourcils en poussant sa lèvre inférieure en avant, peu encline à délivrer un quelconque message de faux-semblant : elle n’a aucune culture en matière d’alcool, mais elle ne croit pas devoir prétendre le contraire pour briller auprès de sa comparse. Parce qu’elles se connaissent depuis suffisamment longtemps, peut-être, ou parce qu’elles ont été suffisamment intimes pour ne plus avoir à tricher : est-ce que Maeve perdrait de son intérêt, sinon ? Et quel intérêt veut-elle avoir, à ses yeux ?

Les questions qu’elle se pose sont dangereuses, vectrices de suspicions dont elle est à la fois la cible et l’enquêtrice, bien que le deuxième rôle soit peu développé ; elle n’a pas envie de savoir pourquoi elle s’intéresse autant aux centres d’intérêts de la surfeuse, et si elle prétend, dans l’intimité de ses pensées, que c’est simplement parce qu’elle a envie de connaître sa nouvelle vie, elle sait, au fond, qu’il y a plus qu’une simple curiosité amicale derrière. Elles se tournent autour avec une maladresse apeurée, chacune ayant trop peur d’avancer un pion pour faire le premier pas mais, ce petit jeu perdure depuis trop longtemps pour ne pas finir par lasser la peintre, qui ose attaquer en demandant explicitement à la rousse de la conduire sur la piste de danse, tout en ayant saisi sa main au vol comme si cela pouvait être une pancarte lumineuse sur laquelle serait écrit cette femme est à moi ’’Vos désirs sont des ordres Miss Mayers.’’ la dénomination la fait lentement sourire tandis qu’elle la suit docilement à travers la foule, marchant presque dans ses pas jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Tournant volontiers sur elle-même, Maeve regrette néanmoins de perdre la main de Bryn puisque la sienne se retrouve orpheline, et cela contrarie tout de même cruellement ses plans de départ : se rapprocher de Bryn. Quitte à se faire jeter, autant le faire tout de suite pour arrêter de se triturer les méninges comme elle le fait depuis quatre mois maintenant — c’est une histoire qui commence à tirer en longueur, oui.

Si elle sent toujours son parfum auprès d’elle, il faut quelques secondes à Maeve pour assimiler les composantes de son environnement : elle s’attache aux effluves qui l’entourent, aux vibrations émises par la musique qui pulse dans ses oreilles, mais aussi les mouvements des danseurs qui bougent auprès d’elle, en lui permettant de délimiter un champ autour de son corps : seulement alors, elle se met à danser à son tour, au rythme de la chanson rythmée qui bat dans les hauts-parleurs. Lentement, insidieusement, elle se rapproche de Bryn jusqu’à pouvoir enlacer sa nuque d’un bras, s’imposant contre elle en brandissant un sourire qui se veut confiant même si, derrière la façade de son assurance, elle craint déjà d’être rejetée, devant tout le monde…

De toutes ses choses qu'il pouvait se passer ce soir, ce n'était pas la plus désagréable qui est entrain de se dérouler ce soir. J'avais dans ma tête un scénario catastrophe bien sûr, et d'autres, plus agréables. À moi de rougir si j'avouais à voix haute qu'ils concernaient tous Maeve. Non je ne le dirais pas, à personne. C'est le genre de pensées, d'envies secrètes. Ou du moins, que j'imagine secrètes. Ayant peu de personnes à qui me confier sur ce genre de sujet, j'imagine que ça n'est quand même pas si évident, mais ça pourrait le devenir. Surtout si elle se décide à se coller contre moi. 

Une nouvelle fois je suis prise au dépourvu. Est ce que je ne m'y attendais pas ? Non. Je suis surprise. Pas en mal, rassurez vous. Mais surprise quand même. Sans doute parce que c'est elle qui m'a rejetée même si elle toujours été gentille avec moi depuis qu'on s'est revue. J'ai eu beau freiné des quatre fers aussi souvent que j'ai pu, j'y suis toujours retourné que ça soit un coup du hasard ou issu de ma volonté propre de la retrouver. Je suis souvent repartie de nos entrevues avec des questions en tête, et aucune certitude. 

De la part de quelqu'un comme Maeve, foncièrement bon, gentil, avenant, c'est difficile de faire la part des choses, de savoir dans quelle case on est rangé. Difficile aussi de savoir dans laquelle je souhaite être rangée. Sommes nous amies ? Qu'est ce qui a changé en 5 ans qui me permet de croire que cette fois ci ça se passera autrement ? Est ce que c'est quelque chose qu'elle envisage de son côté ? Qu'elle est la dose de sérieux qui est attachée à cette "relation" ? Qu'attend elle de moi ? Je pourrais en noircir des pages. Le pire c'est que je ne veux pas entendre les réponses, quand bien même je serais capable de lui demander, chose dont je doute. Parce que je suis celle qui part, celle qui fuit loin, sur un autre continent. N'allez pas croire d'ailleurs que je n'ai pas envisagé cette éventualité alors qu'elle se loge d'elle même dans mes bras. C'est terrible cet instinct de survie, celui qui refuse d'avoir mal à nouveau, il se rappelle de ce à quoi ça a ressembler quand elle m'a quitté, et il me crie que ça pourrait se produire à nouveau. Est ce que c'est vrai ? 

Autour de son corps mince mes bras s'enroulent, laissant mes mains à leur guise se poser sur le creux de son dos. La solitude de ses derniers mois à créer un vide qui ne demande qu'à être combler d'une présence humaine, de la chaleur d'une autre âme. N'était ce pas pour ça que j'avais décidé de rentrer ? Pas pour Maeve bien sûr, a cette époque je pensais encore naïvement que notre relation et mes sentiments étaient enterrés, mais ne remplit elle pas ce rôle à la perfection ? 

Si j'avais commencé à m'habituer aux légers contacts physique de nos peaux, c'était sans commune mesure avec la sensation de la tenir contre moi, ou pire, de la savoir accrochée à moi. Qu'elle s'y soit lovée seule étant pour parachever de planter le clou dans mon coeur sans doute. 
Nous bougeons toujours, prises dans la folie de notre propre musique qui se contente de partager le rythme de celle qui crie dans nos oreilles. Mon visage glisse d'ailleurs vers une des siennes, ses cheveux venant chatouiller mon nez qui lui prend une dose de son parfum. Mes entrailles se tordent sous la décharge électrique. C'est flou autour de nous. Je voudrais qu'on soit seules comme je serais terrorisée qu'on le soit, pourtant, je ne la lâcherais pas, me laisserait elle seulement essayer ? 

Sommes nous amies ? 
Ce n'est pas une question que je glisserais à son oreille à cet instant. D'ailleurs je me sens assez pataude pour refuser de faire autre chose que de la faire se déhancher doucement dans mes propres pas. J'ai peur que si je la lâche, tout ne parte en éclats. 

- Tu m'as manqué...

C'est à peine audible, ces quelques mots que je n'ai jamais pu lui dire, que l'alcool et le lâché prise qu'elle m'a poussé à faire ont eux permis. Quand bien même elle ne les aurait pas entendu, ils sont bons à prononcer. 

I never thought I'd hear my heart beat so loud
crédits/ youngfcs & perfectlyfuckingcivils
@Bryn Coverdale 12/2024 - fortitude valley, the brick

Il lui en a fallu, du courage, pour oser s’aventurer sur ce terrain périlleux. La piste de danse ne lui fait guère peur, oh que non, ses pieds ne sont point effrayés à l’idée de fouler ce rectangle où se pressent corps en furie et chants désaxés, mais son coeur, lui, craint le rejet, la foudre qui s’abattrait sur son crâne rempli de romantisme niais, la glace qui viendrait geler ses espoirs, la morsure cruelle que provoquerait l’expulsion net de son corps qui s’est rapproché du sien. Un, deux, trois… Quand ses bras enlacent la nuque de sa comparse, en nouant son étreinte par ses deux mains qui se joignent mollement dans son dos, elle retient son souffle, Maeve, terrifiée d’être rabrouée comme elle le mériterait sûrement mais… Un, deux, trois… elle sent que sa taille est capturée par les bras de la surfeuse, et son coeur s’allège aussitôt du poids de l’angoisse, qui tenait tout son corps en tenaille, apnée angoissée qui lui avait fait oublier de respirer. Elle respire mieux, à présent, se noyant dans le parfum de celle qui ne porte pas vraiment d’étiquette dans le décor de sa vie, mais qui jouit néanmoins d’un statut tout à fait particulier ; doit-elle la considérer comme une amie ? Comme un amour perdu, terriblement beau mais abîmé par les déboires de leur jeunesse, par l’éloignement, la distance, le silence, la douleur ?

Elle a l’impression que tout se joue en une poignée de secondes ; leurs bras qui s’enroulent dans un besoin de conservation, leurs corps qui s’alignent sur le même rythme, leurs coeurs qui s’affolent, leurs visages qui se frôlent… Des envies interdîtes naissent au creux de son ventre, le creusant sous le vol des papillons qui vagabondent dans ses entrailles pour lui souffler des idées doucereuses, de caresses et de baisers. Pour les repousser, elle mordille le coin de sa propre lèvre en soufflant sous le contact de leurs visages qui se rapprochent, puisque leurs joues s’effleurent quand Bryn s’avance près de son oreille. Elle sent son parfum, délicat, envoûtant, comme la promesse de l’aube au milieu de la nuit noire, comme un renvoi au passé qui n’est jamais réellement parti.

Bryn est partie.

Maeve est partie.

Les sentiments, eux, sont restés.

’’Tu m'as manqué...’’ puisque la voix de Bryn se fait entendre à travers la musique assourdissante, Maeve croit tout d’abord avoir halluciné ces quelques mots doucereux, témoin de ses sentiments peut-être partagés. Son coeur manque un battement sous la surprise, et son menton se tourne de quelques degrés comme si elle avait eu le réflexe inconscient de vouloir la regarder pour vérifier que sa bouche venait de parler mais, ses yeux ne rencontrent que les lumières colorées qui traversent son champ de vision en l’étourdissant un peu. Cet aveu amoureux, elle espère bien l’entendre mais, est-ce que la rousse l’a vraiment dit ? Est-ce qu’elle lui manque réellement ? Bryn lui a manqué — elle s’en rend compte en étant dans ses bras, cette sensation lénifiante, suave, apaisante, d’être contenue auprès de l’être aimé et d’oublier le reste du monde. ''Tu m'as manquée aussi...'' elle ne sait pas, sur l’instant, si elle a rêvé ou si Bryn l’a réellement dit mais, l’espoir lui insuffle suffisamment de courage pour qu’elle ramène ses paumes de chaque côté de son visage afin de l’encadrer, avant de pencher son visage sur le côté pour permettre à ses lèvres de fondre sur celles de la rouquine. Il est timide, ce baiser, hésitant et craintif mais réellement tendre, comme une caresse que l’on n’ose réellement poser, mais il confirme ce que son coeur savait déjà : elle l’aime toujours. Tant pis si Bryn la repousse, pense-t-elle, Maeve ne pourra jamais regretter de l’avoir embrassée au milieu de cette foule qui continue de danser autour de leurs silhouettes immobiles et enlacées, devant un parterre de témoins curieux, sous les projecteurs qui traversent leurs visages qui se murmurent un secret : celui de l’amour. Mais il est volage, l’amour. Et parfois, il ne se laisse pas facilement attraper.

Le péché originel n'est pas qu'Eve ait mangé la pomme, mais qu'elle ait eu besoin de partager avec Adam les émotions qu'elle avait éprouvées, de peur de suivre son chemin sans l'aide de quiconque. P. Coelho

Il y a 5 ans de ça, la Bryn que j'étais alors n'aurait su espéré cet instant. Elle l'aurait voulu, comme celle du présent le veut maintenant, mais la douleur de l'abandon, de la perte, aurait obstrué sa vision au point que l'image au delà d'être floue, serait restée une toile blanche. Penser seulement à embrasser à nouveau Maeve était quelque chose de douloureux à cette époque, déjà rendu impossible par la distance. La distance n'était d'ailleurs pas simplement imposée par la géographie. A cette époque j'étais incapable de m'afficher ouvertement avec une femme, ce n'est que bien après notre rupture que j'ai osé le fait pour la première fois, bien après que j'ai coupé les ponts avec ma mère. Et aujourd'hui ? J'en ai fini depuis longtemps de faire semblant d'aimer les hommes, de leur appartenir, pourtant je ne me suis jamais affichée ouvertement avec une partenaire. Pour cause, il aurait fallut en avoir une. Je me suis rendue compte avec le temps que c'était plus simple d'attirer les hommes, que les femmes, étrange histoire. Sans doute que notre société, les cercles machistes dans lesquels j'ai moi même évolué, on rendu ça d'autant plus difficiles pour moi. Le sport est un domaine impitoyable, que ça soit par la discipline qu'on doit observer, les sacrifices sur le temps libre, mais plus encore par l'image qu'on doit renvoyé pour être simplement encouragé par des sponsors... Tout ça pose des limites claires, mais très restrictives.

Alors aujourd'hui, avec le recul, l'expérience, j'ai l'impression d'avoir les épaules. Ce n'est pas pour autant que c'est facile, d'autant que je ne le réalise pas encore, mais c'est la première fois que j'affiche de manière aussi équivoque ce point sur moi dans une ville où je connais autant de monde, même dans ce bar où sont regroupées mes amies. Ces mêmes amies qui savent que je suis sortie avec Aaron, qui est un journaliste reconnu de Brisbane, ou pire Jayden. Ironiquement, elles n'ont jamais rien su pour Maeve qui était la seule que j'ai aimé de ce trio improbable, et qui évoluait avant et évolue toujours dans la même sphère. Ironique, oui.

J'ai entendu ses mots en retour des miens, ressentis les frissons dans ma nuque quand son étreinte initiale a finalement conduit ses mains à encadrer mon visage. Le temps me paraît infiniment long alors qu'elle approche son visage, que mes yeux ont le temps de fixer ses lèvres charnues jusqu'à se fermer quand elles collisionnent enfin. C'est tout mon corps qui semble avoir été touché, un simple impact, léger, fébrile, qui fait l'effet d'une bombe H. Pour ne pas perdre pied, je ne m'accroche que plus fort, mes bras resserrent l'étau, pressant contre mon corps le siens. Pourtant je commence à me noyer, et à défaut de chercher de l'air, je réponds à son baiser, refusant de lui laisser l'opportunité d'en finir trop rapidement. Une main plaquée dans son dos cherchant toujours le contact, permet de libérer l'autre pour se glisser dans sa nuque, sous la masse de boucle noire, le pouce posée sur la naissance de sa mâchoire. Si l'invitation était hésitante, la réponse se veut un brin moins chaste, rassurante quant aux intentions partagées. C'est le coeur qui a prit le devant de la scène, et la présence charnelle de Maeve, fait taire les potentielles objections de l'esprit. Elle prend tout simplement trop de place, occupe l'image centrale du tableau.

L'étreinte ne prend ainsi fin que quand on vient nous bousculer. Un danseur anonyme qui ne nous a pas même remarquées, m'obligeant pourtant à changer de position pour ne pas perdre tout à fait l'équilibre et faire tomber Maeve. Seulement là je me rends compte de mon coeur qui bat la chamade. Les yeux qui se sont ouverts en réponse à l'intrusion, tombe sur le visage de la belle. Je relâche la tension dans mon bras, la libérant sans pour autant rompre le contact. Le souffle court, mirettes grands ouvertes, les calculs se font rapidement dans mon esprit pourtant j'hésite.

- Est ce que tu veux aller prendre l'air ?

En vérité j'ai très envie de reprendre là où nous avons été interrompues. Retrouver le goût sucrées de ses lèvres est une pensée assez envahissante tout autant étourdissante. Dehors, dans la chaleur moite du début d'été, l'air ne sera sans doute pas plus facile à respirer, mais j'aurais la liberté de ne l'avoir que pour moi.

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@Bryn Coverdale 12/2024 - fortitude valley, the brick

Elle n’a pas réfléchi avant de se laisser happer par cette envie irrépressible de l’embrasser — sans nul doute que, si elle avait pris le temps de réfléchir, elle ne l’aurait pas fait. Il en faut du courage pour embrasser son ancienne petite-amie qui souffle le chaud et le froid, et ce n’est pas ce tiède glaçant, entre elles, qui lui a donné la confiance pour franchir le pas, mais plutôt cette adrénaline inexplicable qui pousse les amoureux à se charger d’une électricité combattive ; sur le champ de bataille de leur relation, Maeve est la première à lancer l’offensive amoureuse. L’attaque est douce, un mélange de lèvres veloutées qui glissent l’une sur l’autre, un fléau de souffles qui se mélangent, deux âmes qui s’entrechoquent, deux coeurs qui fondent l’un dans l’autre pendant que les mains se câlinent et se retiennent : Bryn ne la repousse pas. Qu’elle réponde à son baiser, ça fait glisser un poids qu’elle sentait peser sur son être : davantage que l’humiliation publique, c’est ses espoirs réduits à néant qu’elle redoutait. Inconsciemment, Maeve resserre son étreinte autour de Bryn en la rapprochant un peu plus d’elle, dans un besoin urgent de la maintenir contre son corps, de ne plus laisser perdurer cet éloignement physique et émotionnel qui la malmène secrètement… L’instant s’arrête, même la musique semble faiblir dans ses oreilles pour ne laisser que les battements affolés de son coeur, qui surgit comme un tambour criant les sentiments qu’elle n’ose pas encore avouer ; et de toute façon, elle n’en aurait pas le temps puisque leur étreinte est interrompue par un obstacle inconnu qui les bouscule, fait éclater la bulle qu’elles ont tissé en quelques secondes, et qui fait redresser les épaules de la peintre, qui relève légèrement ses bras en se demandant ce qu’il se passe.

Puisque Bryn la maintient dans son étreinte malgré l’interruption, Maeve ne s’éloigne pas et fait seulement glisser ses deux paumes sur ses épaules en se demandant ce qu’elle doit dire ou faire, à présent, l’esprit autant chamboulé que le coeur, la peau hérissé de frissons comme sa bouche, comblée d’un baiser qui a galvanisé ses sens. C’est quoi le mode d’emploi après avoir embrassé son ancienne amoureuse au milieu d’une salle comble ? ’’Est ce que tu veux aller prendre l'air ?’’ cette proposition décline un sourire tendre et amusé sur ses lèvres car elle ne peut s’empêcher de penser que, cette fois, si Bryn prend la fuite, elle souhaite l’embarquer avec elle ’’Avec plaisir…’’ qu’elle souffle avec douceur en laissant l’une de ses mains coulisser le long du bras de la surfeuse afin de trouver le chemin de sa main, ses doigts s’intercalant entre les siens pour ne pas la perdre quand elle la suit à travers la foule pour rejoindre l’extérieur, sans se rendre compte que leurs amies communes les fixent d’un air incongru — la chance d’être gravement malvoyante, pour une fois.

L’air, au-dehors, est tout aussi tiède que l’atmosphère à l’intérieur du bar, mais elle se réjouit de pouvoir sentir l’air de la nuit venir chatouiller la peau de son visage, ainsi que ses épaules et ses jambes nues. Elle tient toujours la main de Bryn dans la sienne, refusant l’idée même de la lâcher mais gravement inconfortable dans l’idée de relancer la conversation l’air de rien… Doit-elles en parler ? Pour l’instant, il lui semble que non ; c’était évident, naturel, et le besoin d’un débriefing ne se fait guère sentir pour la brune alors, marchant à ses côtés quelques secondes, elle lève le menton en sa direction, sans véritablement la regarder, portant les traces d’une quiétude amoureuse au visage : ’’Je crois qu’on va devoir répondre à des questions en revenant…’’ elle sait que le sujet a toujours été compliqué pour Bryn, alors elle se contente seulement de prendre la température : si Bryn regrette, pour une raison ou une autre, Maeve est prête à l’entendre, mais elle préfère le savoir avant de faire face à leurs amies. ’’Après, on est pas obligées d’y retourner…’’ elle le fait savoir, l’air de rien, comme si elle lui proposait une évasion spectaculaire pour qu’elle s’enfuit loin, rien que toutes les deux.