only the lonely survive
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willow storm & @kate beauregard chez les beauregard, 1er janvier 2025

Shit. Shit. Shit.

C’est tout ce que tu arrivais à penser alors que tu ressortais du bar, la tête entre les mains et un sentiment d’impuissance plus puissant que jamais. Ce n’était pas la première fois que tu faisais face à un renvoi, mais celui-là, tu devais admettre que non seulement il tombait au pire moment (qui aime vraiment commencer l’année avec un congédiement?) mais en plus, il serrait le cœur un peu trop fort. Le bar avait beau être miteux avec une clientèle douteuse, c’était un endroit qui t’avait donné une chance dans une période de ta vie où tu avais l’impression de ne plus en avoir du tout. Là où tu avais balayé nombreux refus et renvois justement à cause d’un horaire trop imprévisible et des demandes multiples des hospitalisations de ta sœur, surtout au début de ses traitements, le propriétaire du bar lui, avait su se faire compréhensif et patient avec toi. Jusqu’à hier soir. Il faut dire que quand il avait appris que tu étais celle qui avait invité celui qui avait déclenché la bagarre au bar, en plus de t’être poussée sans terminer ton quart de travail, on ne pouvait pas dire que tu lui avais laissé le choix. Il devait y avoir des conséquences à tes gestes, et la conséquence était tombée avec lourdeur et sans appel : un congédiement en bonne et due forme. Ce dernier dénouement s’ajoutait à toutes ces choses que tu tentais encore de gérer, soit trouver un nouvel appartement pour Jessie et toi, reprendre un semblant de contrôle sur ta relation avec Alistair après les nombreux écarts de la veille et maintenant trouver un nouvel emploi que tu pourrais jumeler avec le Walker Group. L’année ne faisait que commencer que déjà, tu rêvais de faire marche-rapide à l’année suivante, en conservant cet espoir naïf qu’enfin, dans les douze prochains mois, tu retrouverais un tant soit peu de contrôle.

Ce n’est pas cet après-midi toutefois que tu allais reprendre le contrôle, pas même cet après-midi que tu allais tenter de le faire. Tu ne te sentais pas prête à retourner chez Alistair et lui faire face après ce qui s’était passé dans les douze dernières heures, et comme Yasmin t’avait laissé entendre qu’elle pouvait garder Jessie jusqu’à la fin de la journée, tu te retrouvais avec quelques heures à combler, sans aucune responsabilité ou attente venant de qui que ce soit. C’est donc évidemment pour Kate que tu eus une pensée. Kate, que tu réalisais, dont tu ne connaissais même pas les plans de la veille pour célébrer la nouvelle année. Avait-elle fait quelque chose en particulier? Surtout, avait-elle une gueule de bois? Si ce n’était pas le cas, peut-être que tu saurais la convaincre d’aller bruncher quelque part avec toi, parce que dieu sait que tu pourrais prendre un peu de champagne dans ton jus d’orange en ce moment, même si tu n’avais pas les moyens de te l’offrir. C’est la nouvelle année, qu’est-ce qu’une folie de plus, que tu ne peux t’empêcher de penser ironiquement alors que tu reprends place dans ta voiture, prête à prendre la direction du domicile des Beauregard, là où tu sais que ta meilleure amie a trouvé refuge pour le moment, en attendant elle aussi de se trouver un nouvel appartement. Tu ne mets pas longtemps avant d’arriver devant la demeure, cette dernière semblait tranquille, et tu espérais vraiment de ne pas te cogner le nez devant une porte fermée et une maisonnée complètement vide. Le mieux aurait sans doute été de lui envoyer un message ou de lui téléphoner avant de te rendre chez les Beauregard, mais la vérité c’est que tu redoutais tant de rentrer chez toi – pouvait-on vraiment qualifier la maison d’Alistair ainsi? – que tu avais encore préféré prendre cette chance que de devoir face au jeune homme avec qui tu n’avais pas vraiment échangé depuis ton réveil. Tu appuies sur la sonnette une fois, résistes à la tentation de le faire encore, au cas où son père serait là, ou pire encore qu’il y ait de la visite chez les Beauregard, même si ça ne semblait pas être le cas vu l’absence de véhicule supplémentaire, à l’exception du tien. Tu t’attends presque à faire face au patriarche de la famille lorsque la porte s’ouvre, mais c’est bel et bien ta meilleure amie qui se dessine sous tes yeux. « Kate! Dieu merci, t’es là. » que tu lances avec un soupir de soulagement, prenant aussitôt la blonde dans tes bras. C’est que tu as drôlement besoin d’elle, en ce moment.

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w/ @Willow Storm January 1st 2025
BEAUREGARD FAMILY HOUSE

Un réveillon en tête-à-tête avec son bougre de père, à se regarder dans le blanc des yeux, voilà dans quel traquenard Kate se retrouve embourber ce soir. Loin de la jovialité du Noël familial, cette veille de l'an se déroule dans un silence complet, laissant aux mouches et aux tintements des couverts le premier plan dans l'animation de la soirée. À les voir tels deux étrangers, elle se demande encore comment elle a pu imaginer cette soirée comme un dénouement heureux. Comment a-t-elle pu nourrir l'espoir que celui qu'elle a toujours considéré comme son père, lui ouvre un peu la boîte de pandore du secret familial. Comme si l'entrée dans un nouveau quart de siècle allait changer la face de leur histoire. Elle se sent bête d'y avoir cru. Stupide d'avoir espéré après trois ans de bataille sans résultat. Ce silence de plomb lui donne la nausée, alors même qu'elle n'a rien avalé de la journée. Leurs débats animés sur son avenir loin de l'armée lui manquent presque, mais elle ne compte rien lâcher. Elle est allée trop loin dans sa quête pour abandonner maintenant.

***

Elle n'a pas attendu que minuit sonne pour retrouver sa chambre de gamine. À quoi bon. Toute la soirée, son père a préféré dévisager le rumsteak gisant dans son assiette plutôt qu'elle. Pas vraiment le genre d'ambiance qui donne envie de s'attarder. Elle a terminé l'année 2024 comme elle l'a commencé : en gribouillant dans son journal intime ce qu'elle a sur le cœur. Pas de résolutions débiles, ni de plan sur la comète, elle se promet simplement de continuer à vivre au jour le jour, de profiter un peu plus de ses neveux, et de ses frères. Tant qu'ils la considèrent encore comme une sœur. C'est sur cette triste pensée que Kate s'endort, peu avant le décompte de la nouvelle année, laissant à Morphée le terrain libre pour les cauchemars qui suivront. Quand elle se lève, aucune trace de David dans la maison. Ni dans la salle de bain du rez-de-chaussée, où il aime tant se prélasser, ni dans la cuisine, où elle s'attend pourtant à le retrouver en train de lire son journal. Bizarre. Mais pas suffisamment inquiétant pour qu'elle s'attarde plus longtemps sur la question, préférant à cela profiter un petit peu du répit offert par la situation. Sa tasse de thé brulante en main, elle va s'installer sur le rocking chair de la terrasse, celle qui est juxtaposée à la cuisine, sans craindre de voir débarquer quiconque, et surtout pas son père qui d'habitude ne se gêne pas de faire valoir ses droits de propriétaires de l'emplacement. L'endroit parfait pour griffonner au fusain dans son carnet de croquis, tout ce qui lui passe par la tête. Ou devant les yeux, comme ce nain qui a fait son apparition dans le jardin des voisins. Une céramique grincheuse à laquelle Kate donne, sans s'en rendre compte, des petits airs de Beauregard. La suite se dessine au gré de ses envies, de ses souvenirs de l'année écoulée : le Harbour Bridge, le foulard qu'elle a tristement perdu en se baladant entre Manly et Curl Curl beach, sa rencontre effrayante avec un casoar et son retour à Brisbane symbolisé par une reproduction de photo de famille presque parfaite. Elle passe sa matinée là, les jambes recroquevillées contre son torse et le regard fixé sur son petit calepin, oubliant son thé à présent froid. Un slow-morning qu'elle étendrait bien à toute la journée, plan mis en standby quand la sonnette de l'entrée rugit. Un bruit strident qu'elle déteste, mais que son père a refusé de modifier. Sans doute pour lui rappeler qu'ici, c'est chez lui. « Ah ben, c'est pas trop tôt ! » grommelle-t-elle tout en se rendant jusqu'à la porte, son pyjama encore sur elle. Elle s'attend à voir apparaître son père porté disparu depuis plusieurs heures, quant à la place, c'est le visage de Willow qui surgit. « Kate! Dieu merci, t’es là. » Un peu sonnée, elle ne répond qu'à moitié à l'étreinte qui suit. « Will ! » finit-elle par murmurer. « Qu'est ce que tu fais là ?! » Elle se détache des bras de la blonde, la regarde de haut en bas à la recherche d'un indice qui donnerait un sens à cette visite improvisée. Il lui suffit de croiser le regard de sa meilleure amie pour comprendre : elle a fait une connerie. « Qu'as-tu fait encore ? » Elle lui fait signe d'entrer puis referme la porte derrière elle. Après avoir posé son carnet sur la table du salon, elle rejoint son invitée sur le canapé. « Vas-y crache le morceau » dit-elle sur un ton faussement directif. Elle espérait un peu plus joyeux comme interaction sociale après bientôt quarante-huit heures de silence.

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willow storm & @kate beauregard chez les beauregard, 1er janvier 2025

Il n’y avait pas à dire; ce n’est pas exactement ainsi que tu t’imaginais commencé l’année. Tu ne saurais même pas dire ce qu’il y a de plus surprenant: d’avoir passé la nuit dans les bras d’Alistair après des égards de conduite dont vous n’aurez certainement pas le choix de rappeler à un moment ou un autre, ou alors ce congédiement néanmoins mérité après t’être sauvée du bar au beau milieu de ton quart de travail pour gérer la situation avec un Alistair blessé. Tu ne lui en voulais pas, ou du moins, pas vraiment parce que la décision de partir était la tienne et seulement la tienne. Tu savais ce que tu risquais en partant, en ne prévenant personne, ce serait hypocrite de ta part de mettre le blâme ailleurs que sur toi-même. Ce qui ne voulait pas dire néanmoins que tu étais sereine avec la situation; bien au contraire. Tu n’avais pas encore totalement assimilé ce que cela voulait dire, mais cela ne saurait tarder. Parce que bien vite, tes journées seraient moins chargées oui, mais tes chèques de paye seraient aussi bien plus minces, un changement qui n’aidait en rien la situation précaire dans laquelle tu te trouvais présentement. Te trouver un nouvel emploi en ce début d’année devenait alors la priorité, plus important encore que de trouver un nouvel appartement pour Jessie et toi. Alistair te l’avait dit et répété: il n’y avait aucune presse à ce que Jessie et toi quittiez sa maison. Quoique son discours allait peut-être changé, après ce qui s’était passé la nuit dernière. Ou alors après que tu aies quitté son lit avant même qu’il ne se réveille, pris fuite de la maison silencieuse avant de prendre le temps d’avoir une quelconque conversation, négligeant de lui envoyer un message pour au moins lui laisser savoir que tout allait bien. Tu aurais du. Tu y as pensé à quelques reprises. Mais pour l’instant, tu n’avais pas encore eu le courage.

La seule chose dont tu avais eu le courage jusqu’à maintenant, après avoir quitté le bar, c’était de te rendre chez Kate avec un besoin imminent que quelqu’un te ramène les deux pieds sur terre. Personne ne saurait le faire aussi bien que ta meilleure amie, de ça, tu en étais persuadée. Tellement persuadée que tu n’avais même pas considéré l’option qu’elle ne soit pas là ou disponible pour t’accueillir dans ta panique. Mais tu avais bien droit à un peu de chance dans tout ce bordel, quand la porte d’entrée ne manqua pas de s’ouvrir pour laisser une Kate toujours vêtue de son pyjama se dessiner sous tes yeux. « Will! » qu’elle murmure, la surprise évidente autant dans sa voix que sur ses traits alors que tu t’accroches à elle avec force. C’est que tu en as bien besoin, chose qu’elle ne tarde pas à comprendre, la blonde. Parce qu’elle te connaît. Sûrement un peu trop bien. « Qu’est-ce que tu fais là? » Moment d’hésitation. Par quoi commencer? Les secondes de silence suffisent pour que Kate comprenne. Tu n’as même pas besoin d’ouvrir la bouche qu’elle sait déjà que quelque chose ne va pas. Sûrement dans ta façon d’agir, ou la panique qui n’a pas quitté ton visage depuis le moment où tu as quitté la résidence d’Alistair. « Qu’as-tu fait encore? » « Qu’est-ce qui te fait croire que c’est moi qui a fait quelque chose? » Est-ce que c’est toi, qui as fait quelque chose? Ou est-ce que tu as simplement été victime des événements? Non, tu refuses de t’adonner à cette manière de penser réductrice. Oui, tu as fait quelque chose. Tu t’es laissée prendre dans le moment. Tu ne sais plus comment t’en sortir. Tu suis Kate dans la grande demeure alors qu’elle vous guide jusqu’au salon, et tu n’as aucun mal à te laisser tomber dans le canapé, ta tête qui s’appuie contre le coussin derrière toi. « Vas-y crache le morceau. » « J’ai passé la nuit avec Ali. » Elle n’est pas sans connaître quelques détails des dernières semaines. Vos retrouvailles, puis vos rapprochements. Tu lui as même confié les baisers échangés à l’hôpital, puis la décision de rester avec lui en attendant de trouver autre chose, une décision qu’elle n’avait pas jugé être la plus juste d’ailleurs, la Beauregard. « Enfin, pas comme ça. Juste… On a dormi ensemble, encore. » Tu n’oses même pas relever la tête vers elle, persuadée que son regard doit relever ce qu’elle ne dit pas encore à voix haute. « Oh et j’ai perdu mon boulot au bar aussi. Parce qu’Ali s’est battu et je suis partie avec lui avant même le décompte et donc bien avant la fin de mon shift. » Tout va bien, n’est-ce pas? « Bonne année, au passage. » que tu souffles dans un rire en relevant la tête en direction de ta meilleure amie.