Voilà seulement cinq mois qu’ils se sont mariés, Emily et lui, et déjà leur couple a perdu de leur éclat. Rafael ne comprends toujours pas ce qui a bien pu se passer, mais sa femme a changé. Ce n'est sans doute qu’une mauvaise période. Tout va finir par revenir comme avant. Ça ne peut pas être autrement. Rafael n'a pas perdu espoir. Pas encore. Cette semaine, c'est une mauvaise semaine. Ce que le mexicain a trouvé de mieux à faire : imposer une troisième personne dans leur duo brisé. Ça ne lui a pas vraiment plu à sa femme, qu'il l’avertisse deux heure à l'avance que Diego allait venir dîner avec eux. Pourtant, à la seconde où il est arrivé, elle a été merveilleuse et accueillante comme toujours. Le temps d’une soirée, Rafael retrouve sa femme et il s’en moque totalement que ce ne soit qu’une parure. Il croit facilement au mensonge qu’elle lui offre tant il lui plaît. Enfin, le mensonge, il n'est que pour lui, il la sait réellement heureuse de voir Diego - malgré sa présence imposée par Rafael. La soirée se déroule bien. Les conversations vont de bon trains, même si Emily en a sûrement marre de les entendre parler de l'hôpital. Que voulez-vous, c'est ce qui mène leur vie respective en ce moment. La nuit est tombée depuis longtemps lorsque la blonde annonce qu’elle va dormir. Déjà? C'est la première réflexion de Rafael qui est toujours aussi éveillé que s'il n'était que vingt heures. De l’énergie, il en a encore. Il en a toujours. Il échange un baiser avec sa femme qui quitte les deux amis pour aller rejoindre les bras de morphée. Raf suit sa silhouette des yeux jusqu'à ce qu’elle disparaisse derrière la porte de leur chambre. « Tu veux autre chose ? » qu’il demande en se levant d’un seul coup. Il s’active déjà dans la cuisine pour être certain que le départ d’Emily ne le pousse pas à partir à son tour. Il n’a pas à partir parce que madame veut dormir hen. Et puis, ils n’iront qu’à aller sur le balcon s'ils nuisent à son sommeil. Rafael revient prendre place sur sa chaise avec une bière et le breuvage de Diego. Il prend une première gorgée avant d’attaquer son sujet préféré : les ragots d'hôpital. « Paraît que tu t’es engueulé avec Hartfield. » Et voici donc le dernier ragot en liste. Vrai ? Pas vrai ? Rafael n'en a absolument aucune idée. Il a appris avec le temps qu’il faut en prendre et en laisser. En vérité, c'est souvent plus faux que le contraire. Au vu de la relation entre les deux hommes, Rafael ne serait pas si surpris que ce soit vrai, même si ça ne lui semble pas être dans les habitudes de Diego de se donner en spectacle - ni même de Ruben de donner un mauvais spectacle. « Rumeur de corridor. » qu’il ajoute par la suite en haussant légèrement les épaules. Une source très fiable, donc. Selon les rumeurs, il serait question d’une cage d’escalier et de voix qui portaient assez loin pour qu’elles soient perçues de l'autre côté de la porte. Les sujets de la dite engueulade différent selon la personne qui raconte le ragot. Et oui, l'être humain aime bien inventer n'importe quoi, surtout si c'est pour blesser une autre personne. « J’te laisse deviner ce que tout le monde raconte. » Madame Hartfield comme sujet de la querelle, évidemment.

@diego gutiérrez

Diego s’était déjà surpris à couver ce mariage duquel Rafael semblait déjà se lasser simplement parce que l’événement avait été le théâtre de quelque chose de particulier pour lui. Il n’aurait jamais confié ce point de vue à son ami, le secret de ce qu’il vivait avec Mateo étant celui qu’il avait mis le plus d’effort à garder intact et n’étant de toute façon plus d’actualité. Diego cherchait à oublier, le laissant vivre son expérience en Espagne, mais utiliser un dîner chez Rafael comme prétexte pour libérer son esprit était maladroit : inévitablement, le médecin lui rappelait le début de tout. Encore fragile et tentant de se relever après avoir eu le sentiment de ne plus jamais pouvoir le faire, Diego avait pu compter sur la bonne humeur d’Emily, celle qu’elle gardait en toutes circonstances et sur laquelle il aurait voulu pouvoir prendre exemple. Le dîner avait été bien plus efficace pour lever le nuage qui menaçait son esprit qu’il l’aurait cru, il ne s’en était rendu compte qu’au moment où Emily avait décidé de les laisser. Sa fatigue était la même et il aurait probablement dû profiter de la possibilité de quelques heures de sommeil pour agir sur son irritabilité mais ces jours-ci, Diego n’était pas raisonnable. « Tu veux autre chose ? » Ce n’était pas une question, il l’avait compris en voyant Rafael se diriger vers la cuisine sans attendre sa réponse. Il le savait, son ami chérissait de plus en plus les moments où elle n’était pas là, et malgré la tendresse qu’il éprouvait pour Emily, il mettait un point d’honneur à ne pas juger. C’était leur histoire, et il était de toute façon bien trop mal placé ces temps-ci pour se permettre de tenter d’éclaircir une relation, lui qui ne comprenait même pas la sienne et la fuyait. S’il avait pu parler à Rafael, ils auraient réalisé qu’un immense point commun les liait. Mais a la place, il avait accepté le soda qu’il lui avait donné, restant silencieux en attendant de comprendre la question qui lui brûlait les lèvres - il le connaissait, l’autre raison le poussant à s’assurer qu’il reste était sa volonté d’entamer une discussion qu’ils ne pouvaient avoir qu’en tête à tête. « Paraît que tu t’es engueulé avec Hartfield. » Son soupir avait été bien plus bruyant qu’il ne l’aurait anticipé, lui qui était venu spécifiquement pour oublier ce point noir dans sa carrière se retrouvait à devoir se justifier. « Rumeur de corridor. » Diego avait levé le menton, mettant tout en oeuvre pour feindre un détachement face à l’annonce. « J’te laisse deviner ce que tout le monde raconte. » « Non, je sais pas, on se serait engueulés à propos de quoi, exactement ? »  Il n'avait pas le temps pour les devinettes et les enfantillages qui se jouaient au St Vincent. Qu’il lui donne la version de tout le monde ou la sienne, si cela l’aidait à formuler un mensonge en guise de réponse, lui qui espérait encore que Rafael puisse y croire. « Je t’ai déjà donné l’impression d’être du genre à laisser des broutilles interférer dans mon travail à l’hôpital ? »  avait-il demandé en arquant un sourcil, désabusé à l’idée que la rumeur de son incompétence puisse se répandre à l’hôpital. Diego était sur la défensive, comme chaque fois lorsque l’on réussissait à le percer à jour, et s’il pensait réussir à faire croire à Rafael que tout allait bien, il s’y prenait de la pire des façons. Il le savait, était simplement incapable de savoir s’il souhaitait se confier ou non. Il était partagé entre le besoin d’évoquer l’épisode et la honte qu’il ressentait d’avoir montré autant de signes de faiblesses dans l’exercice de ses fonctions. « Ouais, je sais, t’aimes pas quand je réponds à tes questions par d’autres questions. J’étais à cran et il m’a pris la tête pour deux minutes de pause, c’est tout. » Son haussement d’épaules pour seule défense, il avait ajouté. « On bosse sur un dossier ensemble, et il adore pointer mes faiblesses et c’est vraiment pas le moment. » Pas alors que c’était sur la dernière ligne droite qu’il avait fait l’erreur de laisser sa vie privée s’immiscer dans un cas bien trop proche de sa réalité. C’était injuste, et il avait baissé la tête, incapable de savoir comment gérer le manque de Mateo et la manière dont il avait nui à sa propre carrière.

À la simple évocation de la supposée confrontation entre Ruben et Diego, Rafael comprend qu’il vient de mettre les pieds sur un terrain miné. Honnêtement, il avait avancé le sujet sans réel attente, sans même savoir si ce qu’on racontait était vrai ou faux. Ce n'est pas vraiment un secret pour personne qu'ils ne se portent pas mutuellement dans le coeur de l’autre, alors, bon, il n’en faut pas plus pour faire partir la machine à rumeur bien facilement. Ils finiront par en avoir marre d’eux à la seconde où ils auront quelque chose de plus croustillant à se mettre sous la dent. Finalement, la vie d’adulte, c'est pas tellement mieux que celle du lycée. Mensonge et hypocrisie sont encore au menu. « Non, je sais pas, on se serait engueulés à propos de quoi, exactement ? »  Est-ce vraiment nécessaire d'y répondre ? Rafael a du mal à croire que les langues sales sont assez discrètes pour que les rumeurs ne remontent pas jusqu'aux oreilles du principal intéressé. « Que tu l'as rendu cocu. » qu’il répond en haussant légèrement les épaules comme si la réponse était si évidente. Oh oui, l'amitié entre Diego et la jolie Nina, ça fait son effet. Raf s'est bien que cette partie là de la rumeur est fausse. Il tomberait en bas de sa chaise s'il apprenait qu’il a tout faux là-dessus. « Je t’ai déjà donné l’impression d’être du genre à laisser des broutilles interférer dans mon travail à l’hôpital ? » Non, ce n'est effectivement pas son genre. Rafael est persuadé qu’il déteste savoir qu'il se trouve au centre de certaines conversations. Surtout quand c'est pour les mauvaises raisons. Il faut croire que parfois l’émotion gagne sur la raison. C'est ce qui doit s'être produit cette fois-là. « Non, mais ta réaction me fait dire que c'est vrai. Pour l’engueulade, j’veux dire. » qu’il tient à préciser. Autrement dit, la partie de tromperie, il n'y croit pas vraiment. Jusqu’à preuve du contraire, bien sûr. Et puis, malheureusement pour lui, Raf est du genre tenace. Il n'a pas l’intention de lâcher le morceau si facilement. Si le but de se braquer était qu'il se braque à son tour, c'est perdu à l’avance. Il a simplement piqué un peu plus sa curiosité. « Ouais, je sais, t’aimes pas quand je réponds à tes questions par d’autres questions. J’étais à cran et il m’a pris la tête pour deux minutes de pause, c’est tout. » Rafael fronce des sourcils. C’est tout ? Il a du mal à y croire. Enfin, il a dit qu’il était déjà à cran. Peut-être que le réel problème est dans ce qui s’est passé avant l’arrivée d’Hartfield. « On bosse sur un dossier ensemble, et il adore pointer mes faiblesses et c’est vraiment pas le moment. » D’accord ? Rien qui n’aide vraiment la mexicain à comprendre ce qui s'est passé. Il faut toutefois dire que Diego ne semble pas vraiment vouloir en parler. Sinon, il l’aurait déjà fait, n'est-ce pas ? Rafael a l'impression de passer à côté de quelque chose sans avoir le moindre indice de ce que ça peut bien être. « Pourquoi c’est pas le moment ? Il s’passe quelque chose ? » qu’il questionne. Il cherche à comprendre ce qu'il a bien pu louper. Ils sont tous les deux bien occupés par leur étude. Ils ont beau être dans le même établissement, ils sont dans deux spécialités complètement différentes. Alors, ils ne se voient pas si souvent que ça. Pas assez pour avoir une vraie conversation finalement. Alors, oui, ce n'est pas impossible qu'il se passe quelque chose d'important dans la vie de son ami et qu’il n’en ait absolument aucune idée.