« Je peux vous aider monsieur ? » Ezra releva alors la tête en direction de la jeune vendeuse qui se tenait maintenant à ses côtés. Il ne l’avait pas entendu arriver tellement il était perdu dans ses pensées, le regard vide. Cela devait bien faire quinze bonnes minutes qu’il était entré dans ce magasin pour enfant, ne sachant pas trop pourquoi il s’était retrouvé là. Il fit alors un petit sourire à la vendeuse, ne voulant pas paraître impoli de l’avoir dérangé ainsi avec ses rêveries. « Merci, mais je crois que je sais ce que je vais prendre finalement. » Il lui montra la petite peluche qu’il tenait dans la main depuis tout à l’heure. Un ours de la taille d’une main d’homme, simple, mais qui semblait être tout à fait divine au toucher. Le vendeuse sourit à son tour et repartit conseiller un couple qui venait d’entrer dans le magasin et qui semblait avoir de besoin plus d’aide qu’Ezra. Lorsqu’elle ne fut plus à portée de vue, son sourire s’effaça et il soupira. Dans ce qu’il venait de dire à la vendeuse, il y avait du vrai et du faux. Oui, il avait bien trouvé le modèle de peluche qu’il voulait, mais il ne savait pas pourquoi il s’obstinait tant à vouloir la prendre. Quand il était dans ses pensées, il n’avait pas arrêté de penser à Noah, son fils, la tenant alors qu’il marchait à peine sur la pelouse des parcs qui ornaient Brisbane. Fils qu’il n’avait qu’entre-aperçu, alors qu’il avait maintenant cinq ans. Ce n’était donc pas un souvenir qu’il n’avait cessé de voir, mais bien des images inventées de toutes pièces par son esprit qui ne cessait de divaguer ces derniers temps. Cependant, il se dit qu’il serait dommage de laisser une aussi jolie peluche ici, sans l’emmener avec lui, surtout qu’il savait déjà pour qui il pouvait l’acheter, à qui l’offrir. Pour une fois, ce ne serait pas son neveu qui en profiterait - et de toutes façons, James finirait par râler car Ezra devait lui en acheter une toutes les deux semaines depuis sa naissance environ. Il fit un tour par la caisse avant de sortir du magasin et de remonter dans sa voiture. Le chemin qu’il s’apprêtait à faire, il le connaissait bien, il ne menait pas trop loin de chez son premier frère, Thomas. Il savait aussi qu’un fleuriste se trouvait également sur cette route - et non, ce ne serait pas non plus Ida qui profiterait des fleurs cette fois ci. Comme quoi, parfois, on pouvait briser des habitudes qui semblaient ancrées depuis des années. Lorsqu’il gara sa voiture devant le numéro 42 de la rue, il éteignit rapidement le contact. Il savait que Jamie ne serait pas de retour tout de suite, il allait pouvoir avoir le temps. Lui-même avait encore du mal à comprendre pourquoi c’était cette personne ci et pas une autre qu’il venait voir aujourd’hui, mais il avait l’impression qu’elle pourrait l’aider comme personne ne pourrait le faire aujourd’hui. Il était dans une situation qui lui semblait sans issue, et Joanne semblait avoir vécu une situation similaire avec Jamie, s’il avait bien compris, ces derniers temps. Enfin, similaire si on pouvait dire, en tous cas il lui semblait qu’elle était la personne qui pourrait peut-être l’aider aujourd’hui. Sortant de la voiture, il attrapa le bouquet de fleurs d’une main et le petit sac en papier cartonné qui contenait la petite peluche achetée plus tôt. Il marcha jusqu’à la porte, et pendant un instant hésita. Devait-il sonner, ou juste frapper sur le dos de la porte pour signaler sa présence ? Il ne savait même pas si Joanne était présente à cette heure là chez elle, si elle ne travaillait pas plus tard ou quoi que ce soit. Ce qui serait plutôt mal venu vu qu’elle commençait à être bien enceinte et qu’il lui faudrait de plus en plus de repos. Le jeune homme avait vu avec sa belle-soeur, Ida, à quel point parfois la grossesse pouvait épuiser les jeunes futures mamans - et stresser les jeunes futurs papas. Il n’avait d’ailleurs pas encore eu le temps d’avoir une réelle conversation sur cette future arrivée dans la famille avec Jamie, mais il était certain qu’il devait attendre ce bout de chou avec impatience. Ne voulant pas s’imposer à peine arrivé, Ezra tapa alors trois à quatre coups sur le dos de la porte, délicatement mais avec assez d’assurance pour que Joanne puisse les entendre d’où elle se trouvait dans la maison. Quelques secondes passèrent avant que la porte ne s’ouvre sur le visage de la jolie blonde et sur un ventre qui devenait bien arrondi. « Salut Joanne… Je te dérange pas j’espère ? » Il lui fit un petit sourire d’excuse, pour montrer à que point il était désolé s’il la dérangeait réellement. C’est ce qui était plutôt amusant à voir dans le comportement d’Ezra. Autant, lorsqu’il était persuadé qu’il ne dérangeait pas les gens, il était à l’aise en à peine une clignement de paupières. Contrairement à ces situations comme en ce jour où il ne souhaitait en aucun cas déranger la jeune femme.

L’expression sur le visage de Joanne laissa très clairement comprendre qu’elle était surprise de voir Ezra sur le pas de sa porte. Et le jeune homme ne pouvait pas lui en vouloir, à vrai dire il était surpris de se trouver lui aussi ici. Mais la surprise sembla vite passée et c’est avec un sourire amicale qu’elle l’accueillit par la suite - non sans avoir hésité sur son prénom, et il ne lui en tiendrait pas rigueur non plus; le nombre de personnes qui avaient du mal à savoir quel visage allait avec quel prénom des frères Beauregard était assez conséquent, les seuls que les gens avaient toujours réussi à reconnaître étaient James et Ian car ils savaient que ces deux là étaient jumeaux. « Non non, tu ne me déranges absolument pas ! » Un soulagement se fit ressentir par le jeune homme. Au moins, il n’allait pas être mis à la porte à peine arrivé. Il sentait que si ça avait été le cas, il aurait été encore plus perdu dans son flot de pensées qu’il ne l’était en arrivant. « A vrai dire, mes journées se ressemblent. C'est agréable d'avoir des visites inattendues. » « Il faut garder bébé au chaud, c’est pas si mal si tu ne te ménages pas trop. » Il fit un sourire doux pour accompagner ses paroles ainsi que le ton de voix qu’avait pris Joanne. C’était fou, cela faisait à peine quelques secondes qu’il était en sa présence et il avait l’impression d’être apaisé. Il avait déjà compris à quel point Joanne était une personne douce en parlant avec Jamie et puis même dès la première rencontre on pouvait rapidement comprendre que c’était sa façon d’être naturelle, que ce n’était pas une façade. Et parfois, ça faisait du bien d’être avec des gens comme ça, des gens vrais et qui n’ont pas besoin de s’affirmer pour mettre les gens à l’aise. « Mais... Jamie n'est pas là. Il est rare qu'il soit rentré avant vingt heures. J'ai cuisiné des cookies ce matin. Nous pouvons toujours en manger le temps qu'il arrive, si c'est vraiment important, ce que tu as à lui dire. Viens, entre, je t'en prie. » Ezra eut alors un petit sourire amusé avant de se laisser entrer à l’intérieur de la maison par Joanne. C’était légitime qu’elle puisse penser qu’il venait pour voir Jamie, c’était en général ce qu’il faisait lorsqu’il venait sonner à cette adresse. « Tiens, au fait voici pour toi… » Il se tourna de nouveau vers elle pour lui tendre le bouquet de fleurs qu’il avait pris soin d’acheter avant d’arriver, elles sentaient d’ailleurs encore divinement bon, comme si elles avaient été coupées juste avant d’arriver. Il tendit par la suite le petit sac qu’il tenait dans sa deuxième main, avec un sourire attendri. « … Et ça c’est pour le p’tit bout. J’espère qu’il ne l’a pas déjà ! » Il attendit que Joanne ait attrapé les présents pour venir mettre ses mains derrière le dos. Le voilà qu’il était de nouveau maintenant gêné. Il ne savait pas par où commencer sans faire peur à la jeune femme. Après tout, ils ne connaissaient pas tant que ça et il ne pouvait donc pas savoir comment elle allait réagir lorsqu’il lui expliquerait clairement les raisons de sa visite. Déjà, il se dit qu’il pourrait commencer par qui il était venu voir, réellement, contrairement à ce que Joanne devait toujours penser. « Pour les cookies, je veux bien les goûter, je t’avoue que je n’ai pas eu le temps de prendre un quatre-heures. Je suis comme les enfants. Mais ce ne sera pas la peine de s’occuper en attendant Jamie car je suis venu te voir toi, en fait, Joanne… » Il baissa légèrement le regard. Il n’avait plus qu’à attendre de voir comment la jeune femme allait réagir, au moins il aurait eu le temps de donner ses présents - de petites choses, mais il adorait faire de petites attention de la sortes. En espérant aussi que Joanne ne soit pas allergique aux fleurs, il n’avait pas pensé à ça, et ce n’était certainement pas le moment de déclencher une allergie. Peut-être que Jamie y serait allergique aussi, il n’en savait rien non plus. C’était dans ces moments là qu’il se disait qu’il ne passait pas assez de temps avec les membres de sa famille - surtout ces derniers temps.

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Quelques secondes de silence suivirent l'instant où Ezra avoua à Joanne être venu pour la voir elle. Et ça n'étonna pas le jeune homme. Sa surprise s'entendit dans le ton qu'elle employa pour parler par la suite. « Moi ? Je ne vois pas vraiment en quoi je peux t'aider. » Ezra se passa une main dans les cheveux, ne sachant expliquer ce qu'il avait sur le coeur. Il ne voulait pas la mettre autant mal à l'aise qu'il pouvait l'être lui en ce moment même - voire ne pas la mettre mal à l'aise du tout. C'était plutôt mal parti apparemment. Bien joué, champion. « Mais nous allons voir ce que je peux faire pour toi. Laisse-moi juste mettre les fleurs dans l'eau et je suis à toi. Va t'asseoir sur le canapé en attendant. » « Oui oui vas-y, merci, hm... » Il allait commencer à dire quelque-chose mais il se ravisa. La jeune femme devait mettre les fleurs dans l'eau pour ne pas qu'elles perdent leur vitalité, ce n'était donc pas la seconde adéquate pour engager la conversation. « Tu veux aussi boire quelque chose avec les cookies ? » « Comme toi, ne t'embêtes pas à prendre autre chose. » Ezra lui fit un petit sourire de remerciements avant d'aller s'asseoir sur le canapé. Pendant que Joanne fut partie chercher les biscuits et le lait, il tenta de remettre ses pensées en ordre. Il était venu ici pas pour embêter Joanne à avoir un comportement d'adolescent qui se sent gêné de parler de ce qu'il pouvait ressentir, il était venu ici pour voir si la jeune femme n'aurait pas des conseils à lui donner. C'était peut-être idiot, sûrement même d'ailleurs, mais maintenant la conversation était plus ou moins engagée, il ne pouvait faire demi-tour. La jeune femme refit apparition dans le salon, prenant place à côté d'Ezra. Un nouveau silence gênant s'introduit entre eux deux avant que Joanne ne reprenne la parole. C'était lui qui était venu ici pour parler et c'était elle qui avait le courage de le faire. Elle devait le prendre pour un idiot ou un fou en ce moment même. « Qu'est-ce qui t'amènes, alors ? » Elle lui désigna les biscuits sur la table et Ezra en prit un, il croqua dedans. Il devait admettre qu'ils étaient très bons, il n'en avait d'ailleurs pas mangé des faits maison depuis des années, il avait oublié à quel point c'était meilleur qu'en supermarché. « C'est très bon Joanne. Et si je suis ici... Je sais pas trop, à vrai dire. J'espérai que tu pourrais m'aider sur quelque-chose... Me conseiller. J'suis... » Le jeune homme fronça légèrement les sourcils. Comment décrire la situation dans laquelle il se trouvait ? C'était tellement bizarre qu'il perdait ses mots. Et puis surtout, si il voulait que Joanne puisse comprendre son problème, il aurait fallu qu'il lui raconte l'histoire depuis le début, lui raconter Ginny et l'enfant, son départ et l'attente du jeune homme pendant les cinq dernières années. Mais il ne voulait pas faire son temps à Joanne plus que ça. Prenant alors une nouvelle inspiration, le regard rivé sur son cookie tenu dans sa main, il reprit la parole avec une voix déjà moins assurée qu'elle n'avait pu l'être jusque maintenant. « Comment tu ferais pour pardonner l'impardonnable à quelqu'un ? Je sais, c'est super direct comme question, j'suis désolé... Cependant, j'ai l'impression qu'il y a personne en ce moment autour de moi qui pourrait me comprendre et... Tu aurais un avis plus extérieur par rapport aux autres. Et si Jamie te fait confiance, je te fais confiance aussi. » Il avait, pendant qu'il parlait, levé un regard plein d'inquiétude, d'interrogations vers Joanne. C'était rare qu'il se mette autant à nu devant une personne, lui qui préférait rire et amuser la galerie pour faire passer les situations gênantes. Mais en ce moment, avec Joanne, c'était différent. Il était honnête, avec elle il avait confiance alors qu'il ne la connaissait quasiment pas. Elle inspirait confiance.

Les secondes qui s’écoulèrent alors qu’il avait fini de poser sa questions lui parurent interminables, alors que Joanne ne mit pas autant de temps que ça à lui répondre. C’était juste qu’il était tellement à la rechercher de réponses et qu’il lui semblait qu’elles pourraient peut-être à la fin de cette conversation que le temps semblait s’allonger à vue d’oeil. « Avant tout je dirais... Qu'il faut du temps. Ca peut paraître bête, mais c'est ce qu'il y a de plus réparateur. Parfois, on ne fait qu'empirer les choses en voulant bien faire et tenter d'effacer de grosses erreurs ainsi. Et prendre de l'écart, aussi. Avoir un certain recul sur la situation pour en avoir une sorte d'aperçu global et… Je sais que dans mon cas, j'ai beaucoup besoin d'y réfléchir. Je suis du genre à penser et réfléchir beaucoup trop. » Joanne eut un petit rire gêné, et Ezra ne put s’empêcher de lui adresser un sourire amical. Après tout, en quelques phrases, elle venait en quelques sortes de se mettre un peu à nue devant lui alors qu’elle n’avait pas réellement à le faire. Elle aurait pu lui répondre avec des phrases banales, mais elle ne le faisait, elle prenait sa question très au sérieux. Et pour la première fois depuis les dernières semaines, bien que son problème ne soit pas encore réglé, il sembla à Ezra que son coeur s’allégea. Légèrement, mais il lui paraissait moins lourd. Au moins, aujourd’hui, il y avait quelqu’un qui tentait quelque-chose pour lui. Il pouvait remarquer aussi à quel point Joanne était douce et généreuse. Elle acceptait d’aider le jeune homme, elle aurait pu le mettre à la porte. Il aurait pu ajouter quelque-chose à ce moment là, mais il préféra laisser la jeune femme continuer de parler. « Mais on se questionne, et on réalise à la fin que peut-être ce n'est pas si grave que ça, qu'il y a des choses à réparer, certes, mais que c'est toujours bien là. Après, je pense que chacun a peut-être sa méthode pour passer outre. Il y en a qui ont besoin de plus de temps, d'autres de se défouler d'une quelconque manière. C'est à toi de trouver ce qui te convient le plus. Tu sais, j'ai beau avoir la bague au doigt, je sais qu'au fond Jamie ne me l'a toujours pas pardonné. Et je m'attends à ce que cela prenne des mois pour qu'il y parvienne. Dans ces cas-là, il faut juste savoir vivre avec et se tenir à carreau. » Ezra baissa lentement le regard au fur et à mesure que Joanne s’exprimait. Ses paroles lui semblaient tellement vraies, tellement justes. Il ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi il n’avait pas pu voir tout ce qu’elle disait de lui même, pourquoi il n’avait pas réussi à avoir un raisonnement aussi juste de son côté. A croire que seules les femmes arrivaient à penser de cette manière. Jouant nerveusement avec ses mains, il ne savait pas s’il devait répondre maintenant. Comme à chaque fois qu’on lui exposait des faits devant lui, Ezra rentrait dans une espèce de mutisme passager, où il essayait d’intégrer les informations. Oui, il y avait des choses bien dans la situation dans laquelle il se trouvait. Mais est-ce qu’il pourrait se dire que ce n’était pas aussi grave que ça ? Il avait subi le comportement de Ginny comme un trahison, une lourde trahison qui lui avait brisé le coeur. Pour lui, il n’était pas pensable que ce soit autrement, qu’il ne lui en veuille pas. Et pourtant, s’il était venu ici et s’il avait voulu entendre ces mots là de Joanne c’est qu’il avait envie que ça change. « Tu es celui qui doit se faire pardonner ou celui qui ne pardonne pas ? » Le jeune homme releva la tête vers Joanne. Sa question n’était pas tout à fait idiote, il ne lui avait en aucun cas réellement précisé sa situation. « Celui qui doit pardonner… Je sais pas si c’est mieux ou pire comme situation.» « Il faut surtout se dire que ça n'est pas perdu, même lorsque tout porte à croire que c'est le cas. Et que, dans l'autre cas, tu accepteras l'erreur, quelle qu'elle soit. Si tu aimes vraiment cette personne, tu verras que tu ne peux définitivement pas t'en passer, tu te donneras forcément les moyens d'être pardonné ou de pardonner. » Ezra soupira. Il avait tellement envie d’appliquer à la lettre tout ce que Joanne venait de lui dire, mais ça lui paraissait être un geste énorme envers Ginny. « Le truc c’est que… Je sais pas si je serai capable d’accepter l’erreur. Je veux dire, je pourrai peut-être vivre avec, pour le bonheur de mon fils mais… Lui pardonner à elle… » Il vient alors prendre sa tête dans ses mains, les coudes posés sur les genoux. Il était en train de se faire des noeuds au cerveau maintenant - c’était toujours mieux qu’au coeur, il ne le nierait pas. « Ca fait déjà cinq ans que j’attends comme un idiot qu’elle revienne, et quand elle est enfin en face de moi, c’est pour me rendre comptes que la situation est encore pire que ce que j’avais pensé durant tout le temps de son absence… » C’était comme si Joanne avait réussi à appuyer sur un bouton « open » sur la parole d’Ezra, comme s’il se laissait vraiment aller pour la première fois depuis longtemps. Lui qui n’aimait pas se montrer faible devant les autres, le voilà qu’il déballait tout devant Joanne, qui n’avait absolument rien demandé. La pauvre. Surtout qu’elle ne devait plus rien comprendre à son suivi de paroles vu qu’elle n’était pas au courant de l’histoire qu’avait eu Ezra avec Ginny.

« Et pourquoi était-elle partie ? Tu lui en veux parce qu'elle était partie ou... plutôt de la durée de son absence ? Enfin... Si ça ne te gêne pas d'en parler. » Quelque-chose d’étrange se passa ensuite. Deux réactions inverses se manifestèrent dans le corps d’Ezra. Une, animal, qui fut de se refermer sur lui même lorsqu’il comprit que les questions qu’elle lui posait étaient ultra personnelles. Réaction primaire, réaction d’auto-protection. Il se tût donc pendant un long moment alors qu’une autre petite voix lui disait qu’il pouvait se lâcher, qu’il pouvait se confier et lui parler. Joanne était quelqu’un de confiance. Il ouvrait alors légèrement la bouche, comme si il allait parlait, mais aucun son n’en sortit. Il resta muet, jouant nerveusement avec ses mains. Lorsqu’il avait commencé à parler tout seul, les confidences étaient sorties facilement. Mais là qu’il avait répondre à des questions précises, il avait du mal. Joanne dut le voir rapidement, car elle reprit la parole assez rapidement sans qu’il ait le réel temps de formuler quoi que ce soit. « Tu sais… Pour le moment, je suis celle qui doit se faire pardonner, mais il y avait un temps où Jamie et moi avions échangé les rôles. Il avait fait quelque chose de... mal. Très mal. » Ezra releva un regard inquiet et un sourcil levé interrogateur envers Joanne. Pas qu’il voulait qu’elle lui explique ce qu’il s’était passé - il n’oserait même pas dans ses rêves les plus fous lui demander, il la respectait trop pour oser la déranger autant -, mais ça l’étonnait de savoir que Jamie ait pu faire quelque-chose d’aussi mal, au point où la jeune femme ait du mal à la lui pardonner, alors qu’il lui portait un amour infini. Comme quoi, on ne pouvait tout savoir si deux personnes, même lorsque vous êtes plus ou moins proche d’une du couple. « Et je ne pensais pas être capable de lui pardonner un jour, ni même de l'approcher et de vivre avec, comme tu dis. Mais le manque était là, et après réflexion, je me disais que ce qui peut sembler être impardonnable pour certains l'était pour moi. Parce que je l'aime, je l'aime plus que tout. Et je doute qu'il recommencera, je lui fais entièrement confiance. » Ezra avait laissé son regard posé sur la jeune femme pendant tout le temps où elle avait fini de parler. C’était tellement agréable de l’entendre parler, sa voix douce apaisait ses craintes un peu. Et puis, cette façon qu’elle venait d’avoir, de se confier, donner un peu de courage à Ezra pour surmonter son incontrôlable envie de rester dans son coin et de s’ouvrir un peu à elle. Il répondit alors à son petit sourire, se laissant le temps d’assimiler lorsque Joanne lui posa une nouvelle question. « Tu l'aimes encore ? » Sur ce coup, Ezra ne put s’empêcher d’avoir un petit sourire un peu idiot. Etrangement, ça ne le dérangeait pas qu’on lui demande s’il l’aimait encore. Le fait que Joanne lui parle de la période où Ginny était partie le dérangeait plus car ces questions faisaient remonter plein de mauvais souvenirs de mauvais moment où Ezra avait été au plus bas, où il s’était vraiment senti mal. Alors que lorsqu’on lui demandait s’il l’aimait encore, c’étaient les bons souvenirs qui remontaient à la surface - et ceux là étaient agréables à revivre malgré tout, car il l’avait tellement aimé et ils s’étaient tellement aimés, ils avaient passé tellement de bons moments tous les deux lorsqu’elle était encore à Brisbane. « Je… Je l’aime encore oui, malheureusement, depuis le début… » Il fit une petit moue et sentit la main de Joanne venir se poser sur son épaule. « Nous allons trouver des solutions, Ezra. Je te le promets. » Ezra répondit à son sourire par un sourire de remerciement, avant de concentrer son regard sur le vide pendant quelques instants. Joanne essayait tellement de l’aider malgré le fait qu’il soit arrivé à l’improviste qu’il se devait de lui expliquer, il se devait de lui confier ce qu’il avait sur le coeur. Alors, toujours avec ce regard dans le vide, il se mit enfin à parler - et ce fut plus libérateur qu’il le pensait, comme quoi parfois mettre des mots sur les maux était la solution. « Je lui en veux d’être partie. Et d’être partie longtemps. C’est étrange, en fait. Une partie de moi aurait souhaité ne jamais la revoir, une autre n’attendait que ça. Mais c’est surtout qu’elle est partie parce-que ses parents l’ont forcé… Elle était enceinte. » Ezra soupira. A chaque fois qu’il repensait à cette scène, celle où Ginny sortait de son appartement en larmes, lui annonçant qu’elle le quittait et qu’elle partait… Il en avait la chair de poule. Il secoua légèrement la tête pour pouvoir continuer de parler et ne pas s’attarder sur cette maudite scène.« Et je ne lui pardonne pas d’être partie comme ça, de m’avoir abandonné, de m’avoir arraché mon futur fils à moi. Surtout que j’ai appris récemment que… Il ne sait pas que j’existe, et il pense qu’un autre homme est son père… » La voix du jeune homme mourut sur la fin de sa phrase. Ca, cet élément là, c’était la première fois qu’il en parlait à voix haute depuis qu’il l’avait appris, depuis qu’il avait été voir Ginny et Noah l’hôpital. Il n’en avait même pas parlé à Amelia, bien qu’elle soit sa meilleure amie, car il savait qu’elle allai s’énerver - et il n’avait pas envie de la voir encore dans cet état à cause de lui, elle avait assez de soucis de son côté comme ça. Pourtant, là, avec Joanne c’était sorti tout seul, comme si c’était normal qu’il finisse par lui en parler.

La bombe venait d’être jetée. Sans s’en rendre compte, Ezra venait de poser son coeur, à nu, devant Joanne. Il venait de lui révéler des histoires qu’il n’avait jusqu’alors même pas encore révélé à ses propres frères. Aucun d’eux n’était au courant que Ginny était de retour, et ils étaient encore moins au courant du fait qu’elle soit revenue avec Noah, leur fils. Ezra avait toujours su qu’il finirait par ressentir le besoin d’en parler, et il n’avait jamais pensé une seule seconde que ce serait à Joanne. Mais malgré tout, il était content que ce soit elle, car au moins elle n’avait pas connu Ginny avait qu’elle parte, alors que ses frères oui. Ils avaient déjà des apriori de faits sur la jeune femme, Joanne ne devait la connaître ni d’Eve ni d’Adam. Elle mit d’ailleurs quelques instants avant de prendre de nouveau la parole, et le jeune homme ne lui en voulait pas. Ce qu’il venait d’annoncer était déjà une situation bizarre à vivre lorsqu’on y avait été mêlé, alors pour une personne complètement extérieure, il ne pouvait imaginer comment ça pouvait être aberrant. « Ezra… » La réaction de Joanne confirma d’ailleurs. Elle parlait d’une voix douce mais emplie de quelque-chose en plus, une émotion sur laquelle Ezra n’arrivait pas à mettre des mots, pour l’expliquer. Elle vint, en plus, poser une main délicate sur son épaule en signe de soutien. Même si ça pouvait sembler peu entre deux membres de la même famille, Ezra savait que c’était un geste qui représentait énormément. Il fit donc un petit sourire à la fois amical et de remerciements à Joanne, pour lui montrer qu’il avait compris son geste. « Quelle idée de vouloir faire croire qu'un homme est le père de son enfant… » « Crois moi, je me suis posé la même question… » Ezra avait répondu avec un ton aussi élevé que celui que Joanne avait utilisé, comme s’il s’était répondu à lui seul aussi. Des phrases dites en réponse à l’autre mais qui semblaient ne pas vouloir être entendues, de peur que leur vérité ne fasse mal. Un instant de silence se fit sentir par la suite entre les deux jeunes gens. Qui n’aurait pas voulu prendre quelques instants pour analyser la situation de son côté, à leurs places, en même temps ? Ezra pour réaliser qu’il avait réussi à en parler sérieusement à quelqu’un, Joanne pour tenter de comprendre pourquoi cette situation était arrivée. Mais Joanne finit par reprendre la parole. Heureusement qu’elle était là, au final, car c’était Ezra qui était venu chercher du réconfort et il était quasiment incapable de lancer la moindre bride de conversation sur son propre cas. « Elle t'a expliqué pourquoi elle a fait ça ? » Le jeune homme eut alors une espèce de petit rire nerveux. « Oui, elle m’a expliqué, même si je trouve son excuse - ou sa raison, chacun son point de vue - pitoyable. Elle a fait ça car ses parents l’ont soi-disant forcé à signer un contrat de mariage ou je ne sais quoi, et que Noah faisait partie de ce contrat. Que si elle lui disait que c’était moi le père, il pouvait lui être repris… J’avoue trouver ça bidon, mais bon… » Toute trace de sourire avait disparue de son visage désormais. Il se remémorait l’émotion ressentie quand elle lui avait avoué que son mari, l’autre espèce de connard, servait de père pour Noah. Il en avait des frissons de dégoût encore aujourd’hui. « Tu sais... Je fais partie de ces personnes qui croient qu'un enfant est tout à fait capable de savoir qui sont ses vrais parents ou non. On peut abuser de leur innocente et leur mentir énormément, mais je ne pense pas que ce soit le genre de choses que l'on puisse cacher. » « Toute sa vie, un autre homme lui a été présenté comme son père, et c’est sa mère qui lui a dit ça. C’est compliqué pour un gosse de penser que sa propre mère peut lui mentir, je suis pas sûr qu’il saurait savoir qu’on est lié, lui et moi… » « Elle pourra lui dire ce qu'elle veut, je pense que ton fils saura qui tu es par rapport à lui. Il y a toujours cet éclat dans un regard, ou ce simple sourire qui fait comprendre que cette personne là est bien plus qu'un inconnu. Tous les papas ont ce regard là. Jamie l'a déjà, et toi aussi. » « Tu crois que je l’ai ?.. » Ezra releva un regard plein d’espoir vers Joanne. Toute sa vie se résumait à a famille, et l’agrandir par son biais avait toujours été un rêve. Il avait toujours voulu avoir des gamins, mais quand cette opportunité lui avait été arrachée, il pensait avoir été détruit de l’intérieur à jamais. On sait que les yeux sont les fenêtres de l’âme, et Joanne venait de dire qu’elle voyait dans ses yeux qu’il avait ce regard qu’un père pouvait avoir. Son âme ne devait donc pas être aussi détruite que ce qu’il avait pu penser jusque là, c’était une bonne nouvelle dans la tempête ça. « Ils sont loin d'être idiots, ces petits bout de chou. » « Je sais bien, mais les adultes abusent souvent de leur innocence, malheureusement… » Soupirant, il attrapa son verre de lait qu’il avait délaissé jusqu’à maintenant. Il trempa le bout d’un biscuit dedans avant de venir se régaler. L’appétit lui revenait doucement, ce qui voulait dire qu’il se sentait déjà plus à l’aise dans la conversation - chose étrange puisque plus elle avançait, plus il devait se confier alors qu’il n’avait jamais aimé ça. « Mais j'avoue ne pas trouver de quoi dire par rapport à cette femme que tu aimes. Tout simplement parce que je ne comprends pas ses décisions. Si j'avais été à sa place, je ne me le serai jamais pardonnée. Et je trouve que c'est encore pire d'avoir tissé un mensonge pareil. Je ne comprends pas ce qui a pu lui passer par la tête. » Ezra vint s’adosser complètement au canapé, venant passer ses mains derrière sa tête, songeur. Il s’était posé les mêmes questions déjà un milliard de fois, et il semblait légitime que Joanne n’ait pas réponse à tout - dommage pour lui, si elle avait eu les réponses à ces questions là aussi, ça l’aurait arrangé. « Je pense qu’elle a voulu lui montrer à quel point elle l’aimait et que tout allait bien aller… Elle ne l’a juste pas fait de la bonne manière, oubliant mon existence et l’intégrité de son fils. Je ne sais pas si elle se le pardonne, mais en tous cas, c’est bien ce que j’arrive pas à lui pardonner de mon côté… » Son regard était vague, perdu dans les méandres du plafond. Comment un être humain pouvait-il en entraîner un autre dans un mensonge aussi lourd à porter ? Ezra ne comprenait pas. Il ne comprenait tout simplement pas.

« En quoi un contrat de mariage peut-il impliquer un enfant de l'un de des deux prétendants ? Ca n'a aucun sens. » « Franchement ? J’en ai absolument aucune idée, je m’y connais absolument pas dans toutes ces paperasses en plus… » Ezra soupira à l’unisson de Joanne. Il était d’accord avec elle, pour lui ça n’avait aucun sens non plus ce qu’elle lui avait raconté. D’une, car il trouvait ça débile que les parents et le mari aient des droits sur cet enfant alors que sa mère était tout à fait apte à prendre les décisions, et puis aussi parce-qu’il n’y connaissait rien et qu’il était presque allergique à tout ce qui était paperasse. La preuve en était qu’au garage, dès qu’un bout de papier arrivait il allait directement le donner à Amelia pour qu’elle s’en occupe et lui fasse un résumé. Ca lui arrivait de l’appeler parfois pour ses papiers personnels même. Il n’aimait vraiment pas ça. « Je suis certaine que tu l'as. Tu l'as même maintenant, là, tout de suite. Et tu ferais un excellent père, je n'en doute pas une seconde. » Ezra fit un petit sourire timide à Joanne. S’il avait été du genre à rougir, il serait déjà couleur tomate à l’heure qu’il est sûrement. « Merci Joanne. Tu feras une excellente mère aussi, j’en doute pas un seul instant. » La douceur qui émanait de Joanne évoquait un très bel avenir pour cet enfant près à naitre. Jamie ferait un bon père aussi, Ezra n’en doutait pas non plus. Même s’il pouvait avoir peur en ce moment de l’instant où il allait se retrouver avec ce bout de chou dans les bras, Ezra se disait qu’il aurait Joanne pour l’aider. Après tout, James arrivait à s’en sortir avec Mathis alors qu’il n’avait pas eu d’expérience avant, c’était son premier enfant. Et que la mère de l’enfant était morte, qui plus est. Heureusement, il avait Liv qui était là pour le soutenir, mais ce n’était pas pareil. Le futur bébé Keynes aurait deux parents aimant, et l’un doué de l’inée protection maternelle. « Reconnaître un père est une chose, comprendre pourquoi la mère aurait menti à ce sujet en est une autre. Je ne sais pas quel âge ton fils a, mais il se pose certainement déjà des tas de questions. Il n'en voudra pas à sa mère, et je pense qu'il demandera simplement pourquoi ? C'est curieux à tout âge. » « Il a cinq ans, et je pense qu’il a déjà du demander, il se doit d’être très mature pour son âge je pense. On verra bien quand elle lui en parlera, comment il réagit. J’espère juste que la prochaine fois que je le ferai, il saura me reconnaître. » Ezra fit une petite moue peinée. La dernière fois qu’il avait vu son fils, il dormait à pois fermés dans ce petit lit, relié à toutes ces machines. La vision de son fils ainsi, pour une « première rencontre » avait été marquant. Le jeune homme n’était pas prêt d’oublier cette vision. Il aurait aimé que ce soit autrement, mais les circonstances ne l’avait pas permis. Noah ne pouvait pas quitter son lit d’hôpital, alors Ezra avait pris sur lui, mit sa peur et avait rencontré son visage pour la première fois de sa vie. « C'est toujours difficile de vouloir bien faire les choses sans savoir s'y prendre. Je comprends que tu ne parviennes pas à lui pardonner. Je pense que ce ne sera pas le cas tant qu'elle ne t'a pas expliquer les véritables raisons de cet arrachement. C'est ton droit, de voir ton enfant, de pouvoir l'aimer comme tu l'entends. Tu restes le père biologique que tu le veuilles ou non, et c'est quelque chose qu'elle ne pourra jamais t'enlever. Certes, elle a tenté de prouver son amour à son fils, mais c'est loin d'être le meilleur pari en le faisant en empêchant un père d'aimer son enfant. Il faut qu'elle s'explique avant tout. Avec les éléments que tu me donnes là... En toute sincérité, je ne vois pas comment tu pourrais pardonner. Tant que tu n'as pas d'explication claire et viable. Qu'elle arrête de te cacher des choses, déjà qu'elle ne t'a pas permis de voir ton enfant grandir. » Ezra soupira, malgré le petit sourire que Joanne lui adressait. Elle avait raison, elle avait tellement raison sur plein de points depuis qu’il avait mis les pieds ici s’en était affolant. « De toutes façons, maintenant que je sais que je peux le voir, qu’i n’y a plus la distance, je ne vais rien lâcher. Je compte le revoir et je compte avoir des explications auprès de Ginny. En essayant de ne pas m’énerver quand je lui parle, ce serait déjà un bon début. » « Et vite parce que... ton petit aura bientôt un arrière-cousin avec qui jouer. » Ezra ne put s’empêcher d’avoir un petit rire cette fois ci. Rire un peu, même faiblement, ça faisait du bien. « C’est sûr ! J’ai hâte de voir ce petit bout de chou arriver dans la famillee ! Tu en es à combien de mois, si ça te dérange pas comme question ? » Ezra n’y connaissait pas grand chose aux femmes enceinte, il ne savait pas trop s’il y avait des comportements ou des paroles moins appropriés qu’en temps normal. Alors il se dit qu’il puvait poser la question quand même à Joanne, et que si c’était trop indiscret, elle aurait qu’à l’envoyer balader. Mais il était vrai qu’un nouveau cousin aller apporter encore un peu plus de bonheur dans cette grande famille. Surtout que ça devait être la période des naissance, rien qu’avec ses frères et soeurs, Ezra était un tonton comblé - à défaut de devenir père à son tour, réellement.

Joanne joignit son rire à celui d’Ezra lorsqu’ils parlèrent du futur bébé en approche. Un heureux événement comme celui là mettait toujours du baume aux coeurs. « J'en suis au huitième mois. La période où on commence à trouver le temps particulièrement long. » Joanne lui avait répondu naturellement et Ezra en déduit donc que sa question ne l’avait pas gêné. Heureusement, il aurait été mal s’il avait su qu’une de ses questions auraient pu déranger la jeune femme, déjà qu’il était venu ici sans s’annoncer avant, la dérangeant aussi sûrement dans sa journée. « J'ai hâte. » Ezra sourit à son tour. « Je peux te comprendre, ça doit être long d’attendre une petite créature aussi longtemps. Mais oui, il sera bientôt » « Mais j'ai aussi très peur. » Ezra tourna alors un regard doux vers la jeune femme. Elle lui avait dit ça sur un ton bas et de confidence, comme si elle n’osait pas l’avouer. Le jeune homme ne voulait pas faire de geste déplacé, et même si c’était réellement la première fois qu’il parlait avec Joanne, n’étant de base pas très proches, il vint prendre délicatement une de ses mains dans les siennes. Elle était beaucoup plus douce que ces dernières d’ailleurs, abîmées par le temps et le travail. Il lui sourit tendrement par la suite. « Je suis pas forcément celui le mieux placer pour t’en parler, mais je pense que c’est normal d’avoir peur, Joanne. Après tout, tu vas être responsable d’une autre personne que toi même dans pas longtemps. Enfin, tu en étais déjà responsable vu qu’il était au chaud dans ton ventre, mais ce n’est pas la même chose. Mais je suis sûr que tout se passera bien. Comme tu viens de me dire, il faudra juste que vous appreniez à vous connaitre, à vous… Apprivoiser même je pense ? » Ezra eut un petit rire doux. Il n’avait jamais été très bon pour parler de choses réelles, de choses sérieuses ou qui touchaient à l'intimité d'une personne, alors il était un peu à court de mots pour aider Joanne. « Des mots un peu maladroits je pense, mais tu auras compris mon idée. Et puis, tu auras Jamie malgré tout, et je suis sûr que Gabriella a hâte d’être là pour son neveu. Tu ne seras pas seule pour cette nouvelle aventure. » Malgré tout ce qui avait pu se passer entre Joanne et Jamie, l’avantage de cette grande famille Beauregard - et autres personnes apparentées présentant un autre nom de famille -, c’était qu’elles seraient toujours là pour aider les leurs, qu’importe les situations, qu’importe les histoires qui pouvaient se tramer entre les différentes personnes de l’histoire. C’était ça, la magie Beauregard. Ca avait sauvé plus d’un membre de la famille, plus d’une fois. C’était toujours agréable de savoir que, qu’importe le jour et l’heure, vous avez des personnes qui sont là pour vous, à couvrir vos arrières. Et Joanne faisait partie de ces personnes, maintenant, qu’importe ce qu’elle pouvait penser ou comment elle pouvait se sentir au sein de cette famille. Ezra eut alors une idée. Ce n’était peut-être pas réalisable, il ne savait pas ce qu’une femme enceinte aussi proche du terme avait le droit de faire ou non, mais il se dit que ça valait le coup de proposer à Joanne. Elle l’avait dit elle-même, elle trouvait le temps long ici. Ezra fronça alors légèrement les sourcils, comme lorsqu’il voulait parler mais qu’il n’était pas sûr de ce qu’il voulait dire. « Je… Je sais pas si c’est possible, si ça ne craint rien pour ton petit bout grandissant, et si ça te permettrait d’être de retour lorsque Jamie reviendra, mais ça te dirait d’aller prendre un peu l’air ? Je pense qu’on en aurait tout les deux besoins. Quelque-chose de simple et de pas trop loin pour qu’on puisse rentrer au pire si tu te sens fatiguée ou autre. » C’était maintenant le tour du sourcil levé, mais interrogateur. Il avait eu l’air d’un fou en proposant ça à Joanne, c’était plutôt inopinée comme idée, mais il pensait vraiment que dans le fond, ça leur ferait du bien à tous les deux. Une petite balade au bord de la mer ou une boisson fraîche dans un café non loin, ça pourrait toujours leur faire du bien. Et ça permettrait à Joanne de se changer les idées. Rester ici toute la journée, si c’était ce qu’elle faisait, ne devait pas être forcément agréable.