Just a beautiful lie to meet you

Kaleb & Livia.

J'étais déjà habillée lorsque mon réveil sonna, strident et répétitif. Je n'avais dormi que quelques heures, incapable de trouver le sommeil, anxieuse, impatiente, m'imaginant multitudes de scénarios dans ma tête. J'allais revoir Kaleb, mon demi-frère. La dernière fois qu'on s'était vus, nous n'étions que des gamins. Ca avait été l'unique fois. Je savais qu'il ne se souviendrait pas de moi, j'avais bien changé depuis notre première rencontre, et c'est bien ce que j'espérais. Il ne fallait absolument pas qu'il sache qui j'étais. J'attrapais  mon téléphone pour désactiver la sonnerie de l'alarme et pour la dixième fois depuis le début de la matinée, je consultais mes mails pour m'assurer que je n'avais pas eu de message de sa part pour annuler. Ne sait-on jamais ... Je savais que c'était un jeune homme plutôt discret, pas du genre à étaler sa vie dans les journaux et c'est pour ça que j'avais été surprise qu'il accepte ce rendez-vous si facilement. Je me doutais bien que son retour était sûrement synonyme pour lui de se montrer de nouveau pour qu'on parle de lui. C'est comme ça que ça marchait, même dans le monde sportif.

Nous nous étions donnés rendez-vous dans un petit café dans le quartier de Pine Rivers, et même s'il me restait encore une bonne heure avant le rendez-vous, je quittais mon appartement, mon sac à la main avec dedans un bloc et un stylo. J'étais encore plutôt à l'ancienne, et pas du genre à me trimballer partout avec une tablette et un PC portable. Je ne mis pas longtemps avant d'arriver au point de rendez-vous et je pris une table dans le fond, au calme. J'avais une bonne vingtaine de minutes à patienter. Mon plan était casse-gueule, je le savais, mais j'avais besoin de le voir. Mais dire qui j'étais maintenant risquait de le faire fuir. Et a vrai dire, moi-même je ne savais pas ce que j'attendais de lui, de notre relation. Donc autant ne pas m'annoncer directement. Je préférais savoir qui il était avant de lui dire qui j'étais moi. Mes sentiments étaient clairement ambivalents. Au fond de moi, l'envie d'avoir un frère, de me rapprocher de cet enfant qui aurait pu grandir avec moi. Et d'un autre côté, il était celui qui avait pu profiter de notre père. Celui qui avait eu la chance d'avoir une famille normale, de ne pas être l'enfant de la honte, de l'adultère. Je soufflais doucement en posant mon bloc sur la table, tentant de chasser toutes ces idées de mon esprit. Je devais avoir l'air professionnelle. Je posais mon téléphone à côté après avoir envoyé quelques SMS pour passer le temps. J'espérais qu'il ne serait pas trop en retard, sinon je risquais clairement de prendre la fuite. Maintenant que j'étais la, je réalisais vraiment ce que je faisais. Et ce n'était pas brillant. Mais parfois, certaines choses valaient la peine de mentir un peu.

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Kaleb & Livia.

J'attendais nerveusement le jeune homme, pianotant sur mon téléphone pour m'occuper l'esprit et surtout pour avoir l'air détendue. De un, je ne devais pas avoir l'air trop nerveuse car il risquait de se douter de quelque chose et de deux, je devais avoir l'air d'une pro. Kaleb n'était pas très médiatique, il n'aimait pas spécialement les journalistes, la preuve, il n'y avait pas énormément d'articles sur lui ou du moins des interviews qu'il accordait. C'était donc une opportunité à saisir pour moi. Et il fallait que je sois à la hauteur. Je le vis arriver de loin. Classe, élégant, simple, et surtout un regard bleu pénétrant. Comme le mien. Il regarda autour de lui, commanda une boisson avant de se diriger vers ma table, une serveuse le guidant. « Mademoiselle Solano ? » Je me levais et acquiesçais d'un signe de tête, un sourire se dessinant sur mon visage. « Kaleb Mays. » " Enchanté, Monsieur Mays. Merci encore d'avoir accepté de me rencontrer."

Bien sûr, je ne lui avais donné que mon second nom de famille, laissant le Mays au placard. J'avais réimprimé des cartes de visite exprès, occultant le Mays du papier pour qu'il ne se doute de rien. J'avais bien préparé le terrain, et il le fallait, car je savais qu'un seul faux pas pouvait me mettre dans l'embarras. Je commandais un thé glacé à la serveuse et je laissais le jeune homme s'assoir avant de lui dire : " Je sais que vous n'êtes pas branché journalistes, j'ai donc été étonnée que vous acceptiez ce rendez-vous. Je peux savoir ce qui vous a poussé à accepter ? " J'avais toujours été plutôt du genre directe, à rentrer dans le vif du sujet. En général, les interlocuteurs appréciaient. La plupart du temps, ils n'avaient pas que ça à faire que de perdre du temps avec des journalistes. Je savais que Kaleb avait un emploi du temps chargé mais surtout, je voulais qu'il voit que j'étais une pro, que je connaissais mon métier, et que ce que j'allais lui proposer pouvait nous servir tous les deux. Car bien entendu, un simple article ne me suffisait pas. J'avais envie de le suivre sur plusieurs semaines, vie privée et professionnelle pour faire un vrai reportage sur lui. Bien entendu, pour moi, c'était le meilleur moyen que de enfin le connaître. Et pour lui, je devais lui vendre ça comme étant un moyen de le faire connaître et de le rendre plus accessible.

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Kaleb & Livia.

Dès que le jeune homme s’était installé à ma table, j’avais lancé le sujet sur son aversion des journalistes. Je préférais rentrer directement dans le vif du sujet. Déjà, pour cacher le  trouble qui m’avait gagné. Quand je le regardais, j’avais l’impression de revoir mon père, sur une photo que ma mère m’avait montrée. Moi, j’avais très peu de souvenirs de lui. Il avait arrêté de venir me voir et pour me protéger, je pense que j’avais préféré tout effacer de mon esprit le concernant. Mais en voyant Kaleb, tout me revenait. Et surtout la journée où j’avais rencontré mon demi-frère pour la première fois. A l’époque, tout était plus simple. Nous étions deux enfants, contents de jouer ensemble. Aujourd’hui, c’était différent. Débarquer comme ça dans sa vie aurait pu le braquer et le faire me fuir. Là, je pouvais apprendre à le connaître et décider si je devais lui dire la vérité ou pas. « Disons que je me méfie de certains d'entre-vous. Je n'irais pas jusqu'à dire que je vous mets tous dans le même panier. Mais vous devez savoir que je n'ai pas été tranquille à cause de certains journalistes depuis mon accident. » Je grimaçais à ses paroles. J’imaginais clairement ce qu’il voulait dire puisque j’avais suivi de près toute son actualité lorsqu’il était dans le coma. J’avais été inquiète pour lui, troublée à l’idée de le perdre sans même qu’il puisse me connaître, et c’est sans doute son accident, et ma blessure par balle qui m’avait poussée  à le rechercher. Au fond, la vie était bien trop courte. Le serveur lui ramena son soda et dès qu’il fut parti, il rajouta : « Mon attachée de presse m'a poussé a accepteré. Et puis, je crois que pas mal de personnes sont curieuses de savoir ce qui s'est passé dans ma vie depuis Valence. Vous, ça vous fait un bon papier et moi, j'essaie de mettre les choses au point. Et puis, j'aimerai mettre en lumière certains de mes projets. » Je lui souris et hochais doucement la tête, buvant une gorgée de ma boisson. « Je suis d’accord. Pour moi, c’est une véritable chance, car cette fois, ça sera une vraie interview, pas quelques paparazzis qui vont encore raconter n’importe quoi. De toute façon, je travaille d’une façon entièrement transparente. Je vous ferais relire le papier à la fin et vous pourrez y apporter des modifications. »

Je savais que parfois les journalistes avaient une légère tendance à déformer les propos et c’est pour ça que je proposais toujours cette façon de travailler. Ca leur permettait d’avoir l’esprit tranquille et surtout de se confier plus librement, sachant qu’ils pourraient retirer des choses ou les modifier. « D’ailleurs, je n’ai pas discuté de mon projet pour cet article avec votre attachée de presse, car je préférais vous soumettre mon idée en direct, mais j’avais en tête un article sur du long terme.» J’esquissais un sourire, tentant de me donner une contenance. Je craignais qu’il ne refuse mon idée. « Vous suivre pendant quelques jours, quelques semaines, à votre convenance, pour me permettre de vraiment vous cerner et de pouvoir écrire un papier sur plusieurs aspects : votre vie professionnelle, votre vie personnelle dans la limite de ce que vous voulez montrer bien entendu, et puisque vous me parlez de projets, vous pourriez justement en profiter. Ca serait du coup un véritable petit dossier de quelques pages qui permettra au public de vous connaître.» Et pour moi aussi par la même occasion. Je savais que ça pouvait lui faire peur à première vue. Lui qui n’aimait pas les journalistes, s’il acceptait, il allait devoir me supporter dans son quotidien pendant quelques temps. Mais, je me disais que s’il avait accepté cette interview, c’est qu’il avait des choses à dire, et au fond, cet aspect là pouvait le séduire.

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Kaleb & Livia.

Ce rendez-vous avec Kaleb était une vraie chance. En arrivant ici, je m'étais dit au début que je ne le contacterais pas, mais finalement, petit à petit, j'avais ressenti ce besoin de me rapprocher de lui. Mais pour ça, il fallait que je puisse trouver comment. Je ne voulais certainement pas débarquer dans sa vie comme ça en lui disant que j'étais sa demi-soeur. Je craignais qu'il me rejette, et puis, il fallait l'avouer, moi-même, je ne savais pas encore trop quoi espérer de cette relation. Du coup, l'idée de l'approcher via nos métiers respectifs m'avait paru une bonne idée. Sauf que je savais que Kaleb n'était pas un homme médiatique. Il fuyait les journalistes comme la peste. Et pourtant, ça y est, j'étais attablée, face à lui, à lui parler du projet que j'avais du murir dans ma tête, et surtout de ma façon de travailler. Il fallait que je le rassure, je le savais. « Mon attachée de presse m'a dit effectivement, que vous vouliez d'abord en parler avec moi. Elle me connaît assez pour savoir ce que je serais disposé à accepter ou non. » Je souris et hochais la tête : " Oui, elle m'a paru prendre vraiment soin de vos intérêts. Elle vous connaît vraiment bien." La jeune femme avait été difficile à convaincre mais finalement, elle avait dit qu'elle soumettrait la proposition de se rencontrer à son client. Elle savait qu'un article serait bénéfique pour Kaleb. Je me lançais donc et l'informais que j'avais eu l'idée de faire un article plus approfondi, une sorte de reportage sur du long terme qui permettrait d'aborder la carrière du pilote, sa vie privée, ses projets, ses engagements. Je le vis froncer les sourcils, sans doute surpris par cette proposition. Il s'attendait certainement à un article bateau. Une heure d'interview, et point barre.


Je souris, tentant de me donner une contenance, tandis qu'il réagissait : « Vous entendez quoi par plusieurs semaines ? Parce que je suis actuellement en compétition comme vous devez le savoir. Je suis sur la route une bonne partie du temps. Là, je ne suis à Brisbane que pour une petite semaine. Je pars jeudi pour la France. Si vous voulez vraiment me suivre partout, il faudra vous confectionner un bagage pour les voyages. Sinon, on peut se retrouver quand je reviens ici. A vous de choisir. » Je me retins de sourire victorieusement. J'avais craint qu'il s'offusque et refuse net cette proposition. Là, il ne semblait pas s'y opposer. J'avais donc une chance. Je hochais doucement la tête et souris : " Vous suivre sur le terrain pourrait être plus intéressant. Je suivrai de près votre quotidien ici à Brisbane, puis vos déplacements. Ca me permettrait d'avoir un article complet et intéressant. Je ne serais donc ravie de me joindre à vous si vous n'y voyez pas d'inconvénient." Partir avec lui pourrait me permettre de passer du temps avec lui, de le découvrir tel qu'il était. Clairement, en venant à ce rendez-vous, je n'en aurai pas espéré autant. « Par contre, je tiens à ce que peu d'informations apparaissent au sujet de ma famille. J'ai accepté cette vie qui est la mienne. Pas ma famille. Je n'ai pas envie de lui imposer ça. » Je hochais la tête, buvant une gorgée de ma boisson avant de reposer mon verre. " Bien sûr, je comprends tout à fait. Et comme je vous l'ai dit, je vous ferais tout relire, donc vous pourrez toujours juger si je rentre trop dans le privé ou si ça vous convient tel quel. Je sais respecter l'intimité des gens que j'interviewe, donc ne vous inquiétez pas pour ça." J'avais griffonné quelques notes sur l'importance de ne pas écrire sur sa famille, et de toute façon, ça m'arrangeait. Si des journalistes venaient à fouiller sur sa famille, sur toute sa famille, ça risquait de me faire apparaître, donc clairement, laisser la famille en dehors de ça m'arrangeait bien. « Mais de toute façon, cette collaboration si elle se fait, devra avoir aussi l'aval de mon constructeur. » " Tout à fait. Après le rendez-vous, je vous ferais un compte-rendu détaillé de ce que je propose pour que vous puissiez le soumettre à votre attachée de presse et à votre constructeur. Ils auront peut-être des requêtes à soumettre, notamment au niveau de la clause de confidentialité." Mais le premier but était atteint. J'avais réussi à convaincre Kaleb sur cet article et maintenant le reste ne serait que détails, je le savais. C'était peut-être une mauvaise idée, car je me demandais comment il réagirait en apprenant que j'avais fait ça dans le but de me rapprocher de lui. Mieux valait ne pas penser à ça pour l'instant.

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Kaleb & Livia.

Les choses se déroulaient à merveille pour l'instant. Kaleb avait accepté l'interview et il me laissait parler tout en m'expliquant que son attachée de presse l'avait convaincu de faire cet article. « Astrée me connaît depuis des années. Elle est comme une sœur pour moi. Parfois j'aimerai qu'elle ne me cerne pas aussi bien. » Je sentis mon coeur se serrer lorsqu'il évoqua la jeune femme. Elle avait la place que j'aurais du avoir si mon père, notre père, n'avait pas tout foirer et ne m'avait pas laissée derrière lui. Je gardais cependant le sourire et continuais de lui exposer le projet que j'avais en tête, à savoir un reportage sur la durée. Quelque chose sur le long terme où je pourrais exploiter sa vie professionnelle, sa vie privée, ses projets. Tout. Et surtout pour moi, l'occasion de le cotoyer un peu plus. A ma grande surprise, il accepta rapidement cette proposition, la jugeant bonne et utile pour sa carrière, et il m'expliqua que je devrais bien entendu avoir l'accord de son constructeur. Normal. Je savais que Astrée jouerait des coudes pour que j'ai le poste, donc je ne m'inquiétais pas pour ça. Après tout, c'était un vrai coup de pub pour le jeune homme et j'avais cru comprendre qu'il en avait besoin. Nous contimuames de discuter des derniers détails, et bientôt le pilote se leva, et me tendit la main : . « Ravi de vous avoir rencontré et donc, à très bientôt. » " Le plaisir est partagé. On se dit à bientôt alors. Merci encore d'avoir accepté ce rendez-vous. Bonne journée Kaleb." Je le laissais partir et soufflais doucement. Tout s'était bien passé. Je n'avais plus qu'à être patiente et à voir ce que la suite allait donner.