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Eve est prête à accepter les moqueries de son frère s'il peut bien l'aider à faire face aux caprices de sa machine à laver. Elle n'y connaît pas grand chose et a choisi de l'appeler lui plutôt qu'un réparateur, espérant s'épargner quelques frais – se trouver un nouveau foyer agite doucement son esprit depuis un moment, et elle y songe forcément lorsqu'il s'agit d'argent. Elle n'a pas d'hypothèse sur l'origine du problème, espère que Jay en aura et, surtout, saura le résoudre. « Euh ... j'dirais à un truc qui serait coincé dans le tambour, j'sais pas. » « Et ça se répare facilement ? » Évidemment, c'est la première question qui lui vient. « Va falloir que j'démonte. » Les yeux de la brune s'arrondissent d'une légère surprise mais elle finit quand même par hocher la tête. « Oh. D'accord. » Elle accepte parce qu'elle lui fait confiance : son frère ne casserait pas sa machine à laver, quand même ? « Elle est vieille ta machine ? » Haussement d'épaules. « Un peu. » Elle ne se souvient plus en quelle année elle l'a achetée, en tout cas. « J'préfère te prévenir. Ca passe ou ça casse. » C'est pas bon signe ça comme remarque, pas vrai ? « J'ai confiance en toi, ça va passer. » Est-ce qu'elle le dit pour se rassurer ? En partie oui. « Elle n'est plus sous garantie de toute façon, » ajoute-t-elle pour qu'il ne culpabilise pas si les choses ne se passent pas comme prévu. Plus qu'à croiser les doigts.

Quelques interminables minutes d'attente plus tard, il s'avère que Jay avait raison : quelque chose est coincé dans le tambour. Plusieurs pièces de monnaie, pour être plus précise. « Il faut vraiment que je vérifie plus attentivement mes poches. » Ou celles d'Ella, car sa mère ne serait pas étonner de la voir ranger tout et n'importe quoi dans ses poches pour ne plus y accorder la moindre pensée ensuite. Surtout vu le nombre de pièces qui ont coincé le tambour. « Tu penses que ça ira maintenant ? » qu'elle demande une fois qu'iels ont retiré les pièces responsables de sa cuisine transformée en piscine. Et alors qu'elle l'aide comme elle peut à remonter la machine, voilà que sa mine se fait penseuse et qu'elle l'interroge à haute voix autant qu'elle s'interroge elle-même. « Tu sais... Je me disais qu'il serait peut-être temps que je déménage. C'est pas très grand ici, et avec Ella qui grandit et Eden, ça commence à être étroit, » explique-t-elle. « Tu penses que c'est un signe ? » Elle ne croit pas vraiment aux signes, Eve, pas plus qu'elle ne comprend l'astrologie. Mais comment ne pas se poser la question lorsque même son électro-ménager lui souffle de partir d'ici ?

HRP :

Un simple câlin de sa nièce suffit à soulager un peu Eve qui a l'impression que cette journée a tourné au cauchemar à une vitesse folle. Il y a quelques minutes elle serrait Ella dans ses bras avant de la laisser chez son copain, et maintenant elle patauge dans sa propre cuisine. Comment peut-elle même patauger dans une cuisine ? Comment sa cuisine a pu se transformer en un pédiluve aussi rapidement ? Pour l'humour de la remarque, et parce qu'elle est incapable d'être complètement négative même dans une situation aussi ridicule, la brune plaisante sur son désir d'avoir une piscine. Elle n'a même pas de maison, juste un appartement qui lui semble bien étroit ces temps-ci, mais oui elle désire une piscine au point d'avoir noyé sa cuisine. « Bah, si tu voulais une piscine, c'est pas le meilleur moyen ma grande. » Au regard que lui lance sa sœur, Jaylen doit presque entendre le « sans blague » qui traverse son esprit. « Définitivement, la piscine, vaut mieux la faire dans ta baignoire. Y'a moins de risques. » « Promis, je le referai plus, » assure-t-elle en passant ses mains sur les traits tirés de son visage. Avant de lui demander si un tel incident lui est déjà arrivé, pour se rassurer sans doute – s'il a déjà eu à affronter ça, alors il pourra forcément la sauver de ce carnage. « Non. » La brune ne peut pas retenir une grimace frustrée. « Et j'ose espérer que c'est pas quelque chose qui va m'arriver de sitôt. » « Je te le souhaite pas, » soupire-t-elle. Enfin, lui au moins il connaît quelques trucs à la plomberie, ce qui est loin d'être le cas de sa cadette. « Après, je sais qu'une fois, elle arrivait plus à vidanger correctement parce que y'avait un truc qui était resté coincé. Mais sinon, j'ai pas eu le déplaisir de voir une pièce se transformer en piscine. » « Quelle perte, c'est un vrai plaisir pourtant. » Un rire nerveux lui échappe. « Tu me racontes ? » « Il n'y a pas grand chose à raconter, je t'assure. » Elle n'est pas du genre à innover en ce qui concerne sa façon de laver son linge, il faut dire. « J'ai lancé une machine puis je suis partie amenée Ella chez un copain. J'ai fait quelques courses et je suis rentrée, et là le drame. » Le drame, ni plus ni moins : sa machine à laver déversant tranquillement toute son eau sur le sol de son appartement. « Même programme, même quantité de linge, vraiment rien d'inhabituel. Jusqu'à ce que je rentre et que je découvre une piscine à la place de ma cuisine. » Quelle belle surprise, n'est-ce pas ? « Tu penses que c'est dû à quoi ? » Oui, son frère est soudainement devenu un plombier à ses yeux, après tout elle ne peut se raccrocher qu'à lui à cet instant précis.

HRP :

Cet après-midi a tourné au cauchemar et Eve ne sait même pas comment. Pourquoi faut-il que sa machine à laver la lâche aujourd'hui, alors qu'elle allait enfin pouvoir profiter de quelques heures de tranquillité avec pour seule compagne Raya qu'elle aurait sans mal pu convaincre de faire une sieste ? Pourquoi faut-il que sa cuisine se soit transformée en pataugeoire pendant qu'elle déposait Ella chez son copain pour le goûter ? Pourquoi faut-il qu'au lieu de ranger ses courses, la Daxson soit en train d'essayer d'éponger toute l'eau qui s'est déversée de l'électroménager ? À défaut de pouvoir expliquer ce mauvais coup du destin, Eve espère que son frère pourra l'aider à le résoudre. C'est donc quatre messages désespérés qu'elle lui envoie, avant de se battre seule avec cette foutue machine – en vain.

Lorsque la porte de son appartement s'ouvre, la situation n'a pas beaucoup avancé : il y a encore de l'eau partout dans la cuisine, les quelques torchons qu'a utilisés Eve n'ayant absolument pas suffi à tout absorber, et la machine continue de remplir cette pataugeoire qui sent la lessive. La brune croise le regard de son frère et ce dernier peut à n'en douter lire dans les yeux de sa cadette tout le désespoir du monde. « Tu fais un câlin à tata ? » Riley ne se fait pas prier pour venir se blottir contre sa tante et glisser ses petits bras autour d'elle avec toute la mignonnerie du monde. « Ma sauveuse... » murmure Eve d'un air attendri. Même s'il ne résout rien, ce petit câlin lui fait un bien fou. « Attention où tu mets les pieds puce. » Eve n'en voudrait même pas à sa nièce si elle éclaboussait partout : la situation peut difficilement empirer, sa cuisine ne ressemblant plus à rien. « Ca dérange pas si Riley va jouer dans la chambre d'Ella en attendant ? » La brune secoue la tête de droite à gauche. « Non aucun problème. » Elle se tourne vers Riley et embrasse sa joue. « Vas-y ma belle, tu peux aller dans la chambre de ta cousine, » lui assure-t-elle avec douceur. La petite sait déjà où c'est et ne se fait pas prier pour y aller, ayant sans doute hâte de s'amuser avec les jouets qui s'y trouvent. Et comme le Petit Poucet, l'enfant laisse derrière elle une trace pour qu'on puisse la suivre : les empreintes mouillées de ses petites chaussures. « Avoue. Tu voulais avoir une piscine dans ta cuisine. » Eve relève la tête vers son grand frère et laisse échapper un rire nerveux. « Comment t'as deviné ? » Elle regarde autour d'elle un instant, avec un air dépité qu'elle n'a même pas besoin de feindre. « Je ne comprends pas pourquoi ça n'a pas fonctionné, j'avais même mis de la lessive pour que la piscine sente bon. J'en ai peut-être mis trop. » En réalité, elle ne comprend pas pourquoi l'appareil a fait un caprice aujourd'hui, alors qu'Eve n'a en rien changé ses habitudes en la matière : elle a mis autant de linge que d'habitude, autant de lessive, et le même programme. « Ta machine à laver t'a déjà fait ça ? » Comprendre : est-ce que sa machine a déjà transformé une pièce de son appartement en piscine ?

HRP :

Voir son meilleur ami dans un tel état lui serre affreusement le cœur. Sans savoir de quoi il s'agit, Eve se doute qu'il vient avec une mauvaise nouvelle rien qu'à la mine déconfite qu'il arbore. Quand il lui demande si elle a quelque chose de plus fort qu'un chocolat chaud ou une tisane, elle comprend qu'elle a peut-être sous-estimé ce qui lui est arrivé, sans pour autant se montrer pessimiste : ça ira, elle en est certaine. Elle s'éclipse un instant dans la cuisine, ouvrant le frigo pour y trouver une bouteille de vin entamée qui tombe à point nommé. Une fois le verre d'Andrew rempli, elle le lui apporte dans le salon ainsi que la bouteille afin de pouvoir le resservir au besoin. Puis vient le moment de l'annonce, et effectivement les nouvelles ne sont pas bonnes. En effet, si une grossesse ferait rêver plus d'un·e, Eve sait que ce n'est pas le cas de son meilleur ami. Il ne veut pas d'enfant pouvant hériter de sa génétique et il le lui rappelle bien qu'elle en connaisse et comprenne déjà parfaitement les raisons. Ce qui l'intéresse, c'est de savoir s'il a communiqué ces informations à Nephtys et s'iels ont pu en discuter. Après tout, ce sont leurs avis à tou·tes les deux qui importe le plus dans cette histoire. « On ne s'est pas prit le temps d'en parler, non. » Une légère grimace passe sur le visage de la brune mais avant qu'elle puisse répondre quoi que ce soit, Andrew reprend la parole. « Elle est rentré en colère parce qu'elle a vu une photo de Gaby et moi dans un magazine et que les gros titre disait que nous étions de nouveau ensemble. » La grimace d'Eve s'accentue car elle sait que par le passé la médiatisation lui a déjà joué des tours en ce qui concerne ses histoires d'amour. « j'ai réussi à faire comprendre à Nephtys qu'elle est mon présent et mon futur et elle l'a compris. Mais lorsqu'elle m'a annoncé qu'elle était enceinte je ...je ne sais pas, j'ai paniqué. Je n'ai pas trouvé les mots correcte et ...je suis parti au milieu de la nuit pour venir ici, laissant Nephtys seule, chez moi, dans mon lit. » D'un air compatissant, la Daxson vient poser sa main sur le bras de son meilleur ami qui se prend la tête entre les mains. « Tu avais besoin de réfléchir avant de parler avec elle à tête reposée, c'est tout. » Elle trouve ça compréhensible et espère que ce sera aussi le cas de Nephtys. « Je ne suis qu'un abruti. » La brune secoue la tête de gauche à droite. « Non bien sûr que non. » C'est difficile de parler convenablement d'un sujet qui nous tient autant la coeur la première fois. Andrew avait simplement besoin de recul et d'une oreille à laquelle se confier, et il sait que sa meilleure amie répondra toujours présente à ce sujet. « Elle, elle veut cet enfant, son désir d'enfant est là, bien présent et je ne peux et ne veux pas le lui enlever. » Et il relève vers elle ce regard inquiet qui lui serre le cœur, comme s'il s'attendait à ce qu'elle ait toutes les réponses, à ce qu'elle ait la solution. « Qu'est-ce que je dois faire... ? » « Ça c'est à toi de le décider et tu le sais, » souffle-t-elle, souhaitant rester calme malgré l'inquiétude qui la tiraille. Doucement, elle attrape la main de son meilleur ami. « Je pense que tu devrais commencer par parler calmement avec elle de pourquoi cette nouvelle ne t'enchante pas. Lui expliquer les risques de ta génétique, tes angoisses à ce sujet... Elle a le droit de savoir la vérité, surtout pour un sujet si important. » Surtout pour quelque chose qui n'est pas vraiment de leur ressort : la génétique est malheureusement une loterie dont leur potentiel bébé pourra sortir gagnant ou grand perdant. « On peut réfléchir maintenant à ce que tu pourrais lui dire, si ça t'aide à poser les bons mots dessus. » Ça lui évitera de chercher quoi dire dans la panique et d'utiliser des mots trop durs comme c'est sûrement arrivé au moment de l'annonce de Nephtys. « Vous n'en aviez jamais parlé, du fait d'avoir un enfant ? » Et s'il n'en avait jamais vraiment discuté avec Nephtys avant cet imprévu dramatique, il en parlera en long, en large et en travers avec sa meilleure amie ce soir. Pour se mettre les idées au clair, pour avoir moins peur de ce que lui réserve la suite et pour trouver assez de courage pour affronter la discussion qui devra vite avoir lieu avec sa chère et tendre. Et si Eve doit rester à ses côtés toute la nuit pour calmer ses inquiétudes, c'est sans hésiter qu'elle le fera, comme ça a toujours été le cas entre eux.

HRP :

Le plan était simple. Une fois rentrées de l'école, Eve devait profiter du moment où sa fille récupérait dans sa chambre son nouveau jouet – celui qu'elle veut absolument montrer à tout le monde depuis des jours, mais n'a pas le droit d'amener à l'école pour autant – pour lancer une machine et prendre en photo la liste des courses. Ensuite, elle devait déposer Ella chez son copain qui l'a invitée pour le reste l'après-midi, aller au supermarché et enfin rentrer à la maison et profiter d'un moment tranquille avec seulement Raya. La Daxson a beau avoir reproché beaucoup de choses à Leslie lorsqu'elle était à Brisbane, elle avait tout de même le mérite de lui assurer deux week-end de tranquillité par mois. Maintenant qu'elle s'est envolée à l'autre bout du Pacifique, Eve doit composer en permanence avec leur fille et Eden et Raya dans son appartement qui lui paraît affreusement petit ces derniers temps. Et si elle a déjà envisagé de déménager, elle n'a pas encore eu le temps – ni le courage, en réalité – de se pencher sérieusement sur des recherches d'un nouveau logement.

Lorsqu'elle passe la porte de chez elle, les bras chargés de courses, elle n'a aucune motivation pour le faire. Tout ce qui lui donne envie, c'est de s'allonger sur le canapé, de mettre un film... et de très probablement s'endormir devant. C'est d'ailleurs ce qu'elle comptait faire une fois les achats rangés. Là encore le plan était simple, ou plutôt il l'aurait été si elle n'avait pas mis les pieds dans l'eau en entrant dans sa cuisine. Les yeux écarquillés, elle constate avec horreur que sa machine à laver déverse petit à petit toute son eau sur le sol – et qu'une grande partie s'y trouve déjà, en réalité. Après une bonne minute de panique à chercher comment elle peut arrêter ce carnage, la brune finit par reconnaître sa défaite et se précipite sur son téléphone pour envoyer un message – des messages – à la première personne qui lui vient à l'esprit lorsqu'il s'agit de bricolage.



Lorsqu'elle entend la porte de son appartement s'ouvrir de longues minutes plus tard, Eve patauge toujours dans l'eau. Elle a rangé le surgelé dans le congélateur mais tout le reste des sacs attend encore sur la table de la cuisine – elle avait d'autres soucis à gérer, sans pour autant bien les gérer cela dit. Assise par terre devant sa machine à laver capricieuse, elle relève la tête vers son frère qui vient d'entrer dans la pièce. « Dis-moi que tu peux me sauver, s'il te plaît... » Elle qui avait terriblement envie d'une sieste, c'est loupé, et maintenant elle est encore plus épuisée qu'en quittant l'école.

C'est sans la moindre hésitation qu'Eve accueille son meilleur ami sous son toit en pleine nuit, déjà prête à lui offrir réconfort, boisson et un lit s'il le souhaite. Andrew le sait bien, qu'il est le bienvenu chez elle à toute heure du jour et de la nuit, quelles que soient les circonstances. Elle l'invite donc à rejoindre le salon, refermant la porte d'entrée après lui avant de le rejoindre. Leur chance est qu'Ella soit chez Leslie ce week-end et ne risque donc pas d'être dérangée par leur discussion plus que nécessaire si la Daxson en croit l'état de son meilleur ami. « tu n'as pas quelque chose de plus fort ? » Autant son stock de gâteaux, bonbons et gourmandises en tout genre pourrait sans mal faire des envieux·ses, autant son stock d'alcool... Il y a mieux, clairement. « Du vin ? » propose-t-elle, pas certaine d'avoir plus fort que ça chez elle. C'est qu'elle ne boit pas tant que ça chez elle, Eve, si ce n'est lorsqu'elle a des invité·es – et souvent ce sont elles et eux qui ramènent l'alcool justement.

Après avoir apporté la boisson du choix d'Andrew, elle lui demande ce qu'il en est. À ses traits tirés et à l'heure tardive, elle se doute que c'est grave, mais a besoin de plus de détails pour savoir comment l'aider au mieux. Enfin, ça ne l'empêche pas de le rassurer d'ores et déjà, preuve de son éternel optimisme. « Je ne suis pas sûr pour ce coup là. Je ... » Elle se retient de contester, n'aimant pas le voir si défaitiste, pour le laisser continuer. Elle voit bien que c'est difficile pour lui, le fait qu'il masse ses paupières n'étant qu'un des mille indices qu'elle peut collecter tant elle le connaît bien. « Nephtys est enceinte. » Habituellement les annonces de grossesse sont joyeuses – en tout cas c'est ainsi qu'Eve les voit, biaisée par son parcours PMA où elle n'avait que cette hâte –, mais elle sait que ce n'est pas le cas d'Andrew. « Et je suis, évidemment, le père. On ne se protégeait plus depuis longtemps parce que je sais qu'elle prenait la pilule, mais elle l'a oublié une fois et ...voilà. » Voilà pour résumer un accident qui arrive lorsqu'on a des relations hétérosexuelles non protégées, mais qui peut avoir des conséquences dramatiques. Et Eve n'a pas besoin de poser de question pour savoir que c'est le cas ici : Andrew ne veut pas avoir d'enfant, elle le sait parce qu'iels en ont déjà parlé. Il lui a même expliqué plusieurs fois ce choix, car s'il serait à n'en douter un bon père la génétique n'est pas de son côté. Tout ça elle le sait, comprenant dès lors les angoisses de son meilleur dont elle vient frotter le dos dans un geste tendre de soutien. « Je ne veux pas de cet enfant, Eve. » Sa voix est plus éteinte cette fois, et ses yeux rivés sur le sol au point que ça la peine de voir ça. « Je n'ai jamais voulut d'enfants. Je ne veux pas courir le risques qu'ils puissent endurer ce que j'ai enduré, moi-même. » « Je sais bien, » souffle-t-elle, compréhensive. « J'adore les enfants, tu le sais aussi bien que moi, mais la génétique de ma famille est tellement fucked up que le risque qu'il n'atteigne pas l'âge adulte sans développer une certaine forme de cancer est beaucoup trop élevé. » Lentement, elle continue de glisser sa main dans le dos d'Andrew pour lui rappeler qu'elle est là, qu'elle l'écoute – que ça ira, quoi qu'il en dise. « Je ne veux pas faire vivre ça ni à un gamin, ni à Moi et encore moins à Nephtys. Le risque est beaucoup trop grand... » Elle hoche la tête. « Je comprends. » Elle sait que les prédispositions du génome d'Andrew à certains cancers constituent un sujet à prendre avec toute la gravité nécessaire, particulièrement lorsqu'il s'agit de transmettre son patrimoine à un enfant. « Tu en as parlé à Nephtys ? Tu lui as expliqué pour les risques génétiques ? » Elle comprendrait que la réponse soit non et qu'il ait directement accouru ici, dans la panique, sa voix étant d'ailleurs dénuée de tout jugement. « Et elle, est-ce que tu sais ce qu'elle en pense, du fait d'avoir un enfant ? » Car il n'y a pas que la génétique qui entre en jeu, bien qu'elle soit une partie intégrante du souci actuel. Il y a aussi leur envie à tou·tes les deux, en tant qu'individu·es mais aussi en tant que couple, de devenir parents, de fonder une famille. Et ça, ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère ni à occulter du fait des soucis de santé potentiels d'une possible progéniture.

Voilà des heures qu'Eve dévore page après page son roman, confortablement installée dans son lit. Elle a essayé de dormir mais Morphée n'a pas voulu d'elle, sûrement à cause de toutes les pensées qui tournent dans sa tête et qu'elle peine à faire terre. Contre cela, rien de plus efficace qu'une distraction, et ce soir la brune a jeté son dévolu sur un livre. Plus précisément sur The Rosie Project, un ouvrage de Graeme Simsion qu'elle a découvert lorsqu'il a été adapté au cinéma l'année dernière. Personne ne sera étonné que cette bande-annonce romantique lui ait tapé dans l'œil. Elle a toujours eu un penchant pour ces films-là, bien qu'ayant toujours regretté que les romances hétérosexuelles prédominent dans le paysage cinématographique – une tendance doucement contrebalancée, heureusement. Ça la fait rêver, Eve, ces belles histoires qui finissent par des promesses de fidélité et de bonheur, possiblement accompagnées d'emménagement à deux, de mariage ou encore de projets d'enfants. La Daxson croit au grand amour, celui de ces histoires à l'eau de rose dont elle raffole, celui des films Disney qu'elle regarde encore à presque quarante ans, celui de ces romances niaises qui passent à Noël et qu'elle regarde malgré leurs scénarios bien peu inventifs. Ce soir, elle préfère mille fois se concentrer sur l'histoire pleine de douceur et de complicité de Don Tillman et Rosie plutôt que sur son propre célibat, le manque de sa fille qui est chez Leslie, son anniversaire ratée qu'elle rumine encore quand bien même elle n'est pas connue pour être rancunière. Les nuits comme ça, celles où son cerveau refuse de lui accorder une pause, elle préfère lire ou regarder un documentaire en attendant Morphée plutôt que fixer le plafond et se retrouver en tête à tête avec ses pensées.

Elle n'a aucune idée de l'heure qu'il est lorsqu'un bruit de moteur la sort de sa lecture – il est suffisamment tard pour que le son l'étonne car cela fait un moment qu'elle n'en entend plus dans la rue. Elle fronce un peu les sourcils et jette un coup d'œil dehors, remarquant qu'effectivement des phares s'approchent de chez elle. Elle s'en désintéresse pourtant vite, se concentrant plutôt sur son roman. Pourtant, le bruit se rapproche de chez elle et lui fait à nouveau relever la tête. Elle doit se faire des idées : elle ne voit pas pourquoi quiconque débarquerait à une telle heure chez elle. Si Leslie avait eu un problème avec leur fille, elle l'aurait appelée, n'est-ce pas ? De même pour Andrew s'il avait eu des douleurs à la jambe. La suite de coups donnés à sa porte de façon codifiée lui donne cependant tort : c'est son meilleur ami qui se trouve devant chez elle, elle en est persuadée. Alors la voilà qui ferme précipitamment son livre et file jusqu'à l'entrée, inquiète pour son meilleur ami – pour qu'il vienne si tard, ça ne peut pas être rien. Elle ouvre la porte et croise aussitôt le regard paniqué d'Andrew qui lui serre aussitôt la gorge. « Je ... Je suis désolé de ... Débarquer maintenant, à cette heure-ci. » La brune pose une main rassurante dans son dos pour l'inviter à entrer. « Mais je… Je ne sais pas quoi faire. Je... » « T'en fais pas, tu sais bien que tu es toujours le bienvenu ici. » L'heure n'a aucune importance lorsqu'il s'agit de ses amis, et Andrew devrait le savoir mieux que personne. « Entre, on va s'installer dans le salon. » Sur ces mots, elle l'y accompagne, allumant les bonnes lumières au passage. « Ella est chez Leslie, ne t'en fais pas tu ne réveilles personne. » Et elle, elle était plongée dans sa lecture à défaut des bras de quelqu'un – même Morphée ne voulait pas d'elle ce soir, c'est désespérant. « Installe-toi. Tu veux boire quelque chose ? De l'eau ? Un chocolat chaud ? Une tisane ? » Elle s'assied à ses côtés, pose une main réconfortante sur son épaule. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Il sait qu'il peut tout lui raconter, n'est-ce pas ? « Je suis sûre que tout ira bien, tu sais bien qu'on s'en sort toujours toi et moi, » murmure-t-elle avec douceur. Sans même savoir de quoi il s'agit, elle est déjà certaine qu'il s'en relèvera – optimiste, la brune ne peut pas imaginer les choses autrement.