Je n’avais pas vu Alec depuis bien trop longtemps. Il fait partie de ces personnes avec lesquelles les liens s’étiolent avec le temps sans vraiment savoir pourquoi. On passe toute une année dans les pattes l’un de l’autre, la suivante un peu moins, et de moins en moins, jusqu’à se perdre de vue. Cela arrive même aux plus belles amitiés. Ca ne s’explique pas. La flemme de donner des nouvelles peut-être, de se bouger jusqu’à l’appart de l’autre, ou juste la vie qui nous fait emprunter des chemins différents qui partent à l’opposé l’un de l’autre. Alec a l’air rangé, lui. Un boulot, une bande de potes beaux gosses, une situation stable, une vie normale. Il se construisait un joli petit futur pendant que je continuais de me trouer les veines au fin fond de mon squat de la banlieue de Brisbane. Oui, je suppose que c’est à cette époque que nous avons perdu le contact, il y a, quoi, deux ans. Dans mon trou à rats au par terre jonché d’orgies de corps de junkies planant vers le soleil, je n’avais pas vraiment l’ADSL, ni de portable pour être joignable. Joignable de qui ? Je n’avais plus le moindre ami à ce moment-là. Plus personne sur qui compter, et trop de honte noué au fond du bide pour demander de l’aide à qui que ce soit. J’aimais être au fond du trou, et j’aimais continuer de creuser. Aujourd’hui, j’ai des collocs, je cherche un boulot, j’ai un samsung, et une petite centaine d’amis sur facebook. Ca ne fait que deux mois que j’ai quitté le squat, je recommence à peine à reprendre du poil de la bête. Je suppose qu’on peut dire que j’ai changé. Je pèse toujours trente-cinq kilos toute mouillée pour un mètre douze, j’ai une force de mouche et une absence totale de muscles –même si me déplacer uniquement à vélo commence à me faire les cuisses et les mollets bien comme il faut. J’ai toujours la même bouille de quand j’avais seize ans. Je suis toujours Lou la sauvage, et j’aime penser que je ne changerai jamais. Je ne veux pas grandir, me poser, devenir responsable et vieille. Je veux vivre dans un nuage de weed pour toujours. Je sème cette bonne odeur d’herbes de Provence sur tout le chemin depuis chez moi jusqu’à la plage, terminant mon joint en slalomant entre les voitures. J’arrive sur mon vélo rose à froufrous que j’aime tant, mon banjo éternellement greffé sur mon dos. Pas de soirée feu de camp sans banjo, c’est une règle. Je saute presque de mon véhicule en marche, le pose rapidement sur le muret qui borde l’étendue de sable, et déboule sur le jeune homme façon boulet de canon. Je n’hésite pas à le prendre dans mes bras et coller un bon gros bisou plein de gloss sur sa joue. « Merde, ça fait tellement longtemps ! Ce que t’as changé ! » j’hurle presque comme une hystérique, complètement euphorique. Je passe mes doigts dans la crinière d’Alec et décoiffe un peu ses mèches brunes. « T’es encore plus beau qu’avant. » Je lui adresse un clin d’œil complice avant de retourner auprès de mon vélo pour boucler l’antivol, histoire qu’il soit toujours là quand il faudra rentrer à la maison. Je me dirige ensuite d’un pas déterminé vers le sable et les vagues. « Allez viens, allons mettre de l’ambiance autour de ce feu. » On peut le voir crépiter à quelques mètres de nous. Il y a un peu moins d’une dizaines de jeunes tout autour. Les oiseaux de nuit arriveront plus tard. Je pose mes fesses pas loin du stock d’alcool et tapote le sable à ma gauche pour qu’Alec s’installe à son tour. Je retire mon banjo de mes épaules et le pose à côté de moi. J’en profite pour chiper deux bières dans la glacière que j’ouvre avec le décapsuleur accroché à mes clés –on est équipé ou on ne l’est pas. « A nos retrouvailles. » je lance en faisant tinter nos bouteilles avant de prendre une bien grosse gorgée. « ‘sieur Sullivan, je veux un rapport détaillé de vos aventures depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. C’était quand déjà ? »

Assis dans le sable, je décide de retirer mes petites chaussures. C'est mon accessoire de mode ultime, mais honnêtement, sur la plage, rien ne vaut d'avoir ses deux pieds nus qui s'enfoncent dans le sable. Alors j'ôte mes souliers et mes chaussettes, puis couvre mes petons de sable tiède comme une gosse, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus voir le moindre de mes orteils. « Sobre ? C'est quoi ce mot ? » je demande en arquant un sourcil bien exagéré. Pas dans mon vocabulaire. J'aurais espéré que cela ne soit jamais dans celui d'Alec non plus. Mais mon apprenti junkie semble s'être en effet bien rangé. Dans le genre placard à balai plein de poussière. « Tu traînes toujours avec Jacob ? » je demande quand il évoque son meilleur ami. Amitié de longue date s'il en est, je ne me suis jamais penché plus que ça sur le bonhomme, et si je pose la question, c'est surtout par curiosité et pour la forme. En soi, je m'en tamponne. Alec poursuit et m'expose sa vie bien pliée dans une agence immobilière, les poches pleines de sous. Tu parles, les nanas doivent acheter les apparts juste pour ses beaux yeux. « Genre, monsieur est devenu agent immobilier. » dis-je en secouant la tête come pour approuver ce chemin de vie -ce qui n'est absolument pas le cas. Agent immobilier, ça doit être d'un chiant. « Je suis impressionnée. » Ou pas. Mais une pote est là pour être encourageante, alors c'est ce que je fais. Alec n'a pas besoin que je lui dise que je trouve son quotidien sans saveur. Il n'a pas besoin de mes conseils. Lui n'a jamais fait le trottoir, au moins. Forcément, c'est à mon tour de déballer ma vie. Et soudainement, face au petit paysage parfait que m'a dépeint le jeune homme, je n'ai pas vraiment envie de tout noircir en racontant en long en large et en travers toutes les embrouilles que j'ai vécues. Je ne veux pas lui inspirer de peine ou de pitié. Je préférerais qu'il porte sur moi ce même regard qu'à l'école, avec une sorte d'admiration pour celle qui lui faisait découvrir des sentiers inconnus. « Moi... J'ai… J'ai repris les études. » dis-je finalement. Gros mensonge que voilà. Je ne me vois pas m'inventer un joli métier. Quitte à mentir, je préfère quand même garder mon rôle de paumée. Alec sait bien que je n'ai jamais réussi à avoir le moindre diplôme ou à réussir le moindre examen. Je dois bien assumer que je suis une ratée. « En… » En quoi, merde ? Si je devais reprendre les études, ça serait dans quel domaine ? Aucun, bon dieu. Plutôt crever que de remettre un pied dans une salle de cours. « ...médecine. Pour devenir infirmière. » Ca me semble pas mal, plutôt crédible. Assez pour qu'Alec y croit en tout cas. Après tout, c'est une bonne planque pour piquer des seringues propres et de la morphine, c'est bien mon genre. « J'ai un petit boulot comme serveuse à côté, pour payer les factures. » j'ajoute histoire de renforcer mon mensonge. « Et voilà. » Je m'invente une vie. Tout va bien. Touche le fond et creuse encore, Lou. « Deux petites vies bien rangées et bien plan-plan. » je murmure avant de boire quelques grandes gorgées de bière pour mieux faire passer ma honte de moi-même et mon incapacité à assumer mon existence sans but.

Bien sûr, Alec ne croit pas un traite mot de ce que je baragouine. C'est qu'on se connaît depuis un bail, et les années de séparation ne changent rien à ça. Non, je n'ai pas changé, je ne me suis pas rangée et encore moins assagie. Ce serait mal me connaître de le croire. Et le jeune homme ne le sait que trop bien. « Pff... De toute manière j'ai jamais su mentir. » je soupire, dépitée. De toute manière, mieux vaut qu'il me démasque tout de suite plutôt que plus tard, après que je me sois forcée à tenir mon mensonge quelques heures et qu'il s'aperçoive que je le prends pour un con. J'hausse les épaules. Je ne suis pas capable de lui dire d'aller se faire foutre. Encore moins lorsqu'il passe ses doigts dans mes cheveux pour retirer le sable qui s'y est logé. « On se la joue trop craquant pour que je lâche le morceau, c'ça ? » Moi, c'est simple, je n'ai pas vraiment de volonté. Pour ne pas dire aucune. Un regard de chien battu suffit à me faire craquer, la moindre insistance me fait plier -et c'est sûrement ce qui m'a fait atterrir dans ma situation actuelle. Je suis une calamité. « J'te la fait en musique. » dis-je finalement en attrapant mon fidèle banjo. Je vérifie rapidement que l'instrument est toujours accordé, et j'entreprends de jouer en boucle trois ou quatre accords qui font résonner une petite mélodie entraînante -et agaçante à la fois. « J'ai passé de sales années. Oh Alec, laisses-moi te raconter. » Oh, cette rime facile. Tu peux mieux faire, Lou. « Après mon overdose, mes parents m'ont lâchée. Seule dans la nature sans le sou, prête à se faire bouffer-eh-eh-eh. » Lâche cette foutue voyelle, voyons, y'a que les rappeurs à deux balles qui en abusent autant. Je réfléchis une seconde en laissant mes doigts poursuivre la musique en boucle, et je reprends ; « Je vivais dans un squat avec une bande. On vivait de deal et de contrebande. Mais ça s'est mal fini, oh oui. Les flics ont embarqué le boss, et ils ont tout pris. » Je me passe bien de préciser que cela est de ma faute et qu'à cause de cette histoire absolument tout le monde peuplant les bas fonds de Brisbane m'a tourné le dos. Je me contente de murmurer ; « Alors j'étais toute seule. » Et je chantonne bouche fermée, siffle quelques notes, avant de reprendre mon récit mélodieux ; « J'ai ouvert les cuisses pour quelques dollars, le même rituel tous les soirs. J'ai toujours préféré me piquer plutôt que de bouffer, alors j'ai retrouvé mon lit à l'hosto. » Petite variante dans les accords, on passe à la phase critique de la chanson improvisée. Je balance un petit solo de banjo qui ne ressemble à rien, mais c'est plutôt drôle à mes yeux. « Aujourd'hui j'ai pas de boulot, je vis en coloc avec deux blaireaux, j'ai juste assez pour la dope et ma vie ne vole pas haut. » Je termine de manière cliché en laissant mon pouce glisser sur toutes les cordes une à une. Dans le silence, je laisse la dernière note disparaître dans l'air. Je prends ma bière, en bois une petite gorgée, puis fait mine de saluer mon public -composé uniquement d'Alec. « T'as le droit d'applaudir. »  

Applaudissements, je fais ma vrai fausse modeste pendant quelques secondes, l’air d’une starlette que je ne serais jamais, et repose mon cul dans le sable. Tout de suite, l’ambiance redescend un peu. Parce que c’est pas forcément joyeux, ce que je viens de lui raconter. Et encore, tous les détails n’y étaient pas. Ah s’il savait, Alec, ses yeux de merlan frit sortiraient de ses orbites et il se demanderait comment j’ai pu éviter de finir en HP. “On vit pas chez les bisounours, chéri.” Ca non. Et dès qu’on montre un signe de faiblesse, ça ne manque pas. Dans la mesure où la dépendance à la dope est une bonne grosse faiblesse en soi, autant dire que le sort s’acharnera sur moi jusqu’à ce que je décroche -et ce n’est pas prêt d’arriver. Alec, devenu un petit angelot au joues roses gazouillant gaiement au son de la harpe divine me propose du haut de son nuage en barbe à papa de m’aider à trouver un boulot. “Quel genre de taff? Dans l’immobilier?” je demande en pouffant de rire. “Te me vois faire visiter des baraques?” Ca non. J’y connais rien, et ça m’intéresse pas. Je me vois pas me plier aux exigences des petites gens qui ne savent pas se contenter d’être heureux d’avoir quatre murs et un toit. Je finirai par tout faire brûler. “Je serais même pas une bonne secrétaire.” J’aime pas répondre au téléphone, envoyer des mails, et encore moins faire le café. J’ai du mal avec les ordres et les horaires de bureau. Je m'ennuierai comme un rat mort. “Nan, vraiment, c’est cool, mais je pense pas que tu puisses m’aider.” Je ne veux pas avoir l’air ingrate, il faut juste dire ce qui est; le seul boulot qui m’irait c’est testeuse de drogues, dealeuse, ou retourner sur le trottoir. L’argent facile. “Assez parlé de mes problèmes, j’vais pas jouer les Calimero toute la soirée. J’nous roule un truc.” je lance avant que le silence ne puisse s’imposer. Je sors de mon sac à dos mon tabac à rouler, mes feuilles et mon pocheton de cannabis. Ce n’est pas parce qu’Alec s’est soit disant rangé que je compte le ménager, j’ai la main lourde sur les joints.  

Tout le monde le sait, ça, que la vie n’est pas facile. Mais souvent on oublie à quel point elle peut être dure avec certains personnes. Je me vois mal me plaindre de ma situation, j’ai conscience de l’avoir bien cherché. Mes parents ont toujours tout fait pour m’aider, me sortir du pétrin, et j’ai tout envoyé valser. Je ne sais pas pourquoi le chaos m’attire, mais c’est ainsi. Je suis qui je suis, ce que je dois être, où je dois être. Je suis un déchet sur la plage, en somme. Et si une association de tarés écolos veut bien me récupérer pour me recycler, ça serait cool. Histoire de détendre l’atmosphère, je propose de rouler un quelque chose -un joint, forcément. Je me souviens de la facilité avec laquelle Jim m’a appris à rouler. Comme si j’étais née avec une feuille et du tabac entre les doigts. Alec, devenu chaste et prude, me demande d’être sage. “Pff.” Je roule les yeux au ciel, dépitée. “J’me demande où t’as enterré le Alec que j’ai connu.” A moins que l’agent immobilier l’ait bouffé tout cru. C’que c’est triste quand même. Du coup, je case une dizaine de petites boulettes vertes dans le tabac avant de rouler le tout, casant un bout de carton replié au bout pour servir de pseudo-filtre. Un coup de langue pour coller tout ça, et le tour est joué. Je m’accorde l’honneur de fumer la première bouffée -et je le fais aussi pour mon pote qui, s’il n’est plus habitué, va crever la bouche ouverte en respirant la violente première bouffée. Cela fait, je lui tends le joint. “Et voilà, un splif de tapette. Enjoy!” Je suis le genre de nana qui traite ses amis de tous les noms, c’est affectif. Les plus cons le prennent mal. Je m’en fiche. Pour distraire mes dix doigts, je tripote les cordes de mon banjo, laissant échapper quelques sons au hasard qui s’envolent légèrement dans l’air. J’aime bien voir sa surface en bois luire à la lumière du feu de camp. “Et dans ta vie parfaite, t’as une copine? Une chérie? Ou au moins un plan cul régulier?” je demande. Je ne suis pas intéressée, non. Même si je couche par-ci par-là et assez régulièrement avec des potes, je ne demande pas cela por savoir si je peux faire des avances à Alec ou non. Je me demande seulement si sa vie est irréprochable jusqu’à la coupe de ses ongles tous les dimanches avant d’aller prier le seigneur.   

Mûrir? Vraiment? C’est ce qu’il croit, qu’il a mûri et pas moi, qu’il a évolué et pas moi, qu’il est en pôle position, et moi à la traîne? J’arque un sourcil. Ce n’était peut-être pas voulu de sa part, mais ouais, je suis vexée, et pas qu’un peu. J’aime pas qu’on touche au terrain de la maturité. Je crois que chacun a son rythme, et qu’on évolue comme on en a besoin quand on en a besoin. Il n’y a pas d’échelle à imposer. On fait tous selon nos capacités. “Ca s’appelle s’adapter. Et s’adapter, c’est devenir con.” je rétorque sèchement. C’est rentrer dans le moule, se ranger, vouloir faire comme tout le monde, être bien vu. C’est donner aux autres plus d’importance qu’ils n’en dont, et cesser de vivre pour soi. Mais, devinez quoi? Personne ne vit votre vie à part vous, et le regard des autres n’épanouit personne. C’est un mécanisme d’asservissement. C’est le meilleur moyen de devenir aussi plan plan qu’Alec. Merde, qu’est-ce que le monde a fait de lui? Je l’entends toussoter et dire que le joint est chargé alors que j’ai foutu le strict minimum avec le tabac. Je crois halluciner. Mon padawan est passé du côté lumineux de la force, et me laisse seule dans le côté obscur. “T’as fini de te plaindre, princesse?” Il me ferait presque pitié. Je prends sur moi, j’ai de l’espoir. J’espère trouver un truc trépident sur sa vie, n’importe quoi à se mettre sous la dent. Mais rien. Même niveau sentimental ou cul, le jeune homme n’a rien à raconter. “Ca veut tout et rien dire ça.” dis-je en soupirant. Qu’il le dise s’il ne veut pas m’en parler, plutôt que d’utiliser des moyens détournés. Mais ça doit être un truc d’agent immobilier ça. On masque la vérité ou on l’amoindrit pour la reste digeste. Les clients n’ont pas besoin de savoir. “L’autre jour je me suis réveillée dans mon appart’ entourée d’un gars et d’une meuf. Je pensais que j’avais été sage, jusqu’à ce que je trouve une autre nana dans la baignoire.” je raconte avec un petit rire. Ca mon gars, ça c’est un anecdote. Petite, courte, conne, mais drôle. Ca, ça met du piment dans n’importe quelle matinée. “Alors ouais, toujours la même. Au moins, je m’éclate.” Oh, je suppose qu’Alec s’éclate à sa façon désormais. Tricot, scrabble et tisane, constituent le trio de choc pour une soirée de fifou.   

Et là, Alec me lâche une bombe. Comme si de rien n’était. J'attends qu’il se décide à dire un truc croustillant depuis qu’on a posé nos culs sur cette foute plage et c’est une heure plus tard et un joint après qu’il se décide à me partager ça. J’écarquille les yeux, mes globes manquent de quitter mes orbites. Puis je souris largement, d’oreille à oreille. “De vrai?” J’attends n’importe quoi, un signe qui me confirme qu’il ne me fait pas marcher, juste un signe de tête. "De vrai de vrai?” Allez, merde, dis oui ou non ! Quoi que, pas besoin, je sais qu’il dit la vérité. Ravie par ce petit scoop, je tape dans les mains et prend joyeusement une bouffée sur le joint. Je commence à être d’une humeur encore meilleur que je ne l’aurais été dans mon état normal, je sens la pointe d’euphorie, et cela me fait même rire. “Ah bah voilà ! Là on va pouvoir parler de choses sérieuses !” Il était temps. Je me faisais presque chier. Et dire qu'il y a une minute j'aurais pu détester mon vieil ami. Vite, pour fêter ça, je sors de mon sac à dos une bien belle bouteille de whisky à deux dollars. Pas de verres. Qui a besoin de verres, sérieusement ? Je l’ouvre rapidement et la tend à Alec. “Tiens, bois ça, comme ça je saurai pour de bon que c’est bien toi, et plus l’androïde qui te remplace depuis tout à l’heure.” Et ça fera un peu plus pendre sa langue. Je compte bien avoir tous les détails de cette histoire. Il n’a pas le choix, mon regard insiste ben trop pour qu’il se pense avoir le droit de refuser de prendre une grande gorgée. Et quand c’est fait, je lui confie le joint et j’en prends à mon tour. C’est immonde, ça arrache la gorge et les entrailles, on sera malades demain, mais tout ça n’est que temporaire et la vie est bien assez longue comme ça. “Tu sais quoi, j’ai toujours su qu’il se passerait quelque chose.” Le monde entier l’a toujours su, mais pas lui. Ou peut-être que si. “Et alors, c’est qui qui a lancé le truc ? Attends, dis rien, je parie que c’est lui. Il t’as sauté dessus et t’as craqué. C’est forcément lui, il te collait pas au cul pour rien au bahut.” Ce joli petit cul au conduit bien ramoné maintenant. Je pouffe de rire. Ou alors c’est lui qui l’a ramoné ? Oh seigneur, je meurs d’envie de savoir.