Nina écoutait d’une oreille distraite la conversation de ses copines, tandis qu’elle attendait dans la file du service à boisson que ce soit son tour de demander de commander une glace à l’eau. Il faisait chaud, même là, à l’ombre des parasols devant le petit cabanon. Ses copines se plaignaient qu’un de leur pote ne voulait pas jouer au volley avec elle, offensée qu’il préfère marcher au bord de la plage pour tenter de faire des rencontres. Ça la faisait rire, autant son pote était vraiment du genre désespéré, autant ses copines réagissaient de façon disproportionnée et elle, au milieu. Un peu blasée, se laissant entraîner à jouer parce qu’elle n’avait pas grand chose d’autre à faire et sachant qu’il serait facile de marquer des points même à deux contre une. Non, elle ne se surestimait pas, elle savait juste que le basket lui avait permis d’acquérir de très bons réflexes. Ce fut son tour, le vendeur était extrêmement efficace et en quelques secondes à peine, elle avait payé, et faisait demi-tour, sa glace à la main, juste pour s’apercevoir que ses copines s’étaient visiblement faits un copain dans la file d’attente. Passant le fait qu’elles avaient l’air de boire ses paroles et que de l’extérieur, il semblait sortir 6 blagues par minutes, elle fronça les sourcils en croisant son regard ; certaine qu’elle avait déjà vu ce type quelque part. Résultat, elle resta au moins une bonne minute, la glace en bouche, à le fixer. Si lui faisait l’effet d’être l’homme le plus drôle de la terre, elle, à ce moment-même devait sûrement avoir l’air d’une grosse allumeuse (vulgaire, en plus). On lui fit remarquer quand ses copines revinrent vers elle. — T’es sérieuse Nina ?! C’est à la limite de la décence. Elle se reconnecta. C’était pas ça du tout, putain, elle essayait juste de se souvenir de l’endroit où elle aurait pu rencontrer ce gars. Elle n’eût pas le temps de se justifier, en parlant du loup, le voilà qui venait vers leur groupe. Toujours pas de réaction de la part de Nina mais ses copines avaient visiblement l’air très excitées. — Dis, tu ne voudrais pas te joindre à nous pour jouer au beach-volley ? Il nous manque un quatrième joueur… Tu peux me critiquer d’être indécente, Lorena, mais alors toi… critiqua intérieurement Nina. Elle ne cachait pas son agacement, ça l’énervait de ne pas se souvenir, rien, gros blocage, même en le regardant droit dans les yeux en attendant sa réponse.

Un pote t’a proposé d’aller à la plage et t’as sauté sur l’occasion. T’adores aller à la plage mais t’y penses pas. Ta vie est trop remplie. Tu prends pas le temps. Alors là tu le prends. C’est le weekend, c’est l’été. Autrement dit, c’est parfait. Tu reportes juste les courses que t’avais prévu de faire à plus tard. Tu survivras un jour de plus sans avoir rempli ton frigo. Surtout que tu sais que tu peux piquer un ou deux trucs à tes colocs en cas de besoin.

Lunettes de soleil, maillot short, serviette et t’es parti. Une fois dans ta voiture tu fais demi tour parce que t’as oublié la crème solaire. Oui on rigole pas avec ça. Tu veux pas finir écarlate. Ta peau, t’en prends soin. Le soleil d’Australie est vraiment trop fort. C’est le pays où il y a le plus de cancer de la peau à cause de l’exposition. Tu ne veux pas que ça t’arrives.

Tes potes ont plutôt envie de faire bronzette et de mater de la femelle que d’aller se baigner. Toi tu vas quand même profiter de l’eau, même si les vagues sont assez imposantes. T’y restes pas longtemps, juste histoire de te rafraîchir. Il fait vraiment trop chaud. Allongé sur ta serviette, tes lunettes sur le nez, tu mates aussi la marchandise qui s’offre à toi. Les filles en bikini c’est pas mal, mais tu les préfères en sous vêtements. T’as un faible pour la dentelle. Tes yeux se posent plus souvent sur des beaux mecs. D’ailleurs y’en a des pas mal qui jouent au beach volley, tu vas faire un tour par là bas histoire de te rincer l’oeil comme il se doit. Tu te fais accoster par des filles et c’est plus fort que toi, tu fais du charme. Le pire, c’est que ça marche, elles sont toutes mortes de rire au moindre de tes mots. Tu sens que tu pourrais serrer facilement mais tu sais pas si t’en as vraiment envie. Y’en a une un peu à l’écart qui suce sa glace. Tu kiffes bien l’image. C’est d’ailleurs elle qui te propose une partie de beach volley. Tu voulais mater à la base, mais pourquoi pas, ça peut être fun. Elles doivent penser que t’es super fort vu ton physique.

« Allé ouais. »

Le terrain n’est pas encore disponible, mais vous êtes les prochains en liste, du coup t’as le temps de faire connaissance avec les filles.

« Moi c’est Andy. »

Tu dis ça à la fille à la glace. C’est la seule qui ne le savait pas. Les autres t’ont déjà soutiré cette information. Tu la regardes un peu plus maintenant qu’elle est proche de toi. Elle te dit quelque chose.

« Toi. Je te connais. »

Mais t’arrives pas à mettre le doigt dessus.

« On a pas déjà couché ensemble ? »

T’es comme ça toi. Direct.

Il en fallait peu pour rendre Nina grincheuse, les gens qui la côtoyaient étaient plus ou moins habitués à ses sautes d’humeurs constantes et se pliaient en quatre pour ne jamais la contrarier. Mais là, c’était ce mec sorti de nulle part qui la mettait en rogne, parce que de un, elle reconnaissait son visage sans pouvoir le replacer dans un contexte ou une situation particulière où elle aurait pu le croiser et de deux, quand elle était dans une pièce, personne n’était autorisé à être plus drôle qu’elle. Enfin ça, elle venait de l’inventer mais elle aurait fait n’importe quoi pour arrêter d’entendre ses copines glousser comme ça. Nina les laisse discuter, encore occupée dans son esprit à fouiller sa mémoire mais toujours ce même blocage. Et elle aurait pensé avoir un déclic quand il se présente mais Andy ? Elle ne connaissait pas d’Andy. Enfin si, mais cela remontait au collège, un petit costaud blond avec un appareil dentaire. Mais non, rien à voir, même après avoir traversé la puberté et s’être fait une teinture, il n’aurait jamais pu se transformer en gravure de mode. « Nina Farrell. » lui lâche-t-elle, sans enthousiasme. Elle peut se permettre de le regarder de haut en bas parce qu’elle a encore ses lunettes de soleil sur le nez. Juste le strict minimum, toujours pour aider sa mémoire, évidemment. Elle se décide néanmoins à les enlever et à les glisser sur le haut de son crâne quand lui aussi avoue qu’elle lui est familière. Ah, il allait peut-être résoudre son problème. Son sourire s’évanouit. Ok, pas de chance, lui aussi semble d’être pris d’Alzheimer. En plus, il rentre tout de suite les pieds dans le plat avec cette première suggestion ; Nina sent le regard appuyé de ses copines. Rien que pour les faire chier, elle lance, sans sarcasme, on n’aurait pas pu la voir plus sérieuse. « C’est peut-être ça. Il faudrait qu’on remette ça pour le confirmer. » Elle reprend aussitôt un visage impassible. « Je rigole. » Si sèche, chaudière puis frigide la seconde d’après, elle avait un humour très spécial. Il avait intérêt à comprendre que ce n’est qu’une plaisanterie. Pour l'instant, elle n’avait besoin de personne d’autre que Kane pour lui filer des courbatures. Elle gardait encore des marques des derniers jours de 2017 en sa compagnie. Inspirée, elle sort son portable de son sac, posé près d’eux. Elle lui fout son compte Instagram sous le nez, il était peut-être un de son presque-demi-million d’abonnés ? Voire même un de ses quatre cent trente-cinq abonnements ? « Andrinafarrell, parce que c’est mon vrai prénom. Montre-moi ton compte, toi. » Il avait toute son attention, c’était rageant de ne pas retrouver d’où il se connaissait maintenant qu’elle savait que c’était réciproque, cette impression de déjà-vu. Elle ne remarqua même pas que le terrain se libérait et que ses copines venaient de se lever.

Nina Farrell ? Ca te parle pas. Mais t’es sûr d’avoir croisé cette fille quelque part. Tu croises beaucoup de monde avec toutes les soirées que tu fais. Mais tu suggères d’abord une histoire de cul. Parce que c’est quand même ce qui est le plus probable. Pour que sa tête te dise quelque chose, c’est qu’il y a dû y avoir quelque chose de notable entre vous. Tu mates cette fille et tu te dis que ouais, c’est probable. Surtout qu’elle a l’air d’avoir un sacré tempérament vu son attitude. C’est pas pour te déplaire. Elle propose de remettre ça et ça te fait sourire en coin. C’est tellement facile avec les filles. Suffit que tu sois torse nu et c’est le jackpot. Elle a dû voir ton sourire qui veut dire « Allons-y. » parce qu’elle se reprend disant qu’elle plaisante.

« Je pense qu’une de tes potes dirait pas non. »

Tu les as bien évidemment cramé depuis le temps qu’elles sont pavanés devant toi. Elles t’ont sûrement entendu dire ça et t’es pas dérangé du tout. C’est la vérité après tout. T’es même sûr qu’elles se battraient pour avoir droit de te monter quelques minutes. Nina sort son téléphone et te montres son compte instagram. Elle croit qu’elle te connait comme ça ? Elle te parle de son compte, que tu ne suis pas.

« Andy Rivera. En un mot. Sans espace. »

« Andy ! »

Tu te tournes pour voir ton pote - assez beau gosse, bien foutu - te brandir ton téléphone portable à quelques mètres de là. Il s’approche et te le mets dans les mains.

« Je peux pas dormir y’a ton boyfriend qui arrête pas de t’envoyer des messages. Ca commence à être chiant. »

Tu roules des yeux en l’entendant. Il essayerait pas de casser ton coup avec une des filles présentes à dire ça ? Si, t’es sûr que c’est possible. D’ailleurs il commence à se taper la discut’ avec une des filles. Tu fais pas de remarque et tu regardes tes notifications. Beaucoup de likes sur Instagram et quelques commentaires grâce à la photo que t’as mis y’a une heure en arrivant sur la plage. T’as aussi un snap de Danny, quelques autres snap de mecs et t’es sûr que y’a des dick pic au milieu alors tu ne vas pas les ouvrir là maintenant alors que Nina a l’air d’être très curieuse en matière de réseaux sociaux. Tu clear tes notifs et tu regardes miss Andrina à côté de toi.

« Alors ? Tu m’as trouvé ? »

« Elles auraient tort de se priver d’un sextoy. » Grinçante et complètement impassible, son regard fait l’aller-retour entre ses copines et le brun, avant de lâcher un bruit de succion sonore quand ses lèvres se détachent de sa glace à l’eau. Elle ne savait pas trop pourquoi il lui avait dit ça mais il sonnait comme un gros connard à se vanter de l’attraction qu’il engendrait sur ses copines, le genre de mec irrésistible et qui le sait. Et en plus, elle était convaincue qu’il y avait des soupçons de slut-shaming sous ses paroles. Elle se faisait un plaisir de le renvoyer à son statut d’objet mais son flair lui soufflait que la pique ne le vexerait pas le moins du monde et les gens qu’elle pouvait taquiner sans risquer de les froisser, elle les aimait bien. Donc, s’il y avait des chances qu’elle ait déjà croisé ce joli minois, pourquoi pas en photo ? Comme Instagram avait une part importante dans sa vie, elle y songea direct, un mannequin qu’elle suivrait ? Scénario plus que probable et qui mettrait fin à sa bataille mentale. Elle était en train de taper son pseudo quand un autre garçon débarqua. Elle l’ignora d’abord, comprenant qu’ils étaient potes, mais dès qu’il ouvre la bouche , elle se tourne vers Andy Rivera sans espace, en entendant le mot ‘boyfriend’. Andrina, elle, ne dit rien mais n’en pense pas moins, sachant, qu’elle n’était pas en position de le juger d’être dans une relation plus que libre. Mais le mal est fait, le sourire de ses copines à perdu de leur éclat tout à coup. Pourtant, on voit qu’elles ont l’air de bien se consoler, elles ont déjà un nouveau centre d’intérêt. Distraite, elle n’a pas fait défiler toutes les photos d’Andy et reste sur ses six derniers posts. « Jolies photos. » Elle comprend mieux quand elle lit sa description ‘photographe’, accolé des deux drapeaux, alors son petit accent venait de là… « Je ne suis jamais allée en Colombie, dommage, ce n’est pas là-bas non plus qu’on aurait pu se connaître. » C’était aussi une forme de tourisme culturel de visiter les lits de la population locale quand on était à l’étranger. « Qu’est-ce que tu fais de notre côté du Pacifique ? » lui demanda-t-elle, il l’intriguait, elle s’intéressait à lui pour découvrir où ils auraient bien pu se croiser. Elle releva la tête de son téléphone juste pour s’apercevoir que ses copines étaient parties avec le pote d’Andy. « Sérieusement ? » Ils allaient peut-être revenir dans pas longtemps, pensa-t-elle. « Je crois qu’on a été abandonnés… bon, on se la fait quand même cette partie ? » Elle se leva, remit ses lunettes de soleil et attrapa sa casquette en même temps qu’elle se saisissait de leur balle de volley. « Un contre un… et je ne joue pas contre les amateurs d'habitude mais je serai gentille, promis. » Elle se mit d’un côté du terrain et attendit qu’il s’installe avant de servir. « C’est qui ton copain ? Il va venir te rejoindre ? Je te connais peut-être par lui. »

Elle te qualifie de sextoy et ça te fait sourire. Elle continue de sucer sa glace et ça te file des idées. T’as toujours des idées de ce genre. Mais là c’est carrément mis sur un plateau d’argent. Elle te cherche sur instagram et ton pote vient balancer une remarque pour te faire chier. Visiblement les filles qui étaient tant attiré par toi n’ont pas trop aimé cette réflexion parce qu’elles ont changé de tête. Mais soit, tu t’en fou. T’es pas venu à la plage pour tirer un coup. Et décidément les filles c’est vraiment relou. Il suffit d’un simple mot pour casser tout. Y’a de l’homophobie là dessous. Mais ça n’a pas l’air de déranger Nina qui est toujours en train de mater tes photos sur instagram. Elle apprécie tes photos et toi tu ranges ton téléphone dans ta poche. Elle parle de la Colombie, elle sos entend qu’elle a dû déjà pas mal voyager. Elle cherche toujours d’où elle te connait et toi ça fait un moment que t’y réfléchit plus. Elle est curieuse et te demande ce que tu fais à Brisbane.

« Plus de possibilité pour mon boulot. »

Tu gagnes pas autant d’argent à Bogota. Ca n’est qu’une des raisons qui font que t’es ici, mais t’as pas envie de lui en dévoiler plus sur toi. Elle a l’air de s’outrer à propos des filles mais toi tu t’en fou un peu. Tu sens que ton pote va peut être choper un numéro ou deux. Il te revaudra ça t’espères. Nina n’a pas l’air démonter pour la partie de volley ball mais toi tu trouves ça beaucoup moins drôle à deux.

« Ouais pas vraiment. »

Elle parle de jouer un contre un, et genre elle est une pro dans le domaine. Y’a des chances qu’elle te mette la pâté. T’es pas le meilleur non.

« Juste une partie. »

Tu te laisses entraîner finalement. Tu te mets d’un côté du filet et elle commence à jouer, tu récupères la balle assez facilement, mais quelque chose te dit qu’elle y va doucement pour commencer. Elle a l’air d’être du genre à vouloir discuter plutôt que jouer, parce qu’elle parle de ton boyfriend. Ca te fait sourire.

« Il va pas venir parce que j’ai pas de boyfriend. »

Tu relances la balle, tu cherches pas à faire d’effet ou quoi. Juste à ce qu’elle soit de l’autre côté du filet. Ton téléphone trouve le moment de se remettre à sonner pour annoncer un message. Tu le prends et tu le mets en vibreur pour pas que ça continue à déranger comme ça. T’as pu voir au passage que c’était un message d’un mec qui a envoyé une photo. Tu regarderas plus tard. Tu loupes une balle qui était relancé au passage. Du coup tu vas la récupérer derrière.

« T’es sûr qu’on s’est déjà vu ? Tu vas souvent en club ? On a peut être partager une clope un jour… Ou un rail. »

Tu trouves souvent le moyen de squatter avec des gens qui en ont pour éviter d’en payer. Ca marche assez comme ça. T’es pas un grand consommateur de cocaïne, juste de temps en temps. C’est pas ta drogue favorite même si ça fait son effet.

« On compte les points ? »

Parce que tu comptes rien depuis tout à l’heure. Du coup tu sais pas quand la partie sera terminée.

Elle n’avait pas tellement d’atomes crochus avec ce mec. Comme quoi, un joli minois ne faisait pas tout, un corps de rêve non plus, alors ça l’étonnerait beaucoup si sa mémoire lui faisait défaut à ce point et qu’il s’avérait qu’ils aient fricoté ; l’alcool avait du bien aider. Il semble pas être intéressé plus que ça par elle non plus, vu comment il lorgne sur ses copines et vu l’air contrarié qui passe sur son visage, un instant, quand son pote lui grille ses plans en moins de temps qu’il ne le fallait pour le dire. Ça amuse à peine Nina, elle est en train de fixer ses photos, en particulier une photo d’Andy, détaillant ses traits si réguliers. C’est de l’ordre de l’obsession, dès qu’un truc lui trottait dans la tête, elle s’en faisait une montagne et avait du mal à passer à autre chose tant qu’elle n’atteignait pas ces objectifs. Elle n’en dormirait pas de la nuit si elle ne trouvait pas où ils avaient pu se rencontrer. « Le boulot, hein… » Il n’est pas très loquace en plus, alors elle se dit qu’il n’est peut-être même pas photographe pro, si ça se trouve. Ouais, non, elle aurait jamais couché avec un glandeur pareil… quoique… elle jeta encore un coup d’oeil à sa plastique. Si… elle aurait totalement pu. Mais où ? Seulement, elle était à court d’idée là et même si ses copines étaient parties, elle se dit que l’avoir dans son champ de vision quand elle jouerait réveillerait peut-être des souvenirs. Elle est obligée de hurler pour qu’il entende, de l’autre côté et même si elle peut garder un œil sur sa pomme, c’est pas le plus pratique pour mener une enquête, mais encore une fois, c’est plutôt dur de le faire parler. « Alors, quoi ? Avec ta belle gueule, tu les allumes, tu les rends accro et filles et garçons te harcèlent pour que tu les rappellent ? T'es ce genre de mec ? » Il n’y avait aucun sarcasme ou aucun jugement dans sa voix, elle l’interrogeait simplement pour mieux le cerner. Il montre pas le plus grand enthousiasme que ça, alors oui, ça énerve la petite. Même s’il ne peut pas la voir doublement cachée par la visière de sa casquette et ses lunettes de soleil, elle lève exagérément les yeux au ciel quand elle le voit sortir son portable — même pas longtemps — et rater une balle par la même occasion. « Quel boulet. » souffle-t-elle entre ses dents. Il lui renvoie, elle sert mais la balle se prend le filet et retombe au milieu. Ils se retrouvent les deux au centre, à se toiser. Il retente une autre situation mais sa dernière suggestion lui arrache un sourire. « J’en mettrai ma main à couper et ça m’énerve vraiment d’avoir ta tête sous mes yeux sans pouvoir me souvenir. » Elle était même prête à l’embrasser pour avoir le fin mot de l’histoire, coucherie ou pas coucherie, un baiser pouvait réveiller ses souvenirs, non ? « Je t’aurai étripé si t’avais présenté de la coke sous mon nez, mon gars. » l’informa-t-elle. « Mais t’as peut-être raison, c’est probablement une conversation autour d’une clope et je devrais arrêter de chercher plus loin. » Elle lui fait un signe de la tête pour lui dire de prendre la balle et hoche la tête. « Le premier à 7 ? » Elle recule. « T’as quel âge, au fait ? » Pour l’instant, c’est limite s’il ne lui faisait pas des passes alors elle se contente de lui renvoyer, mais son dernier coup est un peu trop fort, la balle sort. 1-0 pour lui, comme si elle était pas déjà assez énervée comme ça.

Nina n’est pas satisfaite de ta réponse qui est effectivement assez vague, mais elle n’aura pas plus. Elle a l’air curieuse à ton propos parce qu’elle te pose pas mal de questions sur les mecs et les filles. A savoir si tu les allumes simplement en attendant qu’ils te courent après. Ca te fait sourire.

« Non je suis pas comme ça. »

Mais t’as pas envie d’élaborer sur la question. T’as pas à te justifier sur ton lifestyle. C’est pas de ta faute si y’en a qui s’accrochent à toi. T’es toujours très clair, c’est que des histoires de sexe. Pas de boyfriend. Encore moins de girlfriends. Beaucoup trop prise de tête les filles. La preuve avec Nina. Elle réfléchit trop, s’imaginant un tas de truc grâce au peu d’information que tu lui as donné. Mais tu t’en fous. Qu’elle s’imagine ce qu’elle veut.

Elle est toujours en train de réfléchir à où elle t’a déjà vu. Elle sourit quand tu évoques la coc’. Ca doit lui parler ce genre de situation. Ou pas. Elle s’arrête sur l’idée de la clope et ouais ça se peut.

« Ouais. »

T’es pas très bavard. Vous reprenez à jouer après avoir décrété que vous allez compter les points. 7 points ça te va. Ca va être vite fait. Tu récupères la balle et tu lances pour reprendre le jeu. Elle te pose une question de plus. Cette fille a l’air vraiment intéressé par ta personne. Sauf que la question de l’âge t’aimes pas trop ça. Même pas du tout.

« 29. »

Ca t’arraches la bouche de le dire. T’as même hésité à lui mentir mais non, à quoi bon. Tu vas récupérer le ballon quand elle le met dehors.

« 1 - 0. »

Tu relances la balle et tu fais pas vraiment d’efforts dans ton jeu. La renvoyer de l’autre côté c’est déjà bien. Tu voudrais aller mater les autres mecs qui sont en train de jouer sur le terrain à côté. C’était pour ça à la base que t’es venu dans le coin.

« Et toi t’as quel âge ? »

Histoire de lui renvoyer la pareille mais t’es pas vraiment intéressé par l’information. Y’a des jeunes qui se mettent sur le côté de votre terrain. Sûrement en attendant que vous le libériez. Parmi eux un mec plutôt très cute qui ressemble à Danny du peu que t’as vu. Tu restes pas bloqués bien longtemps sur lui, tu continues de jouer, de renvoyer la balle de l’autre côté. Mais tu échoues et la balle reste de ton côté.

« 1 - 1. »

Tu la joues sûr et tu ne marques pas beaucoup de points. A deux c’est vraiment pas très drôle de jouer. En équipe c’est plus fun.

Tu sens ton téléphone vibrer dans ta poche et tu sens que t’es en train de maudire le type qui s’acharne depuis tout à l’heure. Même une dick pic ne te satisfera pas. Faut savoir se calmer sur les messages quand même.

La balle sort et c’est un point de plus pour Nina. Le petit jeune sur le côté récupère la balle et tu t’approche de lui pour qu’il te la passe. Tu lui fais un beau sourire.

« Merci. »

Et tu reprends de jouer, même si clairement tu voudrais plutôt t’amuser avec ce twink. Tu t’appliques un peu plus maintenant que t’as un public. Surtout que tu sens le regard du petit jeune sur toi. Tu le mates discrètement et t’es presque sûr qu’il te le rend bien. En attendant ton téléphone vibre toujours autant dans ta poche et quand tu renvoies la balle un peu trop fort et que Nina va la chercher plus loin, tu regardes rapidement les notifs et ouais, c’est le même mec. Tu mets ton téléphone en « ne pas déranger » pour ne plus sentir les vibrations et maintenant tu te remets à fond dans le jeu.

« T’as d’autres questions pour moi ? »

Tu souris en coin en la regardant. Tu te fiches gentiment d’elle parce qu’elle t’a posé quand même un tas de question. Tu voudrais lui demander si elle veut savoir la taille de ta queue mais tu te retiens. Tu voudrais juste filer cette info au mec sur le côté.

« Moi j’ai une question pour toi. Y’a combien ? 1 - 3 ? »

Ca te fait rire.

Son visage est une énigme, un casse-tête qu’elle tente de résoudre coûte que coûte. Il rendait la tâche difficile à être aussi opaque dans ses réponses, à croire qu’il le faisait exprès. Pas cool. Ça la faisait tourner en bourrique toute seule, elle avait envie de lui renvoyer la balle dans la tronche. Elle n’a pas pu s’empêcher avec sa question, bizarre, mais il fallait qu’elle élucide le mystère. Fuckboy ? Pas fuckboy ? Pas, d’après lui, étrangement, elle a du mal à le croire. Contrariée qu’il ne développe pas plus, elle fronce les sourcils mais continue de jouer. C’est pas très fun à deux, pas du tout même, quand l’autre joueur n’est pas très motivé. Elle apprécie quand même qu’il cherche un peu avec elle, même s’il évoque la cocaïne, drogue qui lui rappelle de mauvais souvenirs, ça se tient son hypothèse. Et cela aurait pu expliquer sa mémoire merdique s’ils s’étaient justement rencontrés dans un tel contexte. Elle tente, pour l’âge, qui sait, ils s’étaient peut-être croisés dans une soirée étudiante mais quand il lui annonce 29, clairement, elle a un petit moment d’arrêt. Elle le toise. Il ne les faisait pas. Un truc qui s’ajoute sur la liste des choses qui la contrariait. Il avait touché le jackpot en matière de gènes. Elle le voit revenir et lui retourner la balle puis la question. « Vingt-et-un. » Elle avait aucune raison de lui mentir. Elle était peut-être plus jeune, mais contrairement à lui, elle avait toujours fait plus que son âge. L’information n’a pas l’air de changer sa vie, puisqu’il est distrait par un rien, aussi bien par son portable que par les garçons qui débarquent à côté d’eux pour les regarder. Quel spectacle. Il attire les regards, compréhensible, mais elle se surprenait à être jalouse de toute cette attention qu’on lui portait. Mon oeil, elle se serait fait vomir de le voir parader comme ça devant l’un des mecs, lui servir ce sourire enjôleur en le remerciant d’avoir rattrapé la balle qu’il venait de faire sortir. Ok, elle gagnait mais quelle satisfaction devait-elle en retirer puisqu’il jouait comme un pied. Pire, ça n’a pas l’air de déranger monsieur plus que ça. Elle lève les yeux au ciel quand il fait de l’humour. « Comme si t’allais enfin me répondre sérieusement… » Pro du stalkage, elle trouverait sûrement plus de réponses sur lui sur internet et les réseaux que s’il répondait directement vu comment il s’était comporté jusque là. Mais elle réfléchit encore, c’est plus fort qu’elle, ça cogite toujours à mille à l’heure dans sa petite tête. Ils font quelques passes, un record jusque là. Leur performance est courte quand la balle tombe vers le garçon à qui Andy avait fait un clin d’oeil. Ils ne se lâchent pas du regard ces deux-là, elle s’attend à ce qu’il renvoie la balle vers le colombien mais au lieu de ça, il renvoie la balle sur elle pendant son moment d’inattention, trop exaspérée, elle avait préféré détourner le regard. Grave erreur. Elle sent le cuir du ballon la percuter en plein visage, entraînant ses lunettes avec lui au passage quand ça entrechoque son nez. Elle tombe assise par terre, les fesses les premières. Instinctivement, une main vient toucher la zone impactée. La douleur vive mais supportable lui arrache tout de même une grimace. Ugh. C’était pas le genre d’attention qu’elle réclamait. Il y a maintenant plusieurs personnes regroupées autour d’elle et elle ne sait pas trop à qui appartient cette main tendue devant elle mais accepte cette aide pour se relever. Putain de merde. Elle peste cent fois dans sa tête, ne se sentait pas en état de parler avant de poser ses yeux sur celui qui avait commis cet affront. « Toi, là ! » hurla-t-elle. Elle s’adressait au minet, un index accusateur pointé droit sur lui. Les yeux de Nina lancent des éclairs, elle n’avait jamais fait dans la réserve pour ce qui était d’exprimer ses colères. S’il pensait qu’Andy s’intéresserait plus à lui s’il la rayait de la carte et qu’il l’avait fait exprès, il allait prendre très très cher.

Vingt et un ? Tu la jalouses. Tu voudrais tellement retourner à cette époque. La trentaine te fait clairement flipper. C’est pour bientôt. Quelques mois. Ta sentence arrive en Août. Vous jouez et tu te fais chier. Au fond ses questions ça reste le plus intéressant dans cette histoire, alors tu lui demandes si elle en a d’autres. Elle ne te prend pas au sérieux quand tu dis ça. Sûrement à cause du sourire qui arbore tes lèvres.

« T’aimes pas mes réponses ? »

Ca te fait rire. Elle a l’air frustré, toi ça t’amuses. Elle n’enchaîne pas les questions pour autant. Dommage, ça aurait pu être drôle de voir ce qu’elle veut savoir sur ta personne. Le petit cute récupère le ballon et le lance à Nina. Tu t’attendais pas à ça non plus, mais soit. Enfin, la meuf se le prend en pleine face et ça c’est pas top. Elle en tombe par terre et perd ses lunettes. Elle s’en remettra tu te dis. Peut être que ça va marquer la fin de votre partie qui commençait à se faire longue. T’attends qu’elle se relève pour continuer à jouer. Ou pas. T’espères qu’elle va se lasser ou déclarer que le jeu est trop risqué pour son beau visage. Finir avec des bleus ou des traces rouges ce n’est pas vraiment l’objectif. Quelqu’un s’approche d’elle pour l’aider à se relever et tu regardes de loin tout ça. De l’autre côté du filet. Tu hausses les sourcils quand elle va carrément s’en prendre au petit jeune.

« Désolé, c’était pas voulu. »

Il a l’air contrit, réellement.

« Vous libérez le terrain ? »

La copine à côté qui n’a pas l’air très patiente.

« Non on va en 7 points. »

Pour lui faire comprendre qu’il devrait pas y en avoir pour très longtemps de toute manière. Qu’elle se détende le string un peu. Tu regardes Nina et tu vas de son côté du terrain pour voir son visage endoloris. Tu poses ton index et ton pouce sur son menton.

« T’as juste une marque rouge. Ca se voit un peu. »

Et tu retournes de ton côté du terrain, décrétant que la pause a assez duré. Tu mates le mec sur le côté au passage. La fille qui était impatiente arrête pas de te regarder, mais pas de manière positive. Elle doit en avoir marre de te voir dans les parages. Tu mates clairement le petit jeune et soit c’est sa meuf, soit elle a des vues sur lui. T’en es presque sûr. Mais tu l’ignores. T’as pas que ça à faire à te chiffonner avec une meuf pour un mec. Tu choperas peut être son numéro à ce type de toute façon. Il a l’air pas indifférent à cette attention que tu lui portes.

« Alors on reprend ? C’est toi qui mène pour l’instant. Y’a quoi 4 - 1 ? »

Tu relances la balle et tu t’appliques à jouer.

« Balance une question. J'y répondrais vraiment. Pour te redonner le sourire. »

T'es curieux de voir ce qu'elle pourrait te demander. Tu veux surtout que cette partie soit un peu plus fun.

Pas de réponse mais à ses sourcils froncés et son air boudeur, il comprendrait très bien que non, elle n'aimait pas qu'il se la joue si mystérieux. Ça avait l'air de bien le faire marrer en plus, de répondre que vaguement à ses questions. Sa jauge de tolérance était assez réduite, elle était habituée à tout avoir, tout savoir tout de suite. Elle allait commencer à blâmer la chaleur, de la rendre aussi troublée, à tel point qu'elle ne puisse pas se souvenir de lui. Maintenant, ça ne servait presque plus à rien de creuser, elle se souviendrait de lui comme le mec avec qui elle avait fait la pire partie de beach-volley de toute l'histoire. Comme si elle n'avait pas déjà eu sa dose de peine, voilà qu'elle tombait sur les fesses après que le gamin lui ait relancé le ballon dessus. On vint à sa rescousse mais ça ne suffisait pas pour éviter la confrontation. Ne cachant pas sa colère, elle interpella directement le petit minet qui faisait les yeux doux à Andy, pour le voir s'excuser piteusement.  « Encore heureux, je t'aurai envoyé à l'hôpital, sinon. » le menaça-t-elle. Excessive, elle l'était à surréagir ainsi mais souvent, les gens finissaient par se taire et s'écraser quand ils comprenaient à quel genre de personne ils avaient à faire. Si le minet ne la ramena pas, c'est la fille à côté, qui semblait moins impressionnée. Andy intervint d'abord mais elle ne put s'empêcher d'en rajouter une couche. « Sept points ou plus, si ça nous chante. Alors soit t'es patiente, soit tu peux aller ailleurs pour voir si ta mère a libéré un terrain. » Elle voit son partenaire la dévisager. Il pensait sûrement qu'elle avait pris un coup trop fort dans le visage, que ça lui avait remué le cerveau parce qu'il fallait pas être très net pour parler à des gens comme ça. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il passa de son côté du terrain, après qu'elle ait ramassé des lunettes. Elle eut un mouvement de recul, secoua la tête de gauche à droite pour éviter qu'il ne l'a touche. Elle sentit tout de même ses doigts sur son menton et ça lui arracha une grimace. « Je vais bien, ça va. » lui assura-t-elle, encore contrariée et le poussant à vite s'éloigner. Si c'était en plus pour lui annoncer qu'elle allait garder une trace de cette rencontre sur son visage... Elle remet ses lunettes sur son nez, toujours l'air bougon et déterminée à expédier rapidement cette partie. Il lui fait quand même plaisir, elle le remarque dans sa façon de jouer et il a l'air plus impliqué. C'est pas un si gros connard, clairement, il lui était juste insupportable à côtoyer parce qu'elle n'arrivait pas à creuser sa mémoire. Sa perception des gens étaient vite embrouillé par le flou dans sa tête, elle avait été un peu injuste avec lui. Elle restait bougon... peut-être un chouïa moins.  « Oui, je mène, sans surprise. » Quand elle partait dans ses petits sarcasmes, ce n'était pas forcément négatif, en témoigne son petit sourire en coin. Il y voit l'opportunité de détendre un peu l'atmosphère et, celle de lui mettre 5-1. Ses paroles et ce point lui redonnèrent le sourire avant même qu'ils n'aient échangé une question réponse. Elle réfléchit mais elle est interrompue, tournant la tête pour voir qui l'appelait, elle retrouve ses deux copines. – Nina, on était vers les copains d'Andy, viens, ce sera drôle ! Elle jette un regard au concerné, lui non plus n'avait pas prévu que leurs deux groupes se mélangeraient. Elle qui était bien partie pour lui mettre 7-1. Elles évoquent des packs de bière et des blagues, un mec encore plus hilarant qu'Andy, wow, si vite remplacé... Nina grimace pendant qu'elle observe ses copines regrouper toutes leurs affaires pour rejoindre l'autre camp.  Ses copines montrent à Nina un endroit plus loin, avec deux parasols jaunes accolés, et leur dit de les rejoindre dès qu'ils auront fini avant de repartir, toujours aussi joyeuses. « Je continue à te mettre une branlée ou on va les rejoindre ? » Une autre priorité aussi s'imposa dans son esprit, quelque soit sa décision, l'offre resterait valable qu'ils y aillent maintenant ou après sa victoire. « Mais c'est mort, je ne bois pas de bières en pleine après-midi, je crois que je vais aller chercher une autre glace... Je t'en offre une ? »

Sept points ou plus ? Ouais. Non. Tu n’iras pas plus loin que ça. T’es sûr que Nina dit ça juste parce qu’elle est en colère. Elle parle vraiment mal à la fille et tu les regardes se chamailler, pas impressionné pour un sou. Toi tout ce que tu veux c’est quitter ce terrain. T’aurais dû prendre la perche qu’elle t’a tendu quand elle a demandé si vous quittiez les lieux. Tu peux toujours te rétracter. Surtout qu’avec une Nina aussi énervé ça t’éclates encore moins de jouer. Une corvée. Voilà ce que c’est devenu. Mais vous reprenez de jouer et elle a l’air de se calmer. Tant mieux. Oui elle mène et tu t’en fou. Au contraire, faut que tu continues de perdre pour en finir au plus vite. Mais une autre partie de toi a envie de s’améliorer pour pas perdre complètement la face. Même si clairement, tu n’en mourras pas. C’est juste histoire de faire le beau devant le petit jeune. Ou peut être que perdre face à une fille le fera kiffer ? Oui, tu te fais bien trop de rêves. Le jeu va reprendre mais vous êtes interrompu par les copines de Nina qui parle de tes potes à toi. What ? C’est qu’ils veulent vraiment pécho on dirait. Vous voyez les deux groupes n’en former plus qu’un et Nina t’offre la possibilité d’arrêter le calvaire de cette partie de volley.

« On va les rejoindre. »

Tu passes devant le petit jeune et il t’accorde un regard, tu lui fais un clin d’oeil et il détourne bien vite les yeux. Honteux ? Tu sais pas. Mais tu perds pas ton temps à le brancher. En plus Nina propose de t’offrir une glace.

« Ouais, merci ! »

Et tu vas avec elle jusqu’au marchant de glace. Tu demandes un cône à la vanille. Tu jettes un coup d’oeil à ce grand groupe de potes un peu plus loin. Tu te dis que y’en a qui vont baiser ce soir. D’ailleurs ça te fait penser aux notifs que t’avais tout à l’heure. Tu ressors ton téléphone de ta poche et tu regardes de quoi il s’agit. Tu commences par la notif snap qui est de Danny. Une selfie de lui alors qu’il est à l’université et qu’il s’ennuie. Tu te mords la lèvre alors que tu te dis que t’as drôlement envie d’embrasser sa putain de cute face. Tu redresses la tête quand ta glace t’es tendu.

« Merci. »

Tu fais un clin d’oeil à Nina par automatisme. Tu ouvres l’emballage et tu commences à manger tout en terminant de regarder tes notifs. Ou surtout le nombre hallucinant de messages d’un de tes coups régulier. Pas si régulier que ça. Ca doit bien faire 5 mois que tu l’as pas vu. Il a l’air chaud visiblement parce qu’il t’a envoyé une série de selfie, dont des nudes. Tu mates et tu ranges ton téléphone dans ta poche. Tu penses pas que tu prendras la peine de lui répondre, ou en tout cas pas maintenant.

Tu te tournes vers Nina alors que tu commences à filer des coups de langue sur ta glace. Tu trouves une poubelle pas loin et tu vas jeter le papier de ta glace, prenant celui de Nina aussi au passage et puis vous êtes en route vers votre groupe d’amis. Ils ont tous l’air d’être à fond dans tu ne sais quelle conversation. Tu n’en prends pas part, tu te mets sur ta serviette et tu ressors ton téléphone. Tu vas sur snapchat, tu mets ton cône glacé dans ta bouche, de manière suggestive et tu te prends en photo. T’envoies ça à Danny. Tu captes le regard de Nina et tu souris de manière amusé.

« Quoi ? »

 

Elle est trop en colère pour s’écouter parler, sinon, elle aurait saisi la futilité que c’est, de s’énerver contre ces petits jeunes qui n’avaient rien demandé et en plus, ce n’était pas digne d’une jeune femme de son rang. C’est moche, mais ça avait le mérite de lui faire du bien, d’extérioriser le mélange de frustration et d’ennui qui la travaillaient depuis un moment. Pas la faute d’Andy, ni du soleil, ni même de cette petite qui la ramène, juste Nina et son caractère. En plus d’être une plaie pour les autres, elle rendait aussi son propre quotidien compliqué avec son humeur de chien. Il fallait vraiment être résistant pour pouvoir la supporter. Elle voit bien la tête d’Andy, son expression qui montre qu’il est sur le fil du rasoir alors elle finit par se taire, donnant l’impression d’être calmée alors qu’elle continue à ruminer sa colère dans sa tête. Seul son calme ou sa patience devaient égaler la beauté de ce type, visiblement, parce qu’il reprend le cours de leur partie comme si de rien était. Il cherche à la dérider. Et parce que ça marche, ç’aurait presque pu l’énerver encore mais fair-play, elle lui accordait ce point.

Ses copines reviennent, changement de plans. Après avoir consulté Andy, preuve qu’il était remonté dans son estime, ils font un détour par le stand de glace et elles payent pour eux deux. Pendant le trajet, ça l’arrangeait bien qu’il ne soit pas trop bavard, bien plus intéressés par les snaps qu’il recevait que par elle, visiblement, ça lui donnait le temps d’oublier cette partie de volley. Et que ce soit voulu ou non, il gagnait un autre point, à ne pas vouloir meubler le temps avec des paroles inutiles. Vraiment, elle avait un peu changé d’avis sur son sujet et elle espérait que sa proposition tenait toujours, parce qu’elle en avait plein, des questions. Tout dépendra de la tournure de l’après-midi, se dit-elle, en voyant le grand groupe que forme leurs deux bandes. L’un des garçons interpelle Andy, insistant pour qu’ils viennent les rejoindre mais monsieur préfère faire le puma solitaire sans même l’ombre d’une explication. Comme dans Mr. Nobody, deux choix s’offraient maintenant à elle, deux futurs possibles qui auraient des issues différentes et c’était à elle de se décider entre Andy et la bande.

Quelques secondes plus tard et elle étendait une serviette, à côté de lui, laissant une distance respectable entre le colombien et elle. Nina donne l’impression de faire sa petite vie, à finir sa glace en observant la plage puis à sortir sa crème solaire pour s’en appliquer sur les jambes pour commencer, mais ça ne l’empêchait pas de lui jeter des regards en coins pour suivre ce qu’il faisait. Rien de bien intéressant… jusqu’à ce qu’elle l’intercepte en pleine pause suggestive. Ça l’a fait buguer et il s’en rend compte. Elle sourit en coin, en plus de son regard complice. « Rien. On dirait moi. » Elle plaidait coupable, sans honte, c’était fun. « C’est pour ton boyfriend – pas boyfriend ? » Celui évoqué plus tôt. « C’est lui qui te fait sourire comme ça, depuis tout à l’heure ? Je peux le voir ? » lui demanda-t-elle, d’un air espiègle et une moue mignonne sur le visage, pour le convaincre. Elle étalait maintenant de la crème sur le haut de son corps, les bras, le buste, le ventre mais se connaissant et connaissant le soleil australien, elle ne serait jamais à l’abri d’un coup de soleil. « Tu veux bien m’en mettre sur le dos ? » De loin, ç’aurait l’air d’une scène de rapprochement cliché. Une femme dans le monde devait sûrement avoir écrit dans sa bucket-list ‘se faire étaler de la crème solaire par un latino ultra-sexy’ et elle vivait peut-être son fantasme en ce-moment mais il n’y avait rien d’intentionnel, même pas pour rendre jalouse ses copines. Elle était redevenue normale, voire même gentille. Nina c’était la fille chiante que tous les mecs dans les sitcoms détestent parce qu’elle leur rendait la vie dure en oscillant entre chaud-froid tout le temps. Elle était de nouveau curieuse. Il avait l’air si chill de nature et ça contrastait tellement avec la boule de nerfs qu’elle était. Il l’intriguait beaucoup et elle donnait l’impression de vouloir le brancher, maintenant. « Ça fait longtemps que t’es célibataire ? »

Nina vient s’installer à côté de toi et elle ne loupe pas une miette de ce que t’es en train de faire. Ca te fait sourire. Elle dit que ça lui fait penser à elle. Vous êtes donc sur la même longueur d’ondes tous les deux. Tu n’aurais pas voulu choquer une pauvre petite âme. Non. Nina a l’air assez relax pour avoir le même genre d’idées que toi. Un point pour elle. Par contre quand elle parle de « boyfriend - pas boyfriend » tu roules un peu des yeux, sauf que ça se voit pas avec tes lunettes de soleil sur le nez. Tu sais pas vraiment quoi répondre à ça. Elle enchaîne disant qu’il te fait sourire particulièrement et tu la crois pas. Tu souris pas de manière spéciale pour lui. Pas du tout. Tu souris normalement. Elle veut le voir. Oh god. Si tu lui montres tu vas approuver qu’il s’agit d’un mec spécial alors que ce n’est pas le cas. Enfin, t’es sûr ? Elle se met de la crème et tu files sur le snap de Danny pour lui montrer.

« C’est pas mon boyfriend. »

T’insistes parce que c’est important qu’elle le comprenne.

« He’s just my favorite guy to fuck. »

Voilà une chose bien vraie. Tu n’avais jamais vraiment mis de mots sur ce qu’était Danny mais visiblement t’as vu juste là. Bonne réponse. T’es pas peu fière de toi. Tu lui passes ton téléphone pour qu’elle puisse le voir. Tu t’attends à ce qu’elle fasse des remarques comme quoi il est jeune mais tu t’en fou depuis le temps. Et puis il fait pas si jeune que ça sur ses derniers snap.

Elle veut que tu lui mettes de la crème dans le dos et t’es pas dupe, elle veut tes mains sur elle. Peut être que tout ce « boy on boy action » qu’elle a pu s’imaginer entre Danny et toi l’a fait frétiller. T’es trop gentil, tu lui passes ta glace pas encore terminée, tu lui prends sa crème et tu te rapproches d’elle pour lui en mettre dans le dos. Tu fais ça bien, parce que t’es aussi du genre à bien protéger ta peau. Tu t’en es mis y’a pas si longtemps, donc tu es encore safe pour ta part. Mais ouais, c’est important la crème. Tu lui en mets bien sur les épaules, la nuque, tout ça c’est du plus, elle t’avait demandé que le dos, mais ça fait parti du package selon toi. Et t’as pas fait attention si elle s’en était mis là déjà. Bref tu fais ça bien. Jusqu’au haut de ses fesses. Tu termines et elle te demande depuis quand t’es célibataire. Ca te fait marrer.

« Depuis toujours. »

Tu te rassois sur ta serviette à côté d’elle alors que tu récupères ta glace.

« Pourquoi ? T’es intéressé ? Tu veux être celle qui va me faire changer ? »

Ca te fait rire. Si y’a bien une chose qui est sûr, c’est que c’est pas une fille qui te fera changer. Les filles c’est fun, mais pas autant que les mecs. Beaucoup trop prise de tête à ton goût.

« Me dit pas qu’il a juste fallut que je te mette de la crème pour que tu tombes sous mon charme. »

Tu plaisantes bien évidemment.

« Ah nan je sais, ça doit être mon accent. »

Tu sors tous les clichés possibles.

Il nie complètement avoir un boyfriend, comme plus tôt quand son pote le charriait, et un petit sourire en coin naît sur son visage. Il insistait beaucoup pour quelqu’un d’aussi détaché mais elle se faisait peut-être des idées. Quelque chose lui disait qu’il ne devait pas avoir de problèmes d’attaches, contrairement à elle, vu la façon dont il se référait à ce type. Elle attrape le téléphone qu’il lui tend et elle regarde la photo sur l’écran. « Tu te gaves, Andy. » lâche-t-elle, avec un air appréciateur. Le garçon est mignon, peut-être pas son genre à la base, mais il avait vraiment un truc. Elle lui redonne son portable. « C’est marrant le contraste entre toi, plutôt brun, ténébreux et lui, avec sa bouille d’ange. Mais j’imagine que ça cache un côté bien naughty, pour qu’il puisse être ton favori. » Elle lui lance un regard entendu. Ils venaient à peine de se rencontrer mais ils parlaient déjà sexe ensemble, preuve qu’il se prenait pas la tête avec ça. Les mecs de son entourage étaient plutôt soit secrets soit gênés quand le sujet venait sur la table. Le soleil est seul sur la grande étendue azur, même les mouettes ne s’y osent pas. Elles connaîtraient le même sort qu’Icare puisqu’il n’y a pas l’ombre d’un nuage et que son rayonnement est intense. Si à l’instant T, elle voulait simplement éviter de rougir comme une écrevisse, elle pense aussi à long terme. Elle veut éviter le vieillissement précoce de sa peau, les rides marquées et si possible les cancers cutanés alors l’étape application de crème solaire est sacrée. Elle tient sa glace, c’est le seul effort qu’il lui a demandé en échange. Sans rien dire, elle profite du massage qu’il lui offre pendant qu’elle observe les alentours. La plage est tranquille. La plupart des gens sont tranquillement sous leurs parasols mais quelques uns se sont osés à une baignade en plein cagnard. Elle voit les petites silhouettes noires, dans l’eau toute calme, sans même une once de houle pour les agiter. C’est là qu’elle se dit qu’il n’y a que l’argument de proximité qui avait pu la convaincre de venir sur la plage artificielle de Brisbane. Dès que son emploi du temps le permettrait, elle devait refaire une virée le catamaran des Brownson. Il fallait profiter de l'océan autant qu'on le pouvait, vu la vitesse à laquelle l’été filait. Elle aurait même embarqué Andy, s’il acceptait qu’elle l’emploie pour encore la tartiner de crème. « Merci. » Il fallait l’avouer, il faisait vraiment ça bien. Et points bonus, il la divertissait. Sa réponse avait de quoi lui faire hausser un sourcil. Jamais en couple ? Elle voulait juste le taquiner et non pas partir dans un débat sur le célibat. De toute façon, sa situation à elle était bien trop spéciale et elle n’était sûrement pas la mieux placée pour défendre la vie à deux. Son couple, c’était à la fois son port de plaisance et la vague qui menaçait de submerger le navire, la bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher alors qu’il était la tempête qui avait causé le naufrage. Et c’était aussi bien le sel que le pansement sur ses blessures, quand elle finissait pas s’échouer sur le rivage comme une épave, brisée en mille morceaux par le ressac, épuisée par les batailles qu’elle avaient menées, au large. Il faisait d’elle une meilleure femme de jour en jour, tout en stimulant ses plus bas instincts. Il faisait d’elle un tout et son contraire. Elle devait être bien loin du modèle de couple stable et équilibré, donc non, loin d’elle l’idée de le changer. « Hm… si j’avais mes chances, peut-être. J’aime bien les challenges. » répondit-elle, d’un ton tout à fait détaché, sans même lui accorder un regard. Toute sourire, elle faisait mine de réfléchir. Lui aussi tentait de trouver une explication à son revirement soudain. « Exactement, Andy, quand j’ai vu tes mains et j’ai direct su que t’étais habile de tes dix doigts. Ça m’a rendue toute chose… si tu savais ce qui m’est passé par la tête. » répliqua-t-elle, son sourire et ses yeux malicieux appuyant l’ambiguïté de sa phrase, alors que sa tête pivote pour lui jeter un regard. Ses sarcasmes sont bien moins grinçants que les premiers qu'elle lui a servi. Il tente de trouver une autre explication qui la fait glousser. « Ton accent ?! Non, essaye encore. » Ils reprennent leur place, après qu’ils aient échangé à l’échange cône-spray de crème solaire. Elle ré-arrange sa serviette pour que l’installation y soit plus confortable et mets quelques secondes avant de trouver une position qui lui convient. « C’est ce qui fait craquer les gens d’habitude ? » Elle finit par s’allonger sur le dos, lassée de sa position de sirène languissante. Elle ferme les yeux, appréciant la chaleur que sa peau absorbe. « Je serai intéressée si je n’avais déjà pas deux garçons à gérer. » Un long soupir lui échappa, sans qu’elle ne puisse le contenir. Ces histoires lui pesaient sur la conscience mais ce n’était ni le lieu, ni le moment, ni la personne avec qui en parler. « Il faudrait que tu m’apprennes à faire du Andy. Pouvoir me la jouer sans attaches, et tout, ça me simplifierait vraiment la vie. »