Seung me sort que j’ai l’air de m’y connaître et que, du coup, il me fait confiance. Sur le coup, je sais pas trop comment le prendre. Il me traite un peu de mec facile, genre. Mais je choisi de laisser couler. Après tout, je m’y connais déjà pas mal plus que lui, c’est certain. Je lui souris simplement, hyper reconnaissant pour ces toasts sur la terrasse. Le soleil est agréable. Puis c’est toujours mieux de pas être seul quand on se réveille avec la gueule de bois. Je lui dis que je suis content pour lui. Je le pense, mieux tard que jamais. Surtout qu’il n’est pas encore trop tard, il a encore tout plein de vie devant lui pour kiffer tout ça. « J'espère sincèrement que tu dis vrai... J'ai vécu tellement longtemps faisant semblant d'être quelqu'un d'autre, que je ne sais plus ce qu'être moi veut vraiment dire... j'imagine que je me redécouvrirai avec le temps. » J’acquiesce. J’y avais pas pensé, en vrai, mais il a raison. Je peux imaginer qu’on se perde de vue, à force de vivre toute sa vie dans le mensonge. Tiens, ça met en défaut le célèbre fake it, ‘till you make it : il n’est pas devenu hétéro, malgré des années à prétendre le contraire. Mais il doit être bien confus quand même.  « Ouais, laisse faire le temps. » Je sais pas quoi dire d’autre, même si c’est vrai que si c’est pour dire ça, autant ne rien dire. Au moins il sait que je compatis, quoi. En plus je pense réellement qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour se découvrir d’autre que laisser passer le temps et les évènements de la vie, tout ça.

Je lui demande s’il va en parler à Leonardo. Après tout, c’est quand même le mec par excellence qui a le droit de savoir. Ça n’aurait pas de sens pour notre trio de potes, de toute façon, qu’on garde un truc secret. J’avoue que je me dis que ça change un peu rien mais peut-être que je me rend pas compte. Pour moi, c’est juste un truc qu’il faut qu’il dise parce que ça fait partie de qui il est mais ça n’a pas tellement de conséquences. Autre que la possibilité d’enfin pouvoir partager avec lui nos crushs cinématographiques. « Maintenant que je te l'ai dit, ce serait étrange de ne pas lui en parler... Je vais essayer dans pas long, je voudrais pas que tu te sentes mal de garder mon secret envers lui. » Ça va, on est sur la même longueur d’onde : on garde pas ça secret. « Nickel ! En plus, ça te fait un peu d’entrainement avant de le dire à tes parents. Même si c’est triché de faire son coming out à un gay, vu que par définition, il est mal placé pour te renier. » C’est vrai quoi, ce serait l’hôpital qui se fout de la charité. Y aurait peut-être le côté ‘mensonge’ qui pourrait l’embêter mais à partir du moment où Seung se mentait même à lui-même, l’argument vaut pas.

Je vois bien que Seung est dans le sommeil. Ses yeux se ferment presque tout seuls. Alors je termine rapidement mon petit-dej puis je lui dis. « Je vais pas traîner, moi. » J’aimerais même me téléporter à la maison pour prendre une douche chez moi. Je sais pas trop ce que je ferais après, peut-être mater des séries ou faire la sieste au bord de la piscine. Un dimanche tranquille quoi. « Merci beaucoup de m’avoir hébergé en tout cas ! Je t’en dois une. » De faveur. L’héberger chez moi c’est pas une option comme retour d’ascenseur mais on trouvera bien autre chose. Je me lève et je retourne mettre mes fringues – qui sentent toujours aussi mauvais – dans le salon. Ça va, c’est seulement le temps du trajet en métro et je croiserai sûrement personne. « On se capte dans pas longtemps ? Repose toi bien ! » Et sur, ce, je m’en vais avec un seul objectif en tête : ma douche.