On lui avait pourtant répété 1000 fois de ne pas sortir avec son pin’s de la police de Brisbane. 1000 fois si ce n’est plus qu’il avait fait semblant d’écouter. Maintenant, ça lui valait des ennuis.

Archibald avait déjà fait pas mal de choses dans cette nouvelle ville. Hormis la plus évidente : sortir dans les rues et découvrir la vie nocturne, ses flash et ses adeptes.
Les premières semaines de son emménagement devaient se passer au calme selon lui, alors il sortait le plus souvent loin des lumières et des musiques endiablées de la nuit australienne. La plupart du temps, pour lire sous les étoiles. Désormais, il avait envie de les rencontrer et de les côtoyer. Il n’allait pas s’amuser comme il le ferait à l’accoutumer, ce n’était jamais très amusant de sortir ainsi que de boire seul…
Pour l’instant, il ne connaissait personne, il ne ferait que découvrir et peut-être repérer les endroits où il ferait la fête avec du monde, quelqu’un, n’importe, à l’occasion. Il avait particulièrement envie de se constituer un entourage bien qu'il était assez sauvage, au premier abord.

Ford ne pensait sortir seulement que pour une petite heure mais son tour fut si long qu’à minuit il se trouvait toujours dehors. Un léger air frais commençait à se faire ressentir, surtout parce qu’il avait totalement omis de mettre une veste ou de se vêtir plus chaudement. Habillé d’une simple chemise bleu pâle un peu trop grande -dans laquelle il nageait- et d’un pantalon blanc cassé, il déambulait dans les rues. Archi, sauvage, faisait un effort colossal en sortant avec lui-même pour seul compagnie : il détestait ça, usuellement.

Fortitude Valley.

Un quartier dans lequel il n’avait jamais mis les pieds, ça ne pouvait qu’être intéressant.
Heureux d’en découvrir un peu plus, Ford s’empressa de se diriger vers une rue où les lumières fusaient de tous les côtés. Il s’agissait probablement de l’endroit où se trouvaient tous les bars et toutes les boîtes de nuit. C’était sans doute le plus intéressant car son objectif était de s’amuser au maximum malgré son nouveau poste et sa maladresse. Il fallait bien que jeunesse se passe même si au fond, elle était passée.
Intérieurement, il se disait que cela allait être ici qu’il allait vivre ses meilleures soirées, faire ses plus belles rencontres,… En somme, il rêvassait déjà à la vie qu’il allait sûrement mené d’ici les mois à venir. Un sourire béat sur son visage, il s’arrêta devant la boîte de nuit. Pas question, d’y mettre les pieds tout seul, il n’aimait pas la foule de base, alors sans personne avec qui l’affronter ce n’était pas la peine. Il était loin d’être agoraphobe ou une autre bêtise du genre, simplement quand c’est trop et bien… c’est trop. Au moins, il se contenter d’admirer la bâtisse de l’Electric Playground, les mains dans les poches.

« Eh, mec, t’as pas une clope ? » s’exclama un homme qui semblait légèrement plus âgé que lui. Plus grand, aussi… Malheureusement pour lui, Archibald ne fumait pas, il se contenta d’un simple mouvement de tête et d’un « Non, désolé. » avant de commencer à reprendre sa route. Mais c’est à cet instant que l'inconnu attrapa son poignet de manière assez violente afin qu’il se tourne de nouveau vers lui.
« Oh, l’autre ! Il a un pin’s de la police. Tu crains ! » La suite de ses paroles ne sera pas retranscrite tant les mots étaient injurieux. Sur sa probabilité à être gay, sur la police, les deux mélangées,...
Ford s’était laissé faire toute sa vie mais pas cette fois. C’était un nouvel environnement, il fallait qu’il assume et agisse en conséquence. Il fronça les sourcils avant de tirer vigoureusement sur son bras de sorte à ce que le colosse le lâche. « Dégage. » siffla le plus jeune d'une manière très froide et sèche. Quel idiot mais quel idiot… Il ne savait absolument pas se battre, il avait deux mains gauches et voilà qu’il se la jouait James Bond.

Première droite pour notre très cher Archibald qui se retrouva avec une légère pointe de sang sous le nez. Merde. Sa tête commençait à tourner et ses repères avec. Il ferma ainsi les yeux quelques secondes afin de ne pas perdre pied. 1, 2, 3... Un grand souffle. Ça allait un peu mieux.
« Mais ça va pas ? » s’exclama Ford avant de commencer à pousser le bonhomme, encore et encore. Il savait qu’il allait s’en reprendre une mais ce n’était pas grave. Finalement, il tenta de lui donner un  coup, dans le ventre, mais ce fut un échec cuisant. Dans toute sa perversité et brutalité, l'homme se mit à rire. Cela devait être un soulard qui cherchait des proies faciles à attraper la nuit. Certains trouvaient une certaine complaisance, contentement dans le fait de brusquer autrui. C'est d'ailleurs ce qu'avait appris Archi' lors de ses études et cette fois, il n'agissait pas en bonne et due forme. Après tout, il faut bien se forger un moment ou à un autre de sa vie ? Ce soir, c'était bel et bien le moment pour l'Agent Ford. Il fallait que quelqu'un s'interpose, car dans une situation comme celle-ci, notre petit brun allait rapidement se retrouver au tapis.

Alors, voilà, Archibald Ford, criminologue débutant, prit dans une bagarre en plein Brisbane. Quelle plaie…

Je n'ai jamais bien aimé les boites de nuit. Simplement parce qu'il y avait toujours des gens que l'on peut qualifier de bizarre. Même plus jeune, je passais plus de temps à sortir au cinéma ou encore au bowling qu'aller danser en boite de nuit. Et maintenant que j'avais la quarantaine, ça n'allait pas bien changer. Mais je pouvais quand même supporter l'idée d'aller boire dans un bar pendant quelques temps.

Et à 21h, ça faisait déjà quelques temps que j'étais là. Peut-être une heure ou deux. J'avais enchaîné quelques verres mais pas au point de ne plus pouvoir me lever ou parler plutôt correctement. Et je ne voulais pas vraiment m'éterniser dans un tel endroit. Je finissais mon verre et me redressais de ma chaise pour enfiler ma veste en cuir.

J'adorais Brisbane. Autant les paysages que les gens que je pouvais y croiser. Mes amis, ma famille. Et j'étais plutôt content de ne pas avoir de difficulté à me faire de nouveaux amis. Aussi vieux ou jeunes soient-ils. Je payais alors mes consommations et sortais du bar adjacent à la boite de nuit.
La musique pouvait être entendu à des pâtés de maisons plus loin. Une file d'attente devant indiquait que beaucoup de personne voulait encore entrer à l'intérieur. Les boites de nuit sont toujours sélectives malgré le fait que rien n'était vraiment propice à autant de sélectivité.

Marchant simplement dans la rue, je passais à côté de la fille et continuait mon chemin sans vraiment m'intéresser à ce qui pouvait bien se passer autour de moi. Et ça, c'était jusqu'à tourner dans l'angle de la rue et de tomber sur deux personnes en train de se battre. L'un était visiblement déjà ivre alors que l'autre était plutôt frêle et ne savait visiblement pas se battre correctement.

Je n'ai jamais su vraiment me battre moi-même. Toutefois, je n'allais pas attendre patiemment qu'un homme en se fasse mettre au tapis. Je n'étais pas non plus comme ça. Je soupirais un peu et décida de venir trottiner vers les deux et m'interposais déjà. Seul hic, un coup de poing que je n'avais déjà pas vu venir. Je grogne avec force en tenant mon nez.

- Tu frappes toujours les gens qui t'aident, toi ??

Je viens finalement repousser le plus vieux, qui titube d'ailleurs avant de tomber sur ces fesses sur le trottoir. Pas de sang sur mon nez mais une douleur vive que je retiendrai la prochaine fois que je voudrais aider quelqu'un. Je fouille dans ma veste pour sortir un paquet de mouchoir. Je lui tend déjà.

- Tiens. Pour ton nez... Tu vas bien ?

Contrairement à moi, lui a fini par saigner du nez. Vu la carrure de l'autre idiot, pas compliqué pour lui de lui avoir arraché les premières gouttes de sang.

Il ne comprend pas, Archibald. Il ne comprend pas pourquoi ces situations sont toujours là, bras ouverts, à l’attendre au tournant. Il n’est pas un garçon à problème, loin de là, juste un petit peu insolent et joueur mais jamais au point de se retrouver en train de se battre en pleine rue. Ford trouvait même la situation ridicule, il avait honte. Il ne savait même pas correctement enchainer deux coups de poing, il n’avait aucune chance. Il avait presque envie de fermer les yeux et d’attendre que le coup soit dégainé, tomber peut-être au sol, et se retrouver tout seul, tranquille.

Archibald ne se décourage pas, il continue, il le repousse, tente d’esquiver et c’est lorsqu’il prend assez de courage pour envoyer son poing dans la figure du loubard, que celui-ci se retrouve dans le visage de l’homme qui venait de s’interposer entre eux. Il ne l’avait pas vraiment remarqué, perdu et prit de court par l’émotion, l’adrénaline, il avait omis qu’il existait un monde autour d’eux.

Un grognement, Archibald se sent presque rougir alors que son sourire et mi-amusé, mi-apeuré. Il le remarque, plus âgé, barbu, pas plus grand que lui mais assez imposant pour d’être interposé. « Tu frappes toujours les gens qui t'aident, toi ?? »  Il bafouille quelques mots incompréhensibles avant de siffler d’un ton sarcastique :

« Ça m’arrive de temps en temps… J’y éprouve même un certain plaisir. »

Lorsque son ‘sauveur’ lui tend un mouchoir, il se contente d’acquiescer tout en murmurant un petit « merci », il ne comprend pas vraiment. Bouleversé, Archibald a du mal à tout remettre dans son contexte, à recoller tous les morceaux de moment, à enlever ce voile flou.

Une chaleur vint trouver place sur son philtrum, la fossette au-dessus de sa lèvre supérieure. Par ailleurs, on l’appelle aussi l’empreinte de l’ange, il le sait, Archibald, il aime les petites légendes et croyances. Il n’a pourtant pas le temps d’y repenser, il se focalise sur cette chaleur, ainsi, il passe le mouchoir de son inconnu dessus et… surprise lorsqu’il remarque le liquide rougeâtre imbiber le papier. Ford manque de tourner de l’œil, il déteste le sang. Il détourne le regard, l’air dégouté, il ne voulait pas faillir devant cette nouvelle rencontre.

« Ça va, ça va... J’espère que vous aussi. Merci beaucoup. Et, par la même occasion je m’appelle —.. » Archibald allait se présenter, décliner son identité, mais c’est à cet instant que l’homme à terre se redressa pour prendre Paul -dont Archi’ ne connait pas encore le prénom- en traître. Poing levé, l’air énervé, il s’approche en titubant dangereusement, prêt à se venger des deux hommes.

« Attention ! » hurla le plus jeune avant de se jeter sur le type, ivre, qui tombe à nouveau. « On devrait se tirer. » proposa Ford, perspicace, sans même avoir la moindre idée d’où ils pourraient aller ou faire. Mais ils avaient tout le temps d’y réfléchir quand ils seraient tranquilles. De fait, sans vraiment connecter ses deux neurones et dans un nouveau réflexe de précaution, il attrapa la main de son homologue afin de le tirer pour trouver de nouveaux repères et un endroit plus… sûr.

Putain, pensa-t-il, même pas deux semaines que je suis là et c’est déjà le bordel. J’ai bien besoin de m’amuser.

Alors, à deux, ils allaient sûrement s’embarquer dans une soirée mémorable de galère. Enfin.. seulement si Paul était prêt à suivre notre cher 'petit' protagoniste.

Je ne savais pas que le nez était une zone si sensible. Bon, un coup de poing ne peut qu'être douloureux mais bon. Je le laisse prendre le mouchoir pour s'occuper de son nez. Autant dire que le laisser se vider de son sang n'était pas la bonne solution.

- Qu'est ce qui s'est passé ? Pourquoi vous vous battiez avec cet ivrogne?

Je veux dire. Il n'a pas l'air bien épais et plutôt jeune. Pas le genre à vouloir sauter sur le premier venu pour lui éclater la tête.
Mais je le vois blanchir un peu et j'en déduis rapidement que le sang le dérange plutôt pas mal. Autant vérifié qu'il ne tourne pas de l'oeil, celui là. Je le regarde et hoche la tête alors qu'il allait me donner son nom. Mais il se stoppe et se met à crier. Je sursaute et me décale d'une vitesse rapide. Suffisamment rapidement pour le voir lui sauter dessus. Il tombe à nouveau et avant même que je ne dis quoi que ce soit, il attrape ma main et me tire pour s'en aller.
Je trottine simplement avec lui sans trop savoir où il m’emmène, celui-là. Je comprends qu'il veuille fuir mais bon. J'aimerai au moins savoir où l'on va avec tout ça.

On s'enfonce un peu plus dans les rues et les boites de nuit s'enchaînent pas mal ici. Je rigole doucement mais quand il s'apprête à traverser la route.

- Hey ! Regarde où tu vas !

Je resserre fermement sa main et le tire dans mon sens, suffisamment fort pour qu'on recule sur le trottoirs. Un bus passe à fond devant nous et je perd l'équilibre pour m'écraser sur le sol. Je couine en grognant avec force.

- Rappelle moi de ne pas te suivre quand tu traverses la route !

Il est fou à ne pas regarder devant lui. Je soupire avec force et frotte mon visage avec lenteur. Bon, je pense que la soirée va être plutôt mouvementé avec lui. Je me redresse un peu et frotte mon jean.

- Rappelle moi ton nom au fait ?

Archibald tenait son nez dans le mouchoir. Le sang s’étalait sur le papier, transformant petit à petit tout le blanc en une couleur rouge. Finalement, lorsque le mouchoir fut rempli l’hémorragie s’arrêta au plus grand bonheur du jeune qui laissa s’échapper un soupir de soulagement. Il glissa donc cette chose dans sa poche arrière.

« Il m’a insulté et je ne sais pas… j’ai répondu. Je ne voulais pas me laisser faire, pour une fois. »

C’était la vérité. Il s’était toujours écrasé, toujours. Mais depuis quelques temps il faisait de son mieux pour changer, une nouvelle ville est signe d’une nouvelle vie, non ? « Je sais que c’est idiot. » finit par avouer Archibald dans sa course. Une course vers un endroit encore inconnu pour nos deux protagonistes. Les lumières et néons illuminent le chemin dans des éclats de couleurs, bleu, rouge, vert, violet… Les musiques changent à chaque bar et boite de nuit différente, tout va très vite, presque trop vite mais ça l’amuse, ça l’émancipe, il n’est pas seul.

Bien entendu, toujours aussi maladroit, il pose son pied sur le goudron de la route quittant bientôt les trottoirs de rues piétonnes. Soudainement, il sent une force lui tirer le bras, évidemment, il s’agit de l’inconnu qu’il vient de rencontrer : par deux fois, ce soir, il lui sauve la vie.

L’adrénaline le prend et c’est en se retrouvant de nouveau sur le trottoir qu’il explose de rire, encore plus lorsque son corps se retrouve au sol, aux côtés de sa nouvelle rencontre. Il ne voit pas le mal ni le danger de la situation. Il préfère tourner tout cela en quelque chose de positif et d’agréable. Après tout, il n’était plus le seul à avoir l’air idiot maintenant que Paul les avait entrainés dans une chute.  

« Va falloir que tu songes à t’acheter de l’équilibre, toi. » siffle Archibald avant de se redresser à son tour, frottant sa chemise. « Faut toujours me suivre, juste parfois je fais quelques bêtises, ça arrive.. ! » Il lui adresse désormais un sourire assez joueur ; ils n’étaient pas au bout de leurs surprises. Une soirée qui commence aussi… bien -ironiquement- reste souvent sur ce même fil conducteur.

« Archibald. Archibald Ford. Et toi ? » répond le jeune criminologue tout en venant lui tendre sa main. C’était sa première rencontre, ici. Au fond, ça lui faisait plaisir, que ça tombe sur lui-même si ça, il n’allait pas l’avouer de ci-tôt. « Ça te dis qu'on aille prendre un verre ou qu'on aille en boîte ou j'en sais rien ? Histoire de te remercier de m'avoir... sauvé. Plutôt ironique qu'un civil sauve un agent. » et de sa main libre, Archibald replace sa masse brune en arrière, dévoilant un peu mieux ses yeux bleus et son visage plus détendu qu'à l'initiale...

Il se met à rire et je ne comprends pas vraiment sa façon de penser à ce moment précis. Mais je pense surtout à mon cul. J'ai mal. Deux fois de suite et je préférerais éviter de me casser le coxis. A mon âge, c'est assez fréquent. Et il trouve encore le moyen de se foutre de ma gueule. Je le fixe et fini par éclater de rire. Qu'il est con celui là.

- Moi de l'équilibre, toi le fait de regarder avant de traverser.

Parce que bon, au mieux je me casse un truc. Lui, au pire, il se tue sous les roues d'une voiture. Autant dire que je préférerais éviter ce cas de figure. Avoir à venir reconnaître quelqu'un dans cet état. Non, merci. Je me redresse alors avec lenteur et frotte mon jean. Bof, de toute façon, je suis déjà bien crade. Alors, autant faire avec. Ca arrive souvent en une soirée, j'ai l'impression. Mettons ça sur le compte de la malchance, tiens.
Je regarde sa main alors qu'il se présente. Je souris avec douceur et prend finalement sa main pour la serrer en retour et conclure la présentation.

- Paul Price.

Il ne m'a pas l'air d'être ici. Mais bon, personne n'a l'air de venir d'un endroit. Même si j'étais originaire de Brisbane, rien ne disait sur mon visage que c'était le cas. Mais le dénommé Archibald ne voulait pas finir la soirée aussi facilement que deux pseudo commissions du coxis. Boire un verre. Je regarde ma montre et hoche finalement la tête.

- Pourquoi pas. Je suis plutôt adepte du bar que de la boite de nuit. Si ça te va ?

Je n'avais jamais été vraiment en boite de nuit. Trop de musique trop forte, des gens qui se collent. Non, franchement pas ma tasse de thé. Je glisse les mains dans les poches de ma veste et viens me tourner vers la rue. Histoire de voir au moins où on se trouve. Que je puisse me repérer.

- Je connais un bar pas très loin. Tu viens d'où ? Pas de Brisbane, si ?

Je glissais un sourire sur mon visage. Je n'étais pas la personne la moins sociable qui soit. Aussi, je crois que je serais l'un des seuls qui serait venu vers lui pour l'aider avec l'autre ivrogne. En soit, je ne dis pas qu'il a bien fait de tomber sur moi. Mais vaut mieux moi que personne d'autres.

- Sauve un agent ? Tu es agent de police ?

Oui, mon cerveau vient tout juste de processer sa dernière phrase. Je prends mes cigarettes dans ma poche. J'en suis réduis à que quelques unes par jours. Edge m'aide sur ce sujet. Mauvaise habitude que je n'aurai pas du reprendre. J'en propose une à mon amis de la soirée.

- Je ne sais pas si tu fumes ?

Archibald n’est pas vraiment dans son assiette, à l’intérieur. Ses pensées se bousculent et s’entrechoquent ; il se rend compte que ce n’est pas la première fois et que si ça continue sur cette lancée il allait véritablement finir à l’hôpital après que son visage ait sympathisé avec le béton du trottoir. Il caresse doucement sa propre joue, même s’il semble plus détendu il est livide, il a peur de mal faire devant Paul. Il ne le connait pas mais c’est la première personne à Brisbane qui le remarque et qui lui tend la main. Par ailleurs, le rire de l’homme le fait sourire. Même si Archibald se sent un peu déboussolé, il arrive encore à faire de l’humour. C’est un bon point.

Le plus âgé finit par lui donner son nom et son prénom après l'avoir taquiné, Paul Price ; ça sonne bien, il pourrait peut-être même faire quelques blagues et jeux de mots. Mais il allait lui épargner ce supplice pour le moment. Au moins, il n’en avait pas entendu parler au commissariat et ça, c’était d’autant plus rassurant.
« S’il y a toujours un Paul Price pour venir me rattraper avant que je traverse, ça ne me pose aucun problème de ne pas regarder. » annonça Ford avant d’hausser les épaules tout en serrant doucement la grande main de son homologue entre ses fins doigts. Belles présentations même si Archibald semble presque nerveux. En même temps, une nouvelle rencontre c’est toujours assez stressant et encore plus lorsque celle-ci se fait d’une manière assez improbable. « À vrai dire, tu me fais plaisir, je suis assez sceptique en ce qui concerne les boîtes de nuit. Je n’y suis allé que deux ou trois fois et j’ai totalement oublié la soirée le lendemain, alors… Va pour le bar ! »

C’est vrai, à chaque fois que Ford s’était rendu dans une boîte de nuit il s’était retrouvé totalement perdu le lendemain matin et se souvenait que partiellement de la soirée. Les oreilles qui bourdonnaient encore de la veille et l’extinction de voix dû au fait de devoir parler encore et toujours plus fort que ces satanées basses. Les expériences n’étaient peut-être pas agréables car il n’y était jamais allé avec les bonnes personnes ? Quoiqu’il en soit, pour faire connaissance il valait mieux être dans un endroit moins bruyant. Certes un fond de musique était recommandé mais les stroboscopes et les enceintes étaient de trop. Soudainement, Ford fronça les sourcils, peut-être qu’il embêtait ce pauvre monsieur à lui proposer un verre et qu’il était trop poli pour refuser..?

« Je viens de pas très loin, à une heure et demie d’ici. De Byron Bay. J’ai été comment dire… euhm, transféré ici, pour exercer. »  Il lui sourit, presque tendrement avant que ses yeux ne se posent finalement sur son visage. Il détaille Paul pendant quelques secondes. Cet homme possède quelque chose de spécial et de chaleureux, quelque chose de rassurant. Mais, il a besoin de s’amuser, il a besoin de s’amuser tout comme Archi’ et ça se sent.

Lui qui passait ses journées à sonder les gens, il fut surpris de se rendre compte qu’il ne pouvait pas tirer quelque chose de plus que ces grandes lignes. Idiot ! Ne commence pas à vouloir le cerner !
« Agent de police c’est un grand mot mais… » il se pencha un peu plus vers Paul, pour lui souffler, comme dans une confidence, « … moi j’adore qu’on m’appelle agent Ford, j’ai l’impression d’être dans une série avec mon uniforme et ma petite plaque. » et il laissa s’échapper un léger rire d’entre ses lippes avant de se redresser pour ajouter : « Je suis criminologue. Toi t’as l’air d’être dans quelque chose de plus calme, à ce que je peux constater. » et son regard bleu l’inspecta de nouveau, de haut en bas, un sourcil haussé. Le jeune homme hocha la tête. Oui, assurément, il bosse dans quelque chose de calme. « Papy. » Le côté joueur commence à revenir, tiens, il n’aura pas été traumatisé si longtemps que cela.

« Je, euh.. » Archibald ne fume pas, jamais. Mais il refuse de passer pour un gosse, encore. À presque 30 ans, il peut très bien s’en griller une et personne ne pouvait rien lui redire ; à Byron Bay on l’aurait moussé pour cela. « Allez. » et il attrapa la cigarette qu’il glissa entre ses lèvres. De nouveau, son regard se posa sur Paul pour demander tout en jouant doublement, « tu me l’allumes, papy ? »

Un Paul Price pour venir le rattraper. Je me met à rire avec lenteur et agite la tête de droite à gauche. Mais qu'elle est bête, celui-là. Pas sûr que je sois toujours là pour venir le sauver s'il risque de se faire renverser toutes les cinq minutes.
Bon, ça me rassure toutefois lorsqu'il me dit qu'il préfère les bar aux boites de nuit. Mais s'il a passé des soirées en boite de nuit jusqu'à perdre la mémoire, c'est qu'il n'a pas fait que danser. Il a surtout du boire une quantité astronomique d'alcool. Je ricane bêtement.

- En même temps, si tu enchaînes les shots, pas sûr que tu puisses te souvenir de la veille !

Il avait l'air un peu paumé, au final. Pour moi, ça n'avait pas été bien compliqué de me rendre compte qu'il n'était pas de Brisbane. Du moins, pas originaire. Brisbane était grand mais quand on vivait depuis toujours ici, on pouvait se repérer assez facilement. Une heure et demi. Je ne connais pas Byron Bay. Mais il a l'air assez vague. Autant dire que je ne préfère pas l'intimidé non plus.

- D'accord. Je ne connais pas Byron Bay. C'est joli ?

Inutile de le questionner sur son transfère. Agent de police? Un grand mot. J'avais toujours été admiratif des personnes qui faisaient ce type de métier. Simplement parce qu'il fallait être courageux, ne pas avoir peur de perdre la vie assez facilement. Moi ? Faire ça. Non. Jamais. En tout cas, Archibald a l'air d'être quelqu'un de plutôt marrant. Malgré la différence d'âge plutôt visible entre nous deux. Je rigole sans attendre et ajoute déjà.

- Eh bah, tu dois t'amuser au pieu avec ta petite plaque.

Il ne fallait pas s'attendre à ce que je taise. J'aime bien les blagues graveleuses et c'est plutôt recherché. Si Archibald aime bien qu'on l'appelle Agent Ford, j'imagine qu'avec une conquête, il ne doit pas trop se gêner. Mais il me donne plus d'information sur lui. Un criminologue.

- Oh, tu étudies donc les gens par leurs physiques et autres pour essayer d'avoir un profil ? Ce genre de chose ?

D'où la raison pour laquelle il me fixe un peu. Mais il n'a pas tord dans ce qu'il dit. Un job calme. C'est un peu le cas. Mais ce petit con m'appelle Papy. J'arque un sourcil avant de rigoler à nouveau.

- Je suis professeur des écoles. Calme de temps en temps. Et tu vas voir Papy.

Ma question quant à la cigarette le fait un peu beuguer. Est-ce qu'il fume vraiment ou est-ce qu'il a peur d'avoir l'air con ? Les plus jeunes sont tellement influençable. Je penche la tête et ajoute.

- Tu n'es pas obligé d'accepter. Si tu ne fumes pas, je ne t'en voudrais pas.

Je viens allumer la mienne et arque une nouvelle fois un sourcil quand il m'appelle encore Papy. J'allume finalement la sienne et lui met une légère tape sur l'épaule. Papy. Qu'il aille se faire voir, le petit con. Je me met en route pour pouvoir aller vers un bar. C'était à l'origine ce que l'on voulait faire. Autant éviter de rester comme des cons dans la rue.

- Allez, on y va espèce d'andouille. Et encore un papy et je te ramène à l'ivrogne par la peau du cul.

Peu de chance qu'on le retrouver réellement mais bon. Je marche avec lui et glisse ma main dans ma veste, l'autre tenant ma cigarette. Il y avait un bar juste au coin de la rue. Et on pouvait déjà voir la devanture. Je ricane.

- Celui-là est pas trop mal fréquenté. Peu de risque que l'Agent Ford ne vienne à se servir de ses mains.

Musique

Archibald est de plus en plus, pas à pas, apaisé aux côtés de Paul. Il le fait rire, son ricanement idiot illuminerait presque la soirée du criminologue qui, pour l’instant, était secoué par toutes les émotions qu’il avait ressenti ce soir. Un véritable putain d’ascenseur émotionnel.
Par moment, il s’amuse à le refaire avec une petite voix idiote, comme à sa réflexion sur les shots. Mais il reprend rapidement son sérieux en replaçant sa chemise correctement.

« Byron Bay… » répéta Ford d’un ton rêveur, même s’il avait languit de quitter cette ville, il ne pouvait s’empêcher d’être nostalgique. Cette ville, c’était quelque chose, pour lui, là où il avait passé la plus grande partie de sa vie. « C’est un endroit magnifique, faut vraiment que tu ailles voir. La nature est plus présente que la ville. Oh ! Et puis l’Océan… c’est fou, là-bas. Surtout pour le surf. » Soudainement, il pose sa main sur le bras du plus âgé pour qu’il s’arrête, « Attend. » et il sort son téléphone portable pour faire défiler quelques photos. « Voilà, c’est chez moi, ça. »

La différence d’âge n’est pas quelque chose qui dérange Archibald, il préfère les personnes plus âgées car il sent qu’il peut être lui-même. Elles sont plus calmes, posées et ça lui fait étrangement beaucoup de bien par moment même s’il aime s’amuser et les entrainer avec lui. On l’appelait monsieur maladroit ou monsieur malchance, à Byron, par ailleurs.

La blague assez graveleuse et audacieuse de Paul le fit légèrement rire, il ne s’y attendait pas vraiment. « Alors, là. » Son homologue n’avait pas vraiment l’air du genre à faire ce genre de blague et pourtant, c’était le cas. « Ça dépend. » il hausse les épaules, « Et encore faut-il trouver un bon coup. » C’est vrai, cette variable, la plaque peut ramener mais peut également ramener n’importe qui, alors ce n’est pas tout le temps un coup gagnant. Archi n’est pas un grand coureur, mais ça l’amuse, il aime plaire.
« Le mieux pour ça, c’est l’uniforme apparemment, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de l’enfiler. »

Archibald hoche la tête suite aux questions sur son métier, « Entre grands guillemets, c’est ça. J’essaye aussi de faire en sorte d’éviter les récidives, résoudre une enquête etc. Comme je débute je n’ai pas pas encore de tâches très intéressantes mais ça viendra. » La cigarette dans la bouche, il secoue négativement la tête, non, non, il accepte volontiers. Il lui adresse un petit sourire lorsqu’il le tape sur l’épaule, alors, ça l’embête ? « Ça va, papy, tu ne me ferais pas ça. »

Ford finit par souffler la fumée de sa cigarette sur le plus âgé avant de pénétrer dans le bar, de la musique d’ambiance pas assourdissante, des lumières tamisées dans la mesure du correct, des billards et des babyfoot. Parfait. Le jeune homme sourit en hochant la tête positivement, ils peuvent s’installer ici. Planter leur campement, comme dirait sa grand-mère.
Mais il tique, il tique lorsque Paul l’appelle Agent Ford. Il tique parce que ça lui plaît, en un sens. Son visage prend une teinture pourpre alors que son sourire en coin s’élargit légèrement, dévoilant ses fossettes. Idiot.

« C’est parfait ici, monsieur le professeur. » rétorque Ford avant de lui lancer un clin d’œil. Il s’installe au comptoir et commande un gin tonic. Une sortie solitaire devient soudainement une soirée improvisée pour son plus grand plaisir. « Et toi ? »

« Non ! Attend ! Laisse-moi deviner. » Archibald attrape à l’aide de ses deux mains les épaules du plus âgé afin de le regarder dans les yeux.
« Alors… » il joue au devin, là, ses orbes bleus rencontrant celles, océanes, du professeur, « Une bière ou alors un mojito. T’es un peu compliqué à cerner, quand même. »

A en juger par la façon dont Archibald décrivait Byron Bay, inutile de dire qu'il s'agissait d'un endroit qui lui tenait beaucoup à coeur. Je repose déjà les yeux sur son visage, écoutant sa petite description. Oui, ça avait l'air d'être un endroit très beau. Il m'arrête dans mon élan et je me baisse un peu vers lui pour pouvoir regarder les photos qu'il me montre. Eh bien. C'est vrai que les photos sont magnifiques.

- Ça à l'air d'un endroit sublime, tu as raison.

Il continue sur ma blague et je ne me gène pas pour ricaner. Mais il n'a pas tord. Si tu tombes sur quelques de compliqué au lit, la plaque ne serre pas à grand chose. Mais je suis quand même surpris qu'il n'est pas utilisé son uniforme.
Il me décrit un peu plus son travail. Effectivement, entre guillemet, je n'y étais pas vraiment.
Son travail semblait plus compliqué que je ne l'avais pensé à l'origine. Je le prenais plus pour un psychologue qu'autre chose. Mais non, c'est plus compliqué.

Une fois dans le bar, je me moque un peu de lui. Sur le fait qu'il aime qu'on l'appelle Agent Ford. Je le vois tourner un peu au pourpre et je rigole de plus belle. Effectivement, ça lui plaisait. Il ne pouvait pas nier la chose. Je m'installe au comptoir avec lui et il tente encore de me cerner un peu. Eh bah non. Pas de mojito.
Je rigole et agite la tête de droite à gauche.

- Pas de mojito. Je n'aime pas ça. Quand à la bière, de temps en temps. Pourquoi tentes-tu de me cerner ?

Je penche la tête et commande un simple whisky. Rien de bien extravagant en soit. Mais je vois bien qu'Archibald aime bien cerner les gens. Et je dois avouer que ça peut-être un jeu plutôt drôle.
Mais juste par curiosité, j'aimerai quand même savoir ce qu'il juge en me voyant. Bon, le côté métier calme mais c'est une chance sur deux.

- Je suis quand même curieux de voir comment tu me cernes, toi ?

Je me tourne sur le côté, suffisamment pour me concentrer sur lui. Attendant patiemment que celui-ci ne se met à jouer les Agents et qu'il ne tente de me cerner un peu. Je glisse mon coude sur le bar et ajoute déjà.

- Tu avais tord pour le mojito et la bière. Quand à mon métier, c'est vrai que c'est calme quand les élèves dorment.

L'après-midi pendant une heure pour les plus petits et jamais pour les plus âgés. Mais, je ne pouvais pas me plaindre de mon travail, au final. Je l'adorais et tant que je gardais mon autorité, les enfants étaient plutôt sages et attentifs. Sauf pour certain petits idiots. Mais ils se faisaient plutôt rare.

Archibald ne ressentait pas souvent des choses mais il suffisait de taper où cela pouvait fonctionner. Agent Ford en était l’exemple parfait et, honteux d’être devenu pourpre il se jura intérieurement de rendre l’appareil au plus âgé lorsqu’il en aurait l’occasion. Lorsqu’il trouvera, son point faible, à lui.

Déçu de ne pas avoir réussi à correctement le cerner dès le premier essai, il pinça les lèvres. Bon, d’accord, fair enough.
Ses coudes se posent contre le bois usé du comptoir alors que ses yeux se baladent toujours sur cet homme qui l’avait sauvé quelques minutes auparavant, par deux fois. Pourquoi tentait-il de le cerner ? Il n’en savait trop rien, Paul semblait intéressant, il avait attiré son attention mais ce serait trop facile que d’avouer cela. Et ça ne lui ferait que trop plaisir, à ce type. De fait, en guise de réponse, le jeune garçon se contente d’hausser les épaules.

« Je ne sais pas. »

Un whisky. Un sourire s’installe sur son visage à l’entente de la boisson et il souffle : « étonnant. » avant de se remettre à jouer à ce jeu. « Tu veux vraiment savoir ? » comme si c’était atroce, histoire de lui donner un petit coup de pression. Les boissons arrivent, Ford boit une grande gorgée de son Gin Tonic. C’est du bon. Il humecte ses lèvres à l’aide de sa langue afin d’y sentir le citron. Il est beau, Archi, il est très beau et il ne s'en rend même pas compte avec ses gestes nonchalants et ses grands yeux bleus.

« T’es courageux, je n’aurais pas la patience d’être prof. » souffle Archibald avant de regarder ses propres chaussures pendant quelques secondes. Il réfléchit à son diagnostic. « Alors papy… » ses fins doigts tapotent le verre de sa boisson, ils pianotent un à un en suivant un rythme lent. Il ne cesse de regarder Paul afin d’en tirer le maximum puis il sort sans réfléchir : « pas comme les autres. »

Non, cet homme ne ressemblait en rien aux gens qu’il avait pu croiser ; « bon fond à pas confondre avec bouffon, même si ça sonne pareil, mon grand. Mais tu as l’air d’avoir un trop bon fond. »
Soudain, il se lève, pour s’approcher un peu plus de lui. Ce dernier pouvait presque sentir le souffle du plus jeune contre sa peau, « mais tu caches des trucs, enfin, comment dire. » Archibald prend une nouvelle gorgée avant de légèrement se reculer pour mieux le regarder de haut en bas, comme si en face de lui se trouvait une sculpture ou tout autre œuvre d’art à analyser pour une dissertation. « Ce n’est pas possible que tu ne sois qu’un type lambda, tu vois ce que je veux dire, papy ? »

Ford ne pouvait s’en empêcher, surtout lorsqu’il complimentait. Il ne pouvait s’empêcher de faire des petites piques, peut-être utilisait-il cela comme un moyen de défense ? En tout cas, il s’en servait. « Ah et t’as des enfants, ça c’est évident. » finit-il par ajouter avant de retrouver sa place presque à contre cœur. Il n’aimait pas tellement la proximité mais en étant proche de Paul, il n’avait pas trouvé de mal à cela. Bizarre.

Pourquoi me cerner moi ? Il est vrai que je n'avais pas grand chose de différent que les autres gens. Beaucoup sont divorcés, ont des enfants. Je crois que je dois être une personne relativement banale. Alors, voir qu'il n'arrive pas à me cerner mais en plus, qu'il veuille sans trop savoir pourquoi. Je trouvais ça.. Assez marrant, pour le coup. Je l'entends commenter mon choix de boisson et pour le coup, je me sentirais presque fier de le surprendre ainsi.
Les boissons arrivent et j'avale une gorgée assez suffisante alors qu'Archibald semble tout autant apprécier sa propre boisson. Surtout à en juger par les jeunes femmes un peu plus loin qui ont du mal à lâcher sa silhouette du regard. Je me retiens de rire un peu.

- Oh, tu sais. Le courage n'est pas nécessaire. Si tu aimes les enfants, aiment apprendre des choses aux gens et que tu as suffisamment de patiente, tu peux devenir professeur. Il faut maintenir leurs attentions, c'est le plus compliqué en soit.

Un léger sourire se pose sur mon visage. Qu'est ce que je pouvais aimer ce que je faisais. Je crois que j'ai toujours eu cette vocation. D'aussi longtemps que je m'en souvienne, je faisais suffisamment chier mes amis pour ça, en tout cas. Mais Archibald me fixe depuis plusieurs secondes maintenant pour tenter de diagnostiquer un peu ma personne. Et .. Je trouve ça presque déroutant. Surtout quand il me dit que j'ai trop bon fond.

- Oh pour ça, tu peux dire bouffon aussi un peu. Malheureusement, le bon fond me poursuit depuis longtemps. Et m'a fait me prendre plusieurs portes dans la gueule.

Suffit de voir mon ex-femme pour ça. Archibald se déplace assez rapidement et le voilà à quelques millimètres de mon visage. Sauf s'il veut voir mes rides, peu de chance qu'il ne trouve grand chose en me fixant ainsi. Mais, je m'en fiche. Je ne bouge pas et soutient son regard comme si j'allais pouvoir trouver aussi des réponses. Chose qui n'est pas le cas. Mais ce petit con a des beaux yeux. J'arque toutefois un sourcil quand il me dit que je cache quelques chose. Ah. Bah, pas à ce que je sache.

- Et qu'est ce qui te fait croire que je ne suis pas un type lambda avec une tête qui cache des trucs mais qui ne cache en fait quedal ?

Après tout, je suis quasiment sûr que des gens avec des têtes de serials killers peuvent avoir un bon fond. Pourquoi pas ? Enfin, jusque là, il ne s'est pas trompé. Je le laisse se réinstaller sans broncher le moins du monde. Je viens frotter ma tignasse avec lenteur et souris bêtement quand il me parle d'enfant.

- Un bon point pour toi. J'ai eu trois enfants avec mon ex-femme. Marc, Emma et Denis.

L'espace d'un instant, une légère grimace se pose sur mon visage avant que je ne reprenne une gorgée conséquente de mon verre. Je soupire avec lenteur et repose les yeux sur mon compagnon de soirée. Je viens ajouter.

- Mais je peux concevoir que j'ai la tête du père de famille.

Je rigole avec douceur et me tourne un peu plus vers lui, près à chasser le sujet de conversation qui tourne autour de mes enfants. Je glisse mon coude sur le bar.

- En tout cas, je peux te dire un truc sur toi. Je peux te garantir que tu n'es pas conscient de ce que tu dégages en attraction au vue des deux demoiselles assises plus loin. Je me trompe ?

Un sourire en coin se dessine sur mon visage. Non, il n'a définitivement pas conscience de ça. Il ne fait rien de bien attrayant en soit mais suffisamment pour qu'il puisse avoir pas mal de gens à ses pieds.

Archibald habituellement muet comme une carpe ne l’était étrangement pas en la présence de Paul. Il n’avait même pas remarqué qu’il parlait plus qu’à l’accoutumer et encore moins qu’il s’intéressait réellement à quelqu’un et non pas seulement dans le cadre de son boulot ou d’une recherche quelconque. Tout était si naturel que cela n’avait même pas effleuré son esprit. Il était là, au beau milieu de la situation et vivait l’instant. Il ne remarque pas les femmes qui le fixent et qui gloussent entre elles. Il ne remarque jamais ces choses-là, ni les avances, ni rien. Ford n’a pourtant pas de mal à conclure, il a toujours réussi à avoir les femmes qui pouvaient lui taper dans l’œil, étonnamment. Ce jeune homme est un véritable paradoxe humain, une boîte de pandore.

« J’aime les enfants, beaucoup. Mais je pense que je n’ai pas assez de patience… Je n’en ai pas assez avec moi-même. »

Ses grands yeux bleus se posent sur le visage de Price. Ça le touche de le voir avec cet air rêveur, il aime ce qu’il fait et il n’y a rien de plus beau que quelqu’un qui sait ce qu’il veut. Il en serait presque admiratif. Archibald se retient soudainement de lui faire une réflexion sur sa profession, enfin, une petite blague plutôt. Mais après il se dit que ça ne fait rien, que c’est plus gentil qu’autre chose, « J’aurais aimé avoir un prof comme toi. Mais à la fac, plutôt. »

« Plusieurs portes ? Comme ? » demande Ford sans même réaliser que cela pouvait être trop indiscret. Il ne faut pas lui en vouloir, c’est sa manière de faire. Par ailleurs, lorsque leurs regards se croisèrent, il sentit une nouvelle fois le feu contre ses pommettes. Il décide d’ignorer cette sensation de brûlure. Même s'il se doutait que son épiderme devait refléter cette chaleur par cette même et éternelle couleur rouge. Foutues joues.

« Tu as l’air bien trop spécial pour ne rien cacher. » Merde. Rattrape-toi, Archi. « Enfin, je veux dire, c’est pas forcément un secret ou quelque chose mais… Je ne sais pas comment expliquer. Tu n’es pas aussi lambda. C’est tout. » Il se sent con, tout à coup, Archi.

Ex-femme ! Ah ! Il s’en doutait. Il le savait. « Je suis doué, j’ai eu bon alors sur les enfants et en plus... » Doucement, il glisse sa main sur le comptoir afin qu’elle s’approche de celle de Paul. Ainsi, Ford pose son indexe sur l’annulaire du plus âgé sans le regarder. Quelques secondes. Foncièrement, ça le gênait de le toucher mais il montrait son cheminement de pensées comme il pouvait. « Manque la bague. Donc, je déduis... célibataire. » Puis, il enlève doucement sa petite main avant de la ranger de nouveau sur sa propre cuisse. Avec l’autre, il but une autre gorgée de son Gin Tonic alors que ses yeux turquoises se posèrent sur le plafond. C’est comme ça qu’il manqua de s’en renverser sur la chemise. Et de toute évidence, il ne finirait pas la soirée la chemise au sec, c’était un fait.

La tête d’un père de famille. Mh, oui, un jeune père de famille en tout cas. Il décide de garder cette réflexion pour lui et le suit lorsqu’il décide de changer de sujet de conversation. Le jeune criminologue avait beau manquer de tact d’empathie, il arrivait quand même à comprendre les gens de temps à autre. À l’entente de cette phrase, il fronce les sourcils. Quoi ? Hein ? Il a bien entendu ?

« Moi, je dégage quelque chose ? » et Archibald se met à rire doucement, nerveusement. Avec son beau et grand sourire. Il replaça ses cheveux en reprenant une gorgée pour terminer son verre d’une traite tant la situation le dépassait. De nouveau, il passe sa langue sur ses lèvres tout en regardant Price. « Tu te trompes et puis… j’en sais rien. » il hausse les épaules, « C’est.. c’est surtout et sûrement toi qu’elles regardent, papy. » Bah oui, un homme beau comme Paul et sa petite barbe, c’est sûr que ça plait. C’est… joli. Puis il secoue la tête, parce qu'il n'a pas à penser ça.

Enfin, il fait un geste au serveur pour lui dire de ramener un nouveau whisky et un nouveau gin tonic. Il en avait besoin.

Archibald n'était pas patient. Du moins, c'est ce qu'il disait. Mais c'était assez contradictoire parce que son métier devait nécessité pas mal de patience. Bien plus que le type de patience que je peux avoir besoin avec des élèves de maternelles un peu trop agités.

- Je n'ai pas plus de patience pour moi-même non plus. Mais.. ce n'est pas pareil en même temps. Je pense quand même que ton boulot requiert de la patience. Non ?

J'arque un sourcil quand il me dit qu'il aurait aimé m'avoir en prof à la fac. Ah malheureusement, ce n'est pas ma spécialité. Je suis plutôt basé sur les maternelles. Je rigole avec douceur et agite alors la main. Je ne vois pas prof d'élève plus âgé, disons que la matière à enseigner n'est pas la même chose.
J'ignorai sa question sur les récentes portes que je m'étais prise au visage. Mon divorce, le fait que je sois cocu depuis longtemps, la non possibilité de garde de mes enfants.

- C'est un peu long à expliquer.

Non, ça fait un peu beaucoup pour une première rencontre. Déjà que la rencontre en elle-même est loin d'être banale. Une bagarre, manquer de se faire renverser et finalement, finalement, une soirée dans un bar.
Je rigole un peu plus quand il me dit que je ne suis pas si lambda.

- Je suppose qu'il n'y a que toi qui pense que je ne suis pas banal.

Je veux dire. Un divorcé avec trois enfants, professeur des écoles et plutôt normal. Non, j'étais sûrement le type le plus banal qu'il pouvait trouver à des kilomètres à la ronde. Non pas que ça me dérangeait ou autre. Mais, je ne voyais rien de vraiment surprenant chez moi.
Je baisse les yeux sur sa main quand son index se pose là où devrait être ma bague. Elle n'est pas bien loin puisque je l'ai gardé. J'imagine que c'est une sorte de façon de ne pas oublier une bonne partie de ma vie. Même s'il s'agit de quelques choses d'assez douloureux maintenant.

- Presque. Divorcé pour être assez précis.

Je reprenais une gorgée, la dernière pour finir mon verre et reposer celui-ci sur le comptoir. Et cette fois, c'est à mon tour de le juger un peu sur ce que je vois. Il change d'ailleurs un peu de comportement et je ne peux m'empêcher de sourire en coin, amusé par la situation. Il bégaye un peu et je ricane, pinçant mes pulpes sur le côté pour lui indiquer que je me moque un peu de lui.

- C'est mignon que tu ne t'en rends pas compte, en plus de ça. Mais non, je te garanti que ce n'est pas moi.

Le barman s'occupe de nos boissons et je le remercie déjà en prenant une gorgée. Je savais encore où m'arrêter pour boire. De toute façon, il faudrait bien que l'on rentre sur nos deux jambes. Autant ne pas non plus se retrouver aussi violent que l'autre ivrogne. Je décide de changer de sujet de conversation. Vu qu'il a l'air assez gêné.

- Et tu travailles dans ce domaine depuis combien de temps ? Il te plait comme boulot ?

Il y avait tellement de gens qui ne prenait un emploi qui n'était absolument pas apprécié. Mais puisqu'il fallait vivre, payer ses factures. De mon côté, j'ai eu la chance de toujours faire ce dont j'avais envie.

« Énormément de patience, il faut surtout savoir se… concentrer. » rétorqua Archibald avant d’hocher la tête.

Ce n’était pas réellement la même patience : une horde d’enfants bien trop agités et bruyants c’était bel et bien différent des psychopathes ou des schémas fait pour comprendre le pourquoi du comment. « Après des journées à entendre des enfants hurler je pense que je serais exténué. J’adore ces petites choses mais j’aime le calme, je le chéri. »

Paul se montre évasif, Ford ne préfère donc pas insister et le rendre mal à l’aise. Étrangement, il voulait que la soirée se passe au mieux. Pourquoi pas le revoir après ? Ce serait une bonne chose, au fond, il ne connaissait que très peu de personnes et Paul était véritablement quelqu’un d’agréable.
« Je comprends. » souffla le plus jeune, avant de sourire sincèrement. Pourtant si beaux mais si rares, ce genre de sourires étaient remplis de bienveillance et de gentillesse.

Ford remarqua que Price se sous-estimait lorsqu’il annonça à ce dernier qu’il était le seul qui pouvait penser qu’il n’était pas banal. L’australien n’y croyait pas une seule seconde. Impossible.
« S’il n’y a que moi ce n’est pas un souci, ce n’est pas donné à tout le monde remarquer la vraie valeur des choses. Ou des personnes. » rétorqua le criminologue sans dévier son regard, toujours droit dans les yeux : l’honnêteté, probablement. « Et puis, nous possédons tous une part cachée, quelque chose qu’on ne soupçonne pas. Je pense qu’on ne se connait jamais réellement jusqu’à un certain point, un déclic. »

Divorcé. Il décida de ne pas poser plus de question, ils finiraient bien par en parler, un jour ou l’autre, un moment ou un autre. Ça pouvait attendre. « Je n’étais pas très loin, personne d’autre depuis ? » demanda-t-il pour éventuellement confirmer son affirmation sur le célibat, « Je vois que je fais bien mon boulot, comme ça. » et un léger rire s’échappe d’entre ses fines lippes rosées.

« Ce n’est pas mignon ! » s’exclama le jeune garçon avant de lever les yeux au ciel, tout de même amusé. « Tu veux qu’on aille les voir ? » Pitié, non, non, non, sans aucune raison apparente, il préférait rester ici et discuter avec cet homme plutôt que d'aller voir ces splendides créatures.
Heureusement, le barman finit par revenir avec les deux verres. Il en avait bien besoin, à cet instant. Il attrape le verre et prend une grande gorgée avant de se concentrer de nouveau sur son homologue. « Ça fait un mois, presque, il me semble. Ça me plait pas mal, un peu moins romancé que je l’imaginais mais c’est tout de même intéressant. »

Une des femmes qui le regardait auparavant finit par passer, elle pose un papier sur la table. Quelques chiffres sont écrits dessus. Alors, le plus jeune pince ses lèvres, il ne sait pas trop quoi en penser et en tentant de l’attraper pour mieux le lire, il renverse l’intégralité de son verre.
Le papier devint illisible et sa chemise se retrouva trempée ; de nouveau, ses joues prirent une couleur rougeâtre alors qu’il ne cessait de jurer :
« Quel idiot, tout ça pour lire ce truc qui me passe au-dessus de la tête ! » et son visage se baisse, il ne le regarde plus, un peu trop gêné. Il ne sait même plus quoi faire, cet idiot. « Et sinon, t’as toujours, euh, vécu ici ? » il relance la conversation, tant bien que mal, en relevant son doux regard. Mais rien ne change, sa chemise blanche est toujours trempée et laisse entrevoir légèrement sa peau, pas grand-chose. Mais quand même un peu.
Ford n’avait pas eu le réflexe d’attraper les serviettes posées sur le comptoir, la honte s’étant totalement emparée de lui et l'ayant comme paralysé. Ça arrive, parfois, même aux meilleurs et à ceux qui se sentent invincibles.