C'est vrai que le calme était un moment que j'adorais aussi. Mais il était rare que je ne l'entends après le travail puisque je rentrais auprès de mes enfants. Maintenant, ce n'était plus du tout le cas. J'avais le calme de la maison d'Edge puisqu'il était très rare qu'il ne rentre avant moi, de toute évidence.
Je suis plutôt soulagé qu'Archibald ne tente pas d'aller un peu plus loin dans sa question. Plutôt content que soulagé, pour le coup.

Pas banal, peut-être. Mais il est d'une certaine honnêteté et il est vrai que l'on possède tous une part caché. Par contre, je ne pense pas avoir encore trouvé la mienne. Ou du moins, peut-être que quelqu'un l'a déjà découvert et que je ne m'en suis pas encore rendu compte.

- As-tu déjà découvert ta part caché, de ton côté ?

Pas très loin, en effet. Célibataire et Divorcé pouvait être assez similaire. Les deux pouvaient être assez douloureux. Dépendant du lien que l'on pouvait avoir avec la personne. Pour moi, c'était.. Ca m'a assez anéanti pour que ce soit trop douloureux.

- Personne d'autres, en effet. Mon divorce a été prononcé au moins de Juin 2019.

Enfin, ça n'a pas empêché à mon ex-femme d'être avec quelqu'un d'autres même avant le verdict du divorce. C'est un plaisir sans nom de voir ça.. Je ricane quand je dis que c'est mignon et il semble bien amusé puisqu'il s'exaspère presque à mon compliment camouflé. Mais il me demande s'il veut que l'on aille les voir et je viens éclater de rire. Autant dire que non.

- Plutôt crevé.. Je n'ai pas envie de draguer, encore moins de devoir me tenir.

Parce que bon, moi et mon humour graveleux. Je n'ai pas vraiment envie de devoir tenir ma langue parce que des demoiselles sont là. Au delà de ça, je ne veux pas recommencer là où j'étais il y a quelques années. Draguer, faire le beau. C'est trop pour moi pour le moment.
Concentré sur mon verre, j'avale une autre gorgé alors qu'il réponds à ma question. Un mois. En effet, c'est assez récent.

- On se fait toujours une idée du métier que l'on convoite. Il est rare que ça soit toujours rose. Mais s'il te plait, c'est déjà l'important.

Mais à peine ais-je fini ma phrase qu'il renverse son verre en plein sur lui. Je sursaute et éclate de rire. Qu'il est con.
Il rougit, son haut se rend tout à fait transparent et je récupère déjà des serviette pour pouvoir l'aider à sécher sa connerie.

- Franchement pas doué, toi.

Je sèche simplement son haut et lève les yeux vers son visage. Il essaye de changer la conversation et je penche la tête avec lenteur. C'est un peu des deux pour le coup. J'y ai vécu vingt ans, parti vingt ans et finalement, je suis revenu il y a un peu moins d'un an. Je viens me redresser un peu et ajoute.

- Je suis né à Brisbane à dire vrai. Je suis partie à mes vingt trois ans. Et je suis revenu au mois d'Aout 2019. Donc, il y a quelques mois, maintenant. Donc, la moitié de ma vie, ici.

Je souris bêtement et me redresse pour jeter simplement les serviettes en papier dans la poubelle présente à proximité. Je me réinstalle et ajoute alors.

- Tu n'as pas froid avec le haut trempé ?

Archibald hausse un sourcil lorsque Paul lui demande s’il a découvert sa part d’ombre, sa part cachée. Il ne l’a jamais réellement cherché, il ne se connaissait pas tant que ça finalement. Quel comble amusant pour un criminologue qui analyse tous les gens qu’il croise, il ne savait pas s’auto analyser. « Je ne l’ai pas trouvé. » murmura à demi-voix le jeune homme, assez humble. « Peut-être qu’un jour quelqu’un le fera pour moi ou que ça se fera tout seul. Pour l’instant… non. »

Ford ne comprenait pas grand-chose à l’amour, il n’était jamais tombé amoureux et s’était toujours contenté de courte relation ou relation d’un soir. Alors, la douleur d’un cœur brisé ne lui était totalement inconnue et ne lui effleurait même pas l’esprit. Inconcevable.  

Au moment où Paul dit qu’il n’a pas envie de draguer ni de se tenir lui enlève un poids. Il n’avait pas pour objectif de passer sa soirée à draguer, il était à l’aise, pour une fois et ce serait idiot de gâcher cela en allant devant ces filles pour rester… silencieux. Comme on lui avait toujours appris, finalement.

« Tant que tu ne te tiens pas avec moi, ça va. » en revanche, cette phrase était prononcée avec une spontanéité impressionnante, rare de la part de Ford. « C’est moins drôle, sinon. »

Sa chemise est collée à sa peau tout comme le rouge à ses joues. Cette teinte redouble car son homologue attrape les serviettes pour l’aider à sécher sa connerie, il détourne alors le regard, silencieux. Pourtant, il ne peut se retenir de regarder Paul et glisse sa main sur la sienne pour récupérer une des serviettes et continuer le travail commencé par le professeur. « Merci… »

« Pas doué, pas doué… toi aussi, hein. » siffla le jeune homme avant de rire doucement avec une pointe de gêne dans la voix. « À tes vingt-trois ans ? Une époque où la vie était encore en noir et blanc ? »

Paul n’est évidemment pas le seul à arborer un sourire complétement idiot. Ford glisse ses propres mains contre ses bras afin de se réchauffer, « Si, un peu.. » les courants d’airs se font ressentir sur sa peau humide et ce n’est pas une sensation véritablement agréable. Il n’aime pas se plaindre mais là, il n’avait pas pu répondre d’une manière fausse. Ça se voyait que le froid s’était emparé de son corps. « Disons que ce bar n’est pas si bien isolé que ça. » et pour tenter de se réchauffer, il attrapa son verre pour boire le reste de Gin qui se trouvait à l’intérieur, au moins ça de prit. « Beaucoup, même. » ajouta Archibald lorsqu’une énième brise glacée ne se mette à caresser sa peau.

Vu la façon dont il me fixe, je pense qu'il ne s'attendait pas à ce que je lui pose ce type de question. J'ai quarante ans et je n'ai pas encore trouvé ma propre part d'ombre. Alors, je ne sais pas si lui, plus jeune, avait eu la possibilité de le trouver plus tôt. Tout était possible, à dire vrai.

- Ca va paraître un peu profond pour ce genre de soirée. Mais.. tu as déjà été confronté à quelqu'un qui n'est justement qu'une ombre et qui cherche une part de lumière ?

Je ne dis pas que c'est mon cas. Même si depuis quelques mois, c'est un peu ce que je recherche. Un peu de lumière. Mais je parlais surtout en général. J'aimais bien avoir des conversations un peu plus poussés. Et je trouvais rarement de gens aptes à vraiment répondre. Je ne cherche même pas de réelle réponse, juste une façon de voir les choses. Bizarrement, Archibald me semblait être une personne plutôt propice à ce genre de chose.

Je repose les yeux sur lui quand il dit que ce serait moins drôles si je venais à me tenir devant lui. Je pense que ce serait la dernière chose à faire. Je me sentais plutôt bien. Et même si j'avais déjà deux verres dans la vue, pas sûr que ça soit uniquement l'effet de l'alcool que je tiens plutôt bien. Mais je ne voulais pas me tenir. Parce que j'étais à l'aise et près à raconter autant de connerie que possible !

- Je ne compte pas me tenir. Si ça peut déjà te rassurer !

Cet idiot avait fini par se renverser son verre. Et le barman ne s'était même pas démonté puisqu'il avait remit un verre plein dans même qu'on ne lui demande. Après avoir séché une bonne partie, je le laisse prendre le relais. Et il ose se foutre de ma gueule par rapport à mon âge. Quel petit con.

- Ouais, en noir et blanc. Et où on se déplaçait en charrette ! Et où en plus, pour pouvoir coucher avec quelqu'un, tu devais demander à son père.

Je le regarde et frappe gentiment son épaule. Je ricane et avale la fin de mon verre. Bon, à aucune époque, on faisait ce genre de chose mais j'allais au fond de sa blague. Je n'étais pas si vieux. Et je le vois bien frissonner, d'où ma question sur le froid.
Je glisse la main sur ma veste en cuir et la retire. Je lui tend. J'ai encore un pull en dessous alors je risque de moins tombé malade que lui.

- Met là. Je la récupérerais quand je te ramènerais devant chez toi. Ca m’ennuierait que tu choppes une pneumonie.

Je remet en place les manches de mon pull et reprend un verre du même alcool que tout à l'heure. Je lui souris, normalement. Je sais bien qu'il ne va pas non plus se barrer avec ma veste. Il y a mes papiers, mon portable. Enfin, tout ce dont j'ai besoin habituellement.

- Puis avec tes gin, il y a moyen que tu te réchauffes rapidement ensuite!

Musique !

« Ça va paraître un peu profond pour ce genre de soirée. Mais... tu as déjà été confronté à quelqu'un qui n'est justement qu'une ombre et qui cherche une part de lumière ? »

Non, en effet, Archibald ne s’attendait pas à ce genre de question. Sur le terrain, durant ses stages, lorsqu’il tentait d’appliquer ce qu’on lui apprenait, on ne lui avait jamais retourné ses questions. Il répond qu’il ne sait pas, avec un demi-sourire, mais il sait qu’il a de nombreux défauts. Peut-être trop banals pour faire partie d’une part d’ombre mais qui sait ?
Handicapé des sentiments, maladroit, il se laisse facilement entrainer. Combien de fois, lors de ses premières années d’études, la veille d’un examen au lieu de relire ses cours s’est-il retrouvé en soirée ? Combien de fois a-t-il abusé de la boisson ? Et combien de fois s’est-il retrouvé dans des situations inconfortables ?
La part d’ombre… ce terme est sans doute trop vague, trop brouillon pour l’esprit concis de ce rayon de soleil. Quand il posait cette question il ne s’attendait à rien de précis et il s’appuyait sur la réponse pour tirer ses conclusions, voilà pourquoi cela ne fonctionnait pas sur lui-même.

« J’aime tous les genres de discussions, libre à toi de me poser ce genre de question. Ça me fait plaisir d’en parler avec quelqu’un. » souffle-t-il en se redressant, toujours assit et le dos bien droit. Cette question le brusque un peu. Il fronce les sourcils, les lèvres légèrement pincés. Ce n’était pas si simple, d’y répondre mais étonnamment… il comprenait, peut-être même un peu trop. « À une ombre qui attend la lumière, oui. »

Mais… Pourquoi lui pose-t-il cette question ? Le criminologue réfléchit en un instant, quelques secondes furent suffisantes pour comprendre qu’il parlait probablement de lui. Le professeur n’était pas si heureux que cela, comme une tâche noire au milieu d’un tableau blanc. Pas étonnant après un divorce…
« Mais c’est courant, on cherche toujours quelque chose ou quelqu’un, une bouée à laquelle on peut s’accrocher. Une bouée qui ne crève pas surtout, qui ne te laisse pas au milieu de l’océan, une lumière qui continue de briller. Je pense qu’on a tous une part d’ombre qui cherche la part de lumière de l’autre personne. On peut même être aveuglé et trouver dans ce néant, dans cette obscurité une lueur qui nous complète. » les doigts de Ford pianotent sur le bois usé du bar, ce bois qui a vu passer des tonnes de personnes, de couples, d’amis, d’ennemis, de collègues, d’amants fougueux,…

« Ou dans un autre cas, j’ai déjà vu quelques criminels chercher la rédemption. Dans cette situation-là, ils ne sont que des ombres qui cherchent la lumière pour se sortir de ce cercle vicieux. Mais je ne sais pas s’ils sont aptes à la trouver, ils pourront chercher indéfiniment mais cela fera toujours parti d’eux. » Archibald soupire, il ne faut jamais le lancer sur ce genre de sujet bien trop vaste. « Je ne crois pas trop au pardon et encore moins pour les crimes graves. » il hoche la tête, bois une gorgée et pose de nouveau son regard sur Paul, « Mais le cas des criminels est beaucoup moins glamour que l’amour, je te l’accorde. J’espère que je ne suis pas hors-sujet, ça m’arrivait souvent à la fac. »

Ford espérait ne pas plomber l’ambiance ou la rendre trop sérieuse. Il appréciait le côté enjoué de Paul, ses blagues graveleuses et son air malicieux. Un grand gosse, au fond. Un rire s’échappe d’entre ses fines lippes et il secoue légèrement la tête, « Évidemment que ça me rassure, moi en revanche, faut que je me tienne, parce que je sens l’alcool monter. » Bien entendu, ses joues sont rouges et non pas seulement à cause de cette légère gêne mais surtout parce que les degrés réchauffaient son organisme, les bulles pétillant le long de son œsophage et l'amertume de l'alcool s'emparait de son corps.

Avec la liqueur brûlante, Ford commençait légèrement à se détendre et à continuer la blague, à aller un peu plus loin. Ce n’était pas son genre, en temps normal, alors Paul avait de la chance ce soir. « Ah ouais carrément… aller devant le père de.. de la fille ou du garçon oh ! il osait faire la distinction, avec qui tu veux coucher et demander : ma seigneurie pourrais-je tenter de pratiquer la chose avec votre progéniture ? »

Il glousse en secouant la tête, les yeux clos. Ses cheveux bruns retombent en cascade sur son visage et suivent les mouvements de son visage, un véritable soleil, ce jeune homme. Finalement, il souffle tendrement et sincèrement « idiot. »

Archibald sent sa peau glacée par la boisson qui est sur sa chemise et qui ne sèche malheureusement pas. Le bar n’est pas chauffé, ça se ressent, il ne laisserait pas un gros pourboire. Et toc. Il frissonne, ses dents claquent légèrement bien qu’il tente de le cacher, il n’aime pas se faire remarquer.
« On peut mourir d’une pneumonie, non ? » tente-t-il ayant pour but de changer de sujet. Mais il lui tend véritablement sa veste en cuir. Elle est vraiment belle, il n’en a jamais mise lui ne jurait que par le tweed, le coton et les genres de veste de costume.

« Je… » bégaye le jeune homme avant de glisser ses mains contre le cuir, serrant légèrement la veste entre ses doigts. Ça le gênait, il n’avait pas l’habitude qu’on lui adresse ce genre de geste. « Merci.. » et il l’enfile sans hésiter, contemplant toujours son homologue.

Inconsciemment, Archibald, lui, sait qu’il finira par se barrer avec la veste. D’ailleurs, en sentant le téléphone un peu trop lourd dans la poche de Paul, il l’attrapa avant de le glisser sur la table. « Garde le, s’il vibre tu ne le sentiras pas sinon… » toujours prévoyant !

Il y avait peu de personne avec qui parler sérieusement. Et par forcément de sujet qui requiert une réponse. Les parts d'ombre, de lumière.. La vie après la mort, la réincarnation. Il s'agissait de sujet que j'adorai de mon côté. Que je sache ou non le fin mot de l'histoire, j'aimais bien en parler. J'attendais qu'il ne réponds. Il fallait dire que ce n'était pas un sujet suffisamment simple. Ca requiert de la réflexion, principalement. Et il a raison dans ce qu'il dit. Je le fixe quelques secondes, l'écoutant simplement.

- Il est rare de trouver une bouée qui ne finit par par crever.

Dans le cas des criminels, le sujet était d'autant plus compliqué. Parce que rien ne prouvait qu'une personne était sincère. Qu'est ce qui prouvait que la demande de rédemption était légitime ? Qu'est ce qui prouvait que le but n'était pas juste de sortir ? Pour pouvoir recommencer par la suite.

- Je pense que tout le monde a besoin d'une seconde chance.. Mais tout dépend le crime, les circonstances.. Il y a tellement de chose à prendre en compte. Non, non, tu n'es pas hors-sujet.

Je ne peux qu'éclater de rire quand Archi continue ma propre blague. Comme si j'étais si vieux. Mon dieu, j'imagine vraiment la scène. De quoi te sentir plutôt con dès le début. Je réfléchis un peu. Simplement pour pouvoir continuer sur cette idiotie. J'étais un vrai gosse dans ce genre de situation. J'avale une gorgée et ajoute.

- Nah, trop subtile! Plutôt quelque chose dans le genre: Puis-je pratiquer la fornication avec votre enfant ?

Je ricane et agite la tête de droite à gauche. Mon dieu qu'est ce que je pouvais raconter comme connerie, de mon côté. Et l'alcool n'aidait pas, au contraire. Non pas que je commençais à être émécher mais j'étais déjà un peu plus libérer, il n'y a pas à dire.
Etant donné le froid dans le bar, je n'avais pas hésité à donner ma veste à Archibald. Oui, on pouvait mourir d'une pneumonie mais peu de risque que ça soit engendrer par un verre sur le haut et un coup de froid. Quand même.

- Ah, ouais. Tu as raison.

Je récupère mon portable quand il me dit que je ne le sentirais pas vibrer. Je le met dans ma poche de jean et fini par venir finir mon verre. Je regardais l'heure. Il n'était pas si tard mais je devais rentrer. Avec le boulot le lendemain, autant dire que je ne devais pas trop traîner.

- Allez, il va falloir que j'y aille. Je travaille demain matin. Tu prendras un taxi pour rentrer, hein ? Pas question que tu finisses à pied étant donné les verres.

Je paye les consommations. Les miennes et les siennes et me redresse déjà. Après m'être assuré qu'il allait bien rentrer en taxi, je me dirige vers la maison. Ce n'était pas la porte à côté alors le taxi était aussi de rigueur.

FIN