Je ne sais pas si ce sont mes arguments qui parviennent à convaincre Caleb ou s’il a simplement conscience qu’il est grand temps qu’il vienne nous libérer de cet enfermement qu’il nous a imposé mais il capitule rapidement et j’en suis ravie. En attendant son arrivée, nous nous plongeons dans un mutisme bienvenu maintenant que nous avons réglé tous nos problèmes et arrangé les choses du mieux que nous pouvons. Je n’ai plus rien à lui dire et l’inverse semble être tout aussi vrai. Alex et moi ne serons certainement jamais les meilleures amies d’une monde, mais peu importe, c’est le cadet de mes soucis, nous allons nous contenter de tolérer la présence de l’autre et ça me parait suffisant pour le moment. Peut-être qu’avec le temps les choses évolueront mais je préfère garder l’espoir qu’une séparation arrivera le plus tôt possible pour que je n’ai pas à la considérer comme un membre de ma famille un jour. Le fait qu’elle soit au courant de tout ce que je cache à Caleb, ainsi qu’à mes parents et à mes sœurs, ne m’aide pas à faire preuve de plus d’enthousiasme et je déteste avoir cette impression de ne pas maitriser mon propre destin. Si j’avais au moins la garantie qu’elle se taise, peut-être que les choses seraient différentes mais ce n’est pas le cas alors je vais rester sur la réserve que ça plaise ou non à mon frère. D’ailleurs, ce dernier tarde à arriver et le silence que j’appréciais au début commence presque à devenir pesant. Il aurait quand même pu trouver une autre solution que celle-ci pour nous forcer à parler. Au fond, je sais bien que j’aurais eu du mal à lui adresser la parole si je n’y étais pas obligée, mais malgré tout, j’estime que Caleb n’a pas agi de la meilleure des manières et je serais bien tentée de lui dire. Toutefois, j’ai également conscience qu’il vaut mieux que je fasse profil bas, Alex avait l’air aussi très énervée et si elle décide déjà de lui faire des reproches, mieux vaut que je m’abstienne d’aller dans son sens, c’est exactement ce qu’il attend et ça me permettrait surtout de lui laisser le mauvais rôle.
Caleb fait irruption dans la pièce, juste au moment où j’hésitais à attraper une feuille et un crayon pour me lancer dans un atelier dessin pour passer le temps. Il a l’air ravi de nous retrouver toutes les deux en un seul morceau et sa réflexion me fait sourire.
« Nous sommes des personnes civilisées, voyons. » L’envie de lui mettre deux claques m’a déjà traversé l’esprit, bien sûr, mais je me suis abstenue et je trouve que c’est une bonne chose. Au moins, quoi qu’il puisse se passer, elle gardera sa réputation de fille hystérique qui a réussi à venir sur mon lieu de travail pour faire un scandale devant tous les clients. Je ne suis pas parfaite, je le sais et je l’assume parfaitement, mais j’ai au moins le mérite de ne pas avoir dépassé les limites exigées par la courtoisie, ou en tout cas pas dans mes actions. Caleb remarque instantanément qu’Alex a fumé dans sa chambre et je me délecte de leur échange en écoutant la jeune femme rétorquer sur un ton sec. Bien sûr, je reste en retrait, me contentant simplement de jubiler intérieurement face à une scène que j’aurais aimé pouvoir filmer et me la repasser en boucle dans des moments de déprime. Evidemment Caleb-niais-Bisounours s’excuse immédiatement, avouant qu’il n’a pas eu l’idée du siècle et je suis déçue qu’il ne soit pas rentré dans le lard de sa copine un peu trop susceptible à mon goût. Ok, il l’a enfermée dans une pièce, mais il ne lui pas caché un enfant pendant huit ans, au moins, donc je crois qu’on peut estimer qu’ils ne sont pas encore quittes. Sa justification me fait lever les yeux au ciel, par contre, puisque je n’ai pas du tout eu l’impression qu’il était entre nous deux, mais il a le droit d’avoir sa propre perception des choses et Alex se charge de lui rentrer dedans une nouvelle fois, sur un ton que je n’aurais absolument pas apprécié à la place de mon frère. Et c’est dans le même état qu’elle finit par prendre congé alors qu’un sourire goguenard illumine mon visage.
« Oh, elle sera excellente, ne t’en fais pas pour moi. » La savoir sur les nerfs me réjouit et c’est avec un bonheur non dissimulé que je la regarde quitter rageusement la pièce.
Restée seule avec mon frère, je me tourne vers lui en essayant malgré tout d’arrêter de sourire pour ne pas trop me réjouir de son malheur.
« Bah bravo, je crois que tu l’as un peu énervée. » Je constate comme si ce n’était pas une totale évidence.
« Tu devrais peut-être la rattraper pour tenter de t’expliquer parce que j’ai l’impression qu’elle est bien en colère quand même. » Je jubile et même si j’essaye de le dissimuler, je me rends compte que ça se voit un peu, mais Caleb ne peut pas vraiment me le reprocher c’est lui qui s’est mis dans cette situation et il sait très bien le peu d’affection que je porte à la jeune femme. Je ne veux pas le malheur de mon frère, bien sûr, mais cette dispute n’a pas une importance folle, à mon avis, elle ne met pas en péril leur couple et il n’est donc pas encore trop déplacé de ma part de me réjouir.
« Je compte sur ta tarte tatin pour le diner de demain soir pour te faire pardonner, par contre, je n’ai pas l’intention de te faire la morale et tu avais sans doute raison de nous forcer à parler, mais je n’aime pas beaucoup que tu noues aies forcé à discuter. » J’aime pouvoir prendre mes propres décisions et même si l’acte de mon frère était courageux, j’en profite pour gratter un dessert que j’aime bien et lui faire une petite leçon histoire d’inverser un peu les rôles, pour une fois. Caleb a toujours été l’enfant parfait de la famille et moi j’ai toujours été le vilain petit canard, ça me fait du bien de lui donner des torts.
« Si tu as besoin de moi, je serais dans ma chambre, bon courage pour rattraper les choses. » Je quitte la pièce, un sourire toujours greffé sur les lèvres. La présence d’Alex dans ma vie va être compliquée à supporter et j’espère surtout réussir à la croiser le moins possible pour ne pas avoir à faire semblant.
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