Il faut dire ce qu'il en est : il ne m'en faut pas beaucoup pour que je sois blessée dans mon ego. Sans doute, cet ego a-t-il aussi doublé depuis que je suis sur le sol américain. En même temps, derrière le volant de ces avions que nous avons l'honneur de piloter, on se sent tellement fort et invincible. Alors, certes, tout cela reste professionnel, mais il y a bien des erreurs qui se glissent dans notre pratique lorsque nous sentons l'ivresse de la vitesse et malheureusement dans 90% des cas ces erreurs peuvent être fatale au bord d'un avion de chasse. Sur ce coup, je dois dire que je suis vraiment chanceuse d'avoir eu Manchester à mes côtés, mais je ne l'avouerais jamais. Ou du moins pas tout de suite. Dans tous les cas, je ne répond pas à ses remontrances et me détourne des deux hommes pour reprendre la conversation que j'avais en cours avec les autres.

Plusieurs bières et quelques tournées plus tard, nous finissons par être mis à la porte par le gérant du bar car celui-ci doit fermer. Les quelques discussions continuent et se finissent encore sur le trottoir, avant que Jackson ne me demande si j'ai la permission de découcher ou si je dois obligatoirement dormir à la base. Je n'ai même pas le temps de répondre, que Trooper intervient en disant qu'il « savait ».

Me retenant de lever, encore une fois, les yeux au ciel, je me tourne vers Jackson qui se demande s'il est au courant « Au courant de quoi ?» Demandais-je avec innocence « Qu'il me tarde de partager ton lit et ta nuit ?» Reprenais-je sur un ton mielleux alors que je m'approche de mon meilleur ami, lui caressant la hanche du bout des doigts avant d'attraper sa main « J'ai hâte de savoir ce que tu m'as préparé, mon cœur»

Avec un dernier coup d'œil vers Trooper dont le regard s'illumine soudainement, je salue la troupe avant de m'éloigner sans lâcher la main de Jackson. Je vais même plus loin et, m'approchant davantage de lui, je passe mon bras autour de ses hanches, lui mettant ma main aux fesses au moment où nous tournons à un croisement. Ce n'est qu'une fois hors de vu que je le relâche en secouant la tête, amusé par ma connerie « Il est tellement lourd, un truc de fou» soufflais-je en haussant les épaules «Il n'a pas supporter que je le descende lors de notre simulation de dog fight et que j'ai réussi les manœuvres là où lui avait eu besoin de plus de temps pour comprendre la technique » je souris doucement «Mais oui, il est au courant que j'aime les filles, mais il veut pas me croire et il est persuadé qu'il a quand même une chance » je roule des yeux, soupirant « Va falloir que je trouve une façon d'en jouer pour réussir à le remettre à sa place une bonne fois pour toute mais j'ai pas encore trouvé d'idée»

Relevant mon regard sur Jackson, je le laisse nous guider vers l'hôtel et le suis, les mains dans les poches de mon short «Quand est-ce que tu dois retourner à LA ? » demandais-je, alors que nous commençons à marcher tranquillement au bord de la plage.

Il me fait marrer Jackson, à se prendre aussi facilement et rapidement au jeu. Je le sens, autant dans ses gestes que dans sa posture qu'il a très bien compris le message que je voulais faire passer avant que nous ne nous détournions. Ce n'est que plus loin et hors de la vue des autres, que je me détache de lui alors qu'il m'intime de me dépêcher de trouver une solution pour vraiment me foutre de la gueule de Trooper car d'après Jackson, je suis maintenant devenu un challenge aux yeux du pilote. Roulant des yeux, je secoue la tête dans un soupir puis hausse les épaules « Ouais, on verra bien. Je vais sûrement trouver une solution avant la fait du training» dis-je en hochant la tête « Au pire ...si t'as une idée entre temps tu m'envoies un message» je lui souris et lui adresse un sourire avant de laisser échapper un rire.

Rire qui, finalement, se stoppe assez brusquement lorsque Jackson m'annonce que, finalement, nous n'avons que la journée complète de demain pour passer du temps ensemble avant qu'il ne doit retourner à ses occupations. « Bon ben ...Faisons donc de la journée de main la meilleure journée qui soit ! » m'exclamais-je pleine d'entrain avant de grimace à la nouvelle déclaration de mon meilleur ami.

Me renfrognant légèrement, je laisse échapper un soupir et enfonce à nouveau mes mains dans les poches de mon pantalon « erreur de débutant » grognais-je avant de prendre une profonde inspiration « Ils nous préparent pour une mission top secrète et nous oblige donc à voler dans un protocole bien précis. Et dans celui-ci, on se prend jusqu'à 8-9G dans la gueule. Donc la première fois qu'on a fait l’exercice, ça allait encore, je pouvais résister. Mais la troisième fois, j'avais déjà bien 30 minutes de vol dans les pattes et ... bref, j'ai perdu connaissance au milieu de la monté. Donc bon, j'te laisse imaginer le reste hein » je grimace et raconte le tout sur le ton le plus détaché possible, mais dans le fond, je n'en mène pas large : c'était sans doute la chose la plus flippante de ma vie. «Heureusement, Manchester a rapidement réagit et a usé de sa technique particulière pour que je puisse reprendre mes esprits à temps » je hausse les épaules « Donc voilà, le 3 juillet c'est le jour où je suis passé à ça de la mort et où je me suis à nouveau rendu compte que je ne fais pas le métier le plus tranquille qui soit » je laisse échapper un rire alors qu'en vrai je ne trouve absolument rien de marrant à cette situation.

Je n'ai jamais imaginé qu'un jour ou l'autre, on puisse annoncer mon décès à mes parents, mes frères, ma copine et mon meilleur ami. Certes, j'ai conscience à 200% qu'en m'engageant dans l'armée, encore plus en tant que pilote de chasse, je signe, plus ou moins, un arrêt de mort. Mais depuis le début, je suis persuadé que ce ne mourrais pas à cause d'un vol qui a mal tournée ou à cause de l'ennemi. Ainsi, donc, cette erreur de débutant pendant laquelle j'ai clairement vu la mort de très près me montre réellement à quel point mon métier est dangereux.

Mais ce n'est pas maintenant alors que je suis avec mon meilleur ami que je n'ai plus vu depuis plusieurs semaines que j'ai envie de parler de cela. Ainsi, lorsqu'il me dit que ce n'est pas une mauvaise chose de se rappeler du danger lié à nos passions respectives, je hoche simplement la tête et, plongeant mes mains dans mes poches, de le suis en silence jusqu'à l'hôtel. Là, je le laisse gérer la réservation puis suis le chemin indiqué vers notre chambre où il reprend la conversation, présumant que la mission est pour bientôt. Pour toute réponse, il a droit à un hochement de tête silencieux avant que je ne me tourne vers lui lorsqu'il demande quand je rentre « Normalement courant septembre » répondais-je en haussant les épaules « sans doute le- » je ne peux en dire davantage que Jackson s'exclame que je ne dois pas bouger, car 'il nous faut des bières. J'ai à peine le temps de froncer les sourcils que déjà, il est sortis de la chambre, me laissant seule face aux deux lits simples.

Il ne lui faut, fort heureusement, pas longtemps avant de revenir et, armé de deux bouteilles, il ouvre la baie vitrée qui mène directement sur la terrasse avec la piscine. «Ah ouais, je comprends mieux » dis-je en souriant, attrapant une bouteille «T'as pas droit à ça à LA, hein » dis-je avec humour et ironie, me doutant fortement qu'en une semaine il a plus vécu dans le luxe que le reste de sa vie « Je disais donc» reprenais-je en prenant une gorgé « Je pense rentrer vers le 10 septembre voire le 15 au plus tard» dans un soupire, je me laisse glisser sur le sol, m'installant au bord de la piscine, les jambes plongées dans l'eau « C'est en septembre que tu reprends officiellement, si tout va bien, du service, non ?» Changeais-je subitement de sujet ? « Comment tu te sens ? À cette idée ? »

Lorsque Jackson prend son envol pour sauter comme un gros porc dans l'eau, j'ai seulement le reflex totalement idiot de lever la main et me détourner, comme si ces deux gestes, peuvent m'aider à éviter la douche froide. Fait est que ... Non. Je me retrouve mouillé sans même le vouloir, mais je ne suis absolument pas étonné sur le geste de mon meilleur ami. Il est comme ça depuis toujours, quand il y a une bêtise à faire, il la fait et réfléchit aux conséquences après.

Lorsqu'il remonte à la surface, je lui adresse un large sourire, tout en secouant la tête désabusée, alors qu'il revient vers le bord. Là, je lui demande des nouvelles de son boulot et de sa reprise de service et il me dit avoir hâte, travaillant sur son impulsivité et sa colère. «Et ça va ? Le travail porte ses fruits ? » Demandais-je en observant les traces d'éclaboussures autour de nous, faisant ainsi référence à son envie irrépressible de faire une bombe dans l'eau.

« Enfin, j'espère que tout va bien se passer» reprenais-je en prenant une gorgée de ma bière faisant maintenant référence à l'accident qui l'a gardé loin du terrain. Même si j'ai très rapidement accepté le fait que, comme moi, mon meilleur ami a choisi un métier qui est loin d'être sans risques, je ne peux empêcher mon esprit de s'inquiéter. Et il y a bien plus de raisons de craindre pour sa vie que de pouvoir se dire que tout ira bien. Mais ça, lui comme moi le savons. « Je suis contente que tu sois venue ce soir» dis-je, sincère au demeurant, alors que je reprends une gorgée de ma bière. « Réserve-moi un week-end entier quand je reviendrais, ok ? On ira se faire un trail survivaliste dans l'outback » Même si, finalement, il y ait de forte chances qu'en revenant en ville, je n'aurais aucune envie d'entendre parler de l'armée et tout ce qui s'y rapporte pendant un certain de temps.

Les taquineries ne cesseront jamais entre nous. Elles font tellement parti intégrantes de nous, toute notre relation est basée là-dessus. C'est notre façon à nous de communiquer et c'est comme ça que nous nous comprenons. Et même si nous arrivons facilement à avoir des discussions sérieuses, compte tenu de nos activités professionnelles, il est souvent plus facile de parler avec ironie et humour. Alors, lorsqu'il me dit m'avoir à l'oeil, je lève les yeux au ciel  « J'avais déjà mes doutes sur le fait que Manchester est une taupe, mais alors là, le fait qu'il ait tout organiser, ça ne fait que confirmer qu'on ne peut pas lui faire confiance » je laisse échapper un rire et reprend une longue gorgé de ma bière.

Lorsque je propose à Jackson une sortie en mode survivaliste dans l'outback australien à mon retour, la seule chose qu'il retrouve à dire c'est qu'il n'aura pas à supporter mes pieds gelés au réveil.  « T'auras juste à gérer les huntsman et des veuves noires, c'est tout» haussais-je les épaules, trouvant que finalement les pieds gelés ce n'est pas si mal que ça. Toutefois, la suite des paroles de mon meilleur ami m'intrigue d'autant plus qu'il n'en a jamais vraiment parler : il pense partir au Botswana l'année prochaine.

 «Pourquoi spécifiquement ce pays là ? » demandais-je en portant à nouveau ma bouteille à mes lèvres  « C'est ton père qui a des origines Botswanaise, c'est ça, non ? » je fronce les sourcils, n'étant absolument pas certaine de ce que j'avance même si j'ai un vague souvenir d'une information de ce genre  « Je suppose que tu voudras y aller seul » affirmais-je plus que je ne le demande tout en prennant une gorgé de ma bière, mon regard se posant sur le jeune homme  « T'as prévu d'autres voyages l'année prochaine ? Parce que je me dis que j'aimerais bien réitérer une aventure avec toi comme on l'a vécu en Norvège » et c'est vrai que l'Afrique serait une bonne idée. Mais loin de moi l'envie de m’incruster dans un voyage qu'il voudrait peut-être faire en solo.