Non elle ne sait pas draguer Lullaby et pour capter l’attention d’Alexandre il lui semble que c’est handicapant. Avant de lui dévoiler ses sentiments, la jeune femme suppose qu’elle doit déjà chasser, dans l’esprit de l’homme, le fantôme de la jeune fille qu’il a connu il y a dix-huit ans. Lui faire oublier qu’elle est la fille d’un ami à lui, de sorte qu’il puisse la voir comme une partenaire de vie potentielle. Si elle le disait maintenant, la jeune femme redoute que ça ne fasse tout capoter, que l’homme ne prenne peur et s’enfuit finalement. Elle aurait trop peur que tout s’effondre avant d’avoir commencé.

«- Ouai mais… j’me dis que faut bien en passer un peu par là pour effacer l’image de «fille d’un ami» non ? Juste, lui faire doucement prendre conscience que je suis une femme avant tu vois ? Avec tout ce que ça implique. Pour que justement, lui aussi puisse se dire que je suis… j’sais pas, une jolie femme et pas une jolie gamine. Non ?»

Mais n’aurait-il pas put être n’importe qui d’autres, Alexandre, que l’ami de son père ? Fallait-il donc que tout soit si compliqué dans la vie ? Lullaby aurait donné cher pour qu’il n’en soit pas ainsi. S’ils s’étaient croisés en boîte, s’ils s’étaient connus dans un bar un jour, au hasard des rencontres nocturnes, ça aurait été tellement plus facile, non ? Elle imagine, Bee. En attendant, elle se sent dans la panade.

«- Ouai mais… tu crois pas que sa relation avec mon père peut me faire du tord ? J’veux dire… c’est pas anodin… j’ai peur que ça ne me desserve…» souffle la demoiselle.

Mais il vaut mieux boire, même pour de faux, que de se torturer ainsi l’esprit de ces heures. Alors la demoiselle sert leurs verres avant qu’elles ne soient dérangées par les masseurs que la demoiselle introduit dans le salon, observant celui-ci puis ces derniers. Restait à savoir où s’installer.

«- Les canapés sont convertible, ce sera peut-être le plus simple ?» propose la maîtresse des lieux avant que les deux hommes n’acquiescent, faisant se lever Eavan pour préparer les lieux. Bee lui adresse un petit regard entendu. Les minutes à venir vont leur faire, à l’une comme à l’autre, le plus grand bien.

Lullaby est perdue, ne sachant plus ni quoi faire ni comment faire pour attirer l’attention d’Alexandre, sans même savoir si c’est nécessaire de se donner tout ce mal ou si malheureusement l’homme a déjà une jeune femme en tête pour hanter ses pensées. C’est le cas. Mais l’identité de la demoiselle en question pourrait bien la surprendre si la demoiselle en avait connaissance. Au lieu de ça, elle reste aveugle aux petits signes qui ne trompent pas, que l’homme tente de masquer, pour ne pas trop se dévoiler, quand leurs cœurs à l’unisson pourtant, criaient il y a peu encore qu’ils s’aiment follement.

S’affirmer. Le lui dire clairement. Etre claire et oublier la subtilité que les garçons ne comprennent pas. Ça semble si simple, dit par Eavan. Est-ce qu’elle peut vraiment faire cela ? Est-ce que tout est aussi simple que ça finalement ? Une jolie robe pour se mettre en valeur, c’est tout ce dont elle a besoin ? Lui dire qu’il lui plaît… ça marche vraiment dans sa situation ? Peut-être après tout, qu’en sait-elle, elle ?

«- Je suis sûre que ça aurait un effet dingue.» confirme la demoiselle face à la plaisanterie d’Eavan.

Mais elle a sûrement raison, Eavan. Après avoir passé quatre ans à l’aimer en silence, la demoiselle a bien besoin d’être fixé à présent, de savoir si quelque chose entre eux est possible ou si elle n’a aucune chance, de sorte qu’elle puisse passer à autre chose. Même si la jeune femme sait parfaitement, au fond d’elle, qu’elle n’y parviendra jamais.

«- J’imagine que tu as raison…»

Les masseurs arrivant finalement sur ces entrefaites, Lullaby propose de déplier le canapé pour qu’elles puissent s’installer sur celui-ci. Ils s’organisent alors et bientôt toutes deux peuvent prendre place. Laissant Eavan choisir la position qui lui est le plus agréable avec son ventre, Lullaby s’installe également. Elle attache ses cheveux pour ne pas être dérangée par ceux-ci et les hommes ne tardent pas à commencer à s’occuper d’elles. Le contact de l’huile de massage dans son dos la fait frissonne mais Eavan récupère bien vite son attention.

«- Toujours pas !? Mais il va falloir s’en occuper au plus vite !» souligne la demoiselle. Il faut trouver quelqu’un pour l’aider, ça ne va pas s’organiser tout seul, après tout. «Et Ian alors ? Il a finit de musarder ou tu n’a toujours pas de chambre de prête ?»

Pas de baby shower, c’est assez triste. Lullaby voudrait que son amie puisse avoir sa grande journée, celle où toutes ses amies seraient présentes autour d’elle pour passer un bon moment et plaisanter. Offrir des cadeaux pour le futur bébé, aussi. Oui, Eavan a le droit à tout ça, elle a le droit d’avoir sa journée avant l’arrivée du bébé. Et si Lullaby a d’avantage l’habitude d’organiser des mariages, elle sait y faire dans l’organisation d’événementiels. Alors comme elles parlent, elle cherche un moyen d’offrir son grand jour à Eavan, bien que l’arrivée du bébé soit à présent vraiment toute proche. Toute proche, mais ça ne semble pas stresser le futur papa. Lullaby soupire.

«- J’imagine qu’il n’a pas conscience de l’importance que ça a pour toi, que tout soit prêt avant l’arrivée de bébé. Tu as essayé de lui parler de tout ça, de ton ressenti ? De lui dire que bébé peut arriver en avance et le prendre de cours ? Parce que pendant le neuvième mois il peut arriver n’importe quand ce n’est pas une science exacte, regarde, je suis née deux semaines avant la date prévue !» remarque la jeune femme.

Les mains du masseur glissent sur sa peau, et la demoiselle a un petit frisson. C’est agréable et ça détend, elle comprend parfaitement la crainte de son amie de s’endormir, à se laisser ainsi bercer, envelopper, par l’expérience de leurs masseurs. D’autant plus qu’avec sa grossesse évidemment Eavan est fatiguée. Bee imagine en prime que c’est un peu difficile de dormir confortablement, à ce stade de la grossesse alors que toutes les positions doivent être désagréables.

«- Tu m’étonne ! ça détend tellement…» remarque la demoiselle en fermant les yeux elle-même. Et ça fait du bien, vraiment du bien, elles ne peuvent pas le nier. «T'as finis de préparer ta valise pour la maternité j'imagine ?»

«- Ouai, une lubie de femmes enceintes un peu comme les envies de fraises en pleine nuit… C’est bien un mec pour penser comme ça, hein !»

Lullaby rit un peu, même si ce n’est pas drôle en soit. Les hommes se rendent assez peu compte, le plus souvent, de la pression qui pèse sur les épaules des femmes, quand il est question de naissance et d’accouchement, sans comprendre qu’elles ont besoin de sérénité, de se sentir tranquillisé et de voir que tout est sous contrôle. Et malheureusement, la demoiselle stresse un peu Eavan, bien malgré elle, en évoquant la valise pour la maternité qu’elle suppose prête et qui, en fin de compte, ne l’est pas.

«- Ah bah écoute, ravie de te rendre service !» annonce la demoiselle en riant. «Oui tu peux dormir ici sans problèmes !»

La jeune femme ferme les yeux en profitant des attentions de leurs masseurs, profitant de sentir tout ses muscles qui se détendent, lui faisant prendre conscience du stress accumulé ces derniers temps. Trop de choses à faire tout le temps, le corps encaisse, emmagasine et on ne s’aperçoit pas de toute la tension qui s’accumule, qui nous entrave.

Lullaby pose le regard sur Eavan, notant son air détendu et elle esquisse un sourire, ravie d’avoir put éloigner son amie de ses problèmes pour une soirée. Même si elle en avait rappelé quelques uns aussi. Il n’en restait pas moins qu’Eavan avait l’air de savourer l’expérience de l’homme occupé à la masser, à dénouer toutes les tensions de son corps au moment où elle en avait le plus besoin, comme la naissance approchait. Les cours de préparations à l’accouchement ne la détendaient peut-être pas assez. Pour être honnête, la jeune femme ignorait totalement ce que l’on pouvait y faire.

«- N’empêche les femmes enceintes, je vous admire… La grossesse ça me fait tellement peur. L’accouchement déjà. Les piqûres aussi… je souffre de bélénophobie…je tourne de l’œil quand je vois une seringue, c’est te dire… Rien que l’idée d’avoir peut-être du diabète de grossesse, devoir faire des prises de sang et tout… j’ai encore le temps avant d’en arriver là, mais l’angoisse ! T’as une phobie toi ? Y’en a des tellement surprenantes… Genre aérophobie, autocheirothanatophobie, kleiptophobie ou hexakosioihexekontahexaphobie… rien que les noms sont barbares !» elle rit.

La jeune femme ne voulait pas inquiéter son amie et elle n’avait pas réalisé, en parlant, que c’était exactement ce qu’elle faisait. Si Eavan n’avait plus rien à craindre du côté du diabète gestationnel à présent, sa grossesse étant d’un stade trop avancé sans conséquences, la perspective de l’accouchement, de la douleur de celui-ci, pouvait encore inquiéter la jeune femme et Lullaby n’avait pas réalisé l’impact que ses mots pouvaient avoir sur son interlocutrice. Parfois la demoiselle est simplement comme ça, elle parle, elle parle, elle laisse libre court à ses pensés, à la vivacité du cours de celles-ci, et… et elle voit la tête d’Eavan qui se décompose.

«- Désolé Ea… Je ne voulais pas te faire stresser… Mais tout va bien se passer ne t’inquiète pas, tu va demander la péridurale ?» s’enquit la jeune femme.

Elle-même la demanderait. Mais elle imaginait l’aiguille et… catastrophe. D’autant plus que celle-ci était aux dernières nouvelles assez impressionnantes. Mais elle n’allait pas le dire à Eavan, pour ne pas lui transmettre ses inquiétudes à ce sujet. Cette dernière commence d’ailleurs à se détendre comme son masseur s’emploie à faire retomber la pression et le stress qui l’ont envahie.

«- De toute façon en ce qui te concerne, pour le diabète gestationnel, tu ne crains plus rien ! ça arrive beaucoup plus tôt que ça, si tu dois en avoir.» souligne la demoiselle.

Mais Eavan ne l’entend pas, comme elle vient tout juste de s’endormir sous les attentions de son masseur. Alors Lullaby prend congés des deux hommes, non sans leur avoir réglé leur prestation, puis elle vient poser une légère couverture sur Eavan, n’osant pas réveiller cette dernière pour la faire migrer dans la chambre d’amie. Elle range discrètement les plats puis, le nez plongée dans un livre, la jeune femme décide de rester un peu au salon, au cas où Eavan viendrait à se réveiller, pour que cette dernière ne se trouve pas seule et désorientée en pleine nuit.