La route pour Charleville la plus directe passait par Toowoomba. Il avait suffit à Kelly d'apercevoir le nom de sa ville de naissance sur la carte pour être traversée par une sensation de douce ironie. Le premier stop de sa traversée du désert serait le lieu même qui avait forgé sa vie, son caractère, et qui l’avait désormais rejetée. Passer par ces rues serait le parfait pied de nez. Avec enthousiasme, Lee pointa la petite ville du doigt et l’indiquait à Loan. « Je vivais là avant de venir à Brisbane pour les études. Mes parents y vivent encore, quelques amis aussi. Si on trouve quelqu’un pour nous y emmener, je ne devrais pas avoir de mal à nous trouver une vieille connaissance prête à filer un coup de main. » Si Lee ne pouvait plus compter sur la solidarité des Témoins pour l’épauler dans l’aventure, il lui restait des amis hors de ces rangs. Des anciens camarades de classe, des voisins. Les Témoins restaient généralement entre eux, leur communautarisme les stigmatisant d’autant plus ; la brune, elle, avait toujours eu le don de se faire des amis partout où elle allait et gardait le contact avec grand soin. Elle espérait, au mieux, tomber sur quelqu’un qui accepterait de leur prêter au voiture, et au pire, de les conduire aussi loin que possible sur la route de leur destination, peut-être même leur dépanner une première nuit d’hôtel. On résistait difficilement au joli sourire de Kelly Ward malgré la froideur naturelle de ses traits; elle avait le don de baisser la garde de ses interlocuteurs en peu de mots. “Toowoomba est à moins de deux heures de voiture, ça ne devrait pas être trop difficile de persuader un conducteur de nous y déposer.” Son regard de leva vers Loan. S’il approuvait ce plan, alors il ne leur restait plus qu’à lever le pouce sur le bord de la voie.

Première étape : Charleville

Cela commence mal, je serais bien incapable de situer la ville sur une carte. Forte, heureusement, Kelly semble bien plus débrouillarde que moi sur ce point et déjà elle semble établir tout un stratagème afin de relier cette ville qui se situe à plus de 700 kilomètres de notre point de départ. « Je vivais là avant de venir à Brisbane pour les études. Mes parents y vivent encore, quelques amis aussi. Si on trouve quelqu'un pour nous y emmener, je ne devrais pas avoir de mal à nous trouver une vieille connaissance prête à filer un coup de main. » qu'elle m'informe la brunette tout en pointant Toowoomba du doigt sur la carte. Son plan semble tellement rôder qu'on pourrait croire qu'elle l'échafaude depuis des jours déjà. Hypnotisé par sa rapidité, je hoche la tête tel un enfant avant que nos regards se croisent. « Toowoomba est à moins de deux heures de voiture, ça ne devrait pas être trop difficile de persuader un conducteur de nous y déposer. » Nouveau hochement de tête de ma part. « On fait comme ça, en plus tu connais la route, on devrait pas trop se perdre. » Et ça c'est un point non-négligeable.

Je remarque que tous nos adversaires ont décidé de tenter leur chance bien trop proche du point de départ et si les cameramen attirent forcément les curieux, ce n'est pas une brillante idée que de démarrer l'aventure sous le nez de tout le monde. « On devrait marcher un peu, s'éloigner de la cohue. » On descend la colline en direction de la ville, là où le trafic est un peu plus dense. Nos premiers pas dans l'aventure, c'est parti.

« J'ai pas le meilleur des sens de l'orientation, mais je me débrouille plutôt bien avec les gens. » que j'annonce à ma coéquipière. Je suis loin d'être timide et tenir la conversation ne me fait pas peur même si c'est pour parler de broutilles. Tant que cela fait plaisir aux gens et que l'on peut nous rendre service en contrepartie. On arrive à un carrefour plutôt fréquenté, alors que je réalise que deux hommes nous suivent, caméra aux poings. Il va falloir s'habituer à tout cela désormais. Désormais, je marche proche du bord du trottoir, bras tendu, pouce en l'air, sourire aux lèvres. Il va falloir convaincre.

Spoiler:

« On fait comme ça, en plus tu connais la route, on devrait pas trop se perdre. » Kelly acquiesça d’un signe de tête. Lorsque ses parents daignaient encore lui adresser la parole, elle se rendait régulièrement à Toowoomba en voiture. Sa mémoire, quasiment infaillible, avait retenu la plupart des itinéraires possibles entre son chez elle et la maison de son enfance. Si la brune s’était gardé de préciser qu’ils ne pourraient pas compter sur l’aide de Mr et Mrs Ward, elle restait persuadée que sa bonne étoile leur permettrait d’obtenir l’aide de leur voisin, Mr Schopfheim -à vos souhaits. « On devrait marcher un peu, s'éloigner de la cohue. - Bonne idée." approuva-t-elle en jetant un coup d’oeil aux autres candidats. La course avait bel et bien commencé et l’on pouvait aisément deviner que la compétition sera rude. La détermination se lisait sur les visages, une soif de gagne dont Lee n’avait jamais fait l'expérience. Elle suivit Loan jusqu’en bas de la butte, vers une route au passage régulier. Tout en marchant, elle continuait d’analyser la carte. La brune était particulièrement adepte du GPS, mais toute une enfance de porte à porte lui avait forgé un bon sens de l’orientation. Cependant, plus que la carte et la boussole, elle songeait que la stratégie et la chance étaient de meilleures alliés pour cette aventure. Il était donc primordial d’avoir trois pas d’avance sur la suite des événements. « J'ai pas le meilleur des sens de l'orientation, mais je me débrouille plutôt bien avec les gens. » ponctua Loan au cours de leur courte marche. "Je suis sûre qu'à nous deux, on s'en sortira." Kelly lui adressa un large sourire. A dire vrai, tant que son binôme ne se révélait pas être un boulet à son pied, les choses ne pouvaient que bien se passer.

Le jeune homme levait fièrement le pouce. Lee, elle, se demandait s’il existait réellement des personnes qui avaient assez peu d’instinct de survie pour prendre des gens en stop. Certes, les caméras étaient la preuve qu’ils n’étaient pas un do de psychopathes sur la route de leur prochain massacre, mais quand bien même. A la place des conducteurs, elle ne se serait arrêtée pour rien au monde, aussi bonne chrétienne soit-elle. Pourtant, au bout d’une poignée de minutes, la chance sembla leur sourire. La voiture qui s’arrêta sur le bas côté avait tout un rafiot, d’une boîte de conserve sur roulettes, prête à rendre l’âme au prochain calage -et pourtant, il roulait, l’engin, malgré la peinture écaillée, la portière enfoncée, et l’épaisse fumée noire que crachait le pot d’échappement. "Bonjour !" lança Kelly en approchant. Au volant, un homme de leur tranche d’âge. Son autoradio crachait du Rammstein à en faire saigner les oreilles chastes de la sommelière. Suspendu au rétroviseur, un attrape-rêve partageait la danse avec une patte de lapin teintée en fushia. A cela s’ajoutait la très nette odeur de weed imprégnée jusqu’aux fibres des sièges. Tout pour plaire. "Salut, où vous allez avec votre joyeuse troupe ? - Nous allons à Toowoomba, je ne sais pas si vous connaissez. C’est pour l’émission Race of Australia.” Il grimaça en haussant les épaules ; visiblement, il n’en avait pas entendu parler, mais les caméras prouvaient la véracité de ses propos. "C'est ici, reprit-elle en indiquant le point sur la carte. Il y en a pour une heure et demi. C'est sur votre chemin ?" L’homme inspecta l’itinéraire rapidement. "Ça me fait faire un détour, mais ça me dérange pas de vous dépanner." dit-il finalement. Et même si l’automobile la rebutait, même si l’homme lui semblait louche, même si Kelly avait déjà entamé une prière intérieure d’arriver à Toowoomba en vie, elle se précipita sur la portière arrière avant que le bon samaritain ne change d’avis. "Parfait, merci beaucoup. En voiture !” Un caméraman s’installa à côté d’elle sur la banquette, laissant Loan le privilège de monter à l’avant.

« Je suis sûre qu'à nous deux, on s'en sortira. » son sourire est convaincu. Je crois que je suis bien tomber, elle a l’air d’avoir la tête sur les épaules la jeune femme et surtout elle semble déterminée. On est là pour avancer et notre premier objectif, c’est d’atteindre la ville d’enfance de Kelly. On devrait pouvoir y arriver, il suffit de se faire prendre en stop. Si c’était quelque chose d’assez simple il y a encore quelques années de cela, à notre époque faire du stop est quelque chose de beaucoup plus osé. On ne sait jamais sur qui on va tomber et je dois dire que j’observe les voitures qui nous frôle.

Chance pour nous, il ne faudra que quelques minutes pour qu’une voiture s’arrête sur le bas-côté. Enfin… Une épave plutôt. La carcasse est défoncée à plusieurs endroits, une fumée noire s’échappe du pot d’échappement. Je me demande comment la voiture peut encore avancer sans encombre, mais le moteur ronronne fièrement et son conducteur nous adresse déjà un sourire fort sympathique. C’est Kelly qui se charge de lui expliquer ce que l’on fait et où on souhaiterait aller. « Ça me fait faire un détour, mais ça me dérange pas de vous dépanner. » Est-ce que la chance est de notre côté pour ce départ ? Il faudrait croire. Je tente de ne pas parler trop vite, mais je dois avouer que je suis plutôt heureux d’être tombé sur lui. « Merci mec, t’es au top. » Je me permets de le tutoyer, il a l’air d’avoir notre âge après tout, puis c’est quand même plus sympa.

Je me retrouve installer devant et lance quelque peu la conversation avec notre chauffeur. « Tu t’appelles comment ? » « Samuel. » Je lui offre un grand sourire. « Moi c’est Loan. Et mon acolyte, c’est Kelly. » Il hoche la tête le gars et prend un tournant en direction de ce qui j’imagine être la bonne route. « C’est cool votre émission-là, vous avez beaucoup d’étapes ? » « Plusieurs ouais, la première idée c’est déjà d’aller à Toowoomba, là-bas on pensera à la suite. » que je l’informe sans jamais perdre mon sourire. La route s’enchaîne et la conversation également, c’est assez simple, je m’amuse même à chantonner en allemand au rythme de Rammstein. Le caméraman assis à côté de Kelly semble heureux de pouvoir faire des images, j’en sais trop rien, je me concentre sur la route qui défile sous nos yeux.

Une centaine de kilomètres en dehors de Brisbane, on finit par arriver à une intersection qui semble importante et dans mon rétroviseur, je vois Kelly sortir sa carte sûrement pour étudier le chemin. Samuel, notre chauffeur, semble avoir une hésitation.

Spoiler:

“Et vous c’est quoi votre nom, d’ailleurs ?” demanda Kelly au caméraman assis à côté d’elle pendant que la voiture filait miraculeusement sur la route. A l’avant, Loan s’occupait du small talk avec leur conducteur. Elle entendit son nom, Samuel. “Parker.” répondit le caméraman, pour sa part. “Enchantée, Parker. Bon courage avec votre machine, ça a pas l’air léger.” Quitte à ce que celui-ci soit forcé de les suivre partout et de crapahuter avec eux durant ce voyage, autant qu’ils sachent au moins leurs noms. Le second cadreur était dans la voiture de la production qui les suivait à la trace, accompagné de l’infirmier. L’organisation générale était rassurante, aux yeux de l’australienne. Et malgré la musique absolument assourdissante qui faisait trembler l’habitacle de l’automobile, Kelly conservait son bon pressentiment pour cette première journée de route.

Arrivés à une intersection, la brune lut rapidement les panneaux. Oui, elle se souvenait de ce carrefour, et il était aisé de s’y tromper. Samuel avait d’ailleurs commencé à tourner le volant vers la gauche afin de récupérer ce qu’il pensait être l’autoroute. “Non, pas par là !” s’écria Kelly, manquant de faire piler le conducteur. “Prenez à droite. L'autoroute reprend là-bas. En allant à gauche, on s’enfonce dans les petites villes.” Ce qui était fort plaisant pour éviter les bouchons en heure de pointe, mais les rues à 30km/h n’étaient pas dans leur intérêt, et la sortie des bureaux n’était pas pour tout de suite ; à eux la voie rapide, en croisant les doigts pour que leur boîte de conserve tienne la route.

Quelques kilomètres plus loin, un voyant rouge s’allume sur le panneau de bord de Samuel. Immédiatement, la voiture toute entière se met à vrombir et trembler comme un animal à l’agonie. Kelly pâlit. Et s’ils tombaient en panne au milieu de l’autoroute ? Et si l’engin explosait ? Non, non, ils ne pouvaient pas se permettre ce genre de contretemps. Le calme du conducteur aurait pu la rassurer mais, au contraire, la paniquait un peu plus. Savait-il vraiment ce qu’il faisait ? Pourtant, Samuel connaissait sa voiture comme personne, et, serein, il prit la bretelle suivante menant à une aire d’autoroute où se trouvait une station essence. “Faut que je fasse le plein, bougez pas.” fit-il en laissant Lee et Loan à l’intérieur avec le caméraman. Une preuve de confiance qui, en plus de la bonté dont le jeune homme faisait preuve en les aidant, forçait l’admiration de l’australienne. Cependant, ses yeux s’ouvrirent tout rond en apercevant que quelque chose était tombé près des pédales du conducteur. Samuel avait laissé s’échapper un billet de vingt dollars de son portefeuille et ne semblait pas s’en être rendu compte. Pendant qu’il remplissait le réservoir, Kelly interrogeait Loan du regard. Vingt dollars supplémentaires, ce n’était pas rien. Mais pouvaient-ils les dérober au nom de la compétition ? Non, la question ne se posait pas. Ou bien… ?

Spoiler:

L’aventure commence de manière plutôt sereine. On a trouvé quelqu’un qui accepte de nous emmener à notre première étape, et même si sa voiture semble sortir d’une décharge, le gars est plutôt sympa. « J’ai voyagé en stop que j’en avais 25 ans. Meilleure expérience de ma vie. » qu’il nous apprend au fil des kilomètres. Il me fait peur parfois en quittant la route des yeux pour se tourner complètement afin de voir Kelly sur le siège arrière. Il a l’air de n’avoir peur de rien ce Samuel.

« Non, pas par là ! » Le cri de Kelly me fait sursauter et on frôle l’accident lorsque notre chauffeur du jour donne un coup de volant assez brusque. « Prenez à droite. L'autoroute reprend là-bas. En allant à gauche, on s’enfonce dans les petites villes. » Il hoche la tête sans même contester Samuel et je me tourne pour lancer un sourire à ma coéquipière. Elle a complètement géré le truc. « T’es géniale. » que je lui lance avant de me rasseoir correctement dans mon siège, on ne sait jamais.

Encore une cinquantaine de kilomètres et la voiture commencent à montrer des signes de faiblesse. Arrêt essence, un peu au milieu de nulle part. Je pensais en profiter pour me dégourdir les jambes, mais quelque chose me force à rester dans la voiture. Je capte le regard de Kelly et aperçois le billet de 20 dollars sur le tapis de sol. Merde… Ce serait un sacré avantage non ? Un peu de tricherie aussi. Je croise le regard de la jeune femme et soudainement, on a la plus longue des conversations silencieuses. J’étais à deux doigts de me pencher pour récupérer le billet, mais Parker se racle la gorge et Samuel revient dans la voiture. Signe du destin. Rattrapé par ma culpabilité, je croise le regard de notre chauffeur. « Tu as fait tomber un billet, mate. » Ce n’est pas le moment de provoquer le karma.

Il redémarre sa carriole qui pétarade. « Aller encore 100km et on sera à Toowoomba. Je vous laisserais à la sortie de la ville par contre, ça m’arrange. » Je hoche la tête et croise à nouveau le regard de Kelly. « Ce sera parfait, c’est déjà super sympa de nous emmener. » Je lui souris à nouveau. On devrait arriver pile à temps pour pouvoir chercher un endroit où dormir et passer la soirée. De là, on aura le temps de penser stratégie pour notre nouvelle étape de demain.

Plus les kilomètres défilent, plus j’ai la sensation que la voiture est en train de se désintégrer. Le moteur fait de plus en plus de bruit, je suis pratiquement dans l’incapacité d’ouvrir ma fenêtre malgré l’air assez chaud et une odeur bizarre commence à se répandre dans l’habitacle. « Je vais sortir là, ce sera plus simple que d’entrer en plein centre-ville. » Le panneau annonce Withcott. Un regard à Kelly me rassure sur le fait que nous sommes sur le bon chemin. On emprunte une route bien moins emprunter et surtout bien plus rurale. Et ce bruit qui ne cesse d’augmenter, je commence à flipper un peu. Et soudainement, un kangourou déboule en plein milieu de la route…

Spoiler:

La tentation s’envole aussi vite qu’elle est arrivée, et d’ailleurs, ni Loan ni Kelly n’ont le temps de se ruer sur les vingt dollars tombés au sol. Samuel est de retour, prêt à reprendre la route. « Tu as fait tomber un billet, mate. » lui signale son acolyte dont la brune ne manque pas de noter la droiture. Jusqu’à présent, la dynamique de leur duo semblait en tous points correspondre à ce qu’elle espérait de cette aventure. Elle lui adressa un sourire sincère. Une semaine à ce rythme, et ils pourraient bien parvenir à gagner leur place pour la semaine suivante.

Toowoomba n’était plus loin. La maison des Ward n’était pas loin de l’entrée de la ville, y être déposés n’était donc pas un problème. Il ne leur restait plus qu’à tourner ici, et là, et ils y étaient. Mais un animal sauvage décida de leur griller la priorité et, déboulant de nulle part, provoqua un vent de panique dans l’habitacle. “Oh mon Dieu !” souffla une Kelly sous le choc et bien secouée. Les excellents réflexes de Samuel leur permirent d’éviter le kangourou de justesse, leur laissant à tous une sacré frayeur. Cependant, la tête de Loan avait percuté le tableau de bord, comme la grande trace rouge sur son front en témoignait. “Loan ! Loan, tu vas bien ?” demanda l’australienne en se jetant entre les fauteuils de l’avant de l’habitacle afin de vérifier l’état de son coéquipier. En une poignée de secondes, l’infirmier de la voiture qui les suivait apparut et tapota contre la vitre de la portière. “Je dois inspecter ça, m’assurer que tout va bien.” expliqua-t-il. La production ne pouvait décemment pas se permettre d’être laxiste concernant la moindre blessure durant la course, et un choc frontal pouvait provoquer plus de complications que cela n’en avait l’air.

“Rien de grave ?” demanda Kelly, bras croisés, observant l'infirmier faire depuis l’extérieur du véhicule. Elle profitait de cet arrêt forcé pour se dégourdir les jambes -et contenir son impatience en faisant les cent pas. Ils perdaient du temps. Peut-être que leur chance commençait à tourner. “Juste une belle bosse, vous pouvez continuer.” assura le soignant. Puis il regagna le second véhicule. Lee retourna à l’arrière de la voiture de Samuel, et celui-ci lança de nouveau le bruyant moteur de son increvable machine. Il les déposa quelques kilomètres plus loin. Ils étaient bel et bien à Toowoomba. “Merci encore, Sam.” fit Kelly à leur chauffeur avant de s’éloigner, sac sur le dos. Désormais, ils n’avaient plus besoin de carte : cette ville, elle la connaissait par coeur.

Qu’il était étrange de passer juste devant la maison de ses parents, sans y prévoir le moindre arrêt. Voir les fenêtres d’où s’échappait la lumière témoignant de la présence des Ward chez eux lui brisait le coeur. La sommelière ravala néanmoins son amertume. Si elle n’existait plus pour eux, alors eux n’avaient plus à exister pour elle. Ils avaient fait leur choix, et ce n’était pas leur propre fille. La maison d’à côté était toute aussi coquette. Les voitures dans l’allée de garage laissaient deviner que les voisins étaient bien chez eux. Sur le pas de la porte, Kelly frappa trois fois, et quand celle-ci s’ouvrit, elle dégaina son plus beau sourire. “Monsieur Schopfheim, bonsoir ! -Oh, Kelly, ça fait un moment qu’on ne vous a pas vus par ici. -Je sais, j’ai été très prise.” Faux, mais les caméras n’avaient pas à connaître la vérité de sa situation. “Je vous présente Loan, reprit-elle en se tournant vers le jeune homme. Nous participons à une émission ensemble. Nous devons nous rendre à Charleville avant dimanche. Est-ce que vous pouvez nous aider ?”

Spoiler:

Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui nous arrive que Samuel écrase les freins de la voiture qui crissent dans un bruit strident tandis que mon corps, malgré le fait qu’il soit retenu par la ceinture, s’envole vers l’avant. Mon front rencontre le plat du tableau de bord dans un bruit fracassant alors que je commence à voir trente-six chandelles. « Outch. » Une douleur me prend au thorax et au front. Je me retrouve un peu sonner et lorsque je relève la tête, je sens la main de ma coéquipière sur mon épaule. « Loan ! Loan, tu vas bien ? » Je secoue un peu la tête et c’est pas forcément la meilleure des idées. « J’ai mal à la tête. » Tout le monde s’arrête et déjà l’infirmier de la production me demande de sortir doucement de la voiture. « Putain, je suis désolé mate. »[/color] Il s’excuse notre chauffeur alors qu’il vient probablement de nous sauver la vie en ayant des réflexes aussi bons. « Tu vois flou ? T’as mal à la nuque ? » Je secoue la tête aux questions de l’infirmier face à moi. « Mal au torse, mais c’est la ceinture. » J’aurais probablement une trace demain. Super. Premier souvenir de mon aventure dans une émission télé. La caméra du fameux Parker est braquée sur mon visage et je pose mon regard dans le rond de l’objectif. [color=#000000]« J’ai une sale tête, c’est ça ? » J’entends des rires autour de moi et je hausse un peu les épaules avant de m’approcher de Kelly. « Bordel, j’ai vu ma vie défilée. Violent le début de l’aventure, je vais déjà finir dans le bêtisier. » Mais j’en ris de bon cœur et très rapidement, on nous donne le feu vert pour continuer notre chemin. Mes doigts viennent frôler mon front, je vais me retrouver avec un œuf de pigeon dès demain matin. Et déjà, on est de retour dans ce véhicule increvable. « Ta voiture va être célèbre, je crois. » Et il explose de rire Samuel. « Ah, bah, je vais m’en souvenir de cette journée avec vous. » Oh nous aussi, t’en fais pas.

Et nous voilà à Toowoomba. Je ne connais pas du tout la ville et me laisse complètement guider par ma coéquipière qui n’a aucune hésitation. En quelques minutes on se retrouve devant une petite maison simple mais douillette. Un vieux monsieur vient ouvrir la porte et accueille Kelly avec un grand sourire. Cela semble bien parti, jusqu’à ce qu’elle parle de l’émission et que l’homme remarque les caméras. « Non mais sortez ces caméras de chez moi. » Il s’emporte le monsieur et son ton change complètement. « Je ne veux pas ça de chez moi, allez-vous en. » Kelly n’aura pas le temps d’argumenter que déjà la porte se claque violemment devant notre nez. « Okay… » On s’échappe rapidement de l’allée pour ne pas énerver plus longuement le vieil homme.

Merde… Je ne connais rien ici et ce n’est pas avec 5 dollars que l’on va pouvoir dormir à l’hôtel. « Tu connais quelqu’un d’autre par ici ? » On ne sait jamais, elle disait avoir grandi ici, elle doit avoir d’autres amis dans le coin éventuellement. Je regarde un peu autour de nous alors que l’on a repris notre chemin. Ce serait idiot de camper alors que l’on se trouve dans une ville. « Sinon je vais frapper chez le premier venu, qui ne tente rien n’as rien, hein. » Je hausse les épaules. On trouvera bien quelqu’un qui voudra de nous, je pense. « Il nous reste combien de temps avant de devoir tout arrêter. » « Une heure trente. » nous indique Parker. Bon… Ça nous laisse un peu de marge au moins. « Alors, dis-moi. C’est ta ville, on fait comme tu le sens. » que je dis en souriant à ma coéquipière.

Contre toute attente, la porte se referme sur eux. Kelly reste bouche-bée un instant, avant de suivre le mouvement lancé par Loan et de quitter la pelouse du vieil homme. Elle n’avait jamais songé à quel point les caméras pouvaient rebuter certaines personnes ; elle s’était accommodé de leur oeil qui les suivait partout avec bien trop d’aisance. Déçue et embarrassée, l’australienne semblait dépitée. Elle ne savait jamais comment réagir lorsque les choses n’allaient pas dans son sens. « Tu connais quelqu’un d’autre par ici ? demanda Loan. Sinon je vais frapper chez le premier venu, qui ne tente rien n’as rien, hein. » Lee esquissa un sourire amusé. Il lui suffit de regarder autour d’elle afin de retrouver ses repères dans la ville pour déduire qu’ils étaient à une distance raisonnable, à pied, de deux connaissances susceptibles de leur donner un coup de main. Et s’ils ne trouvaient pas de chauffeur pour le lendemain, le duo devait au moins s’assurer d’avoir un toit sur la tête pour dormir. “T’en fais pas, on a encore quelques connaissances à aller voir avant de perdre espoir.” lui assura-t-elle. « Alors, dis-moi. C’est ta ville, on fait comme tu le sens. » Oh, ce n’était plus vraiment sa ville. Mais venir ici était son idée, et mieux valait que cette initiative ne mène pas à une impasse doublée d’une perte de temps. “Au bout de la rue, il y a Cynthia, une amie de lycée. Son mari est routier, alors on a peut-être une chance. Et vers le centre-ville, je connais Julian, il ne me refusera pas un service.” D’autres personnes pouvaient figurer sur la liste, mais leurs domiciles n’étaient pas aussi proches et l’heure tournait ; bientôt, ils devraient tout arrêter pour dormir à la belle étoile, ce qui ne serait pas la conclusion idéale à une journée ayant si bien débuté. Durant leur marche, Loan et Kelly passèrent devant plusieurs fast-foods, bars et restaurants aux odeurs alléchantes. L’estomac de la brune se réveilla soudainement dans un gargouillis retentissant. Le rouge lui monta aux joues instantanément. “Je commence à avoir faim.” commenta-t-elle. Elle supposait que son comparse espérait également qu’ils n’étaient plus loin de leur futur dîné. Ils n’avaient pas encore dépensé leurs cinq dollars et pouvaient peut-être les économiser pour la suite de la semaine s’ils s’en sentaient le courage -mais le ventre de Kelly laissait présager le contraire. Au bout d’une dizaine de minutes de marche, ils arrivèrent devant la maison de la fameuse Cynthia. “Allez, cette fois c’est la bonne.” souffla-t-elle avant de frapper à la porte. A nouveau, la sommelière exposa la situation, espérant un retour positif. Il leur restait Julian, en cas de second refus, un nerd invétéré.

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