C'est presque comme si y'allait avoir un moment de sursis, quand ses yeux brouillés tombent dans les miens. Elle a dégagé ma main mais elle reste là quand même Elise, son « Je ne t'en veux - oh merde. » interrompu par j'sais pas quoi, j'sais pas qui et - oh boy. « Je vous dépose et je repars. J'ai du travail, moi. » il se la joue figure d'autorité à nous toiser à égalité de son ton d'adulte quand Elise est clairement plus affectée que moi. Ses doigts se referment sur mon avant-bras comme des serres d'aigle. Elle titube, mais elle a de la force, elle griffe la brune. « J'ai. Perdue. Mes. Souliers. » « J'les ai tes souliers. » escarpins que je lance au même titre que son portable sur le siège arrière avant de m'y engouffrer la première. Installez-vous tous les deux à l'avant, réglez vos comptes le temps que j'attends.

« J'espère que vous avez au moins profité de votre journée. » « Il est fâché. » mais non, elle suit. Elle suit et elle pose sa tête sur mon épaule et elle est partout Elise. Mon soupir s'étouffe dans la bouteille de blanc que j'ai volée au bar comme prix de consolation. « Il l'est toujours. » tant qu'elle verra pas le vin dérobé, elle aura pas l'idée d'en prendre une gorgée.

Puis, elle s'occupe. « Tes cheveux sont super doux. » et ses doigts sont collants, ils glissent pas entre mes mèches, ils s'y perdent et ils tirent, y'a des noeuds, l'horreur. « Saül! Ses cheveux sont si douuux. » « Doux et bien gras maintenant. » je peux juste pouffer de rire là, parce que je sais pas qui d'entre elle et moi a le plus de cheveux doux dans l'histoire. Elle m'a arraché des mèches c'est sûr à voir les vestiges de ce qui était sur ma tête noyant l'une de ses paumes.

« T'ES OBLIGÉ DE CONDUIRE EN MALADE ? »
« Autant que toi t'es obligée de crier. »

Ça me paraît simple, comme calcul de logique, non? Ouais, ça c'était avant de tourner la tête et de voir l'épave à côté qui a le teint bien vert, bien pâle aussi. « Arrête la voiture. » le feu rouge qui aide à ma cause, quand j'ouvre la portière sans l'écouter qu'il râle ou pas - spoiler alert : il râle sûrement - amenant Elise sur le trottoir avec moi, la première poubelle du bord qui fera l'affaire.


@elise williams
@saül williams

« J'ai. Perdue. Mes. Souliers. »
« Seigneur. »
« J'les ai tes souliers. »
« Sortez le champagne. »

Mon dieu que c'est l'enfer, de respirer le même air qu'elles. Cette voiture est étouffante et Saül aurait bien besoin d'un grand verre de vin. En attendant, c'est peut-être Elise qui aura besoin de décuver. Elle sent un mélange d'alcools que Saül ne connaît pas et ne veut pas connaître, lui qui est plus habitué à la douce odeur de la liqueur de châtaigne qu'au mauvais whisky bas de gamme. Bien sûr qu'elles montent en voiture, les deux jeunes femmes, au risque de barbouiller les sièges de la voiture de Saül de vomissures et de tequila non absorbée. Mauvaise idée de leur faire entreprendre un voyage trop long. Voilà que l'italien ouvre les fenêtres, gêné par l'odeur, alors qu'Elise file s'échouer à l'arrière de la voiture. « Il est fâché. » « Il l'est toujours. » Oui, c'est vrai, toujours un peu. Surtout quand les deux femmes lui donnent mal à la tête comme un trop plein de pastis. « Je ne le suis jamais sans raison. » Elles sont toutes les deux proches de la vérité quand lui en est loin, face voilée et regard rivé sur la route. La voiture s'élance sur l'asphalte.

« Tes cheveux sont super doux. » Alors maintenant, Elise et Ariane sont meilleures amies. Saül n'ose pas jeter un regard sur la banquette arrière, parce que la situation est trop cocasse. Peut-être que c'est lui qui a abusé du génépi, tant cette journée lui paraît parfaitement absurde. Irréelle. L'italien ne pense qu'à la bouteille de cognac qui l'attend sagement, quelque part dans la cuisine qu'il partage - bien à contre cœur parce qu'elle prend toute la place, si on lui demande - avec Ariane. « Saül! Ses cheveux sont si douuux. » Oh, Saül le sait si bien. « Doux et bien gras maintenant. » « Arrêtez de vous agiter, je ne vois rien dans mon rétroviseur. » Un coup d'accélérateur et le rétroviseur est déjà, de toute façon, complètement obsolète.

« T'ES OBLIGÉ DE CONDUIRE EN MALADE ? » Seigneur Dieu.
« Autant que toi t'es obligée de crier. »
« Hausse encore le ton et je te laisse sur le bas-côté. » C'est la bataille, dans la voiture, quand il manque de faire une queue de poisson au conducteur d'à côté, lequel l'a probablement insulté en toutes les langues. Feu rouge. « Arrête la voiture. » « Ariane, remonte dans la voiture. Ariane ! » Bien sûr qu'Elise suit, bien sûr qu'il se gare comme il peut sur le trottoir. Un litre d'absinthe ne lui ferait pas assez perdre la tête pour qu'il oublie la vision d'horreur qui suit. Une moto manque de faucher les deux femmes et Saül s'arrache les cheveux.

Elle va vomir, Elise. Tant que c'est loin des roues de la voiture, c'est mieux. « Combien de shots de vodka lui as-tu fait boire pour qu'elle soit dans cet état ? » Peut-être aucun. Elle ne boit pas trop, d'habitude, Elise. Juste un peu de gin ou du vin. Parfois, Saül sort des alcools originaux qu'il rapporte de ses voyages à travers le monde. Beaucoup d'alcools français, pour les dernières fois. Un peu de Calavados, un Ricard qu'il déteste absolument - et qui finira probablement dans l'évier de la cuisine, n'en déplaise aux sudistes de l'hexagone. Reste encore cette bouteille de Trouspinette que Saül rechigne à terminer.

Quand le teint de Elise vire au verdâtre, Saül lève les yeux au ciel. Cette situation est ridicule, l'agace au plus haut point. Des affaires plus importantes l'attendent, pourtant. Pourquoi Ariane et Elise ne se contentent-elles pas de s'éviter, comme le font les femmes dans ce genre de situation ? C'est vers l'auteure qu'il se tourne, pourtant, alors que les conducteurs excédés lui lancent des regards mauvais. « J'aurai besoin d'un grand verre de rhum, quand tout cela sera terminé. » Ou de quelque chose de plus fort, vu la confusion dans laquelle il se trouve.

« Il l'est toujours. » « Je ne le suis jamais sans raison. » Tu éclates de rire comme un enfant à qui on vient de raconter la blague la plus nul du monde. Tu ris de bon coeur. Vraiment. Quel farceur ce Saül qui s'invente des raisons dans sa tête. Il avait juste à pas venir s'il est pas content. Personne ne lui a demandé de venir. Il est venu de lui même.

« Autant que toi t'es obligée de crier. »
« Hausse encore le ton et je te laisse sur le bas-côté. »
« Va t'faire voir. J'te déteste. »

Il y a de l'amour dans l'air les amis. Non. Vraiment pas. Encore moins quand le haut le coeur te prend par surprise. Enfin, c'est pas vraiment une surprise avec le mélange d'un peu n'importe quoi et la quantité que tu as ingéré. Pas que ce soit siii pire non plus, mais pour ta capacité oui. Il était déjà bu le verre de trop quand Ariane est débarqué. « Arrête la voiture. » « Ariane, remonte dans la voiture. Ariane ! »  Tu comprends rien quand ton corps est attiré vers l'extérieur. Tu comprends rien quand tes jambes suivent sans se poser de question. Tu ne regardes même pas où tu vas. Tu suis. C'est tout. Tu sais pas trop si c'est l'alcool ou l'odeur de la poubelle, mais c'est inévitable. Elle est presque invitante la poubelle lorsque tu t'y penche pour vomir la totalité de ce que tu as bu plus tôt. Elise dans toute son élégance est absente ce soir. Elle est perdue dans les oubliettes. Quelqu'un pourrait aller la retrouver s'il vous plaît ? Ce serait bien au moins de dire que ça fait du bien, que tu te sens mieux. Mais non, c'est pas le cas. Ton teint est toujours aussi verdâtre. Tu as exagéré ce soir. Beaucoup trop. Tu entends des voix, sans trop arrivé à suivre ce qui se passe. Personne beugle ton prénom. Ça va. Personne te parle. Temps mieux, tu piges rien.

C'est un totale mystère comment tu tes rendu jusqu'à la fameuse poubelle. C'en est un encore plus gros comment tu te retrouves de nouveau sur la banquette arrière. Il t'a pas encore abandonner sur le bord de la route, c'est déjà ça. Tu prends tes aises finalement. Tu viens t'allonger de tout ton long sur le siège. Ta tête venant trouver la cuisse d'Ariane. Après avoir vomit, c'est la fatigue qui te prend. « Tu vas rentrer avec moi ? » À qui est-ce que tu parles ? Au type que tu viens de lui gueuler dessus que tu le détestes ? La logique voudrait que ce soit lui. Pourtant, ton bras qui s'enroule autour de la cuisse d'Ariane porte à confusion. C'est peut-être pour ça que personne répond. Sûrement pour ça et pas pour l'énorme malaise qui s'installe. Bon allez, mettons les choses au claire. « Jack ? » que tu relances. C'est juste dommage que personne ne répond à ce prénom dans cette voiture. Vraiment dommage. La suite est plutôt incompréhensible. Tu marmonnes n'importe quoi. C'est pas trop claire qui tu maudis. Même toi, tu ne sais pas. Et puis voilà, tu t'endors pour la suite du trajet.

« Ariane, remonte dans la voiture. Ariane ! »
« Me dis pas quoi faire. »

Oh qu'il fait du bien, celui-là, quand mes pas se précipitent à la suite d'une Elise qui, je le capte absolument pas, arrive à quand même avancer sans compromettre ses chevilles, sans se casser la moindre dent en s'affalant sur le bitume. « Combien de shots de vodka lui as-tu fait boire pour qu'elle soit dans cet état ? » la douce mélodie de la gerbe qui sort dans une poubelle non loin par regains d'énergie que je ne la croyais plus capable d'avoir sert de trame de fond. Mon visage lui, se tourne vers Saül tout sourire la seconde d'après. « Aucun. » de la tequila, de la liqueur de cassis, et du jäger par contre, ça ouais, y'en a eu. Oupsie.

Elle se relève en championne ou du moins ce qui doit y ressembler dans sa tête, quand la mienne cogne sur la sienne de tenter de passer un bras autour d'elle pour la garder droite. Damn qu'elle est molle comme une carpe. « J'aurai besoin d'un grand verre de rhum, quand tout cela sera terminé. » la rentrer dans la voiture relève d'une gymnastique que mes sens embrouillés ne maîtrisent pas encore totalement, et c'est bien entre deux rires étouffés que je redresse le menton vers l'autre qui se joue tantôt figure d'autorité tantôt juge silencieux pour l'affubler d'une menace qui n'en a que le nom. « J'en gère déjà une me force pas à en gérer un autre. » le comble serait bien que je finisse par aller les border tous les deux, quand déjà y'a elle de qui je me suis apparemment donné la mission de garder okay.

« Tu vas rentrer avec moi ? » elle est lourde, à s'enrouler comme un cobra autour de mes jambes. Je suffoque mais au moins elle a lâché mes cheveux. La fenêtre que j'ouvre au grand complet pour faire passer les effluves dégueulasses d'alcool pas digéré qu'elle a encore d'accrochées à son haleine. « Jack ? » oh merde. C'est pas dit que je vais être au centre d'une de leurs disputes, encore moins quand c'est même pas moi la cause. Son portable collant trônant comme un drapeau blanc à ses pieds salis par les trottoirs poisseux, je l'attrape comme un Graal. « Il a dit quoi, finalement? » c'est pas en parlant de lui sans utiliser son nom que je vais adoucir l'ambiance. Pourtant les fils dans ma tête ne se connectent pas et la seule chose qui se connecte finalement, ce sont mes doigts à son écran à la recherche des derniers messages qu'elle (que je) lui a envoyés. « Connard il a rien répondu. » une autre insulte en français part, pour appuyer le "connard" qu'il n'aura pas entendu.

Un soupir, une tête lourde, une prise sur ma cuisse qui se dégage et un ronflement fort, sec, guttural. « Elle dort. » capitaine évidence ici, quand je pouffe de rire à nouveau. Les nerfs dirons-nous, la situation sortie de nulle part qui n'aide pas. « Et j'ai faim. »