A cet instant-là, il ne s’agissait plus réellement de se montrer convaincant et de rallier Halsey à sa cause, ce qui était clairement peine perdue, mais plutôt de sauver les meubles et de ne pas trahir la crainte qui coulait véritablement dans ses veines. Si la brune saisissait la moindre faille dans son comportement, elle aurait vite fait de décerner plus qu’un simple désaccord, et les reproches qu’elle lui jetait au visage concernant ses petites enquêtes un peu trop approfondies sur elle auraient vite fait de se transformer en une vendetta sur laquelle il n’aurait plus aucun contrôle, et dont il ne saurait comment en sortir. Si Halsey apprenait qu’il lui mentait à son insu, alors qu’elle était supposée avoir la primauté sur les informations concernant Raelyn, il n’osait présager de ce qu’elle pourrait faire. Le rayer de cette affaire, ou pire, de sa vie, ce qui aurait des conséquences qu’il se refusait à entrevoir.

Suivre les traces de Raelyn était le coup d’audace qu’ils n’avaient jamais tenté auparavant, ne se lançant que sur les traces de personnes qu’ils se savaient capables de piéger - et pourtant Clyde n’avait en aucun cas eu à forcer Halsey, contrairement à ce que ses accusations laissaient entendre. “Tu ne m’as pas dissuadée non plus, tu avais même l’air plutôt emballé jusqu’à ce que ça devienne trop compliqué à gérer pour toi.” Le brun serra les dents, suffisamment fort pour que cela se devine sur son visage, mais pas assez pour que les mots qu’il avait en tête franchissent réellement la barrière de ses lèvres. La vérité était que pour la première fois, il considérait réellement cette situation comme trop compliquée, et surtout trop dangereuse. Il était loin d’être un dealer, et encore moins un assassin, et tremper dans ce genre d’histoires ne l’attirait guère - au contraire, il se complaisait aisément dans le genre de magouilles qu’il maîtrisait et qui ne lui attiraient en réalité que peu d’ennemis. Le flingue qu’il planquait en permanence dans sa bagnole ou son manteau ne lui servait que d’une assurance qu’il espérait ne jamais avoir à utiliser - alors se frotter à ce qui ressemblait fortement à un gang ou une mafia organisée était la dernière des choses qu’il souhaitait. Au-delà de générer des risques incalculables, ils n’auraient que peu de chances d’obtenir ce qu’ils attendaient réellement de Raelyn, et cela ne pouvait que leur porter préjudice pour la suite. Moins leurs visages et leurs noms étaient connus, mieux ils se portaient, et cela signifiait d’éviter autant que possible d’autres criminels aux bras démesurément longs. “Arrête de m’insulter, tu veux.” Les situations compliquées, il savait gérer, et ce n’était pas deux mots d’Halsey qui allaient remettre en cause ses capacités. Cependant, il n’avait dans le cas présent aucune envie de gérer ces complications - car il n’y en avait strictement rien à retirer, et tout à y perdre. “C’est plus compliqué qu’on l’avait prévu, point. Raelyn t’a clairement fait comprendre qu’elle te lâcherai pas un dollar alors ça sert à rien de perdre du temps avec elle, on a mieux à faire.” Encore une fois, il tentait de détourner le problème, de gagner du temps en apparaissant aussi convaincant que possible pour qu’Halsey n’y saisisse pas la supercherie. Malheureusement pour lui, et la part de vérité qui se trouvait réellement dans ses mots, la brune n’avait aucune intention de se laisser démonter aussi facilement - ce qui aurait également été le cas du brun, qui voyait dans le cas de Raelyn un challenge, avant d’y flairer un danger. “Ne me fais pas l’affront de prétendre ne pas savoir de quoi je parle Wakefield.” Le ton et l’attitude agressive qu’elle adoptait envers lui étaient des facteurs suffisants pour qu’il lui en fasse l’affront, pourtant. “J’vois pas vraiment de quoi tu parles, non.” “C’est la première fois que tu tiens un discours pareil concernant une affaire, et je n’ai pas l’impression que tes arguments tiennent la route. Alors oui, tu dois forcément avoir un problème, je ne vois rien d’autre.” Clyde avait supporté les mots de la brune sans broncher, et pourtant, la déception qu’il ressentait dans sa voix lui donnait envie de lâcher les armes et de tout lui avouer pour qu’elle cesse de le regarder comme un incapable. Cette vision, celle d’Halsey déçue et énervée contre lui, renfermait ce qu’il haissait le plus au monde - et pourtant, c’était en tenant bon face à ce regard noir qu’il la protégerait, et pas en lui avouant tout ce qu’il la mettrait davantage en danger. Moins elle en savait, plus elle serait en sécurité, et il s’agissait de la pensée que le brun se passait en boucle dans la tête pour éviter que les paroles de la brune ne viennent le heurter trop fort, et qu’il ne craque sous la pression.

Malheureusement pour lui, il avait craqué toutes ses allumettes, et peu importe l’approche qu’il adoptait envers Halsey, cette dernière semblait campée sur ses positions et le fait que rien ne devait se mettre en travers de cette affaire. Car l’idée émanait de lui, qu’il en était responsable, et que par conséquent il ne lui revenait pas de décider quand et pourquoi les recherches devaient être abandonnées. La pire chose à supporter pour le brun était d’être en accord avec certaines des paroles de la brune, et de devoir pourtant les défier d’un regard noir dans lequel il mettait toute la volonté d’un homme prêt à tout pour protéger la femme à ses côtés. Alors, pour tenter de tenir le cap des mensonges qu’il s’était fixé, il ne lui restait plus qu’une option - celle de se dérober, d’envoyer au diable ce qu’Halsey pouvait bien lui opposer, et de rester buté coûte que coûte sur son plan, qui nécessitait avant tout de ne pas craquer devant la brune. “Tu sais quoi, invente des problèmes si ça te fait plaisir, j’ai pas que ça à faire.” L’aplomb avec lequel il rejetait la faute sur la brune lui donnait l’envie de balancer son poing contre le mur, et pourtant, il se rapprocha d’elle pour la toiser de toute sa hauteur et lui montrer que ses jeux d’intimidation ne fonctionnaient pas - en apparence, du moins. Il fit ensuite demi tour, attrapa son manteau qu’il avait déposé sur une chaise puis s’éloigna sans daigner se laisser aller à davantage d’explications. Ne restait de lui que l’image d’un homme énervé et persuadé d’avoir raison, tout ce qu’il n’était en réalité pas. Avant de sortir de la pièce, il se retourna une dernière fois vers elle, d’un ton légèrement plus calme et qui transpirait pourtant la froideur. “Quand tu sera calmée, on parlera des autres pistes beaucoup plus intéressantes.” Comme si leur relation ne s’arrêtait qu’aux arnaques, aux mensonges et aux profits, et qu’aucun de leurs sentiments personnels n’avaient réellement été blessés depuis qu'il s'était aventuré là où il n'aurait pas dû. Comme si.