Après avoir échangé longuement sur son histoire, Timothy s’intéressa à la mienne. Ainsi, j’appris qu’il travaillait à State Liberty, la librairie qui m’avait vu grandir et qui était mon antre encore aujourd’hui. Par la même, il connaissait le nouveau propriétaire depuis deux ans maintenant, Gabriel. Lui et moi nous connaissions très bien, ce que je partageais d’ailleurs avec Tim’ « Ton thérapeute, hein ? C’est vrai qu’il dit toujours de sages paroles mais il pense pas assez à lui, ce cher Gaby, faudra que je lui redise tiens ». J’acquiesçais alors, sourire aux lèvres. Là-dessus, nous étions d’accord « Ah tu trouves toi aussi ? Il doit connaitre ma vie par cœur mais moi, en contrepartie, j’en sais très peu. Et pourtant, je suis certaine qu’il aurait besoin lui aussi de déballer son sac par moment ». J’appréciais la personnalité de Carnahan, il était comme une sorte de récepteur, qui encaissait beaucoup mais qui, en revanche, extérioriser peu. Je savais que tout ce que je pouvais lui dire resterait bien garder avec lui. Mais je me demandais aussi comment il faisait pour garder tout pour lui sans un jour exploser. « Tu vois il y a toujours du bon qui sort du très mauvais. Et puis, pour ta vie amoureuse, c’est que le début, non ? Tu parles à un homme qui a commencé à se mêler de tout cela à trente deux ans donc tu vois, t’es pas perdue ». Je n’avais pas de doute là-dessus, je préférais toujours voir le positif. Cependant, il y avait des moments où je me posais de réelles questions sur mon avenir et, quand je vivais ce genre de passades, je pouvais tomber bien bas « Vu comme ça… » je souriais alors voyant le léger rougissement de joues de Timothy « Franchement, tu n’as pas de « honte » à avoir pour ça. Toujours dans une vision d’optimisme, dis-toi que ça t’évitera peut être de connaitre trop de déceptions mais aussi de te poser beaucoup moins de questions… » Parce que oui c’était mon cas « La trentaine est difficile à vivre pour moi. Je me demande quelle direction j’ai envie de faire prendre à ma vie ». Les rôles étaient entrain de s’échanger, bien que Timothy ne posât pas de questions, je me livrais à lui. Mais cela se faisait tout naturellement. D’ailleurs, je disais au jeune homme que je serai ravie de le voir à nouveau car j’appréciais beaucoup sa personnalité « Et bien, quand tu voudras. Je peux te laisser mes coordonnées, même si tu sais toujours que je risque d’être entre deux allées de librairie ». J’acquiesçais alors, sortant mon téléphone pour lui permettre d’entrer ses coordonnées « Tiens » fis-je en lui tendant « Je t’envoie un message juste après comme ça tu auras le mien aussi. Et sache que tu peux aussi me contacter si besoin ». Mais comme il le disait, si je le cherchais je savais où je pouvais le trouver « Tu risques de m’y voir souvent mais ne pense pas que je te harcèles. Je suis juste une habituée et puis, comme je t’ai dit, Gaby est mon thérapeute donc je viens souvent le voir ». Je riais doucement reprenant mon téléphone de ses mains pour lui envoyer tout de suite un message afin qu’il ait aussi mes coordonnées.  

Tim et moi nous étions trouvés un ami en commun. Disons que pour lui c’était avant tout son patron mais, connaissant la gentillesse innée chez Gabriel, je ne doutais pas qu’il était aussi devenu rapidement avec le jeune homme. Il avait le cœur sur la main, toujours attentif aux autres. Je me souviens avoir été réticente en apprenant le changement de propriétaire à la librairie. Je connaissais les anciens depuis toujours. Mais j’avais été agréable surpris par Gabriel, passionné et qui prenait soin de ses clients en les accueillant chaleureusement, toujours de bons conseils. Très rapidement, une amitié s’était nouée entre nous « Il le fera pas. Il est trop secret et il a peur de déranger je crois ». J’avais le même ressenti que Timothy à ce sujet. J’acquiesçais alors, souriant légèrement « Oui, y a rien à faire je crois. Après quelques verres peut-être… Uhm, je vais essayer je crois ». Un petit plan machiavélique auquel Timothy pouvait se joindre si cela l’enchantait. Nous en venons à discuter de mon histoire personnelle. Je n’eus pas de mal à me livrer à lui, cela se fit naturellement, sûrement du fait qu’il m’avait fait confiance pour retranscrire son histoire « Oh j’en suis pas certain. En un an, j’en ai déjà connu beaucoup. Y a pas d’urgence, tu sais, trente ans, c’est rien, tu as du temps ». j’avais l’impression que la déception était le mot d’ordre désormais dans n’importe quelle histoire. J’avais cette impression que le bonheur, les belles histoires n’existaient plus… Et c’est cela qui m’attristait au fond « Je suis désolé qu’en un an tu ais déjà connu beaucoup de déception. Tu ne le mérite pas. Mais, on finira autant toi que moi par rencontrer la bonne personne… Si elle existe quelque part » Mais cette perspective me semblait bien lointaine et quasi inexistante pour le moment. Nous échangions alors nos numéros avec Timothy dans la perspective de nous revoir en dehors du cadre formel qu’avait été cet interview. En se livrant à moi comme il l’avait fait, une alchimie s’était créée assez rapidement. « Pas de souci. Mais, tu sais, je pense que t’as pas besoin de thérapeute, tu te débrouilles très bien seule… Et tu trouveras le bonheur, j’y crois pour toi ». Il était adorable, cela me fit sourire, le remerciant sincèrement pour ce qu’il venait de dire « Merci Timothy ». Je me levais alors du banc sur lequel nous avions passé une bonne heure à discuter, sans nous en rendre compte. Regardant mon téléphone, je ne remarquais que maintenant un appel manqué de mon rédacteur en chef qui avait envoyé un texto comme quoi il m’attendait de pied ferme au journal « Je vais devoir te laisser Timothy mais ça a été un réel plaisir de te rencontrer. Et sache que si tu as besoin de parler ou prendre l’air, tu peux m’appeler quand tu le veux ». Je saisissais son bras en disant cela, manière d’appuyer la sincérité de mes paroles. Je le quittais alors, tournant les talons et me dirigeant à toute vitesse vers la sortie du parc pour attraper un taxi.

THE END