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 you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6)

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Message(#) Sujet: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyMar 16 Fév 2021 - 20:49


Les lumières acides jettent une flaque orange sur des figures de vingt heures treize ; ce qui n’était pour Bennett que du bruit de fond, qu’on appelait dans le langage civilisé de la musique, vibrait sans discontinuer dans l’air convivial. Les éclats de voix, succédant au clapotis délicat du cognac dans les flasques, avaient leur propre orchestre, harmonies subtiles de remets-moi ça, viens danser, Jim arrive dans cinq minutes ; harmonies moins subtiles, cordes vocales qui se brisaient sur les dix grammes de trop – il n’était que vingt heures treize. « On ferait mieux d’arrêter là, » bafouille la jeune femme à quelques tabourets de Bennett en réprimant un hoquet au creux de son poignet. Ses mains fébriles cherchent un remontant, ne tombent que sur celui du sculpteur, sagement rempli d’eau ; il le décale discrètement, et – « Mais… » « Non, je veux… hic… partir. » « Tu sais pas ce que tu dis. » Elle secoue brusquement la tête, avec un air de migraine. « T’es vraiment qu’un enfoiré. » « Les gens nous regardent… » Bennett infirme cette thèse en détournant les pupilles, feint d’apprécier la musique qui passe, joue Mozart qu'il ne connait pas sur le bar pour se donner l’air de faire quelque chose. Oh, il était passé du côté de Sean depuis quelques minutes maintenant ; les arguments concernant « l’autre jour à la plage » avaient été décisifs, même si sa bonne foi était discutable concernant l’anniversaire de sa sœur (l'ainée ou la cadette, il n’avait pas bien compris). Enfin, on ne pouvait pas décemment douter de Sean lorsqu’on constatait le sacrifice écrasant de sa vie professionnelle consenti pour la blonde soûle en face de lui. (C’est que ça faisait longtemps que Bennett écoutait sans le vouloir...) (Ils étaient ensemble depuis huit mois et sept jours, sa couleur préférée à elle était le mauve.) Le trentenaire consulte de temps à autres l’écran qui fait passer les minutes du seize février, échange un mot avec Mike, barman qui avait fait un an et demi de droit avant de se découvrir une passion pour les liqueurs qu’il essayait inlassablement de lui faire acheter. J’ai dû rester plus tard, j’arrive dans une demi-heure. (Il attendrait.) Imbécile solitaire avec son eau citronnée, il saurait reproduire la frise murale de mémoire ; laisse l’oreille trainer en l’attendant elle, en attendant Emily. (Ils allaient passer une bonne soirée.) (La seule, à vrai dire, depuis que Bennett croulait sous le travail et ne sortait de son atelier que pour attraper son café rituel.) (Guette sa silhouette, croit sentir sa main sur son bras.) Oh, déjà fini ? « Pas besoin de venir chercher tes… affaires. » L’haleine alcoolisée de la nouvelle célibataire flotte quelques secondes à côté de Bennett avant de se dissiper – avec elle son compagnon pâle comme un linge, juste après avoir réglé. Ses doigts tremblaient en poussant les billets, gardez la monnaie. Peut-être qu’il était trop vieux pour les bars ; ils lui rappelaient indéniablement l’avant, ainsi qu’une forme de socialisation un peu trop collective pour le train de vie qu’il menait désormais. Un train… dites une voiture, dans la gamme moyenne, rien d’excessif. Bennett, excessif ? Voyons. « Vous allez bien finir par goûter la spécialité de la maison ? » Mike, Mike, Mike, est-ce que j’ai l’air de quelqu’un qui a besoin d’une spécialité maison pour boire comme un gouffre ? Mike, quand est-ce que tu verras qu’il suffit que tu me fasses la première consommation gratuite pour que je rentabilise tes deux semaines de congé ? Bennett décline poliment. Les tubes des années 2000 se succèdent sans qu’il ne les reconnaisse. Mike avait finalement une vie passionnante. Après sa licence avortée, il avait fait quelques mois de bénévolat en Asie avant de participer à la start-up de son ami Lucas, non, pas ce Lucas-là, l’autre ; la start-up avait coulé, pas faute de concept, c’était du partage collaboratif d’outils de bricolage ; et puis la vie, les voies du seigneur, vous savez, on finit pas toujours où on pense… on pense devenir l’avocat le plus renommé du continent et on arrange des cosmos pour les fêtards du quartier… mais j’ai choisi cette vie, tu sais, et je changerais pour rien au monde, même si – (Excuse-moi, Mike.)

La baby-sitter a une urgence, je dois rentrer… (Ils auraient essayé.) Lui aussi doit rentrer, du même coup, quoique ses mains s’attardent sur le comptoir avec une trace de regret. (Ce n’est pas la peine, allez.) Trouvant un passage difficile dans l’agglomérat de corps, Bennett entreprend de s’extirper du guêpier ; traverser entrelacs de bras et conversations de boulot, ruptures dramatiques et déclarations d’amitié éternelle sans perdre une épaule. (Et pourtant, une simple bière…) (Oui, et la spécialité maison avec, pas vrai.) Dégagé de la partie la plus encombrée du lieu, le sort veut qu’il détourne la tête un instant – n’était-ce pas Emily, là-bas, au fond… ? Un coup d’œil, c’est juste assez pour que la réponse soit non, juste insuffisant pour qu’il ne percute pas la première personne qui a le malheur d’encombrer sa route. « Excus… » Commence-t-il avant que la silhouette ne se retourne vers lui. « Oh… » Bonjour, ça va, oui, et toi, toi aussi. Le sourire et la confusion mélangent son visage, en reconnaissant Ginny dans les traits de l’inconnue qu’il avait manqué de renverser, selon toutes les plus absurdes probabilités. Brisbane… un rond-point de deux millions d’habitants, décidément. « J’allais partir. » C’est quoi, ça, Bennett, une excuse ou une explication ? Prétextes, fuites, si tôt ? Un fait, c’était un simple fait, objectif ; neutre. Et il devait partir, ça aussi, c’était un fait. « Pas toi, apparemment, » fait-il en cherchant des yeux une raison d’être à la jeune femme. Ne la trouvant pas, son regard revient dans le sien, étonné – pour ce qu’ils pouvaient s’étonner. « Tu fêtes quelque chose ? » Pourtant il devait partir. Enfin, ça n’était pas un fait avant qu’il ne le fasse – voilà quelque chose que son affection pour la logique apprécie tout particulièrement. Et puis la musique n’était pas trop mauvaise. (Elle est terrible.)
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyJeu 18 Fév 2021 - 4:49


« Excus… »
« Non c’est moi qui est déso- »
« Oh… »
« Oh. »

Derrière, j’entends Matt qui éclate de rire, sûrement parce qu’il s’est imaginé pendant deux secondes prendre la place du saxophoniste et récolter les ovations du public pour un solo qu’il aurait improvisé tout seul comme un grand même s’il n’a jamais touché à un seul instrument de sa vie sans en éclater les cordes ou en désaccorder les notes. C’est Jill, la musicale de la famille. Et ça m’étonne d’ailleurs, qu’elle n’ait pas poussé le pianiste de son banc pour se retrouver à jouer son meilleur concerto question de rendre son mari bien fier. Je ne sais même plus, où ils en sont elle et Bailey d’ailleurs, Matt et Lily non plus. Soit, la soirée était donc bien plus importante qu’on l’a cru, quand on a décidé sur un coup de tête de passer quelques heures ensembles après avoir joué aux électrons libres aux quatre coins de la ville depuis des semaines déjà. Chacun va bien, ou du moins, chacun semble. Matt a beaucoup moins de cernes qu’il en arborait à la fin de l’année, Jill a menacé un quart moins de personnes qu’à son habitude depuis qu’on est arrivés et donc, j’en déduis que tous les deux sont au max de leur forme. Swann est occupé à apprendre à Pancake à donner la patte même s’il est encore un bébé, et comme il s’agit de la plus grande priorité du monde à mes yeux, je l’ai laissé libre de décliner la soirée pour rester avec Lucia et leur nouveau-né. Le mien doit en être à la première heure de son crash course avec Auden à savoir comment sacrifier une chèvre pour se mettre Satan de son côté et et et et - « J’allais partir. » et Bennett aime le jazz? J’aurais jamais pensé. « Pas toi, apparemment, » à son constat s’ajoute le mien, qui s’additionne d’un sourire en coin doublé de fossettes, mais surtout de mon traître d’index qui pointe la direction donnant par-dessus l’épaule de Giller. « La sortie est pas par là? » je pouffe, absolument incertaine de ce que j’avance. Faut dire que mon sens de l’orientation est mille fois plus absent que celui d’une plante, d’une table, d’une roche même, incapable depuis gamine de savoir où est le nord ou si les toilettes du centre commercial étaient à gauche, à droite, ou devant. Elles étaient derrière, finalement.

« Tu fêtes quelque chose ? » « Le fait d’avoir survécu encore une journée à l’humour de mon frère. » pauvre Matt qui prend cher, même quand il est tellement content de vivre que son sourire Colgate doit aveugler qui que ce soit autour de son périmètre. Il éclate de rire de nouveau, son rire communicatif qui monte au-delà des conversations auxquelles je ne porte absolument plus aucun intérêt pendant une poignée de secondes rien que ça. Hey, on dirait presque qu’on agit normalement là, Bennett et moi. C’est bizarre de ne pas mordre l’intérieur de mes joues quand il est dans le coin, c’est étrange que mes doigts ne soient pas en train de se triturer les uns les autres et que je ne me sois (presque) pas excusée de vivre à l’instant où il m’a foncé dessus. Ou alors c’est moi, qui lui est rentrée pile dedans? Ça serait plausible, je suis bien la plus gaffeuse de nous deux, de toute façon. « C’est celui qui hurle derrière que je suis sur le point de faire la pire erreur de ma vie. » Matt, donc. Matt l’imbécile heureux, grimpé sur son siège entre deux mélodies et quatre séances d’applaudissements, que j’imagine en train de maudire sa cadette pour l’horreur, pour l’enfer, pour l’abomination qu’elle s’apprête à faire. S’apprêtait plutôt – avant que Bennett ne joue les garde-fous. Distraction qui m’aurait presque empêchée de commettre l’irréparable. « J’allais me chercher un café. » c’est dit dans un murmure, secret de polichinelle quand mon aîné se targue de faire le meilleur café de l’univers et que celui d’un bar de jazz ne doit absolument pas être au niveau. Que c’est du gâchis d’eau et de grains moulus, que ça ne fait aucun sens et heyyy Ginny si tu vas au bar tu peux me ramener une bière et une spécialité de la maison stp merci t’es une amour mais si tu prends un café j’te renie. « Si t’as envie de jouer les arbitres, c’est maintenant ou jamais. » le petit plan de secours énoncé avec l’impression qu’on est véritablement des amis qui se croisent pour mieux se perdre de vue dans la foule, une tasse de café plus tard. Tout va bien, il a juré qu’il essayait, j’ai promis que moi aussi.
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ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé.
STATUT : marié au hasard.
MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a).
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyJeu 18 Fév 2021 - 4:49



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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyVen 19 Fév 2021 - 21:44


Ses excuses le devancent presque, il les interrompt ; un regard échangé à la vitesse du son, quête d’une issue qui n’existait plus, dès lors que Bennett choisissait d’alimenter cette conversation au lieu de s’éclipser tranquillement de son rendez-vous manqué. Les choses carrées, parfaitement millimétrées, sous contrôle – contre l’autre force dégénérative qui faisait de lui une ordure même sous la peinture neuve. Et il fallait que ce soit Ginny. (Ça n’est absolument pas un problème.) (Même jour, même heure, même endroit…) Le hasard n’est jamais de leur côté ; mais pouvaient-ils fustiger l’aléa, alors qu’ils n’étaient même pas de leur propre côté, et suffisaient amplement à creuser leur tombe ? Naturel ; facile à dire. Elle… elle n’était pas dans sa situation à lui, ils n’étaient pas égaux face aux évènements. Elle le savait, devait le savoir. La personne qui attendait Ginny alors n’était pas celle qui l’attendait aujourd’hui – pratique, presque trop. Pourquoi pensait-il à cela ? Il n’y pensait pas. Il était naturel. Et n’était plus censé être là depuis quelques minutes déjà. (Un quota annuel de mauvais choix.) « La sortie est pas par-là ? » Sortir, c’était admettre qu’il y avait un embarras ; or il n’y en avait aucun, et il n’y en avait jamais eu – Bennett aurait peut-être eu un potentiel négationniste, dans des vies plus obscures. Enfin, se retourner vers la direction indiquée restait la réaction la plus cohérente. « Le fait d’avoir survécu encore une journée à l’humour de mon frère. » L’examen circulaire du trentenaire avait donc manqué le principal, sans doute conditionné à chercher la silhouette familière d’Auden plus que celle d’autres McGraths. Plus il y avait de monde, plus ce serait naturel, selon toute raison raisonnable et raisonnante. Naturel ; elle l’était, pourquoi pas lui ? Quel âge avaient-ils ? « C’est celui qui hurle derrière que je suis sur le point de faire la pire erreur de ma vie. » La voix de l’autre McGrath porte bien, couvrait presque la musique par moments, ce qui ne dérangeait pas particulièrement le sculpteur – les vocalises de Matt n’avaient pas beaucoup moins de charme que ce qui vibrait hors des enceintes, à son oreille raide de sensibilité mélodique. « J’allais me chercher un café. » Cause du désaccord fraternel, et non argument qui devait le convaincre de rester un peu plus longtemps que prévu – de toute évidence. (Belle analyse, et utile, avec ça.) Il hoche la tête. « Si t’as envie de jouer les arbitres, c’est maintenant ou jamais. » Lui, dans le conflit ? Jamais. Bennett se penche au-dessus du comptoir, attirant rapidement l’attention de ce cher Mike – « Ah, bah vous vous êtes enfin décidé ? » Tout sourire, Mike, ne t’inquiète pas, je t’apporte un autre client ; il ne m’égalera pas, mais  – « Deux cafés, s’il vous plaît. » Une vague déception passe sur le visage du barman, qui se reprend assez vite pour adresser un salut enthousiaste à Ginny. « Il est à vous, le brailleur ? » Et Bennett de faire un signe de tête en direction de l’autre côté de la salle, dont le calme n’attirerait manifestement pas Matt et qu’ils devraient pouvoir atteindre sans se faire repérer. « C’est un grand garçon, il viendra tout seul. » Et il s’éloignait du comptoir du même coup, caféine en guise d’éthanol, sobre et dispos. Il leur faut traverser quelques grappes compactes d’individus avant de déboucher sur la lisière entre les chants débridés et les tables à l’écart. Lisière ; les éclats de voix de Matt leur parvenaient parfois à travers la remarquable acoustique du bar. (Musique étouffée par un barrage de silhouettes, lueurs moins criardes, courant de passage discret.) La première gorgée de café, qualité moyenne-haute, prix correct par rapport au quartier, lui brûle la langue – parler des enfants, parler de la météo, parler des expositions ; tous les sujets convenables et sécurisés se bousculent à ses lèvres, sans succès, parce qu’il a décidé d’être naturel, voyez-vous. Naturel, Bennett ; et naturel chez lui c’est presque toujours sarcastique – naturel, calme, au-dessus de tout. Ça nous réussit pas, les banalités. Images encore parfaitement nettes d’une visite à l’hôpital, trop lisse, trop correcte, nauséabonde au fond, mêmes dans les circonstances de la plus pure félicité. Mais puisqu’on peut rire de tout, et puisqu’on est coincés là. Puisqu’on n’est pas coincés là ; puisqu’il avait créé cette situation de son plein gré, et qu’il fallait être naturel. « La dernière fois qu’on était dans un bar... » Mmh ? La deuxième gorgée a un goût d’incendie, pour lui rappeler ce qu’il manque dans un autre verre. Une petite précision, Bennett ? Sans t’enfoncer dans le souvenir de beuveries dépressives sur fond d’aurores abyssales ? (Du café, avec Ginny.) (Dans un bar.) (C’est doucement comique.) Elle a compris, Bennett. (Oh, on peut rire de tout… n’est-ce pas…) Il avait tendance à longer les bords, ces derniers temps. Si ces derniers temps voulait dire en sa présence. Mais le café serait vite fini, et alors il partirait. « Je me souviens un peu… ‘voler une vie’, c’est ça ? » La troisième gorgée est volcanique, pourtant c’était censé refroidir… et puis comment ça va depuis la dernière fois ? Pas trop dur ? Tout va bien en famille ? Des pastels et de couteaux dans le corps, c’était toujours plus sincère que de demander des nouvelles de Sloan – remplacer un soir par un autre. Voulait-on de la sincérité ; sur un plateau d’argent. « Je suppose qu’on y est. Dans la vie qu’on aurait volée. » (Tu peux vraiment pas t’en empêcher.) Elle dirait oui, Ginny. Il avait un fils, elle s’était mariée. Il lui tendait la perche, elle lui tendrait en retour. (J’essaye de trouver un compromis.) (Pas mon fort, l’éden et les limbes sont à égalité pour moi, loin devant la terre, la moyenne. Le café entre l’eau plate et la liqueur.) Mais il tendait la perche quand même ; pour la beauté du geste, et la foi dans la rédemption, et toutes ces belles choses bellâtres, qu’ils ne manquaient jamais de foutre en l’air. Ça leur faisait un genre d’identité commune. Tu la volerais, sans modifier une seule journée ? La sincérité. A d’autres, Ginny ; tu n’en as pas le droit.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyVen 19 Fév 2021 - 21:44



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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyDim 21 Fév 2021 - 22:41


« Deux cafés, s’il vous plaît. » il reste? Il reste. À mes yeux qui se calent sur les mouvements du barman mais qui ne les enregistrent absolument pas, j’ajoute des rires au fur et à mesure que la voix de mon frère porte jusqu’ici. Il chatouille mes oreilles Matt, il doit donc être en train de défoncer les tympans de Jill. Ses mots sont inaudibles, mais pas suffisamment pour qu’on ne récolte pas un sourcil haussé et au passage un roulement d’yeux du grand gaillard qui nous tend nos tasses de café bouillant. Manquerait juste des truffes, la totale, variées. Celles à la tangerine, et celles à la noix de coco. Celles au gingembre sont mes préférées, celles à la cerise m'ont toujours lassées. Ginny. Oui? Il reste. « C’est un grand garçon, il viendra tout seul. » Bennett n’a jamais rencontré Matt – l’occasion ne s’est pas présentée, dirons-nous – mais je suis persuadée qu’ils auraient autant de chances de s’aimer que de s’haïr. Mine de rien, un combat entre la grande gueule de mon frère et la capacité presque religieuse qu’a Bennett de se taire me fait rêver. Le moulin à paroles de mon aîné résonne sur tous les murs du bar, mes doigts s’enlacent un peu plus autour de l’anse de ma tasse alors que la nuque de Ben fait son chemin à travers la foule que je n’avais même pas remarquée, elle non plus. Des visages d’inconnus qui se mélangent, des yeux tantôt rivés sur la scène tantôt rivés les uns sur les autres. Oh, ils en sont de retour au piano? La chanson est finie? C’en est une nouvelle? « La dernière fois qu’on était dans un bar... » de la scène perdue au-delà des têtes plongées dans la pénombre, mon attention se décale vers Bennett et surtout ses mots en suspens qui percent à travers les restes de notes de musique et énièmes mélodies entravées. C’était quoi, ce que je disais plus tôt, à propos de sa capacité à ne rien dire, à garder le silence aussi facilement et sans le moindre effort? « Je me souviens un peu… ‘voler une vie’, c’est ça ? » oh, ça. C’était ce qu’on disait, tout en haut des immeubles anonymes, en fixant tous les autres au potentiel encore plus secret que le nôtre. C’était ce qu’on disait quand on n’allait pas bien, quand rien n’allait, quand le liquide dans nos verres avait la même couleur mais que son goût prenait bien plus à la langue qu’à la peau. J’ai même pas bu la moindre gorgée de mon café encore. J’attends quoi? « Je suppose qu’on y est. Dans la vie qu’on aurait volée. » je devais attendre ça, qu’elle suggère, ma tasse, lorsqu’elle tinte sur la sienne comme l’aurait fait une bouteille de bière au goût amer sur mes lèvres, une coupe de vin blanc avec une tendance au déséquilibre latent. « Joyeux Noël, en avance. » c’était ce qu’il me souhait à l’époque non? Bonne année, joyeuses Pâques, prompt rétablissement, bon boxing day, tout y était passé. Tout sauf -

- la vie volée. On a rien volé du tout, je pense. On a été au bon endroit au bon moment, on est allés là où la croisée des chemins était la plus logique, la plus douce, la plus méritée. On a eu mal, on a grandi – et on compare, maintenant? « Je nous aurais imaginé moins cernés. » c’est dit avec un fond de sourire, de rire de gamine qui vient d’avoir son propre gamin. Dans ma version idéale, les insomnies qui nous collaient aux baskets avaient fini par s’en aller comme par magie. Dans ma version idéale, il n’y avait pas des danseurs du dimanche qui me lacéraient les côtes aussi, passant un peu trop vite en bord d’allée avant de retourner s’improviser une piste approximative sans s’excuser. Tu t’excuses souvent pour rien – ça fait longtemps, que je me suis excusée à Bennett. Deux minutes, quarante-six secondes. « Et plus tachés. » il n’a pas d’argile, sur ses mains, mon doigt le remarque en ne s’y attardant qu’une fraction de seconde à peine. Le contact part aussi vite qu’il est arrivé, un coup de vent tout en démonstratif et en théorie. Pour ce qui est de moi, mes ongles n’ont pas la moindre trace de peinture, pas parce que j’ai arrêté comme à l’époque, mais plutôt parce que je me tâte à autre chose ces derniers temps. Faudrait que je lui parle du studio de sculpture que je veux installer à la maison. Je lui ai dit que je le ferais, il a dit qu’il allait me donner des conseils. Il avait parlé de passer chez lui, j’avais dérivé la conversation et ; chaque chose en son temps. Moins cernés, plus tachés, et trop polie aussi. Il a posé une question, il s’intéressait le moindrement. L’inverse est tout aussi vrai. « Toi, tu fêtes quoi? » fêtais, Ginny. Il a dit qu’il s’en allait. Pourtant il ne bouge pas, et moi non plus.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyDim 21 Fév 2021 - 22:41



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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyMar 23 Fév 2021 - 18:07


Les ombres et mouvements chancellent, se déhanchent en clignotant sur la surface de deux cafés, s’il-vous-plait ; les ombres et mouvements chancelants font d’eux des intrus, immobiles dans le fond des valses trébuchées, parlant au compte-gouttes au milieu des conversations assourdissantes. (Coincé dans un esprit épris du vide, l’ambiance ordinaire d’un rassemblement sonnait comme une gueulante perpétuelle dans son crâne.) Pas que dans son crâne. « Oh, once I was... a prisoner... wandering through the misery... but now I am freeeee...! » (Les aigus déraillants de Mariah Carey, bancalement repris, se perdent dans les chuchotements d'une bande qui essaye de calmer les ardeurs musicales de l'ami. Quant à s'évader, Bennett approuvait le message ainsi passé... c'était pas censé être du jazz ? (Ce que ces gens pouvaient bien s’envoyer de voix, qu’ils n’avaient pas appris à parler par regards ?) (Peut-être que c’était pour ça qu’ils ne passaient pas leur vie à se battre contre la syntaxe et les termes, imparfaits à en crever.) Mais chaque mot s’émancipe avec une irréprochable distinction malgré la discordance générale ; si ce n’étaient pas suffisant ils liraient sur les lèvres, assurés de retrouver la juste intonation mentale dans l’écume de vieilles mémoires – recyclage insatiable ; on ne se renouvelle plus beaucoup, entre amis d’avant le déluge (d’après ?). Et les autres, ressassent-ils des vies volées à demi-mot dans la sage alternative du liquide noir ? Avaient-ils des gestes à interprétation, des langages encodés sans traduction, des échelles de sens dans la manière dont ils portaient la tasse à leur bouche ? (Non ; ils préfèrent danser.) Ils préfèrent danser – leurs corps parlent au lieu de consciences pétroleuses et polluées, s’épargnant le pénible exercice de réfléchir aux tenants et aux aboutissants, aux minutieuses causalités, au pour et au contre ; surtout au contre. (Mmh ? Ginny ?) Oui, c’est vrai, Ginny. C’est vrai qu’elle était là, que ses mutismes qu’il croyait signifiants n’étaient rien pour l’extérieur. Il avait toujours été quelqu’un… d’introspectif. Reviens. Le café refroidissait. La salle refroidissait. Etrange. (Tes mains, peut-être… ?) « Joyeux Noël, en avance. » Oh, ça… (Touché.) Les fossettes se creusent d’un sourire futile qui n’existait pas du temps où tous les saints étaient prétextes à échouer n’importe où, à refermer les doigts sur un rhum impayé pour en faire le troisième témoin d’une échappée sur l’échelle – monter, c’était descendre. Monter pour monter n’était pas de leur ressort… échelles à huit barreaux, trois cassés, deux qui n’ont jamais existé ; le reste raide comme la mort. La nativité ou la résurrection, fête nationale et mes condoléances quand personne n’était mort – n’était né, non plus ; les dates absurdes auxquelles ils donnaient des noms de liesse avaient poursuivi leurs soirées taciturnes. Un pour la Saint-Sylvestre ; un pour le 8 mai, troisième à l’épiphanie ; et on était en octobre. Joyeux Noel, ils ne se l’étaient jamais souhaité le 25. Calendriers cabossés, à sales gueules de traîtres, quand ils prenaient trois ans en quinze jours parce que ce serait anniversaire, aujourd’hui, après-demain, et la semaine d’après encore. Le temps réel ? Sans rancune. « Je nous aurais imaginés moins cernés. » Cohérent avec le reste de la thèse défendue, celle qu’ils étaient arrivés dans la bonne vie, celle où les trains seraient à l’heure et la monnaie toujours exacte ; que leurs yeux continueraient de se creuser malgré le bonheur, c’était un effet secondaire qu’ils n’avaient pu anticiper. Que manque-t-on ? Qu’est-ce qu’ils font donc, ces gens qui dorment, toute la nuit ? Il avait dû lui demander, un jour – évidemment pas sobre, dans un monologue abrutissant ponctué de hoquets. (S’il ne parlait pas trop peu, il parlait juste trop. Mathématique.) Mais les bienheureux élus ! Quel genre de paysages ils scrutent dans leurs paupières sans tempêtes, qu’est-ce qu’ils dessinent donc ? (Mais rien.) (Ils dorment.) Réponse terrifiante ; à vivre les yeux comme des ampoules, il était au moins à peu près sûr de vivre. « Et plus tâchés. » Perdu l’habitude de renverser du vin blanc. Ses mains sont impeccables, qu’elle ne s’inquiète pas – à son sens maniaque de la propreté s’étaient ajoutées quelques années à se faire jauger de haut en bas par une de ses belles-sœurs, parachevant son goût du détail. C’est ça de grandir. (Une époque où il ne servait à rien de se donner tant de mal, puisqu’il retournait trop vite à la glaise.)

Plus le temps de consacrer du temps à autre chose qu’aux amours de sa vie ; les heures perdues dans l’atelier leur étaient déduites. Plus le temps d’inventer de nouveaux points d’ancrage, Ginny ; revenaient inlassablement aux antiques anecdotes, étonnements qui n’étonnaient plus personne, saveur de nostalgie lorsque les chemins du présent se réduisent à l’automatique. C’est ça de vieillir. Est-ce qu’on est trop vieux pour se réinventer ? Réinventer quoi ? Carcasses insomniaques sur le bord de la route ; quelqu’un les avait pris pour passagers, dans la nuit, comme on ramasse une ordure ou un bibelot rare. Taxis parallèles. Où va-t-on ? Personne n’a demandé ça au conducteur. Ailleurs, meilleur. Le compteur tourne encore et tout est impeccable ; perdu l’habitude de renverser du vin blanc. Ça n’avait jamais été une habitude – d’en renverser. Moins prévisibles, qu’elle pouvait ajouter à sa liste. J’aurais pensé. « C’est une bonne ou une mauvaise chose ? » Plus cernés ; moins tâchés. Plus fatigués, plus lisses, propres, proprets, tirés à quatre épingles devant le bon dieu. « Ton frère est du genre à bien dormir. » Retour discret de l’énergumène entraperçu dans la conversation, l’air de rien, naturel, sans même la pointe de cynisme brutal sans en avoir l’air qu’il mettait dans ses remarques du même genre. (Vraiment ?) Bennett sourit discrètement, avec la pointe de cynisme brutal sans en avoir l’air qu’il n’avait pas mis dans ses inflexions. (Parler d’autres gens.) « Toi, tu fêtes quoi ? » C’est déjà l’heure que je parte ? Répond sa pensée en un écho qui n’atteindra personne ; à la question purement rhétorique, il serait tenté d’opposer le geste flou qui le dispensait d’aller plus en avant dans les conversations sans but. On trouverait bien. On n’est pas les plus dépourvus d’imagination. Et puis au pire, rien du tout… ça se survit aussi, avec un peu de fumée et ce qui passe par la tête, un cognac et un regret. A qui passera le mieux. L’attentisme paisible de Bennett ne se laisse pas décrypter. Naturel, prospectif ; qui saurait faire la différence… Attend quoi ? Décembre, tiens. « Va pour Noël. » Son haussement d’épaules, d’une négligence qui s’accordait aux lacunes de sa pensée ou non-pensée, finit par porter l’ironique tasse à ses lèvres. Moitié ; trois-quarts. Y’a de la nicotine qui se perd, dans les quantités de café qui le maintenaient à flot. Mais il ne fume plus, il ne boit plus, il ne regarde plus Ginny. Quant aux trois mensonges que cette phrase contenait… (Oui, Noël, tu disais.) « Je prends ce qu’on me donne. » De hausser les sourcils avec un coup d’œil pour l’autre côté, dont les séparait la masse trouée de bruit, masse laide – pour laisser décanter les mots qu’il ne calculait pas, pour s’enfoncer dans la plus subtile imitation de petite conversation qui soit. « Je te retiens pas… ? » Par hasard. (Voilà qu’il s’excuserait presque.) (Ça n’avait pas du tout l’air d’excuses.) Au cas où elle se demandait s’il avait toujours l’art d’avoir le bon rôle, et celui de l’attente évasive des évènements, de l’analyse silencieuse qui ne paraissait rien analyser. Car de toute évidence, elle le retenait. Il y avait une expression comme ça, non ? (Une sombre histoire de tables qui tournent…) Ils ne font que discuter. Quatre mensonges ?
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyJeu 25 Fév 2021 - 17:27


« C’est une bonne ou une mauvaise chose ? » est-ce que t’es heureux? On ne pose pas ces questions-là, Ginny, voyons, c’est pas poli. C’est une bonne chose, parce qu’il a des cernes mais qu’il sourit, c’est une bonne chose parce qu’il n’y a pas de rhum dans sa tasse et parce qu’il ne sent pas le tabac froid mais le bois et l’absence de pluie. « Toujours introspectifs, par contre. » lui autant que moi. Si on est moins et plus, on est aussi toujours, et au-delà d’être bon ou mauvais j’ai l’impression que ce n’est qu’une constatation. Il passe trop de temps dans sa tête, je fais pareil, on a probablement quinze vies en entier et quarante mondes avec qui se sont dessinés en parallèle depuis qu’il a bien pu dire un mot, depuis que j’ai laissé aller un rire. C’est une bonne chose. On a grandi, changé. « Ton frère est du genre à bien dormir. » et Matt a beaucoup trop d’énergie pour que ses vocalises ne soient pas au menu. « Je lui passerai le compliment, promis. » je ne le vois pas, caché derrière les silhouettes des autres qui vivent leur vie bonne ou mauvaise. Mais je l’entends qui apparemment profite de ses heures de repos franchement méritées pour aller jusqu’à hanter les nuits de tous ceux qui auront son humour douteux et ses grands sourires de vainqueur de tatoués en tête au fer rouge. On fête quoi, déjà? « Va pour Noël. » cheers. Le café n’est pas si mauvais que mon aîné pouvait bien le lui reprocher, mais il n’est pas le meilleur en ville non plus. Je dirai rien, me contenterai juste d’espérer pouvoir mettre la main sur de la cannelle moulue d’ici la dernière gorgée et on arrivera à quelque chose de bien.

De la cannelle, et un coup d’œil de biais. « Je prends ce qu’on me donne. » il a presque l’air aussi surpris de ce qu’il vient de dire que moi de l’avoir entendu. À ses yeux qui fuient, les miens reprennent un peu plus en contenance, détaillant son profil en sachant très bien que même s’il ne me voit pas faire, il voit tout. Pas de mâchoire contractée, pas de sourcils froncés. Pas de soupirs fuyants, pas de jambes qui se secouent dans l’immobilité. Il allait partir, il est resté, et - « Je te retiens pas… ? » et je suis presque certaine que depuis l’hôpital, il a pris ce que je lui ai donné. Ça va, c’est bon, c’était y’a des années. Est-ce qu’on peut avancer pour ça aussi? Le café n’est pas celui à qui Bennett a posé la question, même si elle ne venait pas comme telle. J’ignore ma tasse, de retour au programme principal. « Non, pas du tout. » pas d’ongles qui pianotent sur la céramique de l’anse, pas de dents qui mordent la commissure de mes lèvres, pas de salive difficile à ravaler. Est-ce que ça voudrait dire qu’on a réussi à passer par-dessus quelque chose d’aussi vieux et poussiéreux que nos démons en commun?

J’aime l’idée. J’aime celle de rire aussi, un « Je... » qui se perd dans un éclat deux secondes plus tard à peine. « Je me demande des fois. » une main distraite rattrape des mèches qui le sont tout autant, les explications tardent à venir mais pas parce que je n’ai pas envie de les lui donner, encore moins parce que j’ai peur d’un quelconque résultat. Sur la pointe des pieds, je laisse mon attention dériver par-dessus son épaule rien que pour entraîner son regard avec, bien moins ambigu qu’il n’y paraît. « Si un jour ils vont nous envoyer une facture. Pour le rhum. » il s’appelle comment, son pote au bar? Tu devrais lui demander le prix, j’ai vu la bouteille derrière son comptoir. Les malfrats de bac à sable, ceux qui jadis ont volé une bouteille hors de prix en se disant que jouer les Robin des bois nouveau genre valait son pesant d’or tout en haut d’une ville endormie quand on n’y arrivait plus, à dormir. Comme si le rappel pendait à chaque fois que j’entrais à un endroit où la même étiquette me narguait, où la marque était là claire et précise, criante des mots qu’on n’avait même jamais pu articuler. Ginny et sa conscience en papier mâché, je serais prête à payer chaque dollar de la fraude que j’ai bien pu personnifier y’a quatre ans et des miettes, si un jour ils nous retrouvent et nous retracent. Bonnie & Clyde de la canne à sucre fermentée. « C’est une bonne chose, ça. » quoi encore? De retour à ici, de retour à maintenant. De retour au sourire que je lui partage, et à la gorgée de café qui n’a pas besoin de masquer le moindre silence parce qu’il a sûrement compris. C’est cool, de pouvoir se parler sans avoir peur de ce qu’on aura à se dire. C’est une bonne chose de retrouver l’avant, au détriment de l’après qui stagnait depuis trop longtemps. On a grandi, changé.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyMar 2 Mar 2021 - 22:44


Le café touche à sa fin plus vite qu’il ne l’aurait cru ; qu’à cela ne tienne, étreindre des récipients vides en parlant d’autre chose relevait de leur domaine de spécialité. L’amertume de l’expresso se conjugue à des éclats de rire lointains, formant l’écho des sourires taiseux et furtifs qu’ils s’autorisent eux avec parcimonie. Touche par touche. Mesure. Equilibres. Rester, persister ; Bennett jouait un jeu de patience et de conversation à l’antithèse de l’évasion qu’il ne tardait ordinairement pas à organiser – qu’il n’avait même pas besoin d’organiser, l’excuse et la vérité étant toutes trouvées. Il y a peut-être quelqu’un qui a laissé la porte ouverte un peu trop longtemps, qu’une odeur de dehors fait frissonner la fête, avant que le parfum chaleureux des causes dignes d’être célébrées ne reprenne le dessus. Quand ça ne sent pas la cigarette ni la peur de déranger, ni le whisky, ni l’envie d’être ailleurs et d’un peu disparaître ; ce n’était pas le même monde, la même ligne du temps. Ça ne sentait plus rien. « Toujours introspectifs, par contre. » Il hoche doucement la tête, les yeux sur elle comme s’ils n’étaient pas en même temps à l’intérieur de lui-même, à chercher dans le noir une marche à suivre évidente, qu’il pourrait respecter sans réfléchir. Lorsque la pensée s’embourbait dans ses tracasseries, ils étaient à l’hôpital ; lorsqu’elle s’arrêtait avant terme, ils étaient là-bas ; entre les deux, ils étaient ici. Ici c’est calme comme l’œil du cyclone où pas une brise n’annonce la tourmente. Ici on écoute du jazz et les notes bleues annulent les joues sanguines, soufflent mélancolie sur charbon faiblissant. (Ici le jazz est là pour qu’on ne s’écoute pas.) D’autres pouvaient bien leur reprendre le rôle d’illustrer l’exceptionnalité comme la déchéance ; eux se contentaient ce soir d’une neutralité tranquille, comme si la somme des extrêmes pointait zéro au lieu de s’envoler dans d’étranges exponentielles. Ni admirables, ni terribles. N’était-ce pas ce qu’ils cherchaient depuis ? « Non, pas du tout. » Ça aurait été dommage de tout clore si vite, alors que seules quelques gouttes d’encre dans la tasse essaient de déceler d’inexistantes intentions. Plus personne ici ne pensait qu’il devrait partir, pas vrai ? Plus personne ici ne pensait grand-chose ; introspectifs mais dépassés, au bout de tous les comptes, selon une équation dont Bennett passait sa vie à essayer de prendre avantage. (Ambition de percer les mécaniques subtiles et opaques, de mettre le grain dans l’horloge qui lui donnerait le temps à l’infini, le temps d’être le pire et le meilleur, sans regrets.)

Toutefois ils parlaient, introspectifs ; et du peu qu’ils révélaient, il fallait inventer la roue, lire dans l’absence. « Je me demande des fois. » Aucune crispation, aucune marque d’agitation, n’est-ce pas ? Ils étaient attendus mille fois, et Ginny ne serait pas celle qui rompt le fil. Puisque c’est elle qui fait vigie sur le navire, elle qui surveille les précipices ; puisque c’est lui le court-circuit, il n’y a pas de raison qu’elle demande quelque chose de douloureux. Chacun son rôle et s’y tient, par sécurité. (Et le monde d’infinie régularité et d’incroyables symétries n’existait peut-être dans l’esprit du sculpteur que dans l’idée d’y être la totalité du chaos.) Est-ce encore l’heure de demander, Ginny, ou celle de constater ? « Si un jour ils vont nous envoyer une facture. Pour le rhum. » Les yeux de Bennett ont tout juste le temps de capturer un éclat par trop familier, lisant la curiosité de Ginny dans le regard qui menait au cher rhum. Se détourne rapidement. Vérifier ? Je m’approche, j’achète, j’achète, je consomme. Rien n’est gratuit dans ce monde, pas vrai… aujourd’hui je ne perds pas la face. Elle voulait, après tout, le visage qu’il offrait à tout le monde. « J’ai payé deux semaines plus tard, » fait-il d’un haussement d’épaules qui voulait dire qu’il n’avait rien remboursé en tant que tel, simplement acheté le double à d’autres heures, un jour qu’elle n’était pas là et que personne ne pouvait lui faire grimper un étage et demi pour l’empêcher de toucher le fond avant l’aurore. (Des jours nombreux.) Tristesse, regrets, bon ou mauvais ; dans la courbe de ces verres immémorables, la morale prenait des formes molles et permissives. Bennett et les dettes. « Marrant que tu te demandes ça. » Ce n’était pas marrant, et Bennett n’utilisait pas le mot marrant. (Visage pour tout le monde, léger, ordinaire.) Vengeance légère pour la légèreté de Ginny ? Vengeance amicale, vengeance généreuse ; vengeance qui ne pouvait railler l’un sans railler l’autre. Marrant après quelques verres qui relâchent la vigilance, au contraire de la caféine qui l’aiguise. « C’est une bonne chose, ça. » Très Ginny, très vague, très rose et fins heureuses. Qu’elle le pardonne ne signifiait pas qu’il se pardonnait ; un pouvoir qu’elle ne pourrait lui enlever à coup de baïonnettes d’abnégation ou d’humanité. Il voulait bien croire, Bennett ; la foi sauve, les païens flambent chair et âme pour l’éternité ; mais qu’elle ne lui fasse pas l’offense de ne pas avoir pensé, elle aussi, que quand ils vont bien ils ne sont rien ; que, leur solidarité tardive s’étant construite dans la tourmente, il n’y avait rien que de banal à en tirer aux rayons du matin. Les bonnes personnes, ça ; de râcler la boue pour une miette d’or abîmé, d’avoir des lampes dans les yeux et de prétendre que tout était clair. Le phénomène lui était trop connu, rébarbatif, toujours fascinant en un sens, mais si familier ; la bougie qui ne prend conscience de l’obscurité qu’en s’éteignant elle-même, la bougie qui tire sa force des autres qui s’éteignent, sans le savoir. Et si tout est pardonné… « Donc tout est pardonnable. » Il n’y avait rien là que raison pure, déduction rigoureuse – ses armes à lui, puisqu’elle avait cette embêtante carte de la négation du réel pour changer les cases noires en cases blanches. Mais les proportions finales du damier restaient les mêmes ; et Bennett savait compter. « Tu sais ce que j’en pense. » Tu n’as aucune envie de l’accepter, cependant. Pas grave. Pas faute. Tu diras que ma solution ne permet pas d’avancer, je ne répondrai rien. Les avis trop tranchés sur la médiocrité humaine, les espoirs d’absolution à la barbe du jugement, tout cela ne culminait pas dans la guerre ouverte, mais dans le silence attentif de l’attente que quelqu’un confirme. Personne ne confirmait. Elle pardonnait, elle avait pardonné à chaque seconde, il le savait. Peut-être qu’il lui en voulait de ne pas lui en vouloir. Mais t’es juste comme ça, Ginny. Tu crois pas à la fatalité, hein ? Et la tienne ? Quelque chose qui remonte pas à deux ou trois petites années, quelque chose qui décante depuis tellement longtemps, depuis le début, qui n’a pas eu besoin de moi ni de personne – certains s’emprisonnent dans le mal, d’autres dans la croyance qu’il n’existe pas. (On avait dit léger.) Tout est léger. Il constate, désigne, observe sans appuyer ; impartial et impersonnel comme ils devaient l’être, et indulgent avec. Bennett n’est pas un idéaliste. Naturel, Ginny. « Marrant que ça marche mieux quand ça va mal. » Enfoncer des portes ouvertes, laisser de muettes excuses qui lui arrachaient les lèvres tout au bord de ses phrases trop succinctes ; les vieux défauts, qui ne s’estompaient pas plus que le passé, aussi distant et insignifiant puisse-t-il être dans sa bouche à elle. Désolé ce dont il se souvenait et ce dont il ne se souvenait pas ; désolé que la complicité n’émerge que dans la sombreur ; dans la lumière, ils n’avaient besoin ni d’amitié, ni de boire, ni de rire. Et qu’il en parle sans éviter les angles ; ça aussi, elle devrait lui pardonner, avec le reste. (Avoir le dernier argument, même contre soi-même.) Dans la lumière ils étaient injustifiés.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyMer 3 Mar 2021 - 22:01


J’ai jamais compris le jazz. Même pas quand papa lançait ses vieux vinyles, qu’il se calait dans son canapé de cuir sur lequel on avait jamais le droit de s’installer mais où on n’aurait tout simplement pas pu le faire puisqu’il en prenait toujours possession. Les tissus étaient infusés de ses cigares préférés, les appuis étaient moulés à sa silhouette au point où il laissait toujours aller un soupir de contemplation au moment où il appuyait l’arrière de sa tête contre les coussins, paupières fermées, presque sourire aux lèvres. J’ai jamais compris le jazz et pourtant j’ai toujours aimé, probablement que les deux sont reliés. « J’ai payé deux semaines plus tard. » le rhum, la bouteille, le vol, les toits. On est plutôt nostalgiques de ce soir-là, dites donc. « T’aurais dû me dire, j’aurais remboursé ma moitié. » c’est la moindre des choses, même s’il dira qu’il a bu bien plus. Même s’il prendra le blâme et même s’il portera fièrement l’étendard de celui qui allait au plus mal, qui n’avait que ce qu’il méritait. Ça pique, ça pince, et pourtant ça soulage en un sens, de pouvoir le dire le sourire au coin des lèvres. Oh qu’on en a parcouru du chemin depuis. C’est pour ça, qu’on est cernés. C’est pour ça, qu’on n’a plus la moindre tache. C’est parce qu’on a bossé fort pour être là où on voulait l’être. Le visiteur dans un musée et celle qui s’excuse beaucoup pour rien ont enfin trouvé un semblant d’équilibre dans le désordre qu’ils s’appliquaient au quotidien à bousiller. Il rangeait toujours derrière moi, j’en profitais pour tout casser. L’un ou l’autre n’a jamais fonctionné. « Marrant que tu te demandes ça. » « Pourquoi? » je détourne la tête de Matt qui trouve la vie entière marrante pour essayer de trouver une pointe de réponse dans le regard d’un Bennett déjà ailleurs il me semble. Expliquer la blague lui enlève du cachet, pourtant je demande quand même. Parce que s’il sourit comme ça, j’ai envie de sourire pour la même raison. C’est un crime?

« Donc tout est pardonnable. » ça, ça l’est.
« Tu sais ce que j’en pense. » c’est un crime pour lui, en tout cas. Le nombre de fois où il l’a dit dans ses plus pires silences, qu’il dépeignait le portrait de ce qui se tramait sous ses tempes. J’ai toujours détesté voir à quel point le coup d’œil qu’il portait sur sa vie lui faisait mal. Les miroirs et les limbes, les entre-deux et les extrêmes. Il est totalitaire Bennett, jamais plus vrai que la seconde d’après. Oui, j’ai tout pardonné parce que c’est ce que je sais faire de mieux – ironiquement à la Terre entière, et jamais à moi. La liste des excuses et des justifications associées à son nom est si longue qu’elle est recto verso, que l’encre me tache les doigts.

Il l’aurait, sa rédemption, s’il me regardait dans les yeux. Sur un plateau d’argent avec un hochement de tête bienveillant, une tape sur l’épaule, une médaille de bravoure pour l’avoir abordé de lui-même et une promesse de faire mieux à l’avenir.

« T’as pas envie d’être pardonné. » ce soir-là on était deux à avoir bien trop de choses à payer deux semaines après, et les suivantes, et les prochaines, et les précédentes, tout au complet. C’était y’a des années, c’était une miette d’historique, c’était lui et c’était moi, mais pas comme ça. Malgré les séquelles, et malgré les éléments d’eux et malgré les déchirures de bouts de papier enterrés pour mieux soigner sans vouloir de l’antidote. Il a presque fini son café, j’ai à peine touché au mien. « Marrant que ça marche mieux quand ça va mal. » la tasse à moitié pleine contre la tasse à moitié vide. Qui gagnera cette fois-ci? Qui mérite cette victoire-là? Parce qu’il y en a toujours un de nous deux qui repart avec les honneurs pendant que l’autre récolte tout le reste. Parce que c’est comme ça que ça fonctionne-ait, parce que si ça allait bien quand ça allait mal, c’était juste une question d’engrenage bloqué et de faute partagée. Il comptait les éclats de charbon, j’accumulais les cubes de sucre. Il goûtait au miel, je ressassais le goudron. « On a jamais su faire autrement. » parce qu’on a jamais voulu essayer. Y’a toujours eu un déséquilibre qu’on a gardé, comme si c’était instinctif, logique. À l’Académie il faisait mal et j’encaissais. En dehors, la vie frappait fort et on avait pas assez de munitions pour se défendre tous les deux. Fallait trancher de qui empochait quoi ; il prenait le mauvais, j’essayais de multiplier le bon. À la seconde où tout a pris sa juste place, où il a trouvé la bonne balance et où je me suis enfin autorisé le droit d’en avoir une, on n’a plus eu besoin de l’autre comme d’un reflet pour tout ce qu’on ne voit pas. « Et il serait peut-être temps. » de faire autrement, donc. De changer un peu les cartes, d’arrêter de ressasser un passé fait de et si et de froncements de sourcils. Je ne sais pas pour lui, je ne serai jamais ingrate au point de prendre une décision pour deux. Mais au-delà de tout pardonner, je n’ai plus de place pour les malaises à base de météo, de carnets à dessins qui s’entrecoupent de sourires qui n’en ont que le nom. J’étais épuisée avant, je n’ai pas à l’être de nouveau.

Ils en sont au solo tragique de piano, quand je me détourne vers Bennett, la main tendue et les yeux avec. « Amis? » oh qu’elle est niaise, Ginny, quand elle veut bien faire les choses mais qu’elle ne sait plus ce qui est bien et ce qui est mal. Dans l’ensemble, ce n’est qu’une confirmation, ce n’est qu’une page tournée. Ce n’est qu’une poignée de main dans un bar de jazz qu’on ignore. Qui gagnera cette fois-ci? Qui mérite cette victoire-là? Trop occupés à jouer les arbitres quand il n’y a même pas la moindre possibilité d’avoir en face un adversaire.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyMer 24 Mar 2021 - 21:23


Elle ne voyait pas ? Non, bien sûr qu’elle ne voyait pas. Et à trop polir les mots, à emprunter des voies sinueuses dont personne ne voyait la destination, il se condamnait à la diffamation – à être cité dans le texte pour tout autre chose que son intention. Et l’intention, Ben, l’intention, où est-elle ? Je cherche les mots, je cisèle les phrases, je pétris la discussion ; j’attends que le pain sorte du four. Après ? Après… toujours l’après, foutu problème… après… après. (Tu ne penses pas qu’il est là pour rien.) (Il a mieux, ailleurs ; qu’elle renchérirait.) La vie qu’ils auraient volé mille fois ; dans la réalité, ils n’avaient volé qu’un litre de rhum. Le reste était là comme la pluie ou le vent. Comme le bruit et les couleurs. Sans créateur, sans débiteur. Un simple petit papier. « T’aurais dû me dire, j’aurais remboursé ma moitié. » Sans débiteur. Elle n’en avait pas bu cette moitié qu’elle prenait inlassablement sur elle. Erreur récurrente chez Ginny. C’est dans le code pénal et toute la justice civilisée de la planète : on ne s’engage que sur ce qu’on doit. Les quelques gorgées ardentes prises au goulot d’un enfer qui n’était pas le sien étaient sans commune mesure avec ce qu’il en avait fait. C’est quoi, ça ? La sécurité sociale ? Tu cotises pour l’humanité ? Et c’est toi qui iras à l’hôpital si une voiture me percute ? (Soyons sérieux…) Oh, Ginny. Tellement, tellement, toujours, irrémédiablement, elle. C’est une maladie d’être soi. Mais il pensait que les autres y échappaient un peu plus. « T’as pas envie d’être pardonné. » Pas le droit. (Atroce, intolérable, lancinant.) (Bien sûr qu’elle a le droit.) Ginny aiguise mal ses lames, mais utiliser les siennes marche tout à fait ; sa propre phrase lui brûle la chair plus sûrement que tout ce qu’elle aurait pu feindre de cruauté. La douleur mentale, presque physique, fait craqueler l’impassibilité de marbre qu’il a prise de ses statues. Il prenait le meilleur de l’inanimé et le pire des hommes. (Percutant, mesquin, cynique.) Ce qu’elle n’était pas ; une autre astuce de mère de la foi, que se mettre dans les vêtements des perdus. Condescendance qui s’ignore. Et c’est marrant, ça aussi, Ginny. Marrant d’être un enfant, marrant de faire semblant de ne pas comprendre. Marrant de ne pas m’aider à sortir du cancer des mots et de me laisser couler paisiblement, dans le décor que j’ai moi-même agencé, que tu as peint vertueusement avec tes pastels, tes tendres pastels, si innocents qu’on rêve de les damner. Il aurait tout donné pour savoir gérer ces choses avec clarté, sans éterniser les supplices, sans calomnier les mensonges eux-mêmes. Mais il encaisse sans mot dire. Il est ailleurs, évidemment qu’il est ailleurs ; elle était bien placée pour savoir qu’il avait toujours une longueur d’avance, qu’il était incapable de simplement parler, sans en faire une monstrueuse partie d’échecs intérieure ; et qu’elle suppose qu’il restait ici pour aucune raison était une énième preuve que Ginny était tout simplement la négation des évènements. Sa manière de faire avec. Lui ; s’enfoncer dedans. Je n’ai pas envie d’être pardonné ; c’est absolument autre chose. Pourquoi j’aurais parlé du pardon, penses-tu, ramener ces oiseaux de merde ? Pourquoi nous mettre les rails sur cette voie ? Pour que tu reprennes mes mots ? Bien sûr que non. Il la guidait quelque part ; elle s’arrêtait en chemin. On récolte ce que l’on sème. « On a jamais su faire autrement. Et il serait peut-être temps. » Donc tout est pardonnable. Mais que pouvait-il faire de plus explicite ? Qu’est-ce qui ne connectait pas ? A son échelle de pythie de Delphes, c’était une prophétie. Bennett pour qui chaque syllabe avait son poids en feu, terre, eau, air ; perdait ses éléments en vain. Elle se refusait absolument. Ou alors, elle aussi… ? De… ? (Non.) (Bien sûr que non.) Je prends ce qu’on me donne. (Là, c’est flagrant, non ?) Ginny ne relève rien, Ginny ne l’écoute pas ou ne va pas l’écouter – ça, le totalitarisme positif, souriant, chrétien même. Il va à la messe le dimanche et donne l’aumône aux miséreux. Je prends ce qu’on me donne. Si seulement t’étais pas né sphinx, Bennett. (On en serait pas là.) On ? Quel on ? Elle ne t’écoute pas, elle s’en fout, elle a pas envie de savoir, et tu vas lui fourrer tes raisons dans les mains comme ce café qu’elle ne boit pas. Partir, rester. Toujours le mauvais choix. On a jamais su faire autrement. (Attends.) Et si elle avait compris ?

« Amis ? » (N’importe quel autre jour, il aurait accueilli cette réconciliation comme le salut divin ; n’importe quel autre jour, il n’aurait pas espéré mieux, se serait contenté de cette écorce sèche sur les plaies ouvertes en se sentant béni par tous les saints.) Amis, Ginny ? (Si seulement il savait parler.) C’est tout ce qu’on a été de bout en bout ; tout ce qu’elle est capable de lui dire. (Ils sont, aujourd’hui, beaucoup moins que ça.) Ginny qui prend son constat mordant pour en faire un origami de fleurs – et s’y couper les doigts. La banalité de son mouvement d’accolade lui est viscéralement étrangère ; ce n’est pas ce qu’on ferait, entre amis, de le formaliser de la sorte. Elle ne comprenait pas. Bien sûr qu’elle ne comprenait pas ; il ne disait rien. Pourquoi espérait-il que ça viendrait d’elle ? Pourquoi jouait-il la provocation lorsqu’il savait pertinemment qu’elle n’y répondait pas – n’y pensait même pas ? (Et toi, à quoi tu penses ?) Quand elle lui tendait la main ? (Largement moins que de l’amitié.) (J’aurais aimé le dire autrement – mais tu es partie trop loin.) Main serrée puérilement ; lorsqu’il les lâche après ne les avoir prises que pour ne pas les laisser en l’air, la raison pour laquelle Bennett est resté sans qu’elle ne le retienne finit par échouer hors de ses lèvres, rejoignant le jazz. Autrement. « Je suis désolé de pas être venu. » (Mais il n’avait pas su le dire, comme il aurait voulu.) Jour de grand rangement chez les Giller. (Que le vice était plus loin dans le fruit.) Le rescapé, peut-être l’un des seuls, de l’époque de l’Académie, gardé pour la postérité ; entre deux ébauches informes et une rage de vivre et de crever à gros traits bleus, une date oubliée, une date effondrée. Il avait percuté. Treize ans trop tard. « Vendredi, à 19h30. » Dépose la tasse de café sur la table la plus proche, et prend la direction de la sortie de gauche – celle qui l’éloignait de Ginny sans l’obliger à travers la foule. Il n’avait jamais compris ce pourquoi elle s’excusait. Elle n’avait jamais compris ce pourquoi il s’excusait – la seule fois qu’il le faisait.
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Message(#) Sujet: Re: you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) you'll reap the harvest you have sown (ginnett #6) EmptyJeu 25 Mar 2021 - 2:15


Et il est là le problème, dans le fond comme dans la forme. C’est pas la main tendue, c’est la signification qui vient avec. C’est pas mon regard soutenu, c’est ce qu’il articule en silence. C’est pas l’attente, c’est pas l’incertitude, et c’est certainement pas les bons mots dits au bon moment. Ce serait facile de statuer que le chronomètre est à l’envers et que les coïncidences sont en congé. Ce serait simple de souligner qu’il ne parle pas d’un tout mais d’un extrait édulcoré. Y’a des moments de ma vie qui sont effacés, pour le mieux, vraiment. Les soupirs de déception à chaque fois que je parlais de l’Académie à mes parents. Le vol direct vers Londres sans billet de retour. Le silence dans la chambre d’hôpital qui précédait les premiers pleurs de Noah. Le froid des dalles de la salle de bain quand, quand. Mais rien n’est froid, sauf peut-être mon café qui fait office d’alibi en attendant qu’il – oh, il me serre la main. Alors j’imagine que c’est comme ça qu’on est devenus amis. Que la procédure est comprise, que les objectifs sont atteints, que les contrats sont signés, que les petits caractères sont approuvés et que la page est tournée, que dis-je que le livre est terminé. Rien ne change mais tout devrait, et comme c’est explicitement moi qui l’ait stipulé on dira que je suis secrétaire du procès-verbal. Ahah, l’ironie, le procès-verbal quand personne ne parle. Y’a bien des paroles plus loin et y’a bien de la musique et y’a bien des gens, des conversations et Matt qui ne parle plus, ne crie pas plus. C’est bizarre ça. Comme les doigts de Bennett qui reprennent contenance, se dégagent ni trop vite ni trop fort. Mais se dégagent tout de même. Amis? Amis. « Je suis désolé de pas être venu. » bizarre, bizarre, bizarre. Il est là, non? Oh Ginny. « Vendredi, à 19h30. » oh, Bennett. Mon nouvel ami qui part derechef, sa tasse de café est terminée et sa soirée comme notre conversation avec. Il part comme il l’a fait plein de fois mais pas vendredi 19h30 (comment aurait-il pu partir puisqu’il n’est tout simplement pas venu). C’était l’archétype de la seconde chance étalée sur plusieurs paiements, même les chèques à la date planifiée pour la semaine suivante passaient au guichet, même les pièces d’une devise étrangère étaient considérées. C’était le mieux que je pouvais faire compte tenu de la confiance et du semblant de confort qu’il avait su instaurer, tout seul comme un grand. C’était son gage et pas le mien, okay un peu le mien mais beaucoup plus le sien et Ginny on avait dit pas de victoire, pas d’adversaires, pas de gagnants et pas d’arbitres. Il est désolé. Il n’avait pas oublié?

« T’étais un vrai connard. » il est désolé. Il n’avait pas oublié. Et moi je suis dehors, à un mètre de distance, une borne-fontaine, quatre dalles dont l’une craquelée et l’autre peinte par la ville, entre une porte de bar de jazz qui bat la mesure et une excuse vieille de treize ans et des poussières qu’il a laissée aller dans un souffle. Oh qu’il pourrait continuer son chemin Bennett, c’est certainement pas la première fois qu’on la lui reproche celle-là, et quelque chose me dit que ce ne sera pas la dernière. Manque de créativité, drôle d’insulte bancale pour une fille qui passe sa vie à être bien plus imagée. C’était un connard à chaque fois où il faisait exprès, et même celles où il ne faisait pas gaffe. C’était un connard en qui j’avais eu sensiblement confiance et qui a tout cassé sans même s’en badrer un nombre incalculable de fois. Il ne méritait pas d’opportunités de mieux faire autant que de bénéfices du doute autant qu’il en a reçus de ma part, pour tout sauf pour cette fois-là. Parce qu’il n’avait juste fait que prouver ce que tout le monde lui reprochait et ce qu’il clamait fièrement même sans mot dire, qu’il en valait pas la peine. J’ai jamais cru que qui que ce soit pouvait s’attribuer ce rôle-là même le plus volontairement du monde, autant qu’il n’a jamais manqué une seule occasion d’en dépeindre les couleurs trop de soirées dans les limbes et sur les toits pour que ce soit sain de le mentionner. Je pouvais pas concevoir qu’il était véritablement une cause perdue, je pouvais pas comptabiliser toutes les preuves de sa connerie comme étant des sanctions et pas juste des conséquences. Y’avait quelque chose de bon, y’avait un grain de sable qui bloquait la suite, y’avait un truc qui faisait pas de sens quand tout le monde croyait que c’était ça le seul sens qu’il prenait, Bennett. Et c’est comme si tout se débloque, c’est comme si la transaction d’être désolé efface l’oubli, c’est comme si le chemin de croix s’expliquait tout seul. Je savais. Je savais tout ça. Je savais qu’il était plus que ça. Ils ont tous cru que j’étais désespérée, qu’il s’en moquerait à la clé, même lui. Il voulait être quelqu’un de potable, il l’avait dit. Il visait le tableau d’honneur des gens beiges à l’histoire sans montagnes russes et sans dents de scie. Il s’est marié et il a eu un enfant pour le prouver, il a arrêté de boire et de fumer comme un secret de polichinelle qu’il n’en finit plus d’entraver. Mais il s’est excusé. Et même si ça ne vaut rien au tableau des scores de Demers et de tous ses collègues académiques, de la pauvre serveuse au café qui avait rempli ma tasse cinq fois avant d'abandonner, ça veut dire quelque chose pour moi. Je savais. J’avais raison. « Étais. »
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