5 octobre 2021. Tout était allé si vite. Hunter n'avait rien vu venir, et maintenant qu'il courait à vive allure dans les rues sombres de la ville, le dealer tentait de donner du sens à ce qui venait de se passer. Il n'y avait qu'une seule possibilité : on devait le pister depuis des semaines déjà. Tout avait été trop propre, il n'avait rien vu venir et Stringer était pourtant très prudent. On lui disait très souvent qu'il était le plus discret des dealers de l'équipe, on l'envoyait même dans des endroits huppés, voir des gens d'un autre monde car Hunter était un vrai caméléon, il était passe-partout on ne le remarquait jamais. Toutefois, Hunter était bien là, le visage en sang, l'arcade ouverte et une douleur vive qui l'accompagnait. Il n'avait pas le temps de réfléchir ni d'avoir mal. Hunter avait agrippé ce qu'il avait pu et s'était barré en courant, quatre mecs contre un seul, il n'aurait rien pu faire. Il devrait pourtant rendre des comptes au Club.

Son premier réflexe fut de se rendre vers le Casino mais il réfléchit un instant - et si on le suivait encore ? Hunter venait de se faire voler plus de 2 000$ en cash, qu'il aurait dû échanger cette nuit-même au Club. En plus du cash, on lui avait volé plus de 500$ de drogue. Il était en train de paniquer, mais il devait garder son sang froid et se sortir de là. Alors, avant de se rendre au Casino, il décida de faire un tour, capuche sur la tête, visage baissé il ne fallait pas qu'on remarque à quel point il était amoché... Le dealer était dans le mal, il perdait du sang et sentait des douleurs dans les côtes. On l'avait mis à terre, battu de coups, et malgré le peu qu'il avait su se défendre, il s'était senti impuissant... Le pire sentiment au monde. Stringer était énervé contre lui, et après plus d'une heure à semer les pistes, le brun finit par se rendre dans la rue à l'arrière du Casino. Ici, il ne serait pas mis en lumière - surtout qu'il était plus de trois heures du matin et qu'à cette heure-ci, à part les fous de jeux, il n'y avait plus personne, et donc il serait plus facilement repérable. Il espérait que Stacey soit là, qu'elle soit dans le coin, elle serait la seule à pouvoir l'aider tout en restant discrète. Il rentra par la porte derrière, se retrouva dans les cuisines du restaurant, alors fermées. Il tenta de trouver la lumière, en vain ... et renversa  même plusieurs ustensiles au sol. Hunter se sentait terriblement faible, entre la fatigue et la perte de sang, Hunter n'avait plus de force, il se laissa glisser contre le mur, un soupir s'échappant de ses lèvres alors qu'il avait si mal qu'il ne ressentait presque plus rien. Etait-il en train de perdre connaissance ?  

5 octobre 2021. Le brun n’aurait rien pu faire même s’il avait vu venir ces gens. Ils étaient trop nombreux pour que Hunter puisse faire quoique ce soit mais il s’était débattu de toute son âme pour sauver la marchandise. Pourtant, le dealer se retrouvait sans argent, sans drogue – dépouillé par des malotrus. Le jeune homme avait donc fui pour sauver sa peau, et c’était bien la première fois que Stringer ressentait une telle trouille. Cette émotion lui avait permis de se relever, et toute cette adrénaline l’avait mené jusqu’ici au Casino. Il avait pris soin de ne pas s’y rendre directement évitant d’être suivi.  Le sang froid dont il avait fait preuve cette dernière heure avait consumé toute son énergie. Il arrivait dans les cuisines avec un air cadavérique sur le visage. Partagé entre la peau pâle d’un homme qui a fait trop d’efforts et le sang rouge vif d’une blessure profonde à l’arcade.

Se sentant en sécurité, il s’écroula au sol, dos contre le mur. Il se sentit dans les vaps, sa vision était floue et sa respiration haletante malgré lui. Il entraperçut une silhouette se jeter vers lui. « Hunter ? » Il reconnut la voix, une voix lointaine pourtant. La lumière lui fit automatiquement fermer les yeux tant qu’il ne supportait pas autant de luminosité. Il était clairement dans un sale état. « Hunter, reste avec moi. » Il sentit les mains glacées de la jeune femme retenir son visage, mais la douleur lui tiraillait le visage et ce fut en une vilaine grimace qui lui répondit : « J’ai mal ». L’adrénaline redescendait peu à peu et il commençait à ressentir la douleur lui prendre tout le visage, ainsi que les côtes. « Hunt’, regarde-moi, c’est moi Stacey… » Il redressa la tête, et ses yeux vinrent croiser ceux de la blonde. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Il s’humidifia les lèvres, prenant une grande inspiration qui eut l’effet de lui broyer les entrailles. Il avait mal partout, un mélange entre douleurs, et courbatures. « J’me suis fait agresser. » finit-il par dire entre deux respirations. Il tenta de se redresser mais s’appuyer sur son bras lui arracha un grognement. « Ils étaient trop – j’ai rien pu faire… » ajouta-t-il, se rendant compte que cette agression allait peut-être lui coûter sa place en tant que dealer et il ne pouvait pas se permettre d’être viré. « Faut qu’j’y retourne, faut que j’aille récupérer ce qu’ils m’ont pris » finit-il par dire alors que c’était complètement absurde, Hunter ne pouvait même pas tenir debout.
 

5 octobre 2021. Complètement déboussolé, Hunter avait encore dû mal à réaliser qu’il était sorti d’affaires. Du moins, il avait réussi à semer les troupes. Il était complètement déphasé en réalité, il ressentait le tournis et ne savait même pas si Stacey était une illusion ou la réalité. Il avait mal, il se plaignait, et les grimaces sur son visage en étaient les témoins directs. Le dealer retournait la situation dans tous les sens, il ne comprenait pas tout ce qui s’était passé. La seule chose qu’il retenait c’était qu’on lui avait piqué pas mal de choses et qu’il fallait qu’il y retourne au plus vite. Une main sur les côtés, il était prêt à se lever et retourner au combat. Mais la blonde en avait décidé autrement, elle posa ses mains sur ses épaules comme pour l’inciter à ne pas forcer plus. « Non, Hunter, tu n’iras nulle part » Hunter s’était arrêté dans ses mouvements et fixait la jeune femme dans les yeux. « Tu penses qu’ils vont t’accueillir comment ? Et tu crois que tu vas faire le poids face à eux après ce qu’ils viennent de te faire ? Tant pis pour l’argent et la drogue, le plus important là est de te soigner » Hunter grogna en guise de réponse, il savait qu’elle avait raison mais il n’avait pas envie de se projeter dans l’idée où il devrait se justifier face à Raelyn, ou même d’autres supérieurs. « Ne bouge pas » Hunter haussa les épaules, toujours affalé contre le mur il la suivait des yeux, tout en ressentant la douleur à chaque inspiration… « Essaye de tenir ça »Hunter s’exécuta alors que le froid le brûlait tout autant que l’apaisait en même temps. « Tu es blessé ailleurs ? » Ses yeux dans les siens, Hunter n’arrivait plus à réfléchir correctement. Il était envahi d’une profonde fatigue, il se demandait même comment il avait pu se rendre jusqu’ici… « Aux côtes. » confia-t-il, alors que d’une main il tenait la poche de glace, et que l’autre était justement sur son ventre, il pouvait ressentir la douleur à chaque fois qu’il respirait. Il allait se retrouver avec de sérieux hématomes. « Qu’est ce que tu fais encore ici Stacey, tu ne devrais pas avoir fini ton service ? » demanda-t-il, en se rendant bien compte qu’il était déjà bien tard, notamment parce que la cuisine était fermée à cette heure-ci. Il penchait la tête tout en l’observant, il avait encore dû mal à réaliser qu’il avait renoué contact avec elle grâce à ce fichu gang.
 

5 octobre 2021.  Hunter s’était rendu ici après avoir erré pendant plus d’une heure. Il ne voulait pas être suivi, et ne pensait pas que Stacey serait encore ici. Peut-être que c’était une bonne chose qu’elle soit là finalement, elle allait l’aider à cacher la misère et il n’aurait peut-être pas à dire à Raelyn qu’il a complètement foiré ce coup-là. La douleur lui donnait le tournis, il n’arrivait pas à rester debout alors assis contre le mur il se tenait le ventre, la nausée lui rendait la vue floue. « Tu permets ?  » demanda-t-elle alors qu’il se redresse légèrement pour soulever son t-shirt. Même lui ne préférait pas regarder ce qu’il en était, il détourna le regard et laissa faire la blonde accroupie à côté de lui. Il sentit ses mains fraîches effleurer sa peau, et il ne put s’empêcher de grimacer à son contact. « Désolé… » Il soupira, serrant les dents pour éviter de hurler de douleur. Elle alla chercher une poche de glace et après l’avoir posé sur lui, elle reprit : « Tu dois très certainement avoir des côtes brisées… -- Il te faudrait des antidouleurs pour atténuer ça… Je pourrais m’en procurer à l’hôpital, s’il faut… » Il tourna son visage pour la regarder à nouveau, la douleur pouvant se lire dans ses yeux « Ou je peux appeler un médecin…. » « Non, surtout pas. » répondit-il aussitôt. Appeler un médecin revenait à déclarer tout fort qu’il s’était fait agresser et il ne voulait pas que ça se sache, quitte à rester terrer chez lui plusieurs jours pour guérir, il se rattraperait dès qu’il le pourrait. « Un médecin du Club, je peux appeler Alec pour avoir ses coordonnées. » « J’ai pas confiance. » grogna-t-il, fermant les yeux un instant, sentant une pointe de douleur lui parcourir le ventre. Il finit par se redresser légèrement, et ouvrit les yeux à nouveau pour lui demander ce qu’elle fichait bien encore ici. « J’ai terminé… mais j’ai pris l’habitude de passer par ici avant de rentrer, le chef cuisinier me laisse toujours de quoi grignoter, parce qu’il sait que j’ai à peine le temps de manger entre mon service ici et mon service aux urgences » Il ne put s’empêcher de sourire, mais rien que cette esquisse vint lui tirer les traits de son visage, et lui arracher dans la foulée une nouvelle grimace. « Ce sont des moelleux au chocolat… tu en veux ? » Il secoua la tête avant de répondre : « Non, pour tout te dire… j’ai un peu l’appétit coupé. » Et Hunter eut un léger sourire, il ne pouvait pas lui offrir bien plus avec la souffrance qu’il ressentait. Mais Stacey pouvait comprendre qu’il n’avait pas vraiment faim dans cet état-là. La blonde s’était tout de même redressée pour aller les récupérer, et en revenant vers lui elle ajouta : « Ils me font penser à ceux que ta mère nous faisait pour le goûter, quand on était gamins… » Il haussa les sourcils, traduisant la surprise de cette remarque alors qu’il regardait l’assiette face à lui. « Tu te rappelles de trucs comme ça, toi ? » demanda-t-il alors la regardant en biais sans trop bouger. Hunter avait toujours cru que son absence avait permis à tout le monde de l’oublier, il aimait se dire qu’il n’était plus grand-chose pour personne, c’était plus facile pour lui de se montrer indifférent à son tour. « C'était dans une autre vie, j'ai l'impression. » se permit-il d'ajouter après quelques secondes de silence. Cela paraissait si loin qu'il avait l'impression que cela ne faisait même plus partie de son passé.

 

5 octobre 2021. Hunter était loin de s’imaginer que la nuit allait se passer de la sorte. Une descente aux enfers qu’il préférerait oublier, mais les blessures qu’il arborait allaient lui rappeler encore pour un moment cette agression. Tomber sur Stacey était peut-être une bonne chose même s’il était gêné de se retrouver aussi vulnérable devant elle. Il ne voulait voir personne, encore moins un médecin et il lui fit comprendre. « Qu’est-ce que tu crains ? Que Raelyn soit au courant de ce qui t’est arrivé ? Elle le saura tôt ou tard de toute façon » Hunter soupira à cette remarque, la gorge serrée, il avait peur des représailles. Lui qui avait fait en sorte jusqu’ici de se faire tout petit, de faire son taf et d’emmerder personne. Il aurait sûrement des comptes à rendre à la boss, et il ne préférait pas y penser. Pas encore, du moins. « J’ai pas envie qu’on croit que je suis un bon à rien » finit-il par lâcher entre ses dents, articulant à peine. Il avait pris l’habitude qu’on le pense de la sorte, mais il s’était promis de réussir cette fois-ci. Aussi paradoxal que ça puisse paraître quand on voyait le domaine dans lequel il baignait. « Tu ne peux pas rester dans cet état, Hunt’.. Ce serait plus prudent » Il haussa les épaules, retenant un gémissement dans la gorge alors que sa côte lui faisait mal. Il se redressa tant bien que mal, et Stacey décida de trouver un certain réconfort dans ce moment plus que délicat.

Les deux amis d’enfance se retrouvèrent donc assis par terre, dos contre le mur, un moelleux au chocolat chacun dans les mains. Hunter n’était pas sûr que cela soit une bonne idée de manger, en tout cas, il avait l’estomac encore tout retourné de cette histoire et n’en avait pas vraiment envie. Toutefois, la remarque de la blonde lui arracha un sourire, il ne put s’empêcher de la regarder du coin de l’œil, étonné qu’elle lui ressorte un tel souvenir. « Et comment ! C’était les meilleurs muffins au chocolat de la planète -- et le meilleur moment de la journée, celui qu’on attendait avec impatience » Il approuva d’un grand signe de tête, des souvenirs venant s’installer dans son esprit. « Ouais, j’me souviens. C’était… paisible. » finit-il par dire, regardant en face de lui, le regard dans le vide comme s’il tentait de se rappeler précisément de l’une de ces après midis. Mais c’était une autre vie. Il n’était plus ce Hunter là, et au vu de la vie de Stacey ces derniers temps, elle n’était plus cette Stacey là non plus. « Oui… » Beaucoup de choses avaient changé, elle ne pouvait pas le nier, ils ne pouvaient le nier. « Mais ces souvenirs sont bien réels. » La nature optimiste de la jeune femme faisait de nouveau surface. Une remarque qui restera en suspend car Hunter n’avait pas envie de plomber encore plus l’ambiance, mais il était clair qu’il avait mis cette vie là derrière lui. « Si tu ne veux pas voir le médecin, on devrait au moins aller à l’hôpital… pour que je récupère ce qu’il te faut pour calmer la douleur et ensuite je te ramène chez toi » Il tourna la tête pour la regarder, et poser enfin ses yeux dans les siens. « Tu n’en as pas marre de sauver les gens ? » demanda-t-il alors avec un certain sérieux. Stacey, toujours à la rescousse. Cela devait être fatiguant de toujours faire le bien. Et puis, elle avait sûrement mieux à faire, elle avait déjà perdu assez de temps à essayer de le sauver, des années en arrière.