Call me unpredictable
Megan Williams & @Bonnie Belmont ☆ crédit/peachspoon

Je suis devenue ce genre de personne. Le genre qui, plutôt que donner rendez-vous dans un bar étudiant ou aux influences irlandaises, ou bien dans un café, comme n’importe quelle fille de vingt-quatre ans, donne rendez-vous dans un club de jazz un soir de scène ouverte. Je suis devenue comme ces gens qui se la racontent, prétendant aimer les belles choses, les choses de la haute et ça ne devrait surprendre personne : j’ai toujours aspiré à mieux que les quidams. J’ai toujours désiré viser haut dans l’échelle sociale, j’ai toujours voulu devenir le genre de personne qui se pointe à un rendez-vous avec une vieille connaissance avec des Jimmy Choo au pied et une petite robe noire Prada.

Bonnie me trouvera peut-être changée. Je n’en sais rien, après tout, elle-même est peut-être devenue très différente aussi, qui sait. Après plusieurs mois sans réellement converser – s’envoyer des vidéos drôles sur instagram sans rien écrire ne compte pas – et des années sans réellement passer du temps ensemble, je n’ai pas la moindre de à quoi m’attendre. Quant à elle, si elle ne suit pas mes aventures sur les réseaux sociaux, elle tombera certainement des nues de voir qu’à vingt-quatre ans à peine, une énorme bague de fiançailles et une plus discrète alliances trônent toute deux sur mon annulaire. Nous verrons.

En attendant l’arrivée de la petite blonde, je sirote un Charleston sans avoir la moindre idée de ce qu’il y a dans ce cocktail, et j’observe le petit homme, premier courageux à s’être lancé sur scène. Il possède une belle voix, mais pas de charisme : ce n’est guère compliqué de comprendre pourquoi il n’a pas et ne fera jamais carrière dans un milieu où les apparences sont tout. Existe-t-il des milieux où ce n’est pas le cas, de toute façon ? Ce n’est pas innocent de ma part, d’inviter Bonnie en espérant qu’elle sera bien disposée malgré une longue période sans avoir de relation. Ce n’est pas désintéressé non plus. Je ne cherche rien à lui soutirer, mais j’ai besoin de quelqu’un avec qui parler de la possibilité de reprendre mes études, quelqu’un qui n’est pas Damon : lui m’idéalise, et me poussera à croire que je peux faire tout ce que je veux tant que je suis assez motivée et que j’y mets toute mon énergie. Moi, je sais qu’il y a cinq ans, je n’étais pas faite pour les études. J’ai envie de croire que cela peut-être différent, mais je ne m’engagerai pas dans cette voie simplement parce que j’en ai les moyens, pas si je vais au casse-pipe.

J’ignore ce que je veux faire. Chaque chose en son temps. Mais je ne peux pas rester dans cette inactivité toute ma vie. Faire chanter mon ex-amant pour qu’il me dégote une place dans son film ne compte pas : je n’ai pas de réel talent d’actrice. Pas vraiment d’appétence pour la profession non plus, si je dois être tout à fait honnête. Je suis consciente que je ne ferai pas carrière dans le cinéma. « Bonnie ! » Je fais un grand geste à la petite blonde qui a passé la porte du club de Jazz, me permettant de parler un peu fort pour l’attirer parce que je me suis placée au fond de la salle, pour discuter. Je dépose un baiser sur sa joue, avant de me rasseoir. « J’ai voulu faire quelque chose de sympa. J’espère que t’es jamais venue et que tu découvres l’endroit. » Cela me confèrerait la fierté de ceux qui influencent, des lanceurs de tendance. « Bon, je préfère aller droit au but : est-ce qu’on a un pansement à arracher ou pas ? »  Autrement dit : m’en veux-tu de ne pas avoir réellement gardé le contact après avoir arrêté l’université ? « Je suis pas douée pour garder le contact, et il s’est passé pas mal de choses dans ma vie. Je vais devoir te présenter des excuses pour ça ? » Je l’interroge avec un grand sourire sur les lèvres.

Call me unpredictable
@Megan Williams  & @Bonnie Belmont ☆ crédit/keetikagifs

Bonnie a toujours aimé faire la fête et profiter avec des amis, d'ailleurs l'un de ses amis et accessoirement aventure d'une nuit il y a quelques années se produisait pour le festival de jazz en ville. Cameron et elle, c'était l'histoire d'une erreur où alcoolisés ils avaient commis quelque chose qu'ils se sont vite promis de ne plus jamais commettre et surtout de ne jamais en parler à Angus. Alors, elle n'a pu que répondre par la positive à l'invitation de son amie Megan, ce soir-là.

Heureuse d'enfin partager avec elle, autre chose que des messages sur les réseaux sociaux et des commentaires sur leurs tenues ou des conseils beauté. Elle avait entendu parlé de son mariage, c'était un peu drôle de voir qu'elle était plus âgée mais pourtant Bonnie reste toujours l'éternelle célibataire endurcie alors que Megan, elle, goûte aux joies du mariage et de la vie d'épouse rangée. Quelque chose qui lui semble si inaccessible.

Elle avait enfilé une robe obtenue par un de ses partenariats sur les réseaux sociaux et arborait un maquillage naturel mais soigné, elle a toujours eu le sens de l'harmonie. Lorsqu'elle entra dans le bar, elle remarqua bien vite la blondinette en train de siroter un cocktail, se disant qu'elle allait très vite la rejoindre en commandant un Spritz ou un Cosmopolitan. Impatiente de prendre de ses nouvelles, elle s'avançait alors jusqu'à elle et se pencha pour lui faire un bisou sur la joue. Si elles ne s'étaient pas vues depuis longtemps, son affection pour elle n'avait pas changée.

« Megan ! C'est gentil de m'avoir invité, je suis contente de te revoir. » répondit-elle, enthousiaste.

Elle interpella alors un serveur et se commanda le cocktail favori de Carrie Bradshaw, clairement l'une de ses idoles pour accompagner la blonde et aussi trinquer à leurs retrouvailles.

« Je suis déjà venue avec Angus et puis cette année, il s'occupe des réseaux sociaux du groupe de Cameron qui se produit pour le festival. Je dois le soutenir quand ça sera son tour. » déclara-t-elle, plus calmement.

Après tout, elle aussi se destinait à un boulot de community manager mais plus pour les grandes entreprises, idéalement dans la beauté ou les cosmétiques mais elle devait déjà obtenir son diplôme avant de se prononcer. Elle fronçait les sourcils ensuite à la franchise de Megan. Quel pansement à arracher ? Elle n'était pas sûre de saisir mais pouvait comprendre que c'était peut-être parce qu'elle avait peur que ses mois d'éloignement ont laissé une rancune mais la jeune étudiante en communication n'est pas du genre rancunière.

« Non, absolument pas. T'inquiètes pas pour ça, va. Je ne t'en veux absolument pas. La vie fait que parfois on s'éloigne mais c'est pour mieux se retrouver, n'est-ce pas ? » s'écria-t-elle, espérant alors la rassurer.

Megan n'a pas besoin de s'excuser, en tout cas pas à ses yeux, elle lui adressa un sourire et posa sa main sur la sienne en signe de compassion et compréhension. Elle n'était personne pour juger ni pour l'accabler. C'était son choix après tout et elle ne pouvait rien dire.

« Pas besoin, non. J'ai cru comprendre que tu étais mariée désormais alors c'est moi qui devrait te présenter mes félicitations et tous mes vœux de bonheur. » ajouta-t-elle, ensuite.

Call me unpredictable
Megan Williams & @Bonnie Belmont ☆ crédit/peachspoon

Peu de mes approches ne sont pas intéressées. Aujourd’hui, je suis motivée par l’envie de reprendre mes études, mais le besoin de me rassurer sur ce même sujet, d’être certaine qu’il ne s’agit pas d’une chimère inatteignable pour quelqu’un comme moi qui, en plus, a passé bien longtemps loin des bancs de l’école. Pourtant, cela ne veut pas dire que je ne suis pas sincèrement heureuse de revoir la jeune femme. Nous n’étions guère proche, mais je n’ai que de bons souvenirs en sa compagnie ; Bonnie est aussi solaire que je le suis et, lors des soirées étudiantes que j’ai passées en sa compagnie, sa personnalité m’a rapidement séduite. Elle est l’âme des pièces dans lesquelles elle pénètre. Elle semble véritablement impliquée dans ses amitiés et relations de façon plus générale. Elle est toujours agréable, jamais vexante et c’est simple, d’évoluer à ses côtés. Les relations vont et viennent, mais je n’ai pas perdu contact avec la jeune femme à cause d’une quelconque embrouille entre elle est moi, juste parce que nos chemins se sont séparées quand nos vies ont pris deux routes radicalement opposées. « Megan ! C'est gentil de m'avoir invité, je suis contente de te revoir. » - « Le plaisir est partagé, sincèrement. » La blonde interpelle le serveur et, tandis qu’elle commande un Cosmopolitan, je me contente d’un verre de vin blanc sucré. Boire en soirée a toujours fait partie de mes habitudes, mais jamais à outrance. Il ne s’agit donc pas d’une soirée que je commencerai avec de l’alcool fort, ou un quelconque cocktail trop sucré conçu pour masquer le goût de l’alcool et pousser à la consommation. Je ne juge pas ceux qui s’amusent un peu plus fort que moi, mais j’ai trop vu les conséquences du manque de retenue à ce sujet pour ne pas être vaccinée. « Je suis déjà venue avec Angus et puis cette année, il s'occupe des réseaux sociaux du groupe de Cameron qui se produit pour le festival. Je dois le soutenir quand ça sera son tour. » Les noms qu’elle évoque ne m’interpellent pas : nous n’étions pas assez proches pour être présentées à nos groupes d’amis respectif. Angus n’est pas un prénom assez rare pour que je réalise quoi que ce soit. « Tu connais le groupe qui joue ce soir ? » Je l’ignorais, mais j’ai donc eu le nez creux en lui proposant cet endroit comme lieu de rendez-vous. Ce n’est guère surprenant : en ville, tout le monde parle de ce petit club de Jazz, en ce moment.

« Non, absolument pas. T'inquiètes pas pour ça, va. Je ne t'en veux absolument pas. La vie fait que parfois on s'éloigne mais c'est pour mieux se retrouver, n'est-ce pas ? » Un sourire étire mes lèvres face à cette réponse et je hoche la tête avec conviction. Pas de rancœur de son côté donc, c’est un soulagement pour moi de ne pas avoir à m’expliquer sur les raisons qui m’ont poussée à m’éloigner de cet univers suite à l’arrêt de mes études. « Pas besoin, non. J'ai cru comprendre que tu étais mariée désormais alors c'est moi qui devrait te présenter mes félicitations et tous mes vœux de bonheur. » » - « Oh, merci. » Je ne suis plus habituée à recevoir ce genre de félicitations, presque deux ans après la cérémonie. Mais Bonnie n’a pas eu la chance de le faire avant, et elle n’a pas pu passer à côté du bonheur – d’abord faux, puis authentique – que j’étale sur les réseaux sociaux. « Ça fera bientôt deux ans oui. On va bientôt renouveler nos vœux d’ailleurs, donc tes félicitations sont appropriées. » Lorsque l’on me félicite quant à mon mariage, je ne rougis pas plus que je ne suis gênée. J’aime étaler mon bonheur conjugal, synonyme de réussite autant que d’allégresse. Par réflexe, je joue avec mon alliance et mon immense diamant de fiançailles. « Tu vas bientôt être diplômée non ? Les félicitations pourront passer de camp si je ne me trompe pas. » Si mon compte est bon, elle termine sa dernière année. « Tu as déjà trouvé un stage ? » Doit-on toujours en effectuer lorsqu’arrive la fin des études supérieures ?