(ST VINCENT'S HOSPITAL - FEVRIER 2024)  | « Je me suis occupée des soins de la patiente du box 6. Elle n’était pas spécialement agréable, mais elle ne m’a pas insultée, j’en déduis que je remporte le pari ! » La patiente n’en est pas à son coup d’essai, la blonde n’est pas là depuis très longtemps, pourtant elle a l’impression que cette femme se présente aux urgences tous les deux ou trois jours. Son addiction à l’alcool, il faudrait être aveugle pour ne pas l’avoir remarquée et les blessures bénignes qu’elle présente à chaque fois le résultat de chutes probablement. Elle sourit, vient taper l’épaule de son collègue amusée. « Je n’accepte que les paiements en Skittles ! » Elle a déjà la réputation d’être une fanatique des petites billes acidulées, la faute à ses stages qu’elle a effectué dans le service pédiatrique et peut-être aussi parce qu’elle en traîne toujours un sachet ou deux dans son casier ! « Meryl, tu veux bien t’en occuper ? Blessure à l’abdomen superficielle, mais nécessitant des points de suture. » Elle relève la tête, acquiesce d’un signe de tête avant de s’avancer vers le box en question.

Sourire vissé aux lèvres comme à l’accoutumée, la jeune infirmière entre sans se douter une minute que l’homme en question n’est pas un parfait inconnu - bien que la vérité n’est pas loin - et la surprise doit se lire sur son visage dès lors qu’elle croise le regard de celui portant le même nom de famille qu’elle. “Meryl …” Elle ne répond pas, reste silencieuse et immobile comme si un fantôme venait de se présenter à elle. Les mots restent coincés dans sa gorge, l’amertume et surtout la blessure qu’il avait laissée dans sa poitrine un an plus tôt bien plus à vif qu’elle l’aurait pensé. L’espace d’une minute, elle songe à fuir, sortir d’ici et demander à ce qu’une autre personne se charge de lui, car elle n’a pas la moindre envie de lui parler. « Que fais-tu ici ? [...] un nouveau boulot ?» Toujours silencieuse, elle prend sur elle, regarde la compresse imprégnée de sang. Elle s’interroge bien sûr, est-ce qu’elle s’inquiète ? Pas vraiment, même si elle se pose tout un tas de questions sur le comment. « Je travaille ici. » Les mots sont froids et la distance qu’elle place entre eux est immense, protection qu’elle estime nécessaire après le mal qu’il lui a fait. Alors elle n’en dit pas plus, il en fera ses conclusions lui-même s’il daigne même se souvenir qu’elle avait repris ses études un an plus tôt.

Son sourire éteint, le visage fermé, elle prépare le matériel sans piper un mot augmentant d’un cran la tension déjà électrique de la petite pièce. Et son collègue qui débarque ne manque pas de le remarquer après qu’il ait salué Mitchell. « Je venais chercher un kit de sutures, tu es sûre que ça va ? » - « Très bien oui ! » Curieux, il s’avance vers Mitchell tout sourire, bien décidé à dérider une situation qu’il sent tendu. « Vous êtes entre de bonnes mains, Meryl est plutôt douée et douce, vous ne devriez pas sentir grand chose monsieur... » Il se penche vers la tablette pour y repérer le nom. « ... Strange ? » Il se tourne vers la blonde et elle peut y lire le lien qu’il fait entre les deux. « Une simple coïncidence, c’est amusant c’est vrai ! » Elle voit qu’il s’interroge et que la curiosité est piquée alors qu’elle termine de préparer son plateau. « Je n’ai pas de frère je te l’ai déjà dit, non ?! » Elle est ferme dans ses paroles souhaitant mettre un terme aux allusions. Elle vient lui poser le kit de sutures entre les mains avant de lui faire comprendre qu’elle saurait se débrouiller.

Un soupire passe ses lèvres tandis qu’elle s’avance vers son frère. « Mitchell hein ? » Elle lui signifie qu’elle a remarqué l’identité qu’il a donnée à son arrivée. « Je te demanderai pas comment c’est arrivé, pour être franche je m’en fiche. Je vais faire mon travail et après ça, tu pourras disparaître de nouveau. » Elle est toujours amère alors qu’elle retire la compresse souillée pour venir nettoyer la plaie. Ca ne serait pas elle qui ferait un pas vers lui, il avait perdu ce privilège après les mots qu’il avait eu pour elle.

(ST VINCENT'S HOSPITAL - FEVRIER 2024)  | « “Enchanté !” Meryl entend bien la tentative d’humour. Peut-être qu’elle est là pour tenter de dédramatiser les choses ou de détendre l’atmosphère qu’elle a elle-même imposée en étant si distante. La jeune femme aurait peut-être dû s’abstenir de dire qu’elle n’avait pas de frère, mais une part d’elle le pensait, quand une autre aurait aimé quémander un semblant d’amour fraternel. Malheureusement pour lui, Mitchell avait enterré cette partie sous une couche d’amertume bien épaisse ! Alors elle reste silencieuse et presque indifférente, constatant qu’il en faisait de même rendant l’atmosphère aussi pesante que s’ils naviguaient dans une purée de pois ! La jeune infirmière se contente donc de faire son travail, bien décidé à finir vite et bien, afin qu’il n’ait pas non plus à redire sur son incompétence et la critiquer une fois de plus.

Le nettoyage de la plaie commencé, elle ne peut s’empêcher de laisser son regard glisser ici et là sur les cicatrices qui marquent son torse. Elle n’a pas besoin d’être devin pour reconnaître le type de blessure, arme blanche, balle ? Elle s’interroge, mais ne lui demanderait pas. “J’ai abandonné Alex à Las Vegas.” La blonde écoute d’une oreille distraite, surprise qu’il daigne lui adresser la parole. “Je ne vais pas te parler de l’autre soir, il n’y a rien à dire, tu m’en veux, tu as raison,  mais j’imagine que tu dois malgré tout te poser des questions, sur moi, sur les raisons qui ont fait de moi celui que je suis aujourd’hui. je ne te demande pas de me parler, mais juste d’écouter.” Sa main se crispe, un peu plus et elle pourrait presque jurer qu’il tente de s’excuser auprès d’elle, mais elle n’en dit rien de plus. « Et si je n’ai pas envie de t’écouter ?! » Elle n’a surtout pas envie qu’il la détruise de nouveau, elle a eu toutes les peines du monde à se remettre et digérer les choses ! Elle se lève, pour aller chercher de quoi poursuivre avant de soupirer et revenir vers lui, elle remarque la grimace sur ses traits et surtout la crispation de ses muscles alors qu’elle vient piquer la zone pour anesthésier.

“Tout ce qui est arrivé c’est la faute de ton père, cette ordure. Il a mérité ce qui lui est arrivé. Il a fait tant de mal …” Elle a arrêté ses gestes, le regard de son frère bien planté dans le sien, elle peut y lire la haine qu’il éprouve pour l’homme qui a été leur père et qu’il ne semble pas définir comme tel. « Notre père... » Elle tient à remettre les choses en place. La jeune femme soupire, pas certaine de comprendre les allusions quand elle ne garde que très peu de souvenirs de cette époque révolue. Ca vient remuer des émotions qu’elle a refoulées, des cauchemars qui ont hanté ses nuits de petite fille. Elle ne sait même pas quoi lui répondre quand il transpire tellement la haine. “Je sais que ce que j’ai dit est impardonnable.” Regard fuyant, elle le fixe un instant, attend peut-être une suite qui ne viendra sûrement jamais. « Quelle partie au juste ? Celle où tu as avoué que tu ne m’as jamais considérée comme ta sœur ? Ou alors celle où tu t’es servi de mon agression pour te défendre et me blesser quand tu m’avais promis de garder ça pour toi, hm ?! » Par là, elle lui avoue les maux qu’il lui a causé quand elle pensait naïvement pouvoir lui faire confiance. Une nouvelle fois elle stoppe ses gestes, incapable de se concentrer assez pour entamer les points. « J’avais cinq ans Alex... » Est-ce que ça change quelque chose à ses yeux ?! Sûrement pas, mais quitte à être dans les confidences autant qu’elle lui livre sa vision des choses. « J’ai jamais eu ma place nulle part, aussi loin que je m’en souvienne. Ma mère ? Je ne me rappelle pas d’elle, elle est partie sans s’inquiéter de ce que j’allais devenir, mon père ? Il a préféré se suicider. Vous vous êtes tirés à l’autre bout du monde ! Y a toujours eu que Gabrielle pour veiller sur moi. » Leur tante, elle avait fourni le service minimum avec elle sans jamais vraiment l’intégrer. Est-ce qu’il pouvait seulement l’entendre ou le concevoir ce sentiment qui la définissait depuis qu’elle était gosse ? Celui qui disait qu’elle n’était qu’un boulet qu’on se traînait tant bien que mal ? « Tu veux que je m’excuse Alex ? » Elle ne se rappelle pas. « J’avais cinq ans bordel... la seule chose dont je me souviens, c’est qu’il me criait dessus quand je faisais trop de bruit et les mains de Gabrielle sur mes oreilles quand il y avait des cris. » Et des cris il y en avait des tonnes... Des bruits effrayants de bris de verre, d’objets tombant au sol. Elle sursaute encore parfois quand des bruits sourds viennent la saisir. « Il est mort Alex... et j’oublierai jamais cette image. » Elle avait vu, le sang, son père allongé au sol, ça n’avait pas été la première fois qu’elle le voyait au sol... avec l’alcool c’était déjà arrivé pour autant il s’était toujours réveillé, pas cette fois-là. « Tu le détestes... j’ai bien compris, mais me fait pas porter ses actes. Je suis pas lui. »