Un homme. Une femme. Au moins, quand elle devait arrêter un mec à poil, elle laissait son collègue s'en occuper. Et quand c'était l'inverse, c'était elle qui s'en chargeait. Et ça se passait plutôt bien d'ailleurs. Et surtout, ça évitait des plaintes complètement stupides qui pouvaient foutre le bordel dans une brigade. Donc, autant l'éviter après tout. Seulement, le hic selon Enzo, c'était qu'il n'y avait que peu de nanas qui postulaient chez eux. Et de ce fait, et bien, ils se retrouvaient entre mecs. "Oh, tu sais. J'compte pas rester éternellement derrière un bureau si j'reste sur Brisbane. J'me verrais bien sur le terrain à nouveau à botter quelques culs." avait-elle dit dans un hochement de la tête. Oh, c'était même sûr et certain. Parce qu'elle n'avait pas envie de ... Et bien, elle n'avait pas envie de passer son temps derrière un bureau. Elle n'avait pas envie du tout. Le terrain, ça lui plaisait. Elle adorait ça. Elle aimait ça. Et il était vrai que ça lui manquait. Beaucoup. "Qui sait ? On sera peut-être amenés à bosser ensemble à un moment ou à un autre." Ouais. Elle aimerait bien. Ils bossaient ensemble, pour le moment, mais pas de la manière qu'elle aimerait puisqu'elle se contentait de taper ses rapports. Shelby avait fini par se lever parce que la bouffe était prête. Et donc, elle avait été y chercher. D'ailleurs, si Enzo jetait un coup d'oeil, il pouvait voir qu'elle avait carrément laissé ses chaussures à talons sous la table. Parce que les talons, ... Ouais, disons que ça allait bien cinq minutes mais c'était pas forcément sa tasse de thé. "Merci." avait-elle dit en récupérant le plateau avec la bouffe. Et elle était retournée s'installer tranquillement. "D'ailleurs, en parlant des nanas. C'est pas possible que y'en ait pas chez vous. Avoue, vous leur avez fait peur, c'est ça ?" dit-elle en le regardant. "Genre bizutage et bêtises dans le genre. Elles ont pas apprécié et se sont barrées ?" Ou alors, elles préféraient des trucs plus calmes. Ce qui n'était pas forcément le cas de Shelby. Elle aimait bien quand ça bougeait.

Des projets d'avenir ? Intégrer à terme les Stups, ouais, ça pourrait être bien. Et ne pas se taper tout le temps des rapports. Faire quelques rapports de temps à autre, oui, c'était normal. Et même si elle avait ce désir d'évoluer, elle se doutait que la paperasse, ça resterait quand même une partie importante de son boulot. Enfin, importe, façon de parler. Mais oui, elle aurait toujours de la paperasse, quoi qu'il arrive. "Ouais, j'aimerais bien. Pourquoi ? Ca te dérangerait ?" lui demanda-t-elle tout en le regardant. Si ça se trouvait, il préférait peut-être qu'elle soit derrière un bureau. Ou alors, au fond, il était content pour elle. Elle n'en savait rien. Elle ne connaissait pas encore bien Enzo. Oui, on ne peut pas connaître une personne seulement en quelques minutes. Même si là, c'était pas vraiment l'histoire de quelques minutes. Shelby avait fini par se lever et elle avait été récupérer la bouffe. Oui, bon, elle aurait pu laisser Enzo y aller. Mais elle avait des réflexes de chat, en quelque sorte. Et puis, elle avait trop envie de ses frites. Donc, normal qu'elle aille les chercher dès que c'était prêt. "Ah, désolée de t'apprendre l'anatomie féminine. Mais on n'a pas de couilles. Et on n'en aurait jamais." Elle secoua la tête. Ouais. Elle était comme ça Shelby. "Quel genre de bizutage ?" Ouais, elle était intéressée. Histoire de savoir ce qui pourrait l'attendre si jamais ... Et bien, si jamais elle se décidait à sauter le pas. Mais avant de le faire, faudrait qu'elle en parle à son patron. C'était pas encore fait de toute manière. Mais elle y songeait. C'était certain. "Jamais eu peur que les bizutages se retournent contre toi et les autres gars ?" Parce qu'elle serait, sans doute, assez culottée pour le faire elle.

Pas vraiment actif les Stups ? Shelby trouvait ça étrange. Ou alors, c'était carrément un autre univers que la DEA. Et pourtant ... pourtant, elle trouvait que c'était plus ou moins la même chose. "Oh, tu sais, c'est toujours plus actif que d'avoir le cul sur une chaise et de taper des rapports." dit-elle dans un hochement de la tête. Elle n'était pas une secrétaire. Elle ne serait jamais une vraie secrétaire d'ailleurs. Elle était une femme d'action. Une femme de terrain. Elle adorait le terrain et ça lui manquait terriblement d'ailleurs. C'était une des raisons pour laquelle elle étudiait encore ... le fait de rester ou de ne pas rester. Parce que si elle rentrait aux USA, elle s'en retournerait sur le terrain. Et reprendrait son poste. En restant sur Brisbane, elle ne savait pas ... Elle ne connaissait pas toutes les opportunités qui pouvaient s'offrir à elle. A voir. A étudier. Enfin. Shelby s'était bougée. Elle avait été cherchée la bouffe et elle s'était réinstallée en face d'Enzo. Elle l'avait fait rire en lui disant que les nanas n'avaient pas de couilles et qu'elles n'en auraient jamais. Mais ouais. Il avait bien rigolé mine de rien. Il lui parla des défis. Du petit bizutage. Des blessures que ça pouvait engendrer. "Pas de blessure grave j'espère. Parce que ça serait con mine de rien de se faire vachement mal pour un défi de rien du tout." En même temps, hein, si quelqu'un se faisait mal, tant pis pour lui. Fallait pas faire les idiots. Shelby mangeait ses frites. Une par une. Lentement mais sûrement. Sans se presser. Pour les savourer. "Oui, c'est peut-être marrant. Jusqu'au jour où une de vos blagues se retournera contre vous." Elle lui tira la langue. Elle l'avait prévenu le premier jour où elle avait débarqué. Elle l'avait prévenu que les bizutages et conneries du genre, ça le ferait pas avec elle. Tout comme ça ferait pas le fait qu'ils aient des filets de bave en la regardant. "Bon, et alors, toi, t'as pas d'histoire drôle à raconter ?" Parce qu'après tout, elle lui avait raconté une histoire marrante d'arrestation.

Pour Shelby, c'était du pareil au même. Pour Enzo, c'était peut-être différent. D'ailleurs, c'était ce qu'il lui avait dit. M'enfin, le job était plus ou moins le même. Et puis, surtout, ça permettait de mieux bouger. Bien mieux que rester derrière un bureau. Ca oui, Shelby avait du mal mine de rien. C'était reposant tout de même, de s'asseoir derrière un bureau et de se poser un moment. Mais toute la journée, ça lui était difficile. Est-ce qu'elle finirait par s'y habituer ? Elle ne pensait pas. Ou du moins, elle n'en était pas certaine. C'était une femme d'action après tout. Elle n'avait plus qu'à prendre son mal en patience. Et attendre. Attendre de voir si ... Et bien, si y'avait pas des opportunités d'évolution. Ouais. Faudrait qu'elle en parle à son patron. Il lui dirait bien ce qu'il en pensait. Sans doute qu'il la collerait dans les pattes de quelqu'un afin de voir de quoi elle était capable. Et elle répondrait présente volontiers. Dans le sens où oui, elle ferait tout son possible pour prouver de quoi elle était capable. C'était certain. En tout cas, Enzo lui confiait qu'il n'était pas dingue au point de risquer sa vie. Que le bizutage, oui, ça allait bien cinq minutes mais que cela ne voulait pas dire pour autant qu'ils faisaient des trucs méchants, quand ils se décidaient à bizuter les petits nouveaux. La brune avait apprécié, en tout cas. Elle avait apprécié qu'ils cherchent pas à lui faire des misères d'ailleurs. Elle aurait été capable ... de se venger. C'était même sûr et certain. "Les blagues, c'est pas mon truc. Ca veut pas dire pour autant qu'on peut pas m'en faire. Mais pas trop souvent. Sans quoi, je sais mordre quand il le faut." dit-elle dans un hochement de la tête. Elle n'avait pas eu l'occasion de le faire pour le moment. Et elle espérait bien que ça allait continuer comme ça pendant un long moment d'ailleurs. Elle espérait bien qu'ils soient sympas et qu'ils ne lui cherchent pas des noises. Après, ils pouvaient toujours lui faire une petite blagounette, comme elle le disait. Elle ne le prendrait pas mal pour autant. Mais fallait éviter les grosses vacheries sexistes. Ca, elle le supporterait plus difficilement sans doute. Mais passons. Une frite après l'autre. Shelby mangeait doucement alors que Enzo avait déjà tout avalé. Il devait crever la dalle. Ou alors, trop bon pour faire durer le suspense. Va savoir. En tout cas, il lui raconta une petite histoire. Sur un drogué. Qui avait fait un strip-tease. La brune eut un petit sourire amusé. "Encore, ça va. Ca aurait pu être pire." Comme il le disait. Il aurait pu avoir le temps de retirer son slip et de faire l'intégrale. "On fait quand même un métier marrant. Enfin, pas marrant. Mais disons qu'il nous arrive souvent de voir des trucs drôles. Et amusants." Oh, pour sûr. Et Shelby était pratiquement certaine qu'elle verrait d'autres choses de ce genre.

Oui, Shelby n'avait pas sa langue dans sa poche. Sûr et certain. Elle n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds non plus. Mais elle était adorable. Quand même. Enfin, elle avait un mauvais caractère. Sean le savait très bien. Enzo ... Ou bien les collègues de travail, ils n'avaient pas réellement eu le temps de voir ça. Pour le moment en tout cas. Les menaces avaient suffi à calmer leurs ardeurs. Est-ce que ça fonctionnerait toujours ? Est-ce qu'un jour ou l'autre, ils ne se rebifferaient pas ? Ou quelque chose dans le genre ? Va savoir. En tout cas, oui, Shelby les tenait, pour le moment. Et elle était tranquille. Pour le moment. Et c'était pas plus mal. En tout cas, ils étaient tranquillement installés, tous les deux. Et ils discutaient un peu. Et c'était chouette. C'était très chouette. Ils partageaient leurs expériences. Les histoires marrantes. Des histoires drôles. Pathétiques. Des arrestations qu'ils allaient garder un moment en mémoire. Qu'ils n'allaient pas oublier de sitôt, c'était un fait. Shelby eut un hochement de la tête tandis qu'elle continuait de manger. Enzo, lui, avait fini son plat. Il avait mangé vite. C'était jamais bon. De manger trop vite. Ce qui lui faisait penser qu'elle devrait jouer avec son petit boîtier. Pour une petite dose d'insuline. Ah, le diabète. Foutue maladie de merde mine de rien. Une véritable saloperie. Y'avait des fois où ça la minait totalement. Ca lui foutait ses batteries à plat. Elle essayait de ne pas trop penser à ces moments là. Ca la faisait déprimer. Pour sûr. "Tout à fait d'accord avec toi." Elle pencha la tête sur le côté, à nouveau, tout en mangeant ses frites. "On essaie de les aider et ils nous envoient sur les roses. Parfois, les arrêter et les foutre en taule, même si c'est pour quelques mois, ça leur met du plomb dans la tête." Elle eut un hochement de la tête. "J'en ai arrêté un une fois comme ça. Il enchaînait conneries sur conneries. A croire que c'était son kiff de venir au poste de police tous les cinq du mois. Il a fini par faire une plus grosse connerie. Et j'ai été obligée de lui passer les menottes." Un gamin gentil. Un peu perdu. "Il est ressorti au bout de six mois. Crois-le ou non, il s'est rangé et il a même repris ses études." Parfois, on gagne. Parfois, on perd.

Oui, ramener quelqu'un sur le droit chemin, c'est pas facile. C'est pas évident. Et on ne réussit pas toujours. Shelby en avait fait l'expérience. Tenter d'aider des jeunes. Des gars ou des nanas qui enchaînaient les conneries simplement parce qu'ils avaient besoin de vivre. Ou parce qu'ils avaient le besoin d'attirer l'attention. Et il était vrai que ... C'était loin d'être évident de les ramener sur le droit chemin. Il était vrai que c'était compliqué. Même très compliqué. Mais pour autant, cela ne voulait pas dire que Shelby baissait les bras. Non. Du tout. Mais voilà. On ne gagnait pas à tous les coups. Alors oui, quand elle gagnait, quand elle pouvait ramener quelqu'un de loin, elle en était ravie. De là à sabrer le champagne, y'avait quand même un gouffre. Mais ça faisait plaisir. Alors, raconter cette petite histoire à Enzo, c'était lui faire partager un peu de ce bonheur qu'elle avait pu ressentir à ce moment là. Même si elle se doutait qu'il n'avait peut-être pas eu la chance de vivre des choses de ce genre. De réussir à toucher quelqu'un au plus profond de son être et à le ramener du côté lumineux. "Il avait vraiment envie de s'en sortir." dit-elle dans un hochement de la tête. "Alors, j'ai fait mon possible pour l'aider." Elle espérait juste qu'il n'ait pas replongé dans ses vieux travers. Parce qu'après tout, elle n'était plus là pour lui. Elle n'était plus là pour le surveiller. Pour lui donner des conseils. Elle n'était plus là et elle ne pouvait plus venir le voir quand ça n'allait pas. Il pouvait l'appeler quand même, de temps à autre. Elle décrochait. Mais bon oui, elle n'était plus là. Pour le moment en tout cas. Shelby termina ses frites tandis qu'il lui disait qu'il se souvenait plutôt de ceux qui mouraient. "Oui, c'est vrai que ceux-là ... On risque pas vraiment de les oublier." Elle en avait eu des comme ça aussi. "On n'a pas un boulot facile mine de rien."

Et tandis que Shelby continuait de manger ses frites, lentement, mais sûrement, Enzo en vint à lui avouer qu'il avait failli se faire recaler. Que les Stups, apparemment, ce n'était pas pour lui. Du moins, c'était ce qu'on avait décidé pour lui. Et pour autant, il y était. Chez les Stups. Il avait fini par réussir. Après, est-ce que c'était réellement ce qu'il voulait, ça, et pas un autre job, Shelby ne lui poserait pas la question. Mais elle avait l'impression qu'il aimait bien ce job. "Des choses traumatisantes ?" releva-t-elle. Ca l'intriguait. Un peu. Beaucoup. "Dans le perso ou bien du côté professionnel ?" A dire vrai, elle était pratiquement certaine que ces choses traumatisantes, ça devait être quelque chose de personnel. Et peut-être n'avait-il pas envie d'en parler. "Enfin, si tu veux pas en parler, t'as qu'à le dire. J'ai pas envie non plus que tu m'racontes toute ta vie si tu veux pas." Shelby, elle était comme ça. Elle était curieuse, oui, mais pas au dépend des autres. Pas au point de leur faire de la peine. Enfin, sauf pour Sean. Parce qu'elle avait toujours cherché à savoir ce qu'il lui cachait. Et comme il n'avait jamais répondu à ses nombreuses interrogations, elle avait préféré le quitter. Elle lui avait tendu la main de nombreuses fois et il n'avait jamais saisi cette main qu'elle lui tendait. Alors oui, c'était de sa faute s'ils avaient rompu. Mais bon, passons. Enzo lui posa une question, à son tour. Ses motivations pour faire ce boulot. Elle eut un haussement des épaules. "J'en sais trop rien. Peut-être parce que j'ai grandi avec mes cousins et qu'on jouait souvent aux voleurs et aux policiers. Et que ça m'bottait de leur botter les fesses et de les arrêter." Ouais, c'était peut-être ça. Elle n'en savait trop rien. "J'ai pas vraiment de raison particulière. Au départ, j'voulais juste être dans les rues et puis, rendre les rues un peu plus sûres. Et à peine une année après que j'ai été dans la rue, y'a eu un poste qui s'est libéré à la DEA. J'ai tenté. Un coup de chance parce que j'ai été prise. Et faire en sorte qu'il y ait un peu moins de drogue dans les rues, oui, c'est quand même important. Et donc me voilà." Enfin, maintenant, elle était au bas de l'échelle. Plus qu'une secrétaire. Et elle devait tout recommencer. Mais bon. C'était pas bien grave. Du moins, elle ne pensait pas que ça soit bien grave. Elle finirait, sans doute, par revenir là où elle en était. Si elle s'en donnait les moyens.