Et les rires résonnent de plus en plus fort dans le restaurant, au point qu’on ne voit plus qu’eux. Eux ? L’équipe de tournage de Cora qui célèbre en grande pompe la presque fin de la mise en boite du film de cette dernière. Quatre mois de tournage, voilà qui donne lieu à toutes sortes d’amitiés et comme d’une habitude – ou plutôt un rite – toute l’équipe est parti manger ensemble. Seule ombre au tableau, l’alcool et les voix qui s’échauffent. La star ne déroge même pas à la règle, mais après plusieurs heures, la fatigue s’installe au sein du groupe et la table se vide petit à petit. Il ne reste plus grand monde à table. Juste quelques partants pour une dernière tournée. La grande question est donc de trouver qui paye et pour ça – et aussi parce que tout ce qui reste à table ce sont les hommes de la technique un peu macho – on vote pour le bras de fer. Alors imaginons, cette pauvre Cora, au milieu de ces hommes en train d’essayer tant bien que mal de montrer sa force. Il ne suffit pas plus de trois essai pour qu’elle se décide à abandonner. La main dans celle de son adversaire, il est trop fort. Et, étant sûrement celle qui le peut le plus, elle met fin aux hostilités en acceptant d’offrir le dernier verre. Il faut pas long après pour que la table se vide complètement, laissant une Cora légèrement alcoolisée à la porte du restaurant. C’est alors qu’un taxi apparait, plutôt que de prendre le volant, elle l’appelle en faisant de grand signe, grimpe à l’intérieur et au même moment où sa portière claque, sa jumelle de l’autre côté fait de même. Elle se retrouve face à l’inconnue qui a commis l’impudence d’entrer dans son taxi en disant qu’elle est pas mal gonflée.

Oui mais non. Une Cora légèrement alcoolisée, ça s’offusque d’un rien. Et cette fille, elle est entrée dans son taxi sans même lui demander si c’était possible de partager et ça, c’est moyen cool. C’est pas comme si elle aurait dit non, mais d’entrer dans le véhicule comme ça, ça donne des envies à la jeune femme de crier au scandale. D’ailleurs, elle ne perd pas de temps pour fusiller du regard l’inconnue, qui n’a même pas l’intention de s’excuser de sa conduite. « Je vais à Logan City ! » Et ? Qu’elle y aille avec un autre taxi ? Celui, c’est le siens, il s’est arrêté devant qu’elle sache. Elle l’ajoute rien, préférant bouilloner de l’intérieur. Après tout, les scandales, ça ne sert à rien. « Et moi à Toowong. » lâche t-elle, comme pour signifier que comme elles ne vont pas au même endroit, il faudrait que madame l’impolie se trouve un autre chauffeur. Elle détourne ses regards accusateur vers le chauffeur qui les observe, se demandant probablement si ça va virer aux mains. « Toowong » annonce t-elle comme si c’était l’évidence. « Comme ce taxi m’était destiné, vous n’y verrez pas d’inconvénient. » ajoute t-elle avant de se poser dans le fond du fauteuil.

Cora n’est pas le genre à cacher ses pensées, surtout quand elle estime être dans son droit et que la personne face à elle se comporte mal. Après tout, on ne débarque pas comme ça dans les voitures des gens pour leur demander une course, pourquoi dans ce cas ce serait différent ? Le taxi était devant elle et prêt à prendre sa course à elle. Si Cora ne voit d’inconvénient à ce que l’inconnue fasse sa course après, ça la dérange vraiment que celle-ci se permette de passer en première et surtout sans rien demander. De plus qu’il ne faut jamais plus qu’une Cora avec un coup dans le nez pour que ça prenne de grosse proportion. « Si j'y vois un inconvénient il n'y a pas marqué votre nom sur ce taxi à ce que je sache. » Elle sourit, d’agacement plus qu’autre chose mais elle tente au moins de rester agréable. « Vous apprendre ma chère que dans une société civilisée, on ne monte pas dans le taxi des autres, certes mon nom n’est pas dessus mais j’étais là la première et vous accaparez les lieux comme vous faites ne se fait pas. » Oui bon, elle s’imagine bien que son interlocutrice soit suffisamment mature pour comprendre le message. Mais peut-être pas en fait. « Je vous donnerais 20 dollars supplémentaires au trajet, alors direction Logan City s'il vous plaît. » Cora ne peut s’empêcher d’éclater de rire devant la bêtise de cette réponse et surtout le sans gêne de la demoiselle. Et aussi de ses pauvres vingt dollars pace que peu importe l’enchère, Cora aurait été sûre de l’emporter. Elle continue de rire tout en se mettant au fond du fauteuil, elle ajoute à l’adresse du chauffeur « Vous avez entendu, mademoiselle est prête à se mettre aux enchères pour vous. Franchement, faites comme ça vous arrange de nous déposer, j’ai passé l’âge. » Elle était surtout blasée de voir la nana se rendre aussi fière de s’abaisser aussi bas. « Si vous pensez que c’était la façon la plus mature d’agir, vous êtes bien bête. » commenta t-elle avant de se mettre à observer le dehors.

Visiblement, la jeune femme ne semblait même pas se rendre compte de l’absurdité et de la puérilité de son attitude. Elle vient et s’accapare les choses, comme si tout devait lui revenir. Une attitude qui ne fait que continuer d’agacer Cora, surtout quand son interlocutrice finit par lui répondre, toujours sans reconnaitre ses torts. C’est pourtant pas tant demandé de lui demander si ça la dérange ou non de partager le véhicule. Vu l’heure – et malgré qu’elle ait envie d’être seule – elle n’aurait pas refusé. Pour lire dans le journal de demain qu’il y’a eu une énième agression. « Je ne vous avais pas vues entrer dans le taxi, c'est un crime ? Sinon je ne serais certainement pas monté, mais maintenant ont les là toutes les deux. » Oui, donc elle ne comprend pas grand-chose. Et Cora ne sait pas si elle doit lui expliquer en détail comment on se comporte devant un tel cas de figure. Vu l’entêtement de la chose, autant laisser couler. Ce qu’elle fait surtout après que la demoiselle se décide à jouer aux enchères, ce à quoi Cora ne répond pas. Elle est bien trop fatiguée pour se quereller et ça ne mènerait à rien. Il faut accepter que de temps en temps, on rencontre des gens stupides. Remarque, la rousse ne se prive pas pour autant de le lui dire en face. « Mais tu te prends pour qui à parler ainsi ? Tu ne me connais pas, alors parle pas de maturité ou d'intelligence je pense que c'est des notions qui doivent t'être étrangères bien plus qu'à moi comme tu l'as sous-entendus. » Oui, bien sûr. Pourtant, ce n’est pas elle qui s’insère dans le taxi d’une inconnue et joue au petit chef. Cora ne se prive pas de lever les yeux au ciel. Elle croirait entendre une enfant. C’est pas parce qu’elle ne se connaisse pas qu’elle ne peut pas commenter qu’à cette instant précis, dans ce taxi, la brune se comporte comme une idiote. « Maintenant roulez, je ne veux pas rester une seconde de plus avec cette... Impolie. » « Qu’est ce que je disais ? » soupire Cora en écoutant la façon peu polie et très emportée dont la jeune femme parle. Elle ne sait même pas si elle doit enchérir. « Vous agissez comme une enfant, vous n’avez qu’à le reconnaitre. A cette heure du soir, on est pas tous cordiaux mais me demander si je suis d’accord pour partager le taxi est un minimum. Vous ne l’avez pas fait, donc je n’ai pas honte de vous dire que vous agissez bêtement. »

Et le taxi file. Elle ne sait pas exactement dans quelle direction, et à vrai dire, elle s’en fiche pas mal. Tout ce qui compte pour elle, c’est qu’ils avancent, même s’il a choisi d’aller chez l’autre folle pour 20 dollars de plus. D’ailleurs, Cora n’en revient toujours pas de celle-là. Comme si l’argent achetait tout et devait effacer une conduite bien puérile. Elle se contente donc de s’installer confortablement en regardant la ville défiler sous ses yeux. Bien sûr, l’honnêteté oblige, elle dit tout de même ce qu’elle pense. Le monde serait trop parfait si la folle se remettait en question, mais elle préfère continuer d’agir comme si son attitude était normale. « Il faut dire que je ne suis pas la seule à ne pas avoir fait preuve de politesse se soir, votre discours n'est pas réellement crédible. » « Oh ? Parce que je vous ai dit que vous êtes bête ? Estimez-vous heureuse que je préfère être directe. C’est pas non plus le mot le plus vulgaire de mon vocabulaire. » Et encore, pour trouver de la vulgarité là-dedans, il fallait être déjà sacrement coincée. Mais notre inconnue a l’air du genre à vouloir s’offusquer de rien. Cora lève les yeux au ciel une seconde fois. « Le principal c'est que dans quelques minutes tout ceci ne sera plus qu'un mauvais souvenir. » « Là au moins, on est d’accord. » ajoute t-elle sans accorder de regard à sa voisine.

Les choses ne semblent pas se passe bien du tout. En un sens, comment ça aurait pu se passer autrement ? Cora est du genre à dire quand quelque chose lui déplait et la demoiselle à côté n’a rien fait pour se mettre en bonne position, ou du moins pour faire mettre en doute Cora sur le fait qu’elle a entièrement raison d’agir comme elle le fait. Pour elle, elle n’est pas du tout impolie. Certes, s’entendre dire qu’on est bête arrive peu dans une conversation, mais Cora sait qu’elle aurait pu être cent fois plus vulgaire. Enfin, le débat se termine vite puisque le silence règne. Elle n’a rien à ajouter et elle ne démordra pas de sa pensée. Quand, tout autour du véhicule, des klaxon se mettent à sonner et des phares se mettent à clignoter. Le signe d’un embouteillage à venir. Cora n’ajoute rien, elle essaie juste de voir d’un peu plus près ce qu’il se passe. « Et bien encore quelques minutes supplémentaires de calvaire... » Calvaire ? Faut pas déconner non plus. Cora lève les yeux au ciel. « Non mais c’est bon, je suis pas non plus en train de vous menacer avec un couteau. Faut pas exagérer non plus. » dit-elle un peu blasée. « T’façon, à cette heure-ci, ça dure pas longtemps les bouchons. »

Ses yeux frôlent le ciel à chaque minute qui passe, il faut avouer que, la jeune femme à ses côtés n’a rien fait pour arranger son cas. Dans l’attente de pouvoir enfin rentrer chez elle, Cora essaie de se repasser la scène depuis le moment où elle est entrée à maintenant. Elle ne sait si, c’est d’avoir consommé un peu d’alcool, ou la fatigue de plusieurs mois de tournage qui la rend comme ça mais, elle se trouve très pimbêche alors qu’habituellement, ça n’est pas son genre. Et rien chez l’autre n’a réussi à arranger cela. Bien sûr, elle se dit qu’elle aurait pu être accueillante et ne pas s’offusquer autant d’avoir une intruse à côté d’elle. Elle aurait pu, tout comme elle pourrait maintenant le reconnaître mais rien dans l’attitude de la brune ne lui indique que des excuses seraient réciproque et Cora n’est tout simplement pas le genre à prendre un blâme s’il n’est pas partagé. Elle arrête ses pensées au moment où le véhicule s’arrête à cause des bouchons. Elle ne dit rien et prend son mal en patience tandis que l’autre se plaint, ce qui amène une remarque acerbe de la part de Cora. C’est bon, à un moment, il faut savoir mettre de l’eau dans son vin non ? « Pas la peine d'avoir un scénario dramatique pour que ce soit un calvaire. » « Et bien, je suppose que vous aurez tout l’temps d’en parler à un psychiatre quand on sera reparti. » lâche t-elle sans quitter son humeur sarcastique. Non, il est hors de question qu’elle admette quoi que ce soit, elle prendra sur elle jusqu’à ce que la taxi la dépose. A vrai dire, elle n’en est même plus au point que ça la fasse chier de faire un détour. Le chauffeur finit par ne pas perdre plus de temps dans cette voie. Il semblerait que, il n’ait pas envie d’assister une minute de plus à cette scène ridicule qui se trame devant lui. « Nous sommes bientôt arrivé mademoiselle » Et l’autre la regarde, tout victorieuse, ce qui ne fait que creuser le dégoût que Cora ressent à son égard. Comment peut-être penser ne pas être bête vu sa façon d’agir qui est digne d’un enfant. « Ouais, stupide. » dit-alors Cora dans son coin, plus pour elle-même. Elle lance alors à l’adresse du chauffeur. « Et si j’vous paye 50 dollars de plus, vous pouvez appuyer sur l’accélérateur ? » Ouais, qu’elle dégage au plus vite.