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La solitude, c'était ce qu'il avait toujours préféré, inconsciemment. Véritable animal nocturne, Wren s'était toujours bien plus épanoui sous les rayons lunaires plutôt que sous le soleil. Lui même n'aurait jamais pu véritablement l'expliquer, il avait simplement choisi cette route parce qu'elle avait l'air d'être plus facile à maîtriser pour lui. Au moins, la nuit, il avait la sensation de pouvoir choisir qui il voulait être, même si c'était très certainement illusoire. Aux plus belles de la nuit, Wren n'était plus seulement un Doherty, il arrivait à être un homme qu'on pouvait aimer pour ce qu'il représentait. Certes, le pompier avait conscience que tout cela n'avait été que de jolis mensonges durant toutes ces années mais avoir réussi à faire tenir l'illusion aussi longtemps relevait du miracle, réellement. Qu'est ce qu'il attendait désormais? Wren ne connaissait pas la réponse à ce genre de questions mais il envisageait éventuellement de se laisser aller sous le soleil. Après tout, il n'était plus un gamin de seize ans qui devait avoir peur de tout et surtout des gens qui osaient s'approcher de lui. Désormais, il était un adulte, un de ceux qui pouvaient choisir ce qu'il voulait de la vie. Evidemment, ce n'était pas pour autant qu'il ferait les meilleurs choix sous ce nouveau ciel mais peut être qu'il pouvait y gagner s'il osait pour la première fois de sa vie. Simplement être lui même, ne plus avoir peur d'exposer son passé et les failles qui étaient nées de celui-ci. Ce n'était pas donné d'avance que tous les gens qu'il côtoierait l'accepteraient pour ce qu'il était mais au moins, Wren pouvait s'assumer malgré tout. Le chemin était encore long pour qu'il aboutisse à ce résultat mais Wren prenait la mesure de ce qu'il devait encore réaliser pour être un homme meilleur. Déjà, il était temps qu'il lâche du lest vis à vis du reste de sa famille: son frère continuerait de faire des erreurs, qu'il soit tout le temps derrière lui ou non, sa soeur continuerait à s'éloigner, peut être même bien plus vite encore s'il insistait trop. Quant à sa mère, l'affaire semblait bien plus compliquée parce qu'elle avait réellement besoin de lui, pour se déplacer, se nourrir, voire même simplement pour avoir encore un minimum l'envie de vivre. Elle était le fardeau qu'il avait à porter, même s'il détestait qu'il en soit ainsi après tout ce temps mais Wren continuait de l'accepter. Il savait qu'il serait toujours là pour elle, jusqu'à ce que tout ce qu'elle avait traversé ne devienne tout simplement trop pour elle. Le pompier savait que ce jour viendrait, il attendait juste le jour du jugement dernier, cette douleur lancinante qui le briserait jusqu'à la fin de sa propre existence. En attendant, Doherty préférait largement vivre dans le déni, trouvant la source de son bonheur ailleurs. Et cette joie était particulièrement présente ce jour là parce que Wren avait rencontré Maze, elle qui était une lumière dans toute la pénombre qu'il avait toujours eu autour de lui. Elle concurrençait amplement tout ce que Wren avait toujours mis en oeuvre pour empêcher le reste de l'humanité de s'immiscer dans son espace vital. Avec Maze, il n'était pas question de la faire fuir, au contraire, il avait l'air de tout faire pour qu'il puisse être à ses côtés ne serait-ce que quelques secondes supplémentaires, même si ce qu'ils pouvaient dire était complètement fou, même s'ils ruinaient la moindre once de réputation qu'ils pouvaient encore avoir. Ce n'était pas le plus important à ce moment là, ce qui comptait avant tout, c'était de jouer le jeu à fond et surtout jusqu'au bout, histoire de marquer cette rencontre et de s'impatienter des prochaines retrouvailles... Le but, c'était tout simplement de rendre l'instant merveilleux et à ce sujet, Wren n'avait pas grand chose d'autre à faire que d'être là, de rendre coup pour coup à la jeune femme et rêver des bêtises qu'ils pourraient encore prononcer à l'avenir. "Je devrais d'ores et déjà songer à  monter une association d'aide au croque mitaine volage parce que là, je sens que ma condition va vite devenir difficile à vivre... Je vais vivre sous le lit d'un merveilleux tyran. Tu le sens mon traumatisme, là?" Ce n'était en tout cas pas sur son visage qu'on pouvait lire ce genre d'émotions puisque Wren affichait des yeux rieurs et un sourire espiègle. Et tout cela ne pouvait que continuer en entendant Maze suggérer qu'elle aurait pu devenir pompier, une belle plaisanterie et une image qui faisait plus ou moins rêver le suédois. "Il est encore temps de te reconvertir... Si c'est le cas, sache que je t'ai mis en prioritaire sur un stage à la caserne, ça me ferait trop rêver de te voir galérer à enfiler un uniforme." En tout cas, il fallait s'estimer heureux que Crawley n'avait pas vraiment tenté ce plan de carrière puisqu'elle avait l'air incroyablement douée pour faire naître des flammes. Enfin, si ce n'était pas recommandé dans le métier, ce n'était pas pour autant que Wren correspondait à la description de la fiche de poste puisqu'il faisait également partie de cette catégorie, plus secrètement qu'autre chose cela dit. Ce n'était qu'un point commun supplémentaire et cette liste avait l'air de s'allonger de minute en minute maintenant qu'ils se refaisaient le film des premières secondes de leur rencontre. "Je pense pas me tromper en disant que ça a dû arriver dès tes premiers hurlements. T'étais bien trop convaincante en Maze enragée inconsciente de l'incendie qu'elle a provoqué. Je pouvais pas faire autrement que m'intéresser à ce portrait impeccable que tu renvoyais à partir de là, tout ce qui a suivi, c'étai du bonus pour me conforter dans ma première idée... Ravi d'entendre que tout ça nous est arrivé à peu près au même moment, pour le coup." Wren ne mentait pas en racontant cette histoire et c'était même étonnant qu'il soit si à l'aise pour confesser ce genre de réalités. Il avait toujours eu tendance à être quelqu'un de très secret sur ses sentiments: il n'aimait jamais parler de ce qu'il avait dans le coeur, encore moins ce qu'il avait dans le crâne mais avec Maze, le tout avait l'air étonnamment plus simple. "Je suis un véritable aimant à catastrophes, tu peux le dire." Mais, au moins, il s'était rattrapé. Wren avait réparé la porte cassée et il avait pu nourrir Maze avant qu'elle ne tombe dans les vapes, une petite victoire malgré tout. "Ton enfance avait besoin d'un croque mitaine méchant, histoire de te forger à ce monde cruel." Retrouver son innocence en s'approchant de la trentaine, un concept bien plaisant au bout du compte, même si ce n'était que momentané avec cette rencontre et ce moment partagé autour d'un bon repas et de joyeux souvenirs qui seraient amenés à se reproduire sous peu. "Vil personnage que tu es, si tu m'ajoutes des yeux de biche, je serais presque trop faible pour enfiler mon uniforme... Mais, ce serait injuste envers les autres innocents qui vont mettre le feu quelque part ce soir. Cela dit, vois le bon côté des choses, la prochaine fois qu'on se voit, on aura toute la soirée pour apprendre à se connaître... Ou dire des âneries, rien n'est fixé. Et justement, à ce moment là, y aura pas le feu." Ce n'était pas la plaisanterie de l'année mais Wren s'autorisa à lui faire un clin d'oeil, mettant une main dans ses poches pour en sortir sa carte avec ses coordonnées et la glisser délicatement dans la main de Maze. Ainsi, elle avait le choix de faire marche arrière si elle ne souhaitait pas vivre cette prochaine soirée, restant sur cette image de Doherty qui venait poser doucement ses lèvres sur sa joue, ravivé par la beauté des heures qui venaient de s'écouler à grande vitesse.

La sérénité n'avait pas fait partie de son existence ces derniers temps, Wren était angoissé de tout, surtout de sa situation familiale. Il ne savait jamais si, en se rendant chez sa mère, il la retrouverait dans de bonnes dispositions. Quelque part, il se sentait responsable de son désespoir : qu'aurait-il pu faire pourtant ? Il n'était pas celui qui l'avait mise dans cet état, il avait juste été un témoin supplémentaire de cette tragédie. En tant que fils, il aurait certainement pu être plus présent, faire en sorte qu'elle soit plus heureuse malgré sa condition mais à ce sujet, il avait échoué. Wren la voyait sombrer de plus en plus chaque jour, sans pouvoir y faire grand chose et il se doutait que viendrait le jour où sa présence à ses côtés ne serait tout bonnement plus suffisante pour lui donner l'envie de survivre. En attendant, il ne pouvait que continuer à se rendre chez elle, presque tous les jours, réduisant sa vie sociale au minimum parce qu'avoir une mère avait toujours été plus important à ses yeux qu'avoir de véritables amis sur qui s'épancher en cas de besoin. Bien sûr, cela ne l'empêchait pas de sortir très fréquemment, finir ses difficiles journées de travail dans un bar quelconque puis se mettre la tête à l'envers jusqu'à l'aube, sans savoir ce qui adviendrait de sa carcasse au moment où il devrait rentrer chez lui. Avec ce rythme de vie un peu particulier, Wren ne faisait jamais de réels efforts pour se lancer dans des aventures amoureuses suivies. Profiter une soirée, cela, il savait faire mais lorsqu'il était question de réels sentiments, le suédois lâchait la barre le plus rapidement possible. Il n'avait pas forcément envie de perpétuer cette tradition, avec la trentaine approchant, il espérait encore pouvoir combattre ses démons et vivre comme les autres personnes de son âge, sans avoir une peur bleue du lendemain et des conséquences d'une vie à deux. C'était certainement parce qu'il avait eu conscience par le passé de son attitude toxique, notamment lorsqu'il avait eu une relation avec une amie d'enfance, Violet, se terminant par un déchirement terrible. Désormais, Wren était loin de tout cela, enfin adulte, peut être moins autodestructeur si on excluait son amour étrange pour les flammes et il se montrait vraisemblablement sous son meilleur jour devant Maze. A quoi était-ce dû ? Il n'aurait su le dire, ce n'était pas quelque chose de commun pour lui, se sentir si joyeux malgré des journées âpres ces derniers temps mais Maze avait ce naturel quelque peu magique aux yeux de Wren. Elle était dynamique, spontanée et possédait un brin de folie qui laissait penser qu'elle avait un caractère unique, forcément, Doherty avait envie de le découvrir plus en profondeur. « Ca, c'est mesquin, tu réalises que les géants suédois dans mon genre ont chaud très rapidement ? Alors deux ou trois couches de doudounes, je me liquéfie en moins de cinq minutes. » C'était une des raisons pour laquelle il passait la plupart de son temps sans un tee shirt sur le dos, certainement qu'il avait conservé un patrimoine génétique nordique assez important pour se comporter de la sorte. Néanmoins, tout cela n'était pas porté à la connaissance de Maze pour le moment : enfin, elle avait certainement dû saisir les concepts chers à Wren avec cette histoire de doudounes. « Et bien bravo, mademoiselle ! Je pensais pas que l'événementiel requérait ce genre de visites sur le web obscur mais j'ai bien compris que tu étais pleine de surprises... » Il lui fit un clin d'oeil, c'était la dynamique qui s'était lancée entre eux, pleine d'échanges de plaisanteries, de commentaires charmeurs, à croire que flirter de nos jours devait se transformer en parade. Cependant, eux faisaient un peu dans la différence avec leurs délires de Tortues ninjas, mariages et autres conversations plus loufoques les unes que les autres. « Que veux tu, j'ai un instinct pour percer les gens et tu as pas fait exception mais, tant mieux, au moins, j'ai su rapidement que tu m'intéressais... » Même quand elle lui hurlait dessus parce qu'il était entré par effraction dans son appartement pour la sauver d'un incendie ravageur. C'était son petit côté masochiste, comme la plupart des hommes certainement, il aimait les femmes qui avaient leur petit caractère et qui ne se laissaient pas faire et en la matière, Maze était servie, heureusement pour le pompier. « Une main de maître ? Tu me flattes trop. » Il lui souriait avec un naturel déconcertant, elle le rendait si doux, lui qui avait toujours été d'une nature relativement violente, passionnée aussi mais au moins, en sa présence, Wren arrivait à se calmer. Pour un temps tout du moins, parce qu'elle avait dérouté à son tour avec sa requête d'un rendez-vous au restaurant. Wren n'en avait jamais vraiment fait : lui, il sortait dans les bars, finissait avec la première fille venue et passait à la soirée suivante. Pas le temps, pas l'envie, pas le coup de cœur, pas l'assurance de devenir le premier choix de quelqu'un d'autre. Cette fois, il acceptait sa proposition, osant se lancer dans une aventure qui l'effrayait au plus haut point. Il ne le dirait pas à Maze pour autant, restant caché derrière sa carapace d'homme dur et invincible. Cela ne lui empêchait pas de lui sourire, son cœur battant à tout rompre en envisageant ce moment qu'il devrait partager avec elle, s'ouvrir à ce qu'il était, ce qu'il avait vécu et ne pas regretter de se rapprocher de quelqu'un comme elle. Avoir peur n'empêchait pas de se relancer dans un délire avec la macarena alors que la cuisine finissait dans l'assiette. Il y avait une certaine intimité dans ce moment, peut être parce que Wren regardait Maze se délecter du repas. Il n'avait pas franchement l'habitude de cuisiner pour quelqu'un d'autre que lui ou sa mère, un changement qui était plus agréable qu'il ne l'aurait cru. « C'est la moindre des choses, tu sais... J'ai quand même cassé ta porte, dérangé ton rituel beauté et je t'ai presque fait tomber dans les pommes avec tout ça. Tant mieux si ça te plaît, pour le coup. Je pourrais te laisser te reposer sans culpabiliser une fois que tu seras repue... Le croque-mitaine bienveillant, un super concept, non ? » Il savait que ce moment toucherait fatalement à sa fin, un sourire s'élargissant sur ses lèvres parce que toutes les surprises qui étaient survenues ce jour là amenaient un avenir incertain mais potentiellement incroyable, si Maze acceptait d'aller au delà des évidences concernant le jeune pompier.

Le surréalisme avait pris le pas sur la réalité depuis de bien longues minutes désormais. Wren n'était même plus certain d'être encore sur la terre ferme avec tout ce qui se tramait sous ses yeux innocents. Enfin, innocents, c'était vite dit quand on parlait de l'aîné des Doherty vu tout ce qu'il avait déjà accompli au cours de sa jeune vie. Il avait peut être réalisé pas mal d'exploits et autres délits en tous genres, clairement, il ne s'était jamais retrouvé dans le genre de situations que Maze lui faisait vivre à ce moment là. Détaché de tout, c'était la voie qu'il avait toujours choisi, de peur de souffrir, de peur de devoir rendre des comptes à qui que ce fut et se montrer si avenant était le premier pas vers des dérapages qui ne lui plaisaient guère. Wren avait beau avoir enregistré ce genre de principes de base, il avait l'air de tous les balancer au vent depuis qu'il avait débuté une conversation loufoque avec la jeune femme. Il n'était plus question de retenue ou de réparation de porte au beau milieu d'un immeuble peu reluisant: à l'inverse, il était en train de faire l'idiot en parlant de radiateur et autres réjouissances qui les rendaient encore plus fous qu'ils ne l'étaient habituellement... C'était pourtant dur d'en arriver à un tel niveau sur le papier mais ils avaient probablement dû avaler des substances nocives pour aboutir à un résultat si extravagant. Wren ne se reconnaissait même plus, complètement lancé dans les répliques qu'ils étaient en train de se lancer comme des gamins en manque d'adrénaline. Peut être était-ce le cas, après tout, Wren n'avait pas vécu d'interventions aussi sauvages depuis quelques semaines déjà et on ne pouvait pas dire qu'il avait pris l'habitude de défoncer des portes pour éteindre des incendies sans avoir mis son uniforme auparavant. Il avait besoin de cela pourtant, de se sentir conquérant, prêt à jouer sa vie pour ressentir une once d'émotion et celle qu'il avait au fond du coeur à ce moment là valait sûrement plus encore que ce besoin oppressant d'affronter les flammes. Il était question d'alchimie, de cette envie de tout savoir de la personne en face de soi, de se laisser aller le plus simplement du monde à cet appel grotesque du coeur et de l'esprit. Doherty n'était pas dans le contrôle à cet instant précis et cela avait toujours été la sensation qu'il avait recherché, depuis au moins dix bonnes années. Maze l'aidait à se sentir vivant à nouveau et pour une fois, Wren n'avait même pas besoin d'être à moins de deux mètres des flammes pour cela. Il n'avait jamais imaginé pouvoir vivre ce genre d'événements en dehors de ses heures de service et pire encore, il n'avait même jamais envisagé que vivre ce type d'aventures puisse le rendre aussi heureux qu'un gosse qui découvrait ses premiers cadeaux de Noël. Pourtant, Wren en était là, à rire comme un décérébré en s'imaginant Maze une fourchette à la main qui tâchait de se sortir d'une camisole de force prenant la forme d'un radiateur de seconde zone. "Un détail de plus et on pourrait te caster dans un remake de l'Exorciste, non? Se démener comme un diable avec une fourchette dans un combat sans merci contre un radiateur... Ca a l'air d'être juste le pitch parfait." Et lui serait très certainement loin du rôle du prêtre dans l'affaire, peut être qu'il finirait sur le radiateur voisin à essayer de se détacher de son amour vibrant du feu, voilà ce qu'il adviendrait d'eux, les deux fous qui découvraient les états d'âme d'une vie incompréhensible. Le pire dans tout cela, c'était que Wren pouvait rêver de ce genre d'aventures, peut être parce que former un duo avec Maze le ravissait au plus haut point, peu importe les circonstances. "Pourquoi tant de haine, mademoiselle Crawley? Enfin, je dis ça mais être attaché à un radiateur, c'est synonyme de chaleur donc je devrais pas trop souffrir de ma punition." Pas masochiste pour un sou, ce cher Doherty. Enfin, tout cela faisait partie de leur petite mascarade, bien incapables qu'ils étaient de retrouver leur sérieux pour se comporter comme des adultes normaux. Wren n'en avait jamais été vraiment un pour être honnête et il demandait encore à connaître Maze pour la cataloguer dans une catégorie quelconque à ce sujet. "T'as l'air de pas mal connaître les côtés sombres du web, dis moi... Ca m'en fait des choses à apprendre sur toi, j'ai du travail." Et il en souriait, totalement obnubilé par les expressions faciales de Maze depuis quelques minutes. L'insouciance de Wren était à son paroxysme et dans ces cas là, il ne maîtrisait plus réellement ce qu'il pouvait dire ou faire. Il avait déjà dérapé à de multiples reprises depuis son arrivée fracassante dans l'appartement mais cette fois, on atteignait franchement des sommets dans ce qu'était en mesure d'accomplir le pompier. Prononcer ce genre de mots qui n'avaient l'air de rien mais qui voulaient dire tant au fond, juste oser dire à Maze que cette séduction n'était pas si futile qu'elle en avait l'air a priori. "Dit comme ça, ça a pas l'air très reluisant pour le reste de l'humanité mais... Oui, pour moi, c'est le top du top ce genre de filles." Peut être parce qu'il était trop peu normal pour jeter son dévolu sur des femmes lambda qui avaient des sujets de conversations rasoirs tournant autour de leur style vestimentaire ou du nombre de fois où elles se rendaient à la salle de sport du coin. "On est d'accord là dessus, y a rien de plus dur que de séduire une jolie fille folle à lier mais je suis content de m'en sortir à peu près correctement. Je pourrais peut être ajouter cette compétence à mon CV pour finir." Il lui fit un clin d'oeil, persuadé qu'il était plus fou qu'elle en réalité. Tout cela n'était qu'une question de perspective au final et puis, Wren ne faisait pas franchement attention au regard des gens qui avaient peu d'intérêt à ses yeux. Du moment que son entourage l'appréciait pour ce qu'il était, même s'il était plus proche de l'ombre que de la lumière, il avait l'impression d'y gagner dans l'affaire. Clairement, à cet instant là, il se sentait comme un gagnant toutes catégories confondues puisqu'il s'apprêtait à participer à un nouveau défi avec la jolie brune. "Pas de problème, la macarena, je maîtrise totalement, on dirait pas comme ça." Il était aussi bon dans cette chorégraphie qu'avec une manette de console à la main sur Just Dance, autant dire que le carnage était imminent. Avant d'en arriver à ce genre de catastrophes chorégraphiques, ils semblèrent prendre le temps de retrouver leur sérieux, certainement parce que Maze avait prononcé des mots que Wren n'avait pas l'habitude d'entendre. Il était rare qu'on veuille en apprendre plus sur lui et pourtant, elle semblait déterminée à percer le moindre de ses mystères. Effectivement, Crawley fit preuve de détermination pour se lancer dans l'arène, rendant Wren totalement muet pendant dix bonnes secondes, un exploit ce jour là. "Tu viens vraiment de m'inviter à un vrai dîner? Je t'avoue qu'on m'a pas souvent proposé ça..." C'était une évidence vu l'étonnement qui habitait son visage à cet instant précis mais celui-ci se transforma bientôt en expression de joie, étonnamment. "Mais évidemment, ça me dit bien. Peut être qu'on évitera des incendies culinaires si on touche pas à des casseroles ou des poêles... Tout cela en perçant tous les mystères de l'autre à jour, le plan parfait." Une occasion rêvée pour Wren qui n'aurait pas été capable pour autant de le formuler, pas comme Maze en tout cas mais elle avait clairement plus de courage que lui lorsqu'il s'agissait de communiquer avec un autre être humain. Doherty avait toujours été très mauvais dans ce domaine et ce qu'il ne disait pas, c'était à autrui de le deviner, bien souvent tant bien que mal vu sa compétence naturelle à tout dissimuler. Au moins, cette fois, le pompier faisait l'effort d'exprimer ce qu'il avait sur le coeur, même si c'était maladroit et très loin de la vérité... Il essayait. Sa logique était probablement différente de celle des autres mais Wren était tout de même heureux qu'à ce moment là, Maze la partage aussi. En effet, il put lui offrir un doux sourire en guise de réponse, juste avant de réceptionner son baiser et lui rendre avec la même vigueur qu'elle. Si Maze faisait passer dans sa nuque et dans ses cheveux, Wren tâchait de rapprocher encore plus les deux corps, mesurant ses actes au moment où Maze se détacha de lui. "Ca me semble correct comme score, monsieur l'arbitre." Elle avait très certainement gagné la bataille depuis longtemps mais ce n'était pas le suédois qui allait le souligner à cet instant précis. Non, à la place, il tourna son regard vers la nourriture en entendant les mots de son hôte. Il fit mine de réfléchir, sortant ses grands airs de suédois en contrôle de la moindre de ses émotions. "Et bien, figure toi qu'on peut faire les deux à la fois, mate moi ça..." Et Wren perdait bien vite son air énamouré ou même sérieux, se mettant à bouger les bras dans tous les sens avec un déhanché relativement ridicule en se dirigeant vers la casserole de pommes de terre. Il réussit avec une assurance non feinte à retirer le tout du feu en continuant sa danse improvisée. Au moins, il avait appris ce jour là que le ridicule ne pouvait pas les tuer, ni elle ni lui. "Un délice vous attend, très chère." Effectivement, il prit la peine de goûter le plat, encore goûteux malgré leurs dérapages dans la surveillance de la cuisson, avant de ramener le tout sur la table, n'oubliant pas que Maze avait besoin de se nourrir incessamment sous peu. "J'espère qu'avec ça, tu seras toute requinquée... Même si je doute pas que la macarena est sûrement efficace en la matière, ton taux de glucose a certainement besoin de plus pour se remettre sur les rails après tous nos... Dérapages?" Aucune idée de ce que Wren pouvait bien mettre dans cette catégorie alors qu'il s'asseyait à la table, posant brièvement sa main sur celle de Maze pour accompagner ses propos. Pouvait-on rendre cette journée plus folle encore? La possibilité était vraisemblablement infinie, dans leur monde totalement surréaliste.

La vie humaine se parsemait d'incompréhensions, de moments de doutes mais surtout de ces beaux instants de surprise. Wren n'était pas épargné de tout cela, même s'il donnait toujours le change en restant stoïque face aux événements qu'il pouvait être amenés à vivre. Le jeune homme avait certainement un peu trop l'habitude que le ciel lui tombe sur la tête alors, il n'avait plus tellement l'air de s'offusquer de son quotidien. Il aurait pourtant eu toutes les raisons de ressentir une quelconque injustice avec tout ce qu'il avait traversé et qu'il traversait encore dans sa famille usée par un passé trop prenant. Wren n'avait jamais eu la chance d'évoluer dans un environnement sain et aimant, c'était avant tout pour cela qu'il restait une âme solitaire, jamais franchement à la recherche d'un contact humain. Bien sûr, il avait déjà tissé quelques relations majeures par le passé mais il s'efforçait encore aujourd'hui de ne pas multiplier les personnes d'importance dans son existence. Il avait surtout peur de perdre ces quelques individus qui acceptaient encore de peupler sa vie, même si rien n'était rose, même s'il avait peur de lui même et de ce qui pouvait être révélé au grand jour s'il finissait par sombrer, ou juste simplement dériver de sa route. Heureusement qu'il était devenu pompier, qu'il avait trouvé ce métier et les quelques amitiés qui en découlaient, Wren n'avait pas l'air d'avoir une vie fascinante en dehors de ses interventions avec ses collègues. Au bout du compte, sa vie se résumait à un cliché des plus sordides, métro-boulot-dodo, avec quelques incartades sans importance à côté de cela. Evidemment, Wren n'était pas totalement libre de faire ce qu'il voulait: tant que sa mère arpentait cette terre, il resterait le fidèle fils qui accourrait toujours dès qu'elle en aurait besoin, même si elle lui faisait plus de mal que de bien. De toute manière, les Doherty avaient toujours eu cette désagréable tendance à se blesser, c'était certainement marqué dans leur ADN et il n'y avait pas d'alternatives réelles pour se sortir de cette spirale douloureuse. L'aîné de la fratrie aurait aimé qu'il en fut autrement mais il avait compris qu'on ne choisissait pas sa naissance, ni les gens qu'on aimait... C'était simplement quelque chose qui vous tombait dessus au moment où vous ne l'attendiez pas, quelque chose contre lequel on ne pouvait pas lutter, juste le vivre et voir ce qui adviendrait par la suite. Dans le cas de Wren, la peur était tenace parce qu'il n'avait pas l'impression de contrôler ses propres pensées au quotidien alors, qu'arriverait-il quand il vivrait de nouveau ce genre de sentiments incontrôlables? C'était cette interrogation qui l'avait toujours poussé à faire attention au moindre mot qu'il prononçait, au moindre acte qu'il pouvait entreprendre puisqu'il avait conscience des difficultés potentielles à dire adieu à cette personne qu'on aimait tant. Et voilà qu'il envoyait balader la plupart de ses principes si fidèlement ancrés jusque là pour simplement embrasser la folie ambiante. Maze avait cette particularité finalement, celle de le laisser complètement pantois devant son énergie, cette image qu'elle renvoyait et qui faisait rêver Wren plus qu'il ne l'aurait imaginé. Elle avait l'air d'être tout ce qu'il ne pouvait pas être, libre, indépendante, sans attache, prête à vivre toutes les aventures qu'on lui mettait sur son chemin, sans jamais avoir peur de l'incertitude. Justement, c'était ce ressenti qui rendait Wren fébrile et vulnérable, parce que Maze était différente, qu'elle n'avait pas peur de lui bien au contraire, elle s'évertuait à le sublimer. "Si j'avais su que j'avais affaire à une cannibale assoiffée de ma peau, je serais venu équipé pour t'empêcher de me manger. Je suis sûr qu'accrochée au radiateur, t'aurais rangé ta fourchette vengeresse et tu serais devenue un agneau." L'image ne leur posait pas de problème a priori, au contraire, Maze avait l'air amusée de cette histoire de fourchette alors que Wren se satisfaisait de sa répartie, comme si tout ce qui se tramait entre eux suivait une logique implacable. Quelque part, c'était le cas: il faisait naître leur logique, celle qui découlait de leur lien si particulier, le genre de liens qui ne pouvaient que s'affirmer avec le temps. "Quand tu veux, ma porte est toujours ouverte... Oui, pour empêcher que je fracasse les gonds, je l'assume." Une touche d'humour, une surprise supplémentaire de sa part. En attendant, Wren ne pouvait que sourire en étant témoin de la réaction de Maze à cette histoire de croque mitaine volage. De base, il n'y avait pas grand chose de normal à se comparer à ce genre de légendes urbaines mais avec toutes les bêtises qu'ils avaient pu prononcer depuis le début de leur conversation, la surprise avait très nettement disparu. "On avait parlé d'exclusivité? Mince, j'ai loupé l'information mais si c'est que ça, je pourrais rentrer dormir sous ton lit presque tous les soirs hein." Rien de tout cela ne semblait sérieux et pourtant, leur discussion pouvait sûrement cacher quelque chose de plus profond parce qu'on ne parlait pas de cette façon quand on venait de rencontrer quelqu'un, ou tout du moins quand on fréquentait une personne qui avait jusque là eu une place insignifiante dans sa vie. De toute évidence, le côté cartésien de Wren avait totalement laissé place à la magie de l'instant et c'était avec un rire non feint qu'il accueillit l'image de Maze déguisée en Krang jusqu'à ses neurones. Il était rare d'entendre un rire cristallin s'élever des cordes vocales du pompier, il était au contraire plutôt taciturne, réservé et se montrait très peu démonstratif mais Maze arrivait à casser les schémas types du cher Doherty jusqu'ici. "Ah ouais? On peut trouver quoi de plus surprenant qu'un costume de Krang? T'as éveillé ma curiosité maintenant." Pas sûr que la réponse serait attendue par Doherty, lui qui ne surfait pas beaucoup sur la toile. Il n'avait jamais été très intéressé par les aspects technologiques de l'ère dans laquelle il était né mais il y avait potentiellement un début à tout, la preuve avec la journée qu'il était en train de vivre sans se poser la moindre question. Il s'était même laissé prendre au jeu initié par Maze, une doudoune perdue dans la pièce, des éclats de rires qui résonnaient à ses oreilles avec la menace d'un nouvel incendie de pommes de terre. Wren sourit à la jeune femme, plus perturbé qu'il en avait l'air à nouveau. Certes, il avait toujours eu conscience de ses atouts: il savait plaire et il faisait bien souvent en sorte que ce soit le cas mais cette fois là, il n'avait pas eu de motivations artificielles, le tout allait simplement de soi parce que Maze était là et que sa présence le rendait heureux, aussi étrange que cela pouvait paraître en théorie. "Ouais, mais comment veux-tu que je sois pas un poil vantard quand j'arrive à user de mon capital séduction avec quelqu'un comme toi? C'est pas tous les jours, tu m'excuses..." Il lui fit un clin d'oeil amusé après cette surenchère mais celle-ci contenait une bonne part de vérité. Maze avait su attraper quelque chose en lui que Wren n'était pas en mesure de montrer à une majorité de gens, c'était un don qu'elle possédait et qui poussait même Wren à se lancer dans cette histoire de danse complètement folle. Il n'était pas tellement bon dans ce genre de sports, d'ailleurs, ce n'était jamais pour ses talents de danseur que les femmes succombaient mais là, c'était le côté misérable de l'affaire qui rendait le tout attachant. Et puis, il n'était pas seul à faire n'importe quoi vu que Maze entrait rapidement dans le jeu. "Ca peut toujours se négocier ça, tu sais. Une petite macarena pour conclure une session danse, c'est toujours incontournable... Puis, si tu me dis que t'es douée, je vais vouloir voir ça de toute façon." Ce n'était que cela entre eux, des défis, des rires et des bêtises. Néanmoins, au milieu de tout cela, il y avait la douceur de l'instant au moment où Maze passa ses bras autour de la nuque de Wren alors que lui ne la quittait pas des yeux. Sa phrase le désarçonna mais il ne s'arrêta pas de sourire pour autant, pour elle, c'était sûrement un défi, pour lui, c'était une peur terrible... Celle de ne pas être à la hauteur de ses espérances, celle de ne pas être accepté pour ce qu'il était dans sa totalité. "Vraiment? Tu sais que t'en connais déjà plus que certains? Je parle pas de Tortues Ninja avec tout le monde et je révèle pas mes talents culinaires ou de danseur à n'importe qui, c'est dire à quel point t'es privilégiée là." Et ce n'était pas un mensonge. Personne ne le connaissait vraiment, en tout cas, la facette qu'il avait montré à Maze restait inconnue du monde entier, en règle générale. Il n'était pas souvent capable de se montrer si familier, à même s'oser à se rapprocher d'elle, ses mains se posant sur ses hanches au moment où le regard ambré de sa partenaire se tournait vers la porte d'entrée encore vacillante. "C'est le moins qu'on puisse dire. Ca a l'air d'avoir aucun sens ce qu'on fait depuis tout à l'heure..." De la danse, une bataille de chatouilles, une guerre de doudoune, une cuisine sauvage, un incendie, tout cela en l'espace d'une seule journée. "Et pourtant, j'ai la sensation que je vis le truc le plus sensé de ma vie, là. D'ailleurs, je sais même pas si ce que je dis est logique..." Il laissa un léger rire jaillir de ses lèvres parce que cette vérité était plus douce que jamais: il ressentait cela, cette sensation de bonheur incompréhensible, cette plénitude dès l'instant où il croisa de nouveau le regard ébène de Maze, perdu à jamais dans l'océan de beauté qui perlait à travers ses pupilles.

Il pouvait se permettre de sourire, ce qui n'était pas toujours fréquent avec Wren Doherty. Être taciturne avait toujours plus ou moins fait partie de son quotidien et montrer ses sentiments s'était toujours avéré être une mission compliquée pour lui. Parler, c'était peut être même pire encore puisqu'il avait toujours désiré par dessus tout conserver le secret de la personne qu'il pouvait être à l'intérieur. Peu de personnes pouvaient donc se targuer de connaître Wren réellement, il possédait simplement de multiples facettes qu'il sortait à sa guise pour s'éviter le malheur d'être compris par autrui. Un jour ou l'autre, il allait devoir arrêter de se protéger de manière incessante, juste accepter qu'il était tout aussi humain que les autres et qu'il avait le droit de ressentir. C'était un combat quotidien, un qu'il cachait plus que les autres, voire même peut être plus encore que ce rapport étrange qu'il entretenait avec le feu. Wren pouvait se rassurer en se disant que tout ce mal être qu'il avait ne se voyait pas, ce qui avait l'air d'être une évidence pourtant quand on le regardait de plus près. Il y avait cette étrange manie qu'il possédait quand le feu s'approchait trop près de lui, cette espèce d'impatience et en même temps le tremblement de ses mains qui signifiaient qu'il hésitait toujours. Il aurait aimé pouvoir être certain de ne jamais se jeter du côté sombre de son être mais Doherty n'avait aucune réponse par rapport à cette question: la vérité était aussi simple que cela, le pompier ne se connaissait pas suffisamment et il n'avait pas toutes les clés de sa propre âme. Viendrait certainement un jour où la balance pencherait d'un côté ou de l'autre, ce moment fatidique où, enfin, il trouverait l'équilibre dans cette existence un peu folle. Étonnamment, Wren ne voulait pas que ce jour vienne aujourd'hui parce qu'il aimait cela, cette perte de contrôle que Maze lui faisait vivre, cette envie de vivre plus intensément, sans se poser des centaines de questions sur ce qui arriverait dès le lendemain ou les jours suivants. C'était une sensation plaisante pour un garçon comme lui, qui avait toujours fait en sorte de maîtriser le moindre événement de peur d'apercevoir l'ombre de son père venir le happer vers la pénombre. Être en compagnie de Maze faisait oublier à Wren que cette menace était là, quelque part, menaçante mais celle-ci ne devait pas le définir pour autant. Ce n'était pas parce que la génétique le prédestinait à des débordements catastrophiques que ceux-là devaient définir le moindre de ses actes. Non, Doherty n'avait pas à être ce gamin effrayé de son propre reflet dans le miroir, il pouvait juste être le grand dadais un peu cynique mais séduisant, se laissant aller à de multiples sourires, ceux qui faisaient briller ses pupilles verts d'eau et qui le rendaient plus majestueux qu'à l'accoutumée. C'était très probablement un jour à marquer dans le calendrier puisque Wren n'était pas du genre à se relâcher si facilement mais il y avait quelque chose d'électrique chez Maze, quelque chose qui l'apaisait et qui lui permettait de ne penser qu'à la spontanéité du moment et pas à tous les éléments du décor qui auraient pu assombrir le tableau. Ce fichu tableau était justement plus beau que jamais parce que personne ne venait entacher la douceur de cet instant, leur grain de folie également qui n'avait pas l'air d'être prêt à s'estomper. C'était ce qui plaisait à Wren, cette capacité que Maze avait à faire abstraction de tout, même de l'incendie qui avait failli ravager son appartement, même de leur étrange rencontre à côté de la porte de la salle de bain, même de cette histoire complètement folle qu'ils étaient en train de raconter avec l'air le plus sérieux du monde. "Figure toi que je réalise ma chance, oui... Heureusement que t'as pris en pitié ma pauvre carcasse de pompier, j'aurais pas aimé être empoisonné par tes coquillettes de vengeance!" Celles-là n'étaient plus que des cendres de toute manière et la perspective de se faire un vrai repas le ravissait bien plus que cet odeur de brûlé qui persistait encore dans leur environnement. Wren n'y faisait plus guère attention de toute évidence, il était bien plus concentré sur les mots de Maze, comme si tout ce qui sortait de sa bouche devait être analysé avec minutie. "Ah, enfin, tu montres un petit côté sadique. La fourchette, vraiment? Du coup, dans le doute, je vais éviter de te fâcher à l'avenir, je voudrais pas finir haché à la fourchette." Non, ce n'était franchement pas un futur que Wren avait en ligne de mire. De toute manière, avec le métier qu'il avait, il avait bien plus de chance de finir en rôti dans une vieille maison abandonnée que de terminer en petits morceaux pour avoir offusqué la belle Crawley mais, après tout, la journée n'était pas encore terminée. Tout pouvait donc encore arriver, même si Wren avait l'air d'être bien vu par la jeune femme à l'heure actuelle vu l'état de leur conversation. "Démonter, remonter puis démonter à nouveau... Du coup, je dois en conclure que tu comptes pas m'inviter souvent? Non, parce que ça l'air d'être du travail tout de même." Il lui fit un sourire bien trop innocent pour le message qu'il souhaitait faire passer. Clairement, Wren passait un trop bon moment pour envisager de vivre un adieu quelconque avec Maze. Enfin, rien n'était terminé puisqu'il se faisait passer pour le croque-mitaine vis-à-vis de la jeune femme et comme elle était tout aussi saine d'esprit que lui, il fallait qu'elle l'invite à vivre sous son lit... A moins que ce ne fut dessus? Le message n'était plus très clair au final mais Maze camouflait suffisamment bien le malaise pour que Wren ne cherche pas à rebondir réellement dessus, en tout cas, pas autrement qu'avec un regard intéressé et un franc sourire avant de répondre à sa dernière remarque. "Réfléchis pas trop longtemps, je pourrais vouloir aller effrayer le parquet sous le lit d'une autre jolie victime si je suis un croque-mitaine trop esseulé." Tout était absurde dans ce qu'ils pouvaient échanger mais dans la tête de Wren, tout avait l'air parfaitement normal, comme quoi il était en pleine possession de ses moyens. D'ailleurs, il en profita pour s'imaginer Maze en Krang et la perspective le poussa à se mettre à rire. La jolie brune n'avait pas l'air d'être offusquée pour un sou, elle envisageait presque de relever le défi, un comble, mais c'était peut être ce que Wren appréciait chez elle à l'heure actuelle. "Bah écoute, dès que t'as trouvé les ressources pour un déguisement de Krang, tu me contactes, je veux voir ça." A croire que l'appel des tortues ninjas les rapprochaient. Ils étaient tout de même passés d'une idée de mariage absurde à un concours de déguisement de personnages secondaires de ce dessin animé. Il ne devait pas y avoir beaucoup d'adultes qui tenaient ce genre de discussions, mais là encore, il n'y avait pas énormément d'adultes qui se lançaient des défis à grand renfort de doudounes et de batailles de chatouilles... Wren et Maze, eux, s'en donnaient à coeur joie, au risque et péril de la cuisson des pommes de terre. "Ca me dérange pas de porter la responsabilité d'une cuisson de patates ratée, ça équilibrera avec le fait que j'ai évité un incendie tout à l'heure. Retour à zéro, tu vois." Enfin, il préférait tout de même s'ils pouvaient manger quelque chose: maintenant qu'il savait que Maze avait quelques soucis de santé qui nécessitaient une vigilance accrue sur ses heures de repas, le suédois n'avait pas tellement envie d'être responsable d'un quelconque incendie. Cela dit, il n'y pensa pas bien longtemps, probablement parce que l'ambiance avait vite changé, plus ou moins par sa faute d'ailleurs. Certes, c'était la jeune femme qui avait initié le jeu en frôlant le coin de ses lèvres mais Wren avait eu envie de réitérer l'expérience plus franchement, peut être pour marquer le coup, peut être parce que le challenge devait être plus grand ou peut être parce qu'il avait juste envie de savoir quel effet cela pouvait faire d'embrasser une fille comme elle. Non, juste d'embrasser Maze. L'effet était clairement agréable et se détacher d'elle fut un espèce de crève-coeur qu'il n'avait pas anticipé, certainement parce qu'il avait eu la sensation de ne pas avoir vécu tout ce qu'il avait à ressentir en mêlant son souffle à celui de la brune mais peut être que d'autres moments viendraient embellir celui là... Plus tard. Il ne voulait pas forcer le destin, il laissa la jeune femme reprendre son souffle, poser son front contre le sien alors qu'il initiait un sourire envers elle, quelque peu satisfait de sa réplique. "On en était à six ou sept, non? Du coup, est-ce qu'on peut considérer que mon capital séduction est intacte?" Est-ce que cela avait de l'importance à ses yeux? Pas vraiment, assurément, mais l'entendre dire était peut être plus plaisant qu'il ne pouvait le penser. Wren profita simplement de l'instant jusqu'à ce que Maze finisse par réagir à la chanson qui occupait le décor en se mettant à rire. Elle se décolla de lui pour se relever, Wren souriant tout autant qu'elle en se postant sur ses jambes à son tour, prêt à en découdre avec cette histoire de danse. "Et bien, comme celle qui passe maintenant a l'air de te faire un minimum d'effet, pourquoi s'embêter à trouver quelque chose d'autre?" Il n'avait aucune idée de la manière dont on devait danser sur du jazz de ce style mais Wren tenta quelque chose de plus maladroit que jamais, il avait prévenu Maze de son incapacité à produire une chorégraphie agréable à regarder pour un quelconque public. Cela dit, il n'était pas seul puisqu'il attrapa une des mains de la jeune femme pour la faire tourner, se prenant au jeu finalement. Être ridicules à deux, en dansant spontanément sur une musique aléatoire, en faisant des tonnes en chantant les paroles comme s'il était un crooner d'un autre siècle et puis, poser son regard dans celui de Maze, réaliser que le monde autour d'elle semblait si petit à ce moment là et se dire qu'il était plus chanceux qu'il ne l'avait jamais été jusque là parce qu'on lui offrait la chance de danser avec quelqu'un comme elle.

Retourner en enfance, c'était une manière comme une autre d'oublier les responsabilités qu'il pouvait porter sur ses épaules. Wren n'avait jamais vraiment su gérer les situations de crise, il avait juste survécu à chacune d'entre elles, devant supporter les cicatrices indéniables qui en découlaient. Clairement, le jeune homme en avait des tonnes à cacher et en vue de son histoire familiale, on ne pouvait que se demander comment il arrivait encore à tenir à peu près debout. Il avait une force insoupçonnable, toujours prêt à faire taire ses traumatismes, réussissant à faire croire à toutes les personnes qu'il pouvait rencontrer qu'il était totalement invincible. C'était le mensonge qu'il tenait le mieux depuis une bonne décennie: personne n'arrivait à lui faire du mal, si on excluait sa mère et ses paroles troublantes, son père et sa manière de lui rappeler qu'il se rapprochait plus du monstre que de l'ange. Pour autant, il étai intouchable pour le reste du monde et Wren tenait à ce que cela continue pour plusieurs années à venir. Finalement, ce qui se révélait le plus difficile pour lui, c'était de se dévoiler à autrui et il n'y était jamais vraiment parvenu. Dès qu'une personne s'était approchée de trop près de ses pires secrets, le jeune suédois avait fui sans se retourner. Il avait une peur bleue de l'attachement, comme si le simple fait d'aimer quelqu'un pouvait s'apparenter à une mise à mort. Dans sa famille, c'était très certainement le cas vu le sort qu'avait connu sa chère mère mais est-ce qu'on pouvait considérer cette tragédie comme une vérité universelle? La réponse devait sûrement être négative mais l'inconscient de Wren n'avait jamais réussi à le voir ainsi. Peut être qu'il finirait par se libérer du poids de son existence, pour enfin accepter la personne qu'il pouvait être, sans être défini par les choix d'un père et d'une mère. C'était franchement le plus difficile pour lui mais il ne pouvait qu'arriver à ce résultat en continuant à se comporter comme un sombre idiot après avoir sauvé tout un immeuble d'un incendie hypothétiquement meurtrier. Il fallait dire que Maze avait un côté vif et dynamique, ce qui manquait sincèrement à Wren au quotidien. Il devait toujours rester sérieux pour ne pas montrer ce qu'il ressentait, surtout quand il souffrait. Ce jeu avait fini par devenir coutumier et le jeune pompier avait simplement arrêté de ressentir quoique ce soit face à d'autres humains. Cela ne l'empêchait pas de s'amuser pour autant, bien au contraire, mais il s'évitait tout un tas de contrariétés liées aux relations humaines. Au moins, on ne venait pas intenter à sa tranquillité, s'il en avait encore une au final. Plus le temps avançait ce jour là, moins Wren pouvait considérer qu'il avait vécu jusque là. Il prenait enfin la mesure de la chance qu'il avait d'être vivant et d'avoir la possibilité, de rire, pleurer ou encore rêver. Ce genre d'attitudes n'étaient pas siennes habituellement mais Maze et ses conversations loufoques lui permettant de se libérer plus aisément qu'escompté. "Comme quoi il suffit de peu pour transformer quelqu'un en criminel. Juste un repas gastronomique à préparer et des dizaines d'incendies à craindre..." Il la voyait bien rendre son tablier après s'être arrachée les cheveux durant trente bonnes minutes, incapable de cuisiner quoique ce soit de décent. Wren avait déjà vu ce que cela pouvait donner quand elle décidait de se faire à manger, on ne pouvait pas risquer d'autres aventures de ce style. "Un autre stratagème que l'incendie? Tiens moi au courant dès que tu l'as en tête." Là dessus, Wren doutait peu. Maze avait déjà prouvé qu'elle possédait de multiples ressources pour se sortir de mauvaises passes. Elle était certainement plus forte que lui sur la question. Lui ne montrait rien mais il n'avait jamais vraiment cherché à se sauver des mauvaises situations, acceptant bien trop souvent son sort, ce qui ne semblait pas être le cas de la jeune femme. Enfin, lui aussi pouvait trouver des parades, en tout cas, c'était ce qu'il semblait vouloir faire croire à Maze avec son doux regard et ses bien belles paroles. "Voire peut être onze, oui... Je trouverais bien le moyen d'entrer si tu osais me fuir dans ta chambre. T'as déjà vu que les portes me résistaient pas bien longtemps, je crois." Il lui fit un clin d'oeil amusé, Wren avait très certainement défoncé assez de portes pour l'année à venir. Il comptait bien faire profil bas et arrêter de détruire l'appartement de Maze, même si c'était une promesse qui avait l'air complètement folle sur le papier. De toute manière, rien n'avait l'air normal entre eux puisque Maze regardait ses mains pour avoir la preuve qu'il n'était pas un croque-mitaine. "Je passe le test avec brio! Wow, je suis content d'avoir ma place sous ton lit, t'imagines même pas! Tu viendras me rendre visite de temps en temps? Non, parce que ça me semble un poil violent de t'attraper la cheville pour que tu viennes..." Un peu plus et ils se prévoyaient un apéritif sous le sommeil de la belle brune, autant dire que ce n'était pas un comportement tout à fait commun pour des gens de leur âge. Ils avaient déjà couché avec la honte apparemment puisqu'ils n'avaient pas l'air enclins à passer à des conversations plus sérieuses. Non, à la place, ils envisageaient leur futur mariage sous l'égide des Tortues Ninja. "Hum... Je sais pas, t'es quand même plus crédible en April qu'en Krang." Elle était bien plus séduisante que lui en tout cas, même si Wren ne l'avait pas dit aussi clairement. Tout était une question de subtilité et à ce petit jeu là, il était très clairement performant. Peut être pas autant que Maze pour le torturer puisqu'elle s'était lancée dans un moment de bagarre à base de doudounes et autres chatouilles délibérément vicieuses. Wren n'avait pas spécialement envie de perdre à ce genre de jeux, même si le prétexte était intéressant puisque les pommes de terre continuaient de cuire à quelques mètres de là sans qu'aucun d'eux ne surveille franchement la casserole sur le feu. A croire qu'ils voulaient vivre le plus d'incendies possibles en une seule journée. "Et bien, tu devrais. J'ai une super vue, je t'assure." Une qui lui permettait de regarder Maze sous toutes les coutures avant que la lutte ne recommence, la laissant prendre vainement le dessus dans les premiers temps avant de retrouver le goût de la vengeance. "J'crois que y a pas mal de choses qui n'étaient pas dans le deal de départ là..." Ils étaient clairement en train de dépasser les limites puisque Doherty se pencha vers Maze pour la chatouiller en retour, s'attendant à une victoire écrasante dans l'entreprise. Et cela aurait très bien pu être le cas si la jeune femme n'avait pas trouvé une parade magique dans l'effet de surprise. Effectivement, sans même que Wren n'ait eu le temps de réagir, elle avait prestement posé ses lèvres au coin des siennes, le laissant pantois quelques secondes, un laps de temps suffisant pour que Maze fasse pencher la balance en sa faveur et se retrouve au dessus d'un Wren toujours plus étonné qu'autre chose. "Et c'toi qui me parlais de triche y a à peine une minute? Tu trouvais ça fair play, toi?" Il ignorait délibérément la requête de la jeune femme concernant la partie de Just Dance tant attendue. Au contraire, il s'était posté adroitement sur ses coudes pour se retrouver à la hauteur de Maze et peut être bien plus proche de son visage. Il la regarda de longues secondes, ses yeux verts perdus dans ses pupilles ambrées, comme s'il souhaitait découvrir le secret de l'univers dans ses prunelles. "Mais t'as raison, quitte à faire quelque chose, autant le faire correctement." Que ce soit une partie de jeu vidéo idiot ou tout autre chose. La preuve, Wren prit son temps pour la toiser de son sourire victorieux avant de poser une main sur sa joue, presque trop timidement pour qu'il ne soit totalement honnête sur ses intentions. Après cela, il posa ses lèvres sur les siennes, quelques secondes supplémentaires par rapport à Maze quelques secondes plus tôt. Il se détacha légèrement d'elle, certainement surpris de lui même et de cette journée en entier. "Là, maintenant, t'as plus qu'à me libérer si tu veux me voir danser... A condition que tu participes, d'ailleurs." Il se mit à lui sourire, plus sincère que jamais. Certainement plus fou qu'habituellement, aussi.

Le temps de l'insouciance était loin derrière lui, c'était même à se demander s'il l'avait réellement connu. Wren avait toujours dû se comporter en adulte responsable, un fardeau qu'il avait eu bien du mal à porter à de nombreuses reprises. Ce n'était pas toujours évident de jouer le rôle d'un père face à son frère et sa soeur. Wren n'avait jamais eu la sensation d'en avoir la carrure: il fallait dire qu'à seize ans, il avait beau être déjà un géant, il était très loin du compte au niveau de ses choix de vie. Il avait suffi que son père craque une dernière fois pour que le jeune Doherty perde totalement pied. Il avait eu des hauts et des bas et à vrai dire, il avait combattu les bas jusqu'à très récemment, perdu qu'il avait été dans des histoires de drogues et autres délires sans importance. Il le regrettait amèrement mais c'était aussi ce qui lui avait permis de se construire en tant qu'individu. Enfin, on ne pouvait toujours pas dire que Wren avait totalement la tête sur les épaules, après tout, il était celui qui se jetait au coeur des flammes sans forcément prendre garde aux consignes de sécurité. La preuve, il venait tout juste de le faire devant Maze, se jetant dans la gueule du loup, comme s'il avait la ferme intention de ne pas survivre jusqu'à ses trente ans. Wren avait toujours été une tête brûlée, un de ceux qui n'avaient pas beaucoup de volonté d'ailleurs et qui partait toujours dans des choix hasardeux. Pourtant, celui de sauver l'immeuble n'avait jamais semblé être si salvateur pour lui. Maze le divertissait, il en oubliait son énième dispute avec sa mère et toutes les choses qui ne tournaient pas rond au sein de sa famille. A croire que la jolie brune avait un don, il suffisait qu'elle ouvre la bouche et l'univers entier à côté d'elle changeait de couleur. C'était une perspective qui plaisait énormément à Wren forcément, lui qui ne faisait qu'assombrir son entourage avec ses moues dédaigneuses et ses mots cassants. Avec Crawley, il n'envisageait pas le moins du monde d'utiliser ce genre de stratagèmes, il avait simplement envie de continuer à rire à l'unisson avec elle en racontant les pires conneries possibles. Ils avaient d'ailleurs l'air d'être un duo d'experts puisque le silence ne durait pas plus d'une seconde depuis qu'ils avaient mis leur différend du moment de côté pour se concentrer sur ses circonstances étranges. Wren ne faisait que sourire en l'écoutant, persuadé qu'elle avait les réponses à tout et peut être que c'était le cas en vue de ce qu'elle était capable de sortir sans aucune honte. Il aurait aimé lui ressembler un peu plus, lui qui se laissait rarement aller, pris par le poids des responsabilités qu'il traînait encore sur ses douces épaules. "Je pense que dix, c'petit joueur, non, disons trente, là, ça ressemble à une véritable torture. Juste te voir t'arracher les cheveux en cuisine et répéter l'affaire cinq ou six soirs d'affilée, ça te rendrait dingue, je suis sûr." C'était tout à fait le genre de situations que Wren pouvait gérer, il avait un caractère suffisamment difficile pour réussir dans un monde aussi difficile que celui de la cuisine mais il avait choisi de devenir pompier, masochiste qu'il était, en tous points de vue. "Je peux te faire ça en douze." Il lui fit un clin d'oeil entendu, son sourire élargissant ses lèvres, certainement bien loin d'être aussi présomptueux habituellement. Wren avait toujours eu des facilités à séduire, c'était évident, mais il ne se rendait pas forcément compte du magnétisme dont il pouvait faire preuve. Il n'essayait pas plus que cela, laissant le monde faire le travail à sa place, ne cherchant pas nécessairement à recevoir les considérations d'autrui. Néanmoins, peut être qu'il était en train de chercher celles de Maze, sans véritablement le savoir. "Justement, peut être que le croque-mitaine, c'est moi... Du coup, ça te fait toujours aussi peur?" Il avait la taille adéquate pour jouer ce genre de rôles en tout cas, même s'il n'était pas aussi éloquent que des légendes urbaines de ce type. De toute manière, Wren était bien trop calme à ce moment là pour passer pour un monstre sanguinaire vu le sourire qu'il affichait et la manière dont ses yeux verts brillaient. "Ouais, franchement, tu peux trouver mieux que ça. Je compte sur toi pour me trouver la demeure parfaite." Il finirait dans la cave à ce rythme et si la perspective n'était pas alléchante pour le commun des mortels, ce n'était pas Wren qui avait l'air traumatisé par ce genre de délires. Rien ne l'atteignait réellement, il trouvait toujours le moyen de se cacher derrière ces airs de garçon inaccessible, un bien beau mensonge qui ne tiendrait plus très longtemps à coup sûr. "Parfait! J'ai toujours rêvé d'épouser un sosie d'April O'Neil, si ça, ce sera pas un rêve qui se réalise franchement!" Il n'y avait probablement qu'eux pour s'imaginer dans ce genre de situations, à organiser un mariage entre fans de Tortues Ninjas, persuadé que ce genre d'idées plairait au monde entier. Au contraire, ils semblaient bien seuls dans leurs délires mais ils n'avaient pas l'air de s'en offusquer. Wren s'amusait bien trop pour être tout à fait honnête et on ne l'avait jamais vu autant sourire, surtout quand il venait à peine d'éteindre un feu au beau milieu d'un appartement de son quartier de naissance. Il s'était laissé faire lorsque Maze lui avait sauté sur le dos pour lui enfiler une doudoune, encore une idiotie que personne ne comprendrait s'il y avait eu un public dans la région. Clairement, ils étaient désespérants, ou désespérés, c'était peut être du pareil au même. Wren avait envie de rire en jouant le rôle de la marionnette dans l'histoire mais il tenta de conserver son calme olympien jusqu'à ce qu'il ne finisse par croiser le regard de la jolie brune. Elle avait l'air fière d'elle alors qu'elle venait de lui enfiler le blouson plus ou moins n'importe comment, entravant le moindre geste du suédois. L'occasion était trop belle pour qu'il lui suggère sa victoire: en effet, il se laissa tomber, entraînant Maze avec lui dans cette descente aux enfers inopinée. Evidemment, il fallait qu'il en rajoute une bonne couche en jouant aux morts alors qu'elle tentait de se défaire de son emprise à grands renforts de gestes brusques. Wren ne bougea pas pour autant, même si la perspective de détruire une magnifique fournée de pommes de terre lui faisait un peu mal au coeur. "C'est quoi ce vieux chantage pour te sortir de là? Je maîtrise les pommes de terre d'ici avec ma super vision périphérique et quant à Just Dance, ça peut encore se faire, à condition de sortir de cette situation évidemment." Il avait l'air d'être en totale maîtrise de l'affaire mais c'était sans compter sur la malice de Maze qui se lança à le chatouiller, laissant Wren en très mauvaise posture. Il tenta de se débattre puis finit par comprendre qu'il devait se retirer de cette fichue doudoune avant de faire quoique ce soit. Cela ne fut pas une mission aisée mais il réussit à abandonner le vêtement pour se retourner vers Maze et lui attraper les mains. "Et après, tu dis que c'est moi qui est déloyal, t'as du culot! Tu sais franchement pas dans quoi tu te lances, Maze." Et ce fut à son tour de chatouiller la jeune femme, très loin de ce qu'il pouvait accomplir habituellement. "Surtout, tu me dis quand t'es prête à abandonner la partie hein." Cette vengeance était franchement de mauvaise augure mais Wren n'avait pas envie de s'arrêter en si bon chemin, étonnamment.

Il n'y avait pas grand chose de normal dans cette rencontre, c'était le moins que l'on pouvait dire. Mais, étrangement, Wren n'avait pas la sensation que c'était la première fois qu'il passait du temps avec Maze. C'était tout du moins l'impression qu'ils donnaient tous les deux à raconter tout et n'importe quoi, entre la cuisine qui sentait encore le brûlé et le salon où traînait des carrés de sucres. Non, vraiment, il n'y avait rien de conventionnel dans ce qui était en train de se passer: ils avaient passé les dix premières minutes à se hurler dessus à cause de coquillettes cramées dans un coin de salle de bain. C'était déjà quelque chose de plus ou moins unique dans le genre, non pas que Wren ait pris l'habitude d'exploser des portes pour sauver le monde d'un incendie d'envergure. Incroyable mais c'était la première fois qu'il se prenait pour Tom Cruise, il espérait d'ailleurs être un peu plus sexy que ce scientologue de bas étage mais là n'était pas le coeur du problème. Non, maintenant, Wren devait suivre les délires de la jeune Crawley et c'était étonnant mais il s'en sortait bien. A croire que l'adrénaline l'avait rendu hyper réceptif à son humour décapant. Lui qui ne souriait pas beaucoup habituellement devait avoir sorti trois ou quatre rictus en l'espace de deux minutes, une première que Maze ne pouvait même pas mesurer puisqu'elle ne le connaissait pas encore suffisamment. Heureusement pour Doherty, sa réputation était sauve a priori puisqu'il n'y avait pas l'air d'avoir de caméra pour immortaliser ce moment d'une douceur incroyable pour lui. Le suédois avait l'air tout à fait à son aise, à sortir des jeux de mots aussi pourris que sa partenaire de fortune et clairement, on aurait dit qu'ils retournaient à l'adolescence. Enfin, l'adolescence, Wren ne l'avait pas vraiment vécue puisqu'il avait dû gérer sa mère qui sombrait dans la folie et s'occuper des jumeaux plus jeunes que lui. Cela voulait dire qu'il devait les réveiller chaque matin, les habiller, tenter de leur faire un petit déjeuner sans les empoisonner, être un père de substitution en somme. On n'aurait pas dit en le regardant mais Wren avait une tendance papa poule qu'il cachait parfaitement, il tenait à rester crédible dans son rôle de pompier glamour. Bon, il n'avait jamais été tellement glamour puisque ce n'était jamais lui qui gagnait le prix de Mister pompier de la caserne car, oui, c'était tout à fait le genre de la maison d'organiser une fête de ce style. Et forcément, Wren était le premier à ronchonner et à regarder le délire se faire avec une clope a bec, quelques remarques acerbes et un appareil photo parce qu'il aimait bien conserver des traces de honte chez ses coéquipiers au cas où ils avaient envie de le faire chier un jour futur. "Figure toi que j'étais déjà contaminé avant de te rencontrer, heureusement d'ailleurs ou je me serais vengé... Je sais pas comment mais je suis sûr de trouver une technique de torture adaptée pour toi." Il lui fit un clin d'oeil, du genre taquin, le genre de gestes qu'il ne valait mieux pas voir chez Wren vu qu'il était capable de partir en mode séducteur du jeudi en l'espace de dix secondes top chrono. "Les signaux de fumée occasionnels, ça c'rétro. J'adhère." Et vu le nombre de clopes qu'il fumait, il n'aurait pas beaucoup de mal à appeler Maze, peut être même sans le vouloir au bout du compte. "J'ai combien de temps pour trouver un truc qui me ferait regagner du capital séduction à tes yeux? Que je me prépare gentiment..." Comme si Wren était en mesure de récupérer quoique ce soit, il n'arrivait déjà plus à se récupérer lui même quand il buvait un ou deux verres de trop la veille alors envisager qu'il puisse gagner quelques points supplémentaires en termes de charisme et de capital séduction, c'était certainement une requête hors de portée pour lui à l'heure actuelle. "Me dis pas le placard à balais s'te plaît, tout sauf le placard à balais! Sous le lit s'tu veux, mais pas le placard à balais." Au fond, il s'en fichait pas mal de terminer là dedans, enfin, cela lui rappelait juste des mauvais souvenirs du temps où son père l'effrayait un peu et où il préférait alors se terrer dans un endroit sombre, le placard à balais, le seul refuge pour l'empêcher de devenir totalement cinglé. Au moins, s'il l'était devenu, il n'était pas seul vu le discours que Maze tenait à ce moment là. Le pire dans tout cela, c'était que Wren était totalement captivé. "Ah ouais, quand même... Du coup, tu cherches ton bonheur dans les soirées costumées? Non, parce que là, ça m'paraît difficile sinon. Finalement, t'es p'tet un pire cas que moi. Si on s'marie pas avant nos quarante ans, on peut envisager de s'organiser un mariage fictif sur le thème Tortues Ninjas, comme ça, au milieu de la foule, on trouvera forcément notre bonheur parmi tous ces bandeaux colorés." Il commençait à raconter franchement n'importe quoi mais Wren n'était pas au bout de ses peines en la matière vu ce dans quoi il se lançait ensuite. Il aurait peut être dû se taire avec cette histoire de jeux vidéos et de doudounes parce que Maze avait l'air déterminée à se battre avec lui pour obtenir gain de cause à ce genre de défis un brin farfelus. Ce n'était peut être pas pire que l'idée du recueil qui fit sourire Wren distinctement, le temps de trois secondes vu que Maze débarquait avec le barda nécessaire à sa souffrance future. "Large, large, c'est vite dit, tu sais..." Il ne se doutait pas une seule seconde qu'elle était très sérieuse et apparemment prête à se lancer au beau milieu du ring. Ce n'était pas Wren qui allait lui rendre la tâche facile, c'était certain. "Je commence à flipper quand tu dis des trucs comme ça, c'étrange hein..." Il ne se démonta pour autant en réceptionnant une Maze sauvage qui commença à se battre avec son corps pour lui enfiler une doudoune largement trop petite pour lui. Wren ne put s'empêcher de rire comme un idiot en la laissant faire, s'imaginant comment la scène devait être vue de l'extérieur, personne n'était là pour voir cela, heureusement. "Là, vraiment, c'est n'importe quoi... Qu'est ce qu'on va faire de nous?" Il commenta alors que Maze avait l'air d'en avoir terminé avec lui, le pauvre pompier ne pouvant plus bouger ses bras vu le bordel qu'elle avait mis avec les manches de la doudoune. Il l'écouta lui murmurer à l'oreille qu'elle avait gagné puisque les objectifs n'avaient pas été clairement précisés. Wren tourna ses yeux verts d'eau vers elle, à peine impressionné vu le sourire qu'il lui tendit. "Non, c'est vrai... Mais on avait pas dit non plus que je devais rester coincé là dedans jusqu'en 2022, si?" Pourtant, c'était une possibilité définitivement ancrée. "Imagine, je m'étouffe..." Et il prépara son coup tout en douceur, faisant tomber Maze sur le canapé, lui tombant sur elle délicatement, faisant le mort avec un sourire aux lèvres. "Puis, là, on est bien dans la merde parce que toi, tu peux plus sortir de là et moi, j'suis hyper confortable si on retire ce côté sans bras à cause d'une doudoune XXS là..." La situation était clairement ingérable, à croire que les mettre ensemble était la pire idée du siècle.

Il n'était pas toujours aussi avenant et c'était peu dire même. Wren n'était pas une personne qu'on pouvait aisément aborder pour la simple et bonne raison qu'il était le meilleur lorsqu'il s'agissait de se protéger du monde alentour. De toute évidence, il n'avait jamais réellement aimer les gens qui l'entouraient. Ils avaient toujours été des tracas supplémentaires et a priori, Doherty n'en avait pas besoin, il se débrouillait très bien lui même pour en trouver. S'il avait vraiment eu un courage quelconque, il aurait tout fait pour s'en aller de sa ville natale, partir le plus loin possible de sa famille et faire table rase de son passé... Mais il n'avait jamais été assez brave pour oser faire quoique ce soit qui aurait pu porter atteinte à ses origines. Quelque part, il aurait eu honte de lui s'il avait été un déserteur et il était probable qu'il se refuse à ce genre d'issues. C'était sûr, il allait souffrir, peut être même qu'il allait en périr de cette famille folle et ses principes à la noix. Wren aurait mieux fait de tout jeter à la poubelle dès aujourd'hui pour pouvoir reprendre le cours de sa vie plus sereinement... Mais avait-il réellement eu une vie en dehors de cette folie ambiante qui caractérisait la sienne? Non, tout ce qu'il avait toujours fait avait tourné autour du bonheur de sa famille, de cette mère qui n'était plus grand chose, de ce frère qui avait fini par sombrer, de cette soeur qui essayait de s'en sortir, elle. Le reste n'avait jamais vraiment eu d'importance pour le jeune suédois. Il était vraisemblablement temps qu'il change sa vision des choses ou alors, il finirait intensément malheureux. Personne ne méritait un tel sort, pas même lui, le passionné des incendies, le martyr de sa propre âme. Wren se torturait déjà assez au quotidien, oscillant entre son envie d'en finir ou bien celle d'aller de l'avant. Jamais il ne prenait sa décision. Jamais il ne brûlait une allumette, jamais il ne la jetait dans la première poubelle venue, jamais il ne sombrait totalement dans le précipice le plus proche. Il subsistait simplement, même si c'était très loin de convenir à un être de feu comme lui. Viendrait fatalement un jour où il lui faudrait plus de sensations que celles qu'il arrivait tout juste à s'octroyer, même s'il n'avait aucune idée de la forme que tout cela prendrait. En attendait, le jeune pompier tâchait de profiter du présent, mettant son cerveau en pause, n'analysant rien du tout si ce n'était cette espèce de moment d'épiphanie qu'il pouvait vivre depuis qu'il avait défoncé la porte de Maze. Il n'y avait rien de normal dans cet instant précis parce que rien ne pouvait avoir de logique à partir du moment où on commençait une conversation avec des remarques acerbes pour finir sur des plaisanteries enfantines avec ce sourire marqué au coin des lèvres, un de ceux que la jeune femme lui rendait le plus naturellement du monde alors qu'elle l'aurait préférablement insulté quelques minutes plus tôt.

Peut être que c'était cela le paradis dont tout le monde parlait tant. C'était cette surprise latente dans la folie de quelques secondes qui pouvaient tout changer. Oui, tout avait pris une forme radieuse depuis quelques minutes et si Wren n'y comprenait pas grand chose, il avait la ferme intention de ne pas changer la donne tout de suite, se lançant corps et âme dans la folie de l'instant, sans en perdre une miette. "Oh bah tu sais, on peut très bien s'échanger nos numéros mais se faire un p'tit incendie de temps en temps pour s'contacter à notre manière. Tout pour garder la flamme intacte, tu vois." Le jeu de mots était facile, peut être même plus facile encore que le clin d'oeil qu'il échangea avec l'organisatrice de festivals, lui qui n'était pas franchement à l'aise en société habituellement. A croire que cette journée changeait la racine même de ce que Wren avait toujours été. Il n'aimait pas être aussi familier avec autrui, c'était devenir vulnérable et évidemment, c'était ce qui l'avait toujours effrayé le plus dans ce bas monde. Se rassurer, c'était toujours ce qu'il avait voulu, ne pas laisser les gens l'approcher de trop près et maîtriser la moindre parcelle d'existence qui l'entourait. Il n'y arrivait plus aussi aisément que par le passé mais peut être qu'il valait mieux cela, finalement. "On laisse tomber la porte blindée alors. Je m'en voudrais de t'mettre sur la paille, je trouverais bien une autre occasion de t'impressionner et de regagner un poil de mon capital séduction." Comme s'il était capable de défoncer quoique ce soit d'autre que la misérable porte qu'on pouvait trouver dans cet immeuble mais c'était toujours plus agréable d'entretenir un mythe. "Non, vraiment, c'est pas ce que j'ai dit. Je dirais pas que c'est trop petit, c'est juste moi qui suis trop grand. Je suis un encombrant, tu vois mais si on me tasse dans un coin, ça peut clairement le faire hein." Il n'avait jamais été discret, c'était une évidence et Maze devait vite le comprendre vu tout ce qu'il pouvait lui dire sans avoir franchement honte. A la place, il continuait sur sa lancée, allant même de plus en plus loin dans la bêtise même, ce qui semblait inapproprié dans ce genre de contextes. L'important, c'était le sourire qu'il était capable de lui faire au moment où elle lui avouait toute la satisfaction qu'elle retirait de la manière dont elle aidait son ego à se développer. Wren n'avait jamais vraiment eu besoin de ce genre d'attentions vu qu'il avait toujours fait en sorte de ne compter que sur lui même. Instinctivement, il avait développé cette confiance en lui même qui aurait probablement dépassé un autre garçon lambda. Le suédois était différent, c'était le moins que l'on pouvait dire puisqu'il osait confesser son amour des Tortues Ninja à son tour, le tout agrémenté d'une fierté qui n'aurait pas dû exister clairement. "Deal. Mais je pense que c'est toi qui utilisera ce super thème en chanson de mariage. Je vais bien me marrer à ce moment là, je t'assure." Wren avait toujours fait en sorte de ne pas s'imaginer un avenir quelconque alors se voir marié, avec une famille et tout ce qui s'en suivait, c'était l'interdit total pour lui. Le futur était sombre, c'était la seule certitude qu'il désirait conserver, histoire de ne pas se faire du mal pour rien. "Tu fais bien de me le rappeler, ouais. Je vais tâcher d'effacer ce moment douloureux de ma mémoire, tiens." Il recommença à lui lancer un clin d'oeil, persuadé qu'il y avait bien pire sur cette planète que les piètres talents artistiques de Maze. Les siens, par exemple. Ou bien leur humour, à tous les deux. "Ouais, c'est une juste une note d'encouragement comme j'étais persuadé que tu pouvais faire mieux dans l'atroce..." Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, une belle paire d'idiots et ils n'avaient pas l'air prêts à s'arrêter en si bon chemin. Enfin, Wren réussit à retrouver son sérieux un quart de seconde pour pouvoir avouer à la jeune femme qu'il aimait énormément la mythologie, la seule part de lui qu'il arrivait à peu près à faire découvrir à autrui. "Super, je vois que t'es tout aussi saine d'esprit que moi, c'est rassurant... Passion histoires morbides, on pourra en faire un recueil avec tous nos délires à l'intérieur." En parlant de délires, Maze semblait prête à les rendre encore pire qu'ils ne l'étaient déjà puisqu'elle disparut quelques secondes, laissant un Wren pantois sortir de la cuisine. Evidemment, elle n'allait pas le laisser s'échapper comme cela, un Just Dance dans les mains, des doudounes dans l'autre, le pompier n'avait plus qu'à payer la monnaie de sa pièce désormais. "Ravi de constater que t'étais sérieuse, autant pour être témoin de mes talents à Just Dance que pour ce défi de doudounes... Mais tu crois quand même pas que je vais te rendre la tâche si facile, si? Non, parce que m'asseoir franchement, ça enlève au moins la moitié du fun de l'affaire. Tu vas devoir trouver la solution par toi même, Maze, je suis désolé. Quitte à m'en demander beaucoup, autant que ça te coûte aussi, non?" Il la regarda avec un air fier, croisant les bras en la voyant avec ses doudounes à la main. Décidément, ils allaient bien rigoler avant d'en arriver à ce repas salvateur. "Du coup, t'as intérêt à t'y mettre maintenant parce que t'as plus que vingt huit minutes pour réussir ton challenge si tu veux voir un peu de danse et une histoire passionnante sur la Grèce antique." Il se posta devant elle, la toisant de sa grande taille, un sourire admiratif étirant ses traits. "Oh et bien sûr, interdit de tricher en montant sur une chaise ou le canapé, hein..." De quoi rendre l'affaire encore plus complexe, du Doherty tout craché.

Prendre des risques était devenu son quotidien, sans même qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte. A moins qu'il n'ait jamais eu le courage de s'avouer fou. C'était même plus certainement la seconde option: Wren avait toujours eu peur de sa propre personne et il continuait à être cet idiot qui appréhendait le moment où il devrait se regarder dans le miroir. C'était une sensation tout à fait étrange au final: il avait l'air de s’idolâtrer mais derrière cet apparat doré, Doherty cachait ce qui le troublait plus que de raison. Il sentait l'ombre qui le tourmentait, il avait surtout conscience que ce côté obscur ne disparaîtrait pas de sitôt, quoiqu'il puisse en faire contre cette réalité. Forcément, il ne pouvait qu'avoir peur du jour où il ne pourrait plus combattre quelque chose d'aussi puissant... Wren n'était pas aussi fort, il ne l'avait jamais été. Tout ce qu'il avait pu faire, c'était faire semblant de l'être. Oui, il avait été ce pilier pour sa famille, se sentant obligé de demander des comptes aux jumeaux pour avoir un rôle quelconque à jouer dans l'avenir de leur famille brisée. Au fond, le pompier savait que tout cela n'avait plus lieu d'être. Cela faisait dix ans que les Doherty n'existaient plus, il y avait encore tous les souvenirs seulement. Pourquoi alors une partie de lui voulait-il y croire encore? A croire qu'une once de naïveté résonnait encore au fond de lui, même si ce n'était qu'une petite voix craintive et qui n'apportait que peu de conséquences sur ses actes quotidiens. Wren n'allait pas de pair avec le mot espoir, c'était le genre de discours qu'il se répétait constamment depuis une décennie, simplement parce que c'était bien plus aisé de se croire intimement mauvais plutôt que d'essayer d'être une meilleure version de soi. Par moments, c'était un crève-coeur de réaliser qu'il n'était pas en mesure d'être comme tout le monde, de juste s'armer d'un sourire en postant son reflet dégingandé dans la glace lorsqu'il rentrait de garde. Pourtant, il avait des jolis yeux et on lui avait souvent répété qu'il reflétait le paradis, une bien belle connerie selon lui. Après tout, ce n'était pas les gueules d'ange qui étaient les pires raclures sur cette planète? Enfin, il lui avait semblé qu'il avait lu un bouquin sur le sujet, quand il avait encore le cran de se perdre dans des lignes et des lignes de thèmes tous plus déprimants les uns que les autres. Il avait tout arrêté, préférant largement vivre la passion du feu comme son divertissement principal. Sur le papier, tout cela paraissait bien agréable, si seulement Wren n'était pas un fils Doherty, un fils de la pire espèce qui arpentait encore ce monde. Il avait toute sa conscience pour oser penser ainsi et peut être qu'il fallait penser à lui filer une médaille pour ce simple fait: il voulait préserver les gens autour de lui en s'éloignant dès que le mal rôdait autour dans ses entrailles, quelle bonté d'âme.

D'ailleurs, il aurait pu envisager ce genre d'actes de samaritain s'il n'était pas totalement obnubilé par les monologues de Maze. Ce grain de folie qu'elle avait emporté tout sur son passage, et notamment la maîtrise que Wren pouvait avoir sur lui même dans d'autres circonstances. Il ne pensait plus au mal qu'il ressentait trop fréquemment au fond de son coeur, encore moins les blessures qu'il pouvait infliger s'il s'approchait trop près de ce genre de personnes si belles, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il devenait trop insouciant, à écouter les mots de Crawley, comme si ceux-ci pouvaient panser la moindre de ses plaies s'il se laissait l'opportunité de fermer les yeux. Il n'allait pas jusque là néanmoins, s'osant à répondre à la jeune femme, comme si ce jeu était le meilleur qu'il ait connu jusque là. En un sens, c'était le cas. "Ca m'en a tout à l'air, ouais... Mais tu sais qu'y a des gens qu'ont inventé le téléphone? Ca peut p'tet suffire pour qu'on reste en contact d'ici dix ans. Mais le feu, je prends aussi bien évidemment." Il lui fit un clin d'oeil, sachant pertinemment que le feu était la plus belle chose qu'il avait dans sa vie. Wren ne pouvait pas tellement mentir à ce sujet vu tout le temps qu'il passait à la caserne ou bien avec un briquet entre les doigts. N'importe qui se demanderait s'il n'avait pas un problème avéré avec un des quatre éléments mais le jeune Doherty avait toujours un prétexte pour faire taire cette ambiguïté le concernant. A ce moment là, il n'en était même pas question véritablement vu que la conversation tournait autour des histoires de doudoune de Maze. Wren tentait de s'imaginer la scène mais le tout semblait tellement improbable qu'il ne put lancer qu'un regard ébahi à sa comparse. "Et bien écoute, j'attends de voir ça... Sincèrement." Le tout sonnait comme un challenge, le genre de défis totalement improbables qui pouvaient aboutir à tout et n'importe quoi. Apparemment, c'était leur fort ce jour là vu le nombre de bêtises qui avaient pu être débitées depuis que Wren avait revêtu son uniforme de pompier pour sauver l'appartement de Maze des flammes. Personne n'aurait pu s'imaginer qu'ils s'entendraient si bien après une telle entrée en matière mais plus rien ne pouvait être réellement surprenant après leur aventure folle. Ca peut être une bonne idée la porte blindée! Comme ça, j'ajouterais un passage par ta porte d'entrée dans mon training quotidien et celui là est totalement gratis, parfait!" Pas sûr que les propriétaires de l'immeuble apprécient la plaisanterie par contre mais après tout, ils n'avaient qu'à faire le nécessaire pour empêcher les effractions. D'ailleurs, Wren avait toujours été inquiet pour la sécurité de sa mère, rien que pour cela. "Et tu foutrais où quelqu'un d'aussi grand? Je passe pas dans le frigo et vu la place que j'prends dans ton salon, tu serais vite à l'étroit chez toi, même si l'idée d'être une bouée de sauvetage quotidienne n'est jamais déplaisante, faut l'avouer que ça fait du bien à l'ego ce genre de périples..." Il avait toujours juré dans le décor, mais peut être que celui-là lui était plus cordial au bout du compte. Il y avait comme un aura chez Maze, une ambiance qui l'apaisait ce qui arrivait franchement très rarement avec un garçon comme lui. Il était même tellement à l'aise qu'il avait proposé de jouer aux apprentis cuisiniers avec sa nouvelle rencontre. Armé d'un économe, il était tout à fait dans son élément, ce qui avait l'air surprenant. Bien vite, il s'attela à la tâche, tout autant concentré sur sa préparation que sur les faits et gestes de Maze. Celle-ci avait préparé une casserole indemne du départ d'incendie tout en mettant un fond sonore qui apportait d'autant plus de quiétude dans la pièce qui sentait beaucoup moins le brûlé que quelques temps auparavant. Wren pouvait écouter la brune sans se lasser, une habitude qu'il avait toujours eu, lui qui n'était pas un grand bavard mais qui s'accoutumait bien plus du rôle de l'oreille. A croire qu'en l'espace d'une heure, il saurait tout sur Maze Crawley, du moins, c'était ce rythme effréné qui était lancé désormais. "Donatello, hein? Je dois t'avouer que je m'identifie pas mal à Raphaël de mon côté... Voilà, comme ça, on est quittes niveau secrets ridicules. T'as de bons goûts musicaux, ça se sent, et puis faire dans l'originalité, c'est pas plus mal, surtout pour un mariage. J'suis sûr que j'mettrais un truc style le générique des tortues ninja justement à ce genre d'événements. Ras le bol des trucs sur l'amour éternel, faut commencer à détruire les clichés. Et je tâcherais de m'en rappeler pour le chant et la danse, histoire de pas finir fou d'avoir été témoin d'une de tes représentations." Il eut un léger rire, certainement parce qu'il n'était pas mieux loti de son côté. Être artiste n'avait jamais été dans les prérogatives de Wren, la seule chose qu'il contrôlait, c'était le feu. Il n'avait pas d'autres talents, pas d'autres intérêts notables et c'était ce qu'il détruisait parce qu'il ne serait jamais en mesure de l'avouer à qui que ce soit, certainement pas à Maze qui respirait l'espoir et la joie de vivre. "Je dirais pas que c'était lamentable mais... Sur l'échelle de la drôlerie, ça devait se situer vers les deux, ce qui est déjà pas mal pour un échauffement, je te rassure." Il s'arrêta un court moment, comme s'il était capable de trouver une réponse appropriée à donner à Maze. Des sombres secrets? Il en avait des centaines et aucun d'entre eux ne pouvait vraiment être confessé autour d'une recette de pommes de terre. "Est ce qu'être un adepte de mythologie peut être classé dans la catégorie sombres secrets? J'ai une collection pas croyable autour de Prométhée, me demande pas pourquoi. Et sinon, j'ai un talent avéré à Just Dance, ça c'est ultra sombre, le monde en fait sûrement des cauchemars à l'heure où je te parle." Il ne pouvait pas tout confesser, peut être qu'il ne le pourrait jamais parce que Wren n'était pas à l'aise avec tout cela, avec ces peines qui ne s'effaçaient pas, avec ces peurs qui le tétanisaient, cet avenir qui l'effrayait plus que tout. Pour l'heure cependant, il arrivait à en sourire en mettant à cuire sa recette suédoise, se postant contre le comptoir de la cuisine, l'air assuré et les bras croisés. "Désolé mais maintenant, on a trente minutes à perdre avant de pouvoir goûter... Ta glycémie va survivre ou faut que je te trouve un en-cas avant cela? Dans le pire des cas, tu peux toujours te reposer sur le canapé, je ferais pas de zèle, promis." La quiétude était de mise chez Wren, c'était un fait suffisamment rare pour être noté, ses yeux verts pétillants de malice comme il ne l'avait plus fait depuis ses quinze ans. Comme quoi chaque jour pouvait promettre de nouvelles surprises, si on se laissait aller pour les accueillir sereinement.

Les tragédies étaient partout, pas seulement chez les Doherty. Finalement, il s'en sortait plutôt bien pour un garçon qui avait été témoin d'un incendie aussi grave que celui qui avait mis fin à son équilibre familial déjà, si on pouvait dire qu'il y en avait eu un à un moment donné. Il s'était vite remis sur pied, tout adolescent qu'il était, plus par habitude que par réel élan de courage. Wren n'avait jamais été un gamin comme les autres et il n'avait pas accouru chez le thérapiste du coin pour évacuer ses démons. Au contraire, il avait tout gardé au fond de lui en espérant que le temps ferait son travail, c'était ce qu'on lui avait toujours asséné. Le temps par ci, le temps par là, comme si des aiguilles qui tournaient autour d'un cadran pouvaient lui permettre de pardonner à son géniteur ses actes ignobles. Wren n'en serait peut être jamais capable, surtout lorsqu'il sentait tout le mal qui s'était propagé en lui depuis ce jour là. Il était un Doherty, un vrai et il méprisait ce fait plus que les médias à l'époque. Le pompier aurait certainement vendu père et mère pour naître dans une nouvelle famille, avec un nouveau nom, même s'il aurait eu le coeur brisé de quitter sa suédoise. Sa génitrice avait toujours été un cocon réconfortant pour lui, c'était simplement aujourd'hui que leur relation si parfaite commençait à se fissurer... Enfin, Wren savait que tout cela leur pendait au nez depuis des années mais jusque là, il avait tout fait pour fermer les yeux. Perdre sa mère, c'était la tragédie de trop, celle dont il n'était pas certain de se relever, même s'il jouait au gros dur de service la majeure partie du temps. En vérité, le jeune Doherty était loin du compte lorsqu'il s'agissait de sa famille, il hurlait constamment contre ses cadets, s'insurgeait du comportement stupide de sa mère mais il finissait toujours par accourir si l'un d'entre eux avait un problème quelconque. Quelque part, il avait pris le rôle du patriarche, même si ce n'était clairement pas le sien vu à quel point il devait lutter contre lui même. Wren n'était pas stable, il ne l'était pas depuis qu'il avait compris qu'il ne méritait pas l'amour d'un père et peut être même pas celui de sa mère. Voilà pourquoi il ne s'autorisait pas à vivre des relations exclusives, persuadé que la sentence serait sans appel: la souffrance. C'était le seul rendez-vous qu'il semblait s'être fixé, alors Wren préférait s'éviter de la rencontrer trop tôt. Être seul, c'était toujours la solution de facilité et puis, lorsqu'on était un pompier écervelé comme lui, on ne l'était jamais réellement. Cette façade de dureté qu'il affichait, c'était ce qui l'accompagnait toujours, cela et les flammes. Sa vie entière résidait dans cette vérité loin d'être douce pour le commun des mortels.

Pas étonnant donc que personne n'arrivait franchement à saisir Wren Doherty, vu le comportement qu'il affichait la plupart du temps. Après ce début houleux avec Maze, le jeune pompier avait l'air de changer de fusil d'épaule, peut être parce que cette jolie brune l'attendrissait. Elle avait un sacré caractère aussi et en général, les répliques cinglantes l'aidaient à se calmer. C'était la technique qu'avait employé sa mère avec lui pendant la majeure partie de son adolescence et c'était peut être la seule qui avait eu un effet quelconque sur lui. Alors, il était plus facile pour Wren de se laisser aller avec Maze à partir de cet amalgame, même s'ils avaient l'air de deux adolescents idiots vu les plans sur la comète qu'ils pouvaient faire. Comme si se reconvertir en tueurs allait les sauver de leur propre bêtise. "C'est un marché alors, si on se côtoie encore dans dix ans... Ca devrait être un marché ça aussi, pour le coup." Ils venaient tout juste de se rencontrer pourtant mais Wren ne le sentait pas ainsi, étrangement. Comme quoi défoncer la porte des voisins de sa mère pouvait avoir du bon pour ses relations sociales. Il ne sortait pas beaucoup ces derniers temps, pour être honnête, et si sa seule manière de décompresser entre ses disputes avec la suédoise consistait à sauver les jeunes femmes d'incendies meurtriers, Wren acceptait le challenge sans sourciller. Et Maze avait l'air d'en faire autant, enchaînant avec une autre réplique qui prit de court Wren, du moins en apparence vu le regard qu'il lui lança. Comme si c'était un défi de l'habiller. "Tu risquerais gros et puis, comment tu comptes faire pour gérer notre différence de taille? Pas facile le duo de doudoune à partir de là..." Il était même en train d'y réfléchir, comme si la conversations qu'ils menaient avait un quelconque sens depuis quelques minutes. Au moins, ils s'en amusaient, autour d'un café par dessus le marché, après avoir presque sué pour réparer une porte qui avait définitivement souffert de l'entrée fracassante du pompier. "Je vais faire des cauchemars à cause de toi. Tu m'excuses mais je pense que je préfère largement défoncer ta porte cent fois et la réparer juste après plutôt que de subir ce genre de moments gênants avec ton voisin... Tant pis pour mon capital séduction du coup, je prends le risque." Il osa un clin d'oeil en direction de la jeune femme, avant que leur discussion ne dérive vers sa maladie. Wren comprenait bien mieux les aiguilles et quelques morceaux de sucre qui parsemaient les lieux. De toute manière, il se serait bien caché de faire un quelconque commentaire vu son propre mode de vie. Maze était courageuse en tout cas, ce qu'il n'avait pas toujours été de son côté, se perdant dans les tréfonds de la drogue plutôt que de prendre son courage à deux mains pour surmonter ses difficultés. "T'en fais pas, il en faut beaucoup pour me faire culpabiliser. Et puis, dans le pire des cas, si t'avais fait un malaise, j'aurais pu jouer au pompier doublement, soyons juste heureux que ta glycémie ait été cordiale sur ce coup là pour rester à peu près stable." D'ailleurs, il était temps de s'occuper d'elle, Wren ne voulait tout de même pas être à l'origine d'un quelconque pépin physique à la jeune femme. Elle avait l'air solide mais on n'était jamais sûrs de ce qui pouvait se passer et dans ces moments là, il avait toujours des idées ingénieuses pour rattraper la situation, comme celle de cuisiner après tout ce désastre. "Et bien écoute, je vais prendre le risque de t'engager comme commis, j'aime vivre dangereusement, vois tu... T'as une casserole vivante pour les patates ou on se la joue sauvage?" Wren se dirigeait bien vite vers la cuisine encore ravagée, se sentant l'âme héroïque en sauvant le lavabo du brûlé qui y avait pris place. "Bon, mon cher commis, amusons nous à éplucher tout ça pour sauver ta glycémie avant qu'il ne soit trop tard... Comme ça, je pourrais entendre un autre de tes sombres secrets pendant ce temps là." La tâche n'était pas si ardue finalement alors que Wren prenait ses aises dans la cuisine qu'il avait mis sens dessus dessous auparavant.

Le phénomène Doherty avait tendance à détonner dans le décor. Il fallait dire qu'on le voyait de loin déjà, du haut de son mètre quatre vingt dix révolu, de son regard électrique, de sa démarche altière et ses manières si froides. Personne ne pouvait l'atteindre, c'était tout du moins l'image qu'il voulait rendre, même si c'était probablement faux. Wren était juste excellent lorsqu'il s'agissait de cacher ses troubles et il en avait eu par centaines ces dernières années. Ses yeux cachaient toujours tout et il avait toujours eu la meilleure méthode pour ne pas laisser entrevoir qu'il ressentait quelque chose... La fuite. La moindre situation qui nécessitait une réflexion lui faisait prendre ses jambes à son cou, bien plus simple que de rester planté là à devoir choisir entre la peste et le choléra. C'était toujours ce qu'il envisageait en tout cas, certainement plus négatif qu'autre chose, comme s'il était persuadé qu'il était poursuivi par une malédiction familiale qui ne le lâcherait pas de sitôt. Allez savoir s'il avait raison ou tort, quand on se penchait sur l'histoire des Doherty, on avait de quoi se poser des questions sur leur quota de chance mais le pompier ne voulait pas se fier à des probabilités. Après tout, il n'était pas comme les autres, il avait du sang suédois en lui, le sang de sa chère mère, le calme incarné, la nature paisible qui lui avait toujours permis de prendre les décisions les plus terribles sans sourciller. Wren espérait encore qu'il finirait par être aussi forte qu'elle, il était juste aussi dur en apparence mais lorsqu'on s'intéressait un tant soit peu à lui, on constatait vite qu'il était bien plus faillible en vérité. Wren prenait tout en plein coeur, il le gardait terré au fond de lui jusqu'à ce que tout explose, qu'il ne soit plus que feu et haineux. Il n'avait pas encore craqué cela dit, il arrivait encore à tenir ce rôle d'homme bon, fier à ses racines mais le pompier savait tout aussi pertinemment que la bascule était proche, surtout ces derniers temps. Il n'avait pas été le roi des bonnes décisions au cours des semaines précédentes: entre ses écarts de conduite, ce sentiment de fatigue généralisé qu'il faisait vivre par des soirées endiablées et cette sensation qui lui collait au corps de ne pas trouver sa place quelque part. Au fond, Wren commençait à se poser énormément de questions, certainement parce qu'il sentait que sa mère sombrait définitivement et qu'il allait devoir trouver comment avancer si jamais elle était amenée à partir plus rapidement que prévu. Le suédois en lui détestait cette perspective et sa seule façon de le gérer, c'était de se mettre en colère, de s'enflammer jusqu'à ce que, justement, le feu soit devenu lui ou bien qu'il soit devenu le feu, au choix.

Le feu était le socle de tout dans la vie de Doherty et ce jour là l'avait encore prouvé puisque c'était ce fautif qui lui avait permis de rencontrer Maze. Elle ne semblait pas commune, loin de ces stéréotypes de filles qui ne vivent que pour embrasser ce rôle de perfection que les médias cultivaient. Wren n'avait jamais aimé cela mais là encore, il n'avait jamais vraiment fait partie de cette société où tout était faux mais tout semblait vrai. Ce n'était pas ce qui intéressait le jeune homme, il vivait le plus simplement du monde et il avait tendance à se conforter dans ses idéaux, une manière comme une autre de garder le contact avec sa mère qui désirait encore plus rester en marge. Maze, elle, jouait la carte de la différence: c'était du moins ce que Wren avait pressenti en l'écoutant lui parler, rôle dans lequel il excellait vu à quel point il était peu bavard habituellement. Cela semblait changer à ce moment là, peut être parce qu'il n'y avait rien eu de conventionnel depuis qu'il était entré en trombe dans un appartement qui menaçait de brûler. La glace avait été brisée aisément à partir de là, que ce fut dans la colère au premier abord ou bien dans la douceur quelques minutes plus tard. Désormais, ils partageaient un moment de quiétude autour d'un café, à plaisanter comme s'ils étaient encore assez insouciants pour cela. "Y a pas à dire, l'économie souterraine, c'ce qui marche le mieux alors ce serait la meilleure reconversion du monde pour nos comptes en banque." Il fallait dire que le sien n'était pas toujours bien rempli, avec ses excès et les soins qu'il payait pour sa mère, en plus des conneries constantes de son petit frère. Wren avait l'air d'une bonne poire mais faire en sorte que sa famille ne manque de rien, c'était ce qui le faisait tenir debout la plupart du temps, peut être parce que ces moments là marquaient un oubli de lui même... Plus de feu qui vibrait dans son âme, plus l'envie de le voir gagner du tout. "Franchement, si tu veux augmenter ton capital succès en un rien de temps, c'la solution miracle... A côté le dénudage, c'est zéro pointé." Comme s'il y connaissait quelque chose en la matière vu sa présence quasi inexistante sur la toile mais Wren aimait faire croire qu'il maîtrisait ces choses là, juste histoire de dire qu'il était à jour et qu'il faisait encore partie de ce monde d'une manière ou d'une autre. Un bien beau mensonge. "Pour me mettre en boîte, c'est pas le sujet qui va fonctionner, c'est sûr... On a toujours chaud du côté suédois, faut croire, on tient pas la route avec trop d'habits, surtout ici, sans rire, quelle idée de se retrouver en Australie." Il n'était pas encore nudiste pour autant, à croire qu'il avait un minimum de conscience pour rester du côté des gens qui conservaient une barrière avec la planète autour d'eux. De toute façon, Wren cherchait toujours à se protéger de tout et tout le monde, les vêtements n'étaient qu'une technique supplémentaire dans ce genre de cas. "Une anglaise, gastronome et sans filtre... Les clichés sont détruits en un rien de temps avec toi, c'est merveilleux. Merde, du coup, faudra que je récupère mon capital séduction en défonçant la porte du vieux voisin le prochain coup." Il ne montrait pas plus d'émotion que cela avec son demi sourire, certainement parce que ce n'était pas le genre de sujets qui le troublaient beaucoup en règle générale. Il en fallait beaucoup pour le déstabiliser... Peut être que ce qui suivait en faisait partie d'ailleurs. Voilà qu'il se retrouvait à écouter une partie de l'histoire de Maze et il comprenait vite bien mieux les quelques détails qu'il avait pu percevoir en visitant son appartement. Chacun avait ses soucis mais c'était quelque part rassurant de ne pas être le seul à devoir subsister face à un mal qui pouvait remporter la partie à tout moment. "Merde, j'me sens con maintenant... J'aurais pu me retrouver dans une sale position si t'avais fait une syncope dans ta salle de bain avec un taux de glycémie problématique. A croire que t'aurais dû l'afficher sur la porte d'entrée, "si jamais vous voulez sauver le monde, évitez de faire dégénérer ma glycémie, cordialement", j'm'en rappellerais à l'avenir cela dit..." Une manière très Dohertyenne de s'excuser pour sûr mais Wren n'était pas vraiment à l'aise avec ce genre de gestes. A la place, il lui fit un sourire d'une rare intensité pour lui, et naturel de surcroît, ne sachant pas très bien ce qui pourrait raconter à Maze après un tel récit. "Est-ce que c'est un sombre secret si j'avoue que je cuisine la pomme de terre comme personne? Un truc de suédois, paraît il... Mais comme t'as ruiné ton repas, p'tet qu'on peut encore réparer le coup, histoire de te sauver d'une hypothétique crise ou j'sais pas..." Après pompier, ébéniste, Wren devenait cuisiner, tout cela en une seule journée, au beau milieu de l'appartement de Maze Crawley, une date à marquer quelque part assurément.