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A son tour, Swann se contente de sourire lorsqu’elle lui adresse des remerciements qu’il ne juge pas avoir lieu d’être. Elle ne lui en redevable de rien et sans doute que la blonde le saurait s’il lui avait laissé entrevoir plus de sa personne que cela n’a été le cas jusqu’à aujourd’hui. Swann n’a jamais voulu lui cacher certains aspects de sa personnalité, il n’a simplement jamais trouvé le moyen de les lui partager sans que le pathos n’en soit trop immense, démesuré même. Maintenant face à elle, il a la certitude que les mots ne sauraient rester protégés entre ses lèvres bien longtemps. Une fois Noah et son insouciance derrière eux, il craint moins d’avoir de mauvais mots ou de commettre un impair et se sent libéré d’un certain poids dont son neveu n’a sûrement aucune idée de l’existence. Il est bien mieux là où il est, à agiter ses sorbets sous le nez d’un Matt qui le déteste autant qu’il l’aime.

La plage se dessine un peu mieux à chacun de leurs pas et Swann trouve bon de lui demander une bonne fois pour toutes les raisons qui l’ont conduite à choisir une telle reconversion. Les ignorer n’a jamais été un frein aux éternels encouragements qu’il a pu avoir à son égard et à vrai dire il ne s’était même jamais posé la question jusqu’à ce jour. Il faut croire que se trouver face à une personne laisse remonter d’autres questions, d’autres pensées aussi. Il avait totalement oublié son parfum, depuis l’épisode Suisse. Aujourd’hui, il est teinté de framboise, chose qu’il sait qu’il gardera en mémoire bien plus longtemps que nécessaire.

« Ce n’est pas tout à fait ça. » Alors il se fait à l’écoute, Swann, ne demandant qu’à avoir un avis éclairé sur la question. Elle lui dira tout ce qu’elle veut bien lui dire et il n’osera jamais poser davantage de questions, déjà troublé à l’idée d’avoir abordé un point qu’il ne savait pas sensible. Bien au contraire, il pensait lui éveiller de doux souvenirs emplis de nostalgie que Noah avait déjà contribué à faire resurgir ; rien d’autre. L’anglais se fait donc silencieux pour la laisser réfléchir et trouver des mots aussi justes que possible. Lorsque le bleu de ses yeux le quitte, il pose ses propres prunelles plus loin en direction du large, ne sachant que trop bien quels sont les gestes qui peuvent mettre mal à l’aise - moins ceux qui enlèvent une certaine pression des épaules. Il ne la traite pas comme un être délicat, prêt à sombrer à chaque instant. C’est une certaine fragilité qui continuera certainement de la caractériser (tout comme il en est de même pour la sienne propre), mais cela ne la définira pour autant. Son secret est bien gardé entre ses mains, il le restera tant qu’elle ne fait pas la demande express du contraire. “Je sais y faire en histoire moins joyeuses.” Il n’ose pas dire ‘en histoire qui se finissent mal’ de peur que ses mots soient mal interprétés mais ses pensées restent les mêmes. S’il ne s’est jamais attardé sur sa propre existence et ses aléas, il souhaite pourtant lui faire comprendre qu’il a connu bien des épreuves, sans sa propre existence ou celle de ses proches, et par conséquent il ne risque pas de prendre peur, peu importe ce qu’elle pourrait lui dire. “A mes yeux, l’art et la comédie sont semblables à bien des niveaux.” Surtout parce qu’il a un point de vue scientifique, là où en retour beaucoup diraient qu’entre cardiologue et chirurgien, c’est sûrement du pareil au même. Il s’en étoufferait mais espère que ce n’est pas le cas de la jolie blonde à ses côtés. Tous les acteurs sont des artistes, et pour en avoir côtoyé un pendant des années, il ne peut pas nier un seul instant que c’est un travail à part entière, qui demande autant d’efforts que de sacrifices que n’importe quel autre - si ce n’est plus. Maddy créé, voilà ce qu’elle fait. Sur le papier ou devant la caméra, elle invente des histoires et leur donne forme et vie, faisant des miracles à son échelle. Fut un temps, ça aurait été considéré comme appartenant au domaine de la magie.

Elle fait allusion avec tristesse au film qui l’a propulsé sur le devant de la scène, ce qui ne fait que briser une partie du cœur de l’anglais, toujours un peu plus désolé d’avoir lancé un tel sujet de discussion. Pour autant, elle n’a toujours pas répondu à sa question et semble prendre son temps, ce qui à défaut de le faire s’impatienter ne lui fait rien présager qui aille. « Malgré l’intrusion des journalistes, j’ai toujours réussi plus ou moins à préserver ma vie privée. » Il a un rire triste et incontrôlable, quand bien même il n’est question que d’un seul soubresaut, une simple expiration même. Il sait bien que les journalistes peuvent être bien trop curieux, et pire encore pour les paparazzis. Il n’y a plus aucune limite entre vie privée et public, problème dont Maddy a fait les frais durant de longues années. “Tu t’en es bien sortie.” Pour une actrice éternellement sur le devant de la scène, elle n’a finalement que peu attiré la curiosité déplacée des journalistes. Raisonnablement, tout du moins, et surtout en comparaison à d’autres. "Ça faisait partie du deal. Implicitement, je veux dire. On ne parle pas des aspects négatifs de nos vies par téléphone.” Surtout pas à une personne rencontrée une et une seule fois, quand bien même le contexte était tout particulier et laissait déjà présager une part d’ombre en elle. “Tu remuerais pas la merde pour autant Mad’. C’est normal de ne pas avoir une vie parfaite.” Elle peut lui en parler. Elle n’a pas à faire semblant ni même à prétendre face à lui et rien de ce qu’elle pourrait dire ne le ferait fuir. Il affiche un sourire simple mais assuré pour tenter de l’en convaincre avec le moins de mots possibles, soucieux à son tour de ne pas la mettre mal à l’aise.

Leurs pas s’arrêtent dans le même élan, il calque son propre rythme au sien. « La raison pour laquelle je me suis spécialisée dans la littérature jeunesse c’est parce que je n’aurais probablement jamais la chance de connaître un mini moi qui me réclame absolument de la glace en goûter... ou n’importe quoi d’autre d’ailleurs... » L’anglais émet un second souffle, lequel se perd rapidement dans le vent côtier. Ce sont des problèmes qu’il ne peut pas totalement expérimenter mais qu’il a au moins la prétention et l’audace de comprendre. “Je suis désolé.” Elle aurait fait une excellente mère et il ne revient pas sur ces mots : il se contente de ne pas les répéter pour ne pas enfoncer à nouveau le couteau dans une plaie qu’il devine béante. Il est encore trop tôt pour parler bébé avec Lucia mais il a bon espoir de voir des mini-lui fouler le sable australien à son tour, et il serait sûrement tout aussi attristé que Maddy si on venait à lui refuser cette chance. “Tu le sais déjà mais tu peux avoir des mini-toi qui réclament de la glace sans qu’ils soient de ton propre sang.” Il n’est personne pour lui donner une leçon sur comment fonder une famille au XXIe siècle mais pour s’être lui-même renseigné sur l’adoption en Australie il y a quelques années de ça (deux, en réalité), il sait au moins de quoi il parle. “Je n’ai aucun mal à imaginer que ce n’est sûrement pas ce dont tu rêvais. Tu n’as pas à te sentir mal si tu ne veux pas avoir recours à d'autres moyens.” Il ne prononce pas le mot ‘adoption’, soudainement jugé trop dur pour la discussion qu’ils partagent. Ne sachant exactement ce qui l’empêche d’avoir des enfants, il se garde bien de demander des détails personnels et intimes qu’il n’a pas à connaître. "Ça ne t'empêche pas de rendre heureux des centaines d'enfants." Swann tente de trouver de quoi lui remonter le moral, bien qu'il n'ait aucun mal à anticiper qu'aucun de ses mots ne sera assez fort pour rivaliser avec la chance de mettre un enfant au monde et le voir grandir. "J'ai une soeur qui a mon âge. Elle a eu un second fils il y a quelques jours, je ne peux pas m'empêcher de penser que ça signifie que je suis en retard pour avoir des enfants, moi aussi." Surtout alors que Jillian a donné naissance à ses jumeaux il y a quelques mois déjà, que Matt est marié depuis presque un an et ne tardera pas à agrandir le clan des cousins à son tour. Lui n'aurait jamais l'idée de précipiter les choses avec Lucia mais il ne peut que comprendre le besoin et l'envie dont lui parle Maddy, alors il essaye de lui faire comprendre qu'ils peuvent partager ce sentiment. Il préférait quand ils partageaient leurs rêves et leurs rires mais les aspects négatifs de la vie doivent s'ajouter peu à peu à l'équation, dorénavant. "Et je n'ai aucune excuse. Enfin, je crois pas ?" Son rire n'est pas triste, simplement ô combien maladroit. Il essaye de lui arracher un sourire en retour, voilà tout. "Ce n'est pas une partie de ta vie que tu peux contrôler. C'est pareil avec ton corps. Mais tu l'as fait avec ton métier, tu as eu le courage de tout recommencer à zéro. C'est tout ce que retiendront les gens, et même les fouineurs de journalistes." Qu'elle est une personne courageuse et audacieuse, une jeune femme qu'il est fier de pouvoir compter dans ses amis.

"Allez, viens." Dans un sourire plus assuré, il l'enjoint à avancer sur la plage une bonne fois pour toutes. Là-bas au moins, ils pourront simplement s'asseoir dans un coin et oublier le regard d'inconnus capable de la reconnaître à tout instant. S'il place la pulpe de ses doigts contre son dos une seconde, il les retire bien vite, certain qu'elle n'a besoin de personne pour avancer ni même lui montrer le chemin à suivre.