Le téléphone sonne, peut-être pour la cinq-cent-cinquantième fois aujourd’hui. Qui a dit que maman était dépourvue d’instinct maternelle ? C’est certain qu’à harceler Cora de la sorte, celle-ci doit bien sentir comment la demoiselle se sent bien merdique aujourd’hui. Bref, peu importe la raison de l’appel, Cora ne décrochera pas. Elle n’a pas besoin d’une énième raison pour continuer à broyer du noir dans chaque verre d’alcool qu’on lui tend aux soirées étudiantes. Maman s’en est déjà occupé il y’a un an de cela, en donnant son bébé sans rien demander, en décidant toute seule, sans mettre à profit son instinct de mère et se dire que ça briserait Cora. Elle a donné son bébé. Y’a un an. Un an. Douze mois. 356 jours. Et toujours pas assez de temps pour permettre à Cora de comprendre comment ça s’est passé, et pourquoi et surtout pour qu’elle comprenne la marche à suivre. Et maintenant, quelques jours de cela, Chase en avait rajouté une course en se servant de la jeune femme. Déprimant. Déprimant que ce soit ça qui ait finit d’achever la jeune femme qui, jusqu’à cette épisode, arrivait à montrer un semblant de vie normale. Mais voilà, c’est ça sa vie maintenant, devenir cette nana en soirée qui picole dur sans aucun respect d’elle-même, et c’est encore plus déprimant. Mais, heureusement, l’alcool est là pour l’empêcher de s’en rendre trop compte et de toute façon, c’est pas comme si avant elles, il n’y avait eu d’autres trop gamines célèbres qui avaient joué ce jeu. Elle a juste mis plus de temps que d’autre. Le téléphone sonne à nouveau. Maman. Et Cora se lève pour partir ailleurs, plus précisément vers la cuisine où elle jette le téléphone à la poubelle avant d’apercevoir Heidi un peu plus loin qui discute avec un type. Heidi, c’est son amie. C’est très drôle pour elle de se dire parce qu’avant, des amies, elle n’en avait pas vraiment. Juste quelques autres gamines du show business. Jamais de personne vraie. Pourtant, cette personne vraie, c’était celle qui lui avait présenter le type qui venait tout juste de lui briser l’cœur. Difficile alors pour la rousse de savoir quoi en faire. Elle se dirige pourtant vers elle, légèrement consciente de son air misérable et lâche un simple « hey ! » faute de savoir comment entamer la conversation.

C’est agaçant de voir son sourire. Sa façon totalement décontracté de parler à cette fille pour se foutre de sa gueule à elle aussi. Elle observe de loin, avec l’envie d’intervenir qui la taraude et lui brûle les lèvres. L’envie qui restera là où elle est, parce que Cora ne sait que trop que les scandales ne mènent à rien et qu’elle a déjà perdu bien assez de temps avec ce Chase, cet idiot fini. De plus, elle tient à ne pas se faire trop remarquer, elle ne veut pas être cataloguée de la fille qui s’fait avoir dès la rentré universitaire. Y’en a une chaque année. Qu’est-ce que ce serait si chacun savait qu’il s’agit de Cora Coverdale cette fois ? Alors non, elle ne fera pas parler d’elle. Elle finit par quitter la pièce pour ne pas en voir plus. C’est déjà bien assez ridicule comme ça. Dans ces moment-là, le mieux est d’être avec une amie et parler d’autre chose, quelque chose à trois mille kilomètre de ce qui lui prend la tête ce soir. Et maman qui rappelle encore. Comme si l’univers entier la pointait du doigt. Heureusement, Heidi apparait un peu plus loin dans la cuisine, le temps de jeter le téléphone dans une poubelle pour faire cesser le harcèlement, elles se rencontrent. C’est un petit sourire qui se dessine sur les lèvres de Cora en apercevant Heidi. Elle n’avait jamais eu d’amie avant et avec elle, c’était pas aussi compliqué que ça en avait l’air. C’était juste naturel qu’elles s’entendent. Enfin, jusqu’à ce qu’un brun intervienne et brise le peu d’estime que la rousse avait pour elle-même, un brun qui s’avère être un bon ami d’Heidi. Et depuis, Cora ne sait pas. Elle ne veut pas se retrouver forcée à traîner avec l’autre. « Eh bien dis-moi c’est un tout petit hey. Tout va bien, Cora ? » Non, pas vraiment. Va-t-elle en parler ? Non plus. Ce n’est pas le genre de la maison. Elle hausse les épaules devant son amie. « Je m’ennuie seulement, cette soirée est nulle. A part boire, personne ne fait rien. » dit-elle en s’cherchant une raison d’être pas dans son assiette ce soir, ce qui n’est pas si simple avec l’autre idiot sous ses yeux, venu rejoindre Dean. De quoi appuyer de plus en plus le fait qu’elle aura toujours sa face sous les yeux. « ugh.. » lâche t-elle de dégoût en l’apercevant sans trop que ce soit contrôlé. « Tu veux pas qu’on aille dans une autre pièce ? » voir même dans une autre maison.

Maintenant qu’elle peut enfin profiter d’une vie normale, c’est une bien triste moue qui s’affiche sur le visage de Cora au moment elle déclare cette soirée nulle et n’étant rien d’autre qu’une beuverie. Un qualificatif qui, un autre soir, n’aurait pas sonné si négatif entre les lèvres de la rousse mais rien n’y fait. C’est juste sordide à ses yeux. Probablement parce qu’elle réalise la futilité de la chose et que d’avoir bu à en passer la nuit avec le dernier des crétins, ça fait réfléchir. Néanmoins, tout n’est pas perdu avec Heidi à ses côtés. « Y a un beer pong dans la salle à manger, on peut aller s’y incruster si tu veux » Elle fait non de la tête. Elle ne veut pas ça. A se demander pourquoi a-t-elle décidé de venir ce soir si c’est pour bouder dans son coin. En posant les yeux sur Heidi, elle s’inquiète même que cette dernière lui pose la question. Que fait-elle ici ? Est-elle venue jouer les rabat-joie ? Elle prend un grand souffle, prête à faire un effort. Elle demande seulement à quitter la pièce, pour quitter des yeux l’autre idiot, trop fier de raconter ses scores à Dean probablement. Elle ne peut s’empêcher d’émettre un bruit de dégoût. Elle se sent aussitôt gênée face à Heidi, qui est après tout, amie avec le garçon. Du moins, tout autant qu’elles le sont. Finalement, celle-ci l’amène ailleurs et Cora ne bronche pas. Elle se contente d’observer sur son chemin qui elle rencontre et de constater les états d’ébriété. Personne n’a l’air de vraiment s’amuser ici. Elles arrivent dans une chambre, son premier geste est d’asseoir sur le lit en espérant qu’il n’ait pas encore servi ce soir. « Tu vas te décider à m’en parler ou pas ? » Elle observe Heidi et fait la moue, comme si elle ne comprenait pas où la jeune femme voulait en venir. Mais ça, c’est que du cinéma. Cora comprend qu’Heidi sait, ce qui ne fait que creuser un peu plus la honte qu’elle ressent. « Chase » Il ne sert à rien de nier. Cora reste silencieuse, avant de se laisser tomber en arrière pour être allongée sur le lit. Elle observe le plafond en lâchant tristement. « Y’a rien à raconter. C’est un con, et j’ai été idiote. » Elle ne veut pas en dire plus, déjà que ça sous entend assez. Mais Heidi ne sera pas satisfaite de cette réponse alors après un nouveau silence et nouveau soupir montrant la pénibilité de la conversation. « J’ai passé la nuit avec lui, et il m’a jeté. C’était humiliant. Je me sens moins que rien. »

Ce n’est pas simple d’avouer ce qui la tracasse, en grand partie à cause de la honte car jusque-là, elle avait toujours été amenée à cacher ce genre de chose. Et puis, elle n’avait jamais eu personne pour s’y intéresser ou lui poser la question. Maman pensait toujours que Cora faisait des caprices quand elle était d’humeur pâle et boudeuse et ne cherchait jamais à voir plus loin, quant à ses amies, elle n’en avait pas. Pas de vrai en tout cas. C’est donc après une longue hésitation que Cora répond à Heidi, du moins en ce qui concerne Chase. Elle ne parlera pas de ce qui s’est passé un an plus tôt. De toute façon, c’est bien ce qu’il s’est passé avec Chase qui la ramène au fait que c’est pas la première fois qu’un mec la prend pour la dernière des idiotes. Elle aura beau croire qu’elle est une adulte qui s’assume aujourd’hui, elle en est bien loin et le rappel est quelque peu douloureux. Elle finit néanmoins par répondre à Heidi. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle peut ou ne peut pas dire. C’est toujours difficile pour elle de tout raconter. « Arrête ça tout de suite ! Tu sais bien que tu n’es pas une moins que rien et tu sais aussi qu’il ne mérite pas du tout que tu te sentes comme ça. » C’est qu’elle l’engueule en plus. Cora tourne son visage vers son amie. Peut-être qu’il ne le mérite pas, mais ça ne change rien à la façon dont elle se sent. Stupide. « Je peux comprendre que tu te sentes humiliée. Mais… Tu envisageais quelque chose avec lui ou pour toi aussi c’était juste une histoire d’un soir ? » La vérité. Elle n’envisageait rien du tout avec lui. Elle est tout de même assez grande maintenant pour ne pas croire au coup d’foudre et toujours bien trop émotive pour se permettre des histoires d’un soir. Ce dont elle a honte, c’est de s’être fait avoir facilement et de s’être fait jeter encore plus facilement. Elle hausse les épaules, sans trop savoir comment l’expliquer à Heidi. « J’envisageais rien du tout, c’est juste arrivé comme ça et j’avais rien demandé. C’est juste affreusement blessant d’être devenue un simple numéro sur un tableau de chasse. Et puis, c’est pas comme si il le disait que ça passerait comme ça, il .. » Elle marque une pause avant de pousser un cri de rage. Elle se relève « Il arrive vraiment à te faire sentir spéciale ce con et comme toutes les gamines qui ont vécu dans des tours d’ivoire, il me faut rien de plus. J’ai été stupide, et ça m’énerve. Et après ça, je ne vois même pas comment tout peut rester comme avant sans que ça soit gênant. » Elle monte un peu le ton, de le raconter, ça l’énerve. Mais ça fait du bien aussi que ça sorte tout ça.

Peut-être que c’était ça, elle avait besoin d’en parler et de laisser éclater sa rage d’avoir été si bête. Après tout, elle n’allait pas pleurer pour cet idiot, et maintenant que Heidi pose la question, c’était plus rageant qu’autre chose ce qu’il s’est passé. Cora le réalise peu à peu, au point qu’elle se permet de grogner tout en expliquant ce qu’elle attendait à son amie. Heureusement, elle est bien trop réaliste pour tomber amoureuse aussi, mais il lui reste l’égo d’une star et d’avoir été prise pour une idiote si facilement ( et que ça se sache aussi) y’a de quoi la foutre en rogne et lui miner le moral un bon moment. « C’est un beau parleur et c’est certain qu’il n’en est pas à son coup d’essai. Mais ça n’a rien à voir avec de la stupidité. Quel mal y a-t-il à s’être laissée allée pour une fois ? Ok, c’est un con et le lendemain matin il t’a jeté comme une vieille chaussette, mais sur le coup le soir je suppose que tu as passé un bon moment ? Alors essaye de garder juste cet aspect-là en tête. Et pour son comportement, je pense que la meilleure chose à faire c’est de surtout pas te laisser abattre parce que là, ça veut dire qu’il aurait gagné. Au contraire, vu que tu n’espérais rien de plus toi non plus, essaye de lui montrer que tu vaux mieux que lui et que tu peux toi aussi faire comme si de rien n’était. Je le connais suffisamment pour savoir qu’il se sentira vraiment blessé dans son ego de voir que tu te fiches éperdument de lui. Etre en colère contre lui c’est lui accorder bien trop d’intérêt déjà. » « C’est beaucoup plus facile à conseiller qu’à faire tu sais ? Je suis quand même en colère et j’arrive pas à ne pas me traiter d’idiote. » Là revoilà qui repart dans son énervement « C’est tellement dégueulasse qu’il puisse agir comme ça à sa guise et personne lui dira jamais rien. C’est honteux et je peux même dire que ce serait une vengeance de m’en foutre royalement parce que ce type s’en fiche déjà, c’est impossible de lui rendre la monnaie de sa pièce et puis punaise, pourquoi moi ? Comme si j’avais besoin de ça. »

Elle s’énerve. La colère monte facilement, sûrement à cause de tous ces efforts pour la réprimer et garder son sang-froid. C’est que, Cora n’est pas le genre à s’énerver devant quelqu’un, elle a toujours appris à rester calme en toute circonstance pour ne pas donner mauvaise impression. C’est bien étrange aujourd’hui de pouvoir donner libre court à ses émotions. Heidi vient à lui tapoter le dos en signe de réconfort, un geste qu’elle aurait laisser peu de monde se permettre, mais là, c’est bien plus simple. . « Bon allez, énerve toi une bonne fois contre lui, crache tout ton venin. Pourquoi même ne pas lui dire ses quatre vérités maintenant ? Si tu veux, je peux même aller le chercher, lui demander de venir te retrouver ici. Et après, comme ça, tu l’ignores et tu passes à autre chose ? » Son sang se glace à l’idée que Chase se retrouve là, en face d’elle. Surtout pour l’entendre lui dire ce qu’elle pense. La jeune femme est à nouveau mortifiée à l’idée qu’il puisse se moquer d’elle encore, et surtout aller chanter sur tous les toits les discours accusateurs de l’actrice. Pour l’instant, l’idiot a gardé sa langue dans sa poche, du moins, il n’y a pas trop de monde qui l’observe de travers. Elle préfère garder les choses comme ça. A la proposition d’Heidi, elle décide donc dire non. « Non, j’ai pas envie de l’avoir en face de moi. Je ne veux plus voir sa tête de p’tit con. » dit-elle en se relevant. « Je vais faire comme t’as dit, je vais l’ignorer. Il en déjà bien assez fait. » Elle rumine. ça rend pas la chose facile mais elle peut bien espérer qu’il ne s’approchera pas trop. « On devrait redescendre, faire un beer-pong. Tu vas vouloir retrouve Dean t’façon ? »

L’idée d’avoir Chase en face d’elle alors qu’elle se sent si bête et vulnérable est inconcevable. Certes, elle parvient à s’énerver contre le garçon de s’être piètrement moqué d’elle mais elle n’arrive pas à vraiment passer outre. Il faudra sûrement du temps, beaucoup de temps parce que Cora est du genre rancunière. Et puis, elle a bien trop peur qu’il ait une parole méchante à laquelle elle ne saurait pas répondre. Difficile de remonter à cheval après la chute. Cependant, Heidi avait réussi à lui changer les idées. Elle ne pensait plus à l’anniversaire déjà, ce qui est en soi une bonne chose vu qu’elle l’a remué toute la journée. Et Chase commençait à devenir un lointain souvenir. « Bien, je pense que c’est la solution. Tu verras avec le temps tu t’en ficheras réellement de lui » Elle l’espère. Elle préfère se persuader qu’il n’en vaut vraiment la peine. Et puis, Cora ne veut pas que ça gâche sa soirée, même si vu ce qui se trame en bas. Elle n’aurait pas été ouf de toute façon. « Dean peut bien se passer de moi une soirée, allons mettre une raclée aux autres au beer pong » « Parfait ! » répond Cora avant de se mettre à suivre son amie dans les escaliers pour jouer une fameuse partie. Elle se rend compte, perdue entre son rire et celui d’Heidi qu’elle s’est peut-être enfin fait une vraie copine. Une fois devant la table, elle refroidit néanmoins. Il a fallu que Kennedy se mette à jouer.

C’est une blague. C’est pas possible. Ça fuse vite dans la tête de Cora tellement elle n’en croit pas ses yeux. Il se prend pour qui l’autre ? Pourquoi il vient jouer à ce moment précis ? Elle souffle, un peu énervée. Juste au moment où elle parvient à get over it. « On fait quoi ? On essaye de leur mettre une raclée ? » lui demande Heidi. Elle comprend qu’elle a le choix, et que son amie restera avec elle. Mais comme elles en ont parlés plus tôt, elle ne va pas se miner le moral aussi longtemps et puis ça ferait bien trop plaisir à Chase si elle venait à fuir la confrontation. « C’est bon, on y va. T’façon, on est imbattable et j’ai envie de le rabaisser. » dit-elle en serrant le point avant de s’avancer vers la table. « Nous, on va relever le défi. » annonce t-elle avant de regarder Chase de haut en bas. « Enfin, si on peut appeler ça un défi. » ajoute t-elle en souriant. « Heidi tu es prête ? » demande t-elle à l’adresse de la jeune femme qui la suit derrière. Elle envoie la balle à Chase en le narguant. « Les dames d’abord ! »