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Le premier verre ? C'est une habitude, une habitude trop facile, surtout le vendredi soir, surtout quand tu sors du boulot, surtout quand on te le propose et que tu finis par te poser devant un comptoir et que tu as ton portefeuille qui traine bien au fond de tes poches. Tu es bien content de ne pas être tombé sur Charlie ce soir, le type derrière le bar est plus bavard qu'elle, il essaye de se faire bien voir pour ses pourboires justement, sauf qu'il manque quelque chose. Tu ne sais pas si c'est le sourire de la blonde, tu ne sais pas si c'est parce que tu n'es pas vraiment là toi-même, et au final, tu t'en moques, pas besoin d'avoir la réponse à toutes ces questions, tu ne sais pas grand choses ces temps-ci alors...
Le second verre arrive très vite, tu ne le vois même pas passer, trop occupé à te demander si tu peux vraiment voir ta réflection dans le liquide alcoolisé et s'il ne vaut mieux pas tout faire disparaitre, d'un seul coup, net et clair, pour qu'il ne reste plus une seule trace et que personne ne vienne demander des comptes à Edgerton Price. Que personne ne lève un verre à ton nom, ou te donne des responsabilités, ou essaye de te rappeler que ce que tu fais de mieux ce sont des erreurs. Et que parfois, juste parfois, tu ferais mieux de te taire.
Le troisième verre est juste un rappel, au cas où tu aurais oublié le goût des deux premiers, juste au cas où tout ce qui s'est passé avant n'est qu'un mauvais rêve que tu peux juste effacer, oh et si tu pouvais le faire, il y a deux ou trois choses que tu finirais par effacer. Pas des excuses, pas des promesses dites, pas des paroles en l'air, non tu finirais tout simplement par t'effacer de l'existence des autres, faire comme si certaines rencontres n'étaient pas arrivées, pour être certain que tout le monde reparte complet et heureux. Tu dirais certainement adieu à beaucoup de souvenirs, tous plus mauvais les uns que les autres, tous causés par ce que tu as dit ou ce que tu as fait.
En général, tu arrêtes de compter après le troisième verre, ça ne sert plus à rien, la bouteille arrive généralement et quand on fait ta taille et ton poids, il faut une bonne quantité d'alcool pour oublier et pour penser à autre chose. Et non ce n'est pas la chose la plus mature à faire, tu devrais appeler Ariel, ou juste rentrer chez toi et te laisser distraire par Paul et sa journée à lui, ou même vos vacances qui se profilent à l'horizon et que vous attendez tous les deux avec impatience. Oui, tu as besoin d'une petite pause et d'oublier ton existence à Brisbane pendant quelques jours, jouer les touristes et te contenter de siroter des cocktails au bord d'une piscine ou écouter des gens parler une autre langue et te rappeler que tu es en réalité tout petit et insignifiant. Et aussi dire merde à Brisbane, et ses mots empreints de regrets et de toutes celles qui ont vite fait de voir pour ce que tu es.
Que font les connards déjà ? Peut-être qu'ils ne font que boire, justement, car ils ne sont pas équipés pour faire face à tout le reste, peut-être qu'ils sont juste là pour payer des tournées à tout le bar et se voir refiler quelques numéros de téléphone. Tu commets l'écart ce soir, te retrouvant à parler à de parfaits inconnus et voir leur vie défiler sous tes yeux, refusant d'en livrer un peu plus sur la tienne. Ce n'est pas intéressant de toute façon, tu le sais déjà. Les heures défilent et les verres s'enchainent rapidement, trop rapidement, et tu as un sourire sur les lèvres quand tu ressens vraiment les effets de l'alcool; ton coeur bat beaucoup plus rapidement et la culpabilité elle ? Elle s'est effacée, tu ne peux pas être coupable de quoi que ce soit avec ce sourire-là sur le visage, tu ne peux pas être déprimé quand tu te sens aussi léger. Tu ne fais pas de vagues quand le bar ferme, il est tard, ou tôt, tu ne sais pas, ta veste en jean trouve tes épaules toute seule et tu ne montes pas dans ta voiture. Tu pourrais avoir un élan de danger et faire une erreur de plus mais tu es distrait par ton téléphone portable et les quelques messages de Paul qui te demande si tu es d'humeur à manger une pizza ce soir... Trop tard pour y répondre maintenant...
Vendredi soir est fini et tu prends la décision, l'esprit embrumé par le whisky d'arpenter les rues de Brisbane, car pourquoi pas ? Personne ne t'attend, personne ne s'inquiète, si tu veux marcher de Brisbane jusqu'à Melbourne avec tes deux pieds, personne ne peut t'arrêter. Les premières lueurs du jours ne sont guères clémentes avec toi et tu as presque l'impression d'être un fantôme, à arpenter les rues quasiment désertes de la ville, une partie de toi se demande quelle heure il est, tandis qu'une autre regrette de ne pas avoir un appareil photo à porter de mains pour prendre quelques clichés, et enfin une autre déplore l'absence de nourriture dans ton estomac. Tu as conscience de tout et de rien à la fois et ton jugement a été mis au placard, tellement que tu te retrouves à aborder la première personne qui jette un regard dans ta direction. "...C'est probablement la pire technique de drague du monde mais... On s'est pas déjà vus quelque part...?" C'est justement la pire technique du monde, tu le sais, elle le sait, pourtant il y a quelque chose, sur son visage probablement son expression interdite, la façon qu'elle a de soutenir ton regard. Tu la connais, un Edge plus sobre l'aurait replacée et saluée correctement, t'es pas cette version-là malheureusement pour elle et c'est un sourire tout aussi lourd qui se dessine sur ton visage la seconde d'après. "Hmm... Si... Sauf que t'étais beaucoup plus jeune et moi un peu plus sobre et je crois qu'on s'est un peu évités depuis. Enfin surtout toi que moi. Mais c'est peut-être ton jour de chance Freya." Les mots quittent tes lèvres sans aucun raisonnement et aucune logique, toi qui ne voulais plus te sentir coupable, on peut dire que tu as gagné.

Freya n’a pas la tête sur les épaules pour supporter le poids du monde, là. Un monde qui tourne bizarrement à ses yeux. Petits yeux rougis, signe qu’elle a encore pleuré il n’y a pas longtemps. Fichue crise, fichue maladie, fichue faiblesse. On pourrait la torturer sur une roue à ce moment précis que ça ne produirait pas un centième de douleur qu’elle ressent à l’intérieur. La suédoise a beau se dire qu’elle verra des jours meilleurs, qu’il y a toujours la lumière au bout du tunnel – d’accord, okay, je veux y croire mais elle se fait attendre, cette putain de lumière. La gamine de vingt-sept ans n’a pas plus évolué avec toutes années. Non, par contre, sa maladie fait toujours la nuit et le jour sur sa vie, malgré le traitement qu’elle prend, docilement, qui la fatigue toujours un peu plus. Mais là, la fatigue est provoquée par autre chose, elle le sait. Elle a dormi dans son propre lit, cette nuit, pour une fois. Elle s’était réveillée en pleurant parce que ce lit est bien trop froid, bien trop vide. Mais elle ne veut pas s’imposer tous les jours chez Tim. Elle n’est pas une glue, elle n’est pas collante – enfin en tout cas, elle essaie de ne pas l’être. Et puis, elle lui en a fait tellement bavée ces derniers temps qu’elle juge bon de se faire un peu oublier. Enfin, pas tant que ça puisque c’est sur un sms de son copain qu’elle finit par sourire faiblement et qui lui donne une force insoupçonnée de sortir du lit. Elle espère vraiment que la lumière va débarquer dans son esprit parce qu’il y a son anniversaire à la fin du mois qui approche à grand pas et elle veut être là, bordel, elle a tellement à se faire pardonner alors que ça ne fait même pas un mois de relation.

Freya ne s’est pas rendue directement au cimetière ce matin-là. Il est encore relativement tôt, elle a le temps de faire une petite balade à pied pour tenter de s’aérer l’esprit – et de ne pas se prendre la tête avec Tobias dès le réveil. Elle n’est vraiment pas d’humeur à l’affronter. Elle traine ses pattes vers Spring Hill, où la vie commence peu à peu à se réveiller et à prendre forme. Mais il n’empêche que le paysage reste plutôt calme, apaisant et franchement, ça fait du bien. Le printemps pointant le bout de son nez reste agréable, même s’il fait toujours agréable en Australie, qu’importe la saison. Même l’hiver l’est. La jeune femme a son nez qui se relève de son téléphone et qui croise le regard de la première personne humaine qu’elle rencontre ; et elle fronce un sourcil. « C'est probablement la pire technique de drague du monde mais... On s'est pas déjà vus quelque part...? » Freya cligne plusieurs fois des yeux. « Dans la cuve de tes toilettes, tu t’rappelles pas ? » « Hmm... Si... Sauf que t'étais beaucoup plus jeune et moi un peu plus sobre et je crois qu'on s'est un peu évités depuis. Enfin surtout toi que moi. Mais c'est peut-être ton jour de chance Freya. »

Clairement, le monde tourne vraiment bizarrement. Dans quel monde elle, elle est sobre et lui, Edge Price, il est ivre ? C’est clairement un changement de dimension, il n’y a pas d’autres explications. « Effectivement, j’ai connu mieux question drague. » Mieux dans le pire ou mieux dans le meilleur ? Allez savoir. « T’as picolé ? » Quelle question inutile. Evidemment qu’il a picolé. Il tient maladroitement sur ses jambes, il a les yeux complètement hébétés et sa voix est traînante à souhait. Et puis, jamais Edge Price ne lui aurait dit que ‘‘c’est son jour de chance’’ dans d’autres circonstances. « Evidemment que t’as picolé. Bordel, Edge, t’es pas censé être celui qui boit pas, là ? » Genre le plus responsable et raisonnable ? Elle soupire légèrement tout en rangeant son téléphone dans sa poche. « Mon jour de chance, tu parles. Autant j’aurai été opé y a des années mais maintenant, t’as laissé passer ta chance. » dit-elle en croisant les bras. Edge Price qui lui fait du rentre dedans, si un jour on lui avait dit que ça serait arrivé, elle aurait ri au nez de la personne, clairement.

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Tu ne lis pas dans les pensées, pas encore malheureusement, donc aucun moyen de savoir ce que la jeune femme en face de toi pense, aucun. Sinon tu aurais pu lui répondre et lui dire que rien de tout ça n'a de sens justement et que peut-être que le monde ne tourne pas rond. Parce que d'ordinaire, tu rentres tranquillement chez toi avant de commettre ce genre d'écarts, de devenir ridicule et de te donner en spectacle. Il faut dire que si cela est un minimum drôle et distrayant quand on est plus jeune, le genre de souvenir très gênant qu'on essaye d'oublier le lendemain en buvant beaucoup d'eau et en jurant de plus jamais toucher à l'alcool, à ton âge... C'est une autre paire de manches.
C'est généralement le signe d'un problème sous-jacent plutôt grave, sauf que si tu voulais une analyse profonde sur ta propre psyché, tu ne serais pas allée dans un bar pour essayer d'oublier tout ce qui ne va pas dans ta vie précisément. Pas une solution mature et responsable ? Tu t'en moques complètement, c'est comme ton choix de t'adresser à elle et de lui parler tout de suite, il y avait sans doute de meilleures façons de faire ça, surtout qu'il est clair que Freya t'a évité pendant tout ce temps. Brisbane n'est pas une si grande ville que ça et c'est presque ironique qu'elle ait fuit après avoir passé la nuit chez toi, sans qui ne se passe rien. Oui, on peut dire que les rôles sont complètement inversés, c'est toi qui as une vie plus que bordélique et elle qui se retrouve du côté de la raison avec la possibilité de t'aider. Ou pas. Tu pourrais te lancer dans un grand discours et lui dire que tu n'as pas besoin d'aide, car tu vas très bien, tu étais juste de sortie pour célébrer... Une trentaine ratée ? Une journée qui vient de s'écouler ? Tout ça à la fois ? Oui, très probablement un peu de tout ça.
Cependant, tu ne peux pas stopper le rire, très sincère et pas du tout ironique quand elle te rappelle à l'ordre et te fait remarquer que tu ne devrais pas être bourré. "... Celui qui ne boit... Pas ?" Tu articules les mots en reprenant ton souffle, ayant presque envie de la féliciter parce qu'elle a réussi à te faire rire dans ce moment que tu ne qualifierai définitivement de glorieux. C'est de cette manière qu'elle, elle te voit ? Freya devrait probablement avoir une longue discussion avec toutes les filles qui sont passées sous tes draps et également tes ex, juste histoire de savoir ce qui se dit vraiment sur Edgerton Price. C'est adorable qu'elle pense ça dans un sens, preuve que tu es un très bon menteur dans la vie de tous les jours. Un énorme hypocrite d'ailleurs. "T'es sur qu'on parle bien de la même personne, parce que l'alcool, ça ne date pas d'hier, oh que non, ça remonte à bien loin." Tu rectifies le tir avec un sourire plutôt fier sur le visage, plus que certain qu'une ou deux de tes anecdotes pourraient la choquer, ou même lui faire faire demi-tour. Où allait-elle d'ailleurs de si bon matin ? Tu n'en sais rien et si tu avais été un peu plus sobre, tu aurais pris la peine de demander, de te soucier d'elle, et de ne pas juste voir la gamine perdue que tu as accueillie chez toi, celle qui aurait été en mesure de comprendre tout ce qui te passe par l'esprit et qui te ronge les entrailles en ce moment même. "Ou nan, j'ai dû faire semblant devant toi, prétendre être un type bien sous tout rapport histoire de me donner bonne conscience."
Un comportement de connard pas de doute là-dessus, un exemple flagrant qui prouve que tu mérites bien l'insulte qui a été jetée dans ta direction et tu n'aurais pas dû te permettre de juger qui que ce soit, ou prétendre avoir une petite vie rangée. Du moins assez rangée pour prétendre que tu pouvais t'occuper des problèmes des autres... Pourquoi ? Parce que t'as besoin de jouer les héros, tu as toujours eu besoin de le faire, c'est un peu pour cette raison que tu as rejoint les rangs de la police, que tu vas à la salle de sport, et même pour cela que tu t'es mis à sortir avec Yasmine. La plupart des gens veulent une vie tranquille loin de tout le monde mais non, pas toi, Edgerton Price a besoin de se faire bien voir, c'est vraiment pathétique. "C'est fou comment tout ce raisonnement paraît complètement idiot après un ou deux verres hmm...?" Tu ne sais pas si cette réflexion est pour Freya, ou juste pour toi, ça reste néanmoins la vérité et tu finis par faire un pas dans sa direction, lui faisant dans le même temps un regard qui indique qu'elle n'a absolument rien à craindre. Même avec autant d'alcool dans le sang, tu sais ce que non veut dire, qu'elle ne s'y trompe pas.
"Et puis ne me dis pas que t'es pas intéressé, si je me souviens bien, c'est toi qui avais un crush sur moi à l'époque, pas l'inverse." Mais cela ne veut pas dire que tu ne seras pas insistant au possible... Au contraire.

Freya n’a pas forcément beaucoup de fierté mais elle a un peu d’amour propre quand même. Qu’Edge l’est repoussé, forcément que ça l’a froissé. Elle était dans une période difficile, elle venait de se faire rejeter, non pas une fois mais deux, elle avait dû subir le procès de son père et surtout revoir les yeux de ce dernier. Tout s’était enchaîné, tout s’était passé en même temps et elle avait cru qu’elle aurait pu trouver du réconfort quelque part. Chez Edge, près d’Edge et mieux, dans ses bras. Un crush qu’elle a eu, parce qu’elle était bête, parce qu’elle était conne et surtout parce qu’elle était vulnérable. Elle a toujours été trop sensible, trop attachée vers ceux qui finissaient par l’aider. Il suffit qu’on lui tende la main et elle s’accrochera, elle s’agglutinera, et fatalement, elle tombera. La suédoise sera trop, elle ne sera aussi pas assez, non, Edge ne l’a jamais vu comme ça, il voulait vraiment l’aider, et seulement l’aider. Il n’y a pas d’arrière-pensée, il n’y a pas de vice caché alors qu’elle s’endormait chez lui. Il lui offrait un asile apaisant, calme et elle, il a fallu qu’elle gâche tout en pensant qu’il lui offrait autre chose, bien plus grand, bien plus précieux. Elle a tout foutu en l’air et elle a eu honte. Honte de s’être laissée espérer, d’avoir cru à des choses invisibles et inexistantes. C’était toujours délicat comme situation et la porte qui a claqué quand elle est partie, elle ne s’est pas réouverte.

Jusqu’à ce matin. Sur l’univers tout entier, qu’elle aurait été les chances de Freya se croiser la route d’Edge de nouveau ? Minimes, voire inexistantes. Et pourtant, c’est bien l’homme à la peau foncée qui se tient devant elle, celui-là même qui se met à rigoler. Est-ce qu’elle a dit un truc drôle ? Elle se mord la lèvre et regretterait presque d’être un peu trop clean à ce moment-là pour pouvoir le suivre dans son délire. A croire qu’ils sont faits pour se rencontrer, faire chevaucher les lignes mais jamais partager le même trajet. « ... Celui qui ne boit... Pas ? » Edge avait l’air sincèrement amusé par cette déclaration et Freya arque un sourcil, comme si elle vient de dire la plus grosse des absurdités sans qu'elle le sache. « T'es sur qu'on parle bien de la même personne, parce que l'alcool, ça ne date pas d'hier, oh que non, ça remonte à bien loin. » Pour le coup, la surprise se peint sur son joli visage. Qu’est-ce qu’il est en train de lui dire, là ? « Ou nan, j'ai dû faire semblant devant toi, prétendre être un type bien sous tout rapport histoire de me donner bonne conscience. » Elle a la main qui la démange, tout d’un coup, Freya. Il est presque en train de lui dire à mi-mots qu’il a joué d’elle, qu’il lui a fait des leçons de moral et qu’il a essayé de l’amener du bon côté mais que ce n’était que du flanc ? Il a vraiment profité de sa crédulité et de sa naïveté qu’elle possédait encore un peu pour lui faire croire qu’il était meilleur qu’elle, ou au moins un exemple ? « C'est fou comment tout ce raisonnement paraît complètement idiot après un ou deux verres hmm...? » Tout parait plus idiot au bout d’un verre de toute façon. En même temps que tout parait avoir plus de sens, tout devient plus incohérent. C’est une sensation étrange mais qu’elle connait que trop bien.

« Et puis ne me dis pas que t'es pas intéressé, si je me souviens bien, c'est toi qui avais un crush sur moi à l'époque, pas l'inverse. » Edge s’est approché d’elle, elle recule. « T’es en train d’me dire que je n’étais qu’un cas de bonne conscience pour toi et après, tu m’balances que tu veux, quoi ?, me sauter ? J’crois que je préférais quand même ta technique de drague pourrie, finalement. » Le retournement de situation n’est franchement pas très plaisant, là. Freya n’est pas en état de se batailler avec quelqu’un, que ce soit son jumeau ou Edge. Pourquoi est-ce qu’il a fallu qu’elle tombe sur lui, aujourd’hui, ce matin même, pour une fois où elle se décide à sortir et prendre l’air ? Le karma, toujours ce karma pourri qui hante ses nuits et ruine ses journées. « Il faudrait mieux que tu rentres chez toi, Edge. Tu racontes n’importe quoi, t’es pas dans ton état normal. T'es à pieds, rassure moi? » Et ça l’inquiète quand même un peu. Est-ce qu’il va essayer d’emmerder une autre fille à défaut de ne pas avoir mis la main sur elle ? Edge n’est pas violent, il travaille chez les flics for lordsake. Il ne ressemble pas au Edge qu’elle a connue, posé et calme, en tout cas. Et ça ne lui plait pas.

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Tout tangue, rien ne fait de sens et puis il y a Freya. Tu ne sais même plus ce que tu fais là dans le fond, tu ne sais pas comment tu es arrivé là, ni pourquoi ou si tout cela a une logique, ou si tu vas regretter tout ça une fois que l'alcool aura quitté ton système. Probablement, il n'y a aucun moyen de le savoir, tu n'es pas devin, tu ne vois pas dans le futur et même si tu avais ce genre de pouvoir, tu n'es pas certain que ton propre futur t'intéresserait, tu es quasiment certain qu'il est gris et déprimant au possible. Parce que s'il y avait une quelconque alternative, tu ne passerais pas ta vie à boire, si tu avais déjà une solution à tous tes problèmes, un semblant d'espoir, quelque chose que tu pouvais agripper de toutes tes forces, tu ne ferais pas autant d'excès, t'en es certain. Mais il n'y a pas que ce soir, ou ce matin que tu es perdu, tu as l'impression d'avoir perdu ta dose d'espoir depuis bientôt deux ans désormais, et tu t'efforces de trouver un peu de courage dans les bouteilles d'alcool.
Sauf que ce n'est pas de l'espoir qui y réside, c'est quelque chose de bien plus cruel et de moins clément, ce quelque chose qui est en train de circuler dans tes veines et qui est en train de remplacer toute l'hémoglobine qui s'y trouve, c'est ce truc qui arrive à ton coeur et qui après un battement où deux se fait directement envoyer dans ta boite cranienne, là où est est censé se trouver ta raison. Sauf que ça écrase la raison et ça dépasse la logique, et tu ne sais plus si t'es content, effrayé ou tout simplement dépité de voir Freya. Quelque chose dans ton discours ne s'aligne pas avec tout le reste et tu as presque envie qu'elle finisse par te rejoindre, qu'elle boive un verre ou deux elle-même et qu'elle comprenne ce que tu essayes de lui dire dans le fond. Ce n'est pas si compliqué, elle s'obstine cependant, et elle réussit même à te faire perdre ton sourire et tu fronces les sourcils, essayant de faire du sens avec tout ce qui n'en a pas justement. "Oh pardon tu préfères que j'te dise que t'es spéciale et que si je t'ai aidée c'est parce que j'ai vu ton potentiel caché ? Putain ouvre les yeux Freya tout ça c'est que du vent." Parce que c'est tout toi pas vrai ? Il n'y a pas vraiment de juste milieu, si elle ne veut pas te rejoindre alors autant porter les premiers coups et la blesser également. Et si tes poings sont bien rangés, tu as assez de jugeotte pour ne pas la prendre pour un adversaire et faire comme si tu étais sur un ring, t'en as pas non plus suffisamment pour te taire et au contraire, tu dis tout haut ce qui était dans le fond de ton esprit, et qui sait, du sien aussi.
"Et t'es mignonne à me donner des leçons de moral, t'as eu un toit gratuitement et un type pas lourd... Tellement que tu t'es sentie obliger d'essayer de me grimper dessus." Parce que tu réalises soudainement que vous n'en avez jamais parlé, ça commence à devenir ta spécialité, éviter les conversations difficiles, avec elle, avec Ariel, avec Yasmine... La liste commence à devenir trop longue à ton goût. Et pourtant, tu t'en rappelles vagument, t'être senti idiot au réveil en constatant qu'elle avait disparu sans laisser de trace et sans répondre à tes coups de fils. Oh, elle s'en remettra, voilà ce que tu t'es dit en n'insistant pas, comprenant que le rejet ne soit pas une chose facile à accepter. Mais quelques années plus tard, tu n'as plus du tout la même perspective. "Et même si ça c'était fait à l'époque t'aurais toujours pas été spéciale, juste une de plus sur ma liste." Tu hausses les épaules en lâchant une vérité de plus, tu as même envie d'ajouter que vu ta très longue liste d'ex, de conquêtes et de déceptions, elle devrait s'estimer heureuse de ne pas juste être devenue un nombre perdu dans la masse. "Parce qu'on se le dise, tu m'as pas suivie pour ma personnalité haute en couleur ou parce que t'avais envie qu'on devienne amis."
La petite voix qui t'ordonne généralement de te taire n'est tout simplement plus là en fait, elle a été vaincue à coup de whisky et autres liquides tout aussi nocif, tu parles vraiment, franchement, pour une fois, sans aucun filtre et sans te soucier des conséquences. "T'as fait que m'éviter depuis donc ouais, toi aussi t'es une hypocrite." Non, tu n'es pas une victime dans ce cas-là, mais tu commences à être fatigué d'endosser le rôle du bourreau, surtout quand tu n'es pas le seul fautif.

Bordel, Edge a l’alcool mauvais ou quelque chose comme ça. Il débecte, il se moque, il utilise des mots qu’il a dû penser il y a dix ans. Comment ça se fait qu’il lui ressort tout ça d’un seul coup maintenant ? Okay, Freya est bien placée pour savoir que l’alcool peut vous faire revenir la mémoire en un claquement de doigts tandis que les gestes les plus instantanés disparaissent dans un nuage d’éthanol. Ce même nuage qui demain, se rappelle à vous à coup de jolies marteaux piqueurs et de boyaux qui se retournent sans que l’on sache pourquoi ni comment. Et franchement, ça la déstabilise de retrouver Edge dans cet état-là après tant d’années. Qu’est-ce qui a fait qu’il se foute dans un état pareil ? Est-ce qu’il est vraiment tombé bas, aussi bas qu’elle alors qu’avant, c’était lui qui lui tendait la main ? Elle est censée faire quoi avec un type qui doit faire deux fois son poids et qui est par-dessus tout alcoolisé ? Freya n’en sait rien mais elle élimine les traces de larmes de ses joues en essayant de ne pas faillir alors qu’il continue à parler. « Oh pardon tu préfères que j'te dise que t'es spéciale et que si je t'ai aidée c'est parce que j'ai vu ton potentiel caché ? Putain ouvre les yeux Freya tout ça c'est que du vent. » Doherty pourrait rouler des yeux devant une telle absurdité mais elle n’en a pas le cœur ni l’énergie. Elle pourrait même recommencer à pleurer mais elle se mord la langue tout en foutant ses bras autour d’elle. Parce qu’Edge confirme ce qu’elle sait déjà ; elle n’est juste rien. Et que même l’avoir aidé ne devait être pour Edge qu’une façon de se nettoyer sa mauvaise conscience ou quelque chose comme ça. Absolument ridicule qu’elle aurait pu penser à un moment, pendant une folle minute, qu’elle aurait pu être brillante pour un type comme ça. Evidemment.

Et Edge continue.
Il lui reproche d’avoir eu envie de lui grimper dessus. Il lui balance le fait qu’elle l’a évité durant toutes ces années. Il suggère même qu’elle ne l’a pas suivi pour ce qu’il est et son aide si précieuse sur le moment. Non, Edge est en train de voir tout en négatif, il est en train de la prendre pour une fille qui ne cherche qu’un coup d’un soir alors que ça ne pouvait pas être plus faux. Que ce soit aujourd’hui ou il y a dix ans, Freya n’a jamais été comme ça. Elle a sottement cru qu’Edge lui offrait un peu plus que l’hospitalité, parce qu’elle était fragile, conne, vulnérable. Qu’elle ne se sentait pas à sa place, pas aimer, sans aucune valeur et qu’il y avait cet homme qui débarquait et qui lui proposait de venir se refaire une santé chez lui. Qui propose ça à autrui comme ça, par simple bonté de cœur ? Doherty n’a jamais rien eu sans qu’on attende en retour alors elle pensait qu’il voulait autre chose. Elle a cru voir qu’il y avait quelque chose mais en faites, ce n’avait été que le néant. « T’es vraiment en train de m’balancer tout ça des années après ? T’as conscience que je m’en fiche maintenant ? » La jeune femme ne cherche même pas à essayer de le raisonner parce que dans un état pareil, est-ce que ses mots vont avoir un impact ? Elle est bien placée (une nouvelle fois) pour savoir que non. Freya soupire légèrement, finit par détendre ses bras autour d’elle-même et se dirige vers Edge. « Bon, allez, arrête de dire des conneries et rentre chez toi. Tu t’rappelles où c’est, j’espère ? Sinon j’peux appeler un taxi ou whatever. » La jeune femme est fatiguée, elle n’a pas le temps de gérer ce genre de situation. Pas maintenant, pas dans son état à elle.

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Dans un sens, tu ne comprends pas la réaction de Freya, est-ce que tu es tellement rancunier que tu finis par sortir tout ce que tu as sur le cœur des années après ? Tu n'en sais rien, d'habitude tu arrives à passer à autre chose, à tourner la page, à ne pas prendre les choses trop personnellement et à te dire que tu vas t'en sortir. Sans doute pas les autres, mais tu es toi, tu peux bien te dresser au-dessus de tout ça, faire quelques efforts pendant quelques temps et ne pas finir dans un chaos ambulant comme... Comme... Les autres en fait. Tu as donné tellement de conseils dans ta vie et tu as essayé de réparer tellement de personnes avant toi, comme Ariel, comme Charlie, et même comme Freya.
Et la fin, il n'y a absolument rien, pas de victoire particulière, personne pour te donner de médailles et te féliciter, ou te dire le moindre mot d'encouragement. Et tu le sais, tu l'as toujours su, ce n'est pas pour ça que tu le fais, ou que tu continues de le faire, ça n'a jamais été à propos d'une quelconque récompense, c'est ce que tu es au final. Enfin une partie de ce que tu es en fait, l'autre partie est en train de se tourner en ridicule devant la jeune fille et face à sa nouvelle question, si cela t'apporte vraiment quelque chose de lui dire tout ça maintenant, tu finis simplement par hausser les épaules et lâcher un simple. "Oui et ... ?"
Tu ne vois franchement pas où elle veut en venir, tu n'as pas envie de savoir, et en plus de penser que Freya est une hypocrite, tu es plus que convaincu qu'elle te ment, là tout de suite à cette seconde précise. "Non, si tu t'en fichais vraiment, tu aurais déjà fait demi-tour, sans demander ton reste et sans essayer de me raisonner. Mais je dis ça... Je dis rien." Tu as un autre haussement d'épaules, satisfait par ta propre logique, aussi tordue soit-elle, tu la mets presque au défi de tourner les talons, juste là, maintenant et de te laisser tranquille. C'est un exercice assez difficile à faire, c'est comme tous ces idiots qui s'arrêtent pour sortir leur téléphone et filmer dès qu'une tragédie arrive sous leurs yeux, qu'il s'agisse d'un simple incident ou quelque chose d'encore plus dangereux. Tourner les yeux face à la bêtise des autres est très difficile à faire, surtout quand ça peut devenir une distraction intéressante. Tu es certain que tu peux appliquer le même raisonnement à la situation présente, ou pourquoi est-ce que c'est Freya qui fait un pas dans ta direction à présent, pour faire quoi, tu n'en as pas la moindre idée sauf que tu fais bien un mouvement de recul, fronçant légèrement les sourcils, lui faisant signe de rester exactement où elle est.
"... Non." Tu ne veux pas rentrer chez toi, ça représenterait la fin de tout, de cette petite virée nocturne et matinale, tu n'as pas vraiment envie que Paul te voit dans cet état-là, ton cousin que tu essayes de rassurer depuis des semaines tandis que sa vie à lui part vraiment en vrille et tu ne veux tout simplement pas te retrouver dans une chambre vide. Tout seul. Où tout tangue. Où il n'y a que des souvenirs pour te rappeler tout ce qui ne va pas dans ta vie. Tu fermes un instant les yeux, comme si cela allait vraiment t'aider au final, et tu es incapable de stopper les prochains mots qui quittent tes lèvres. "Fais pas genre que tu en as quelque chose à faire avec des années de retard, je croyais qu'on était ami, ou au moins qu'on allait l'être, maintenant t'es passée à autre chose et moi je suis toujours un connard." Et même toi, même dans cet état-là, aussi pitoyable soit-il, même toi tu sais que quelque chose ne colle pas. C'est le bon discours, certes, ce que tu voulais vraiment dire, mais pas au bon moment, et définitivement pas à la bonne personne, ce ne sont pas des mots qui sont destinés à Freya. Ou alors le discours est trop prématuré ou faussé, pas avec votre passé à vous deux. À croire que tu fais uniquement les choses de travers en ce moment. Mais ces mots-là, justement, s'ils sont faciles à lancer à la figure de la blonde, tu es certain qu'il t'aurait fallu encore plus d'alcool pour les prononcer devant Yasmine, assez pour te mettre véritablement à terre, ou même toi. Tu n'es pas à terre justement, tu sors, fièrement en plus, les clés de ta voiture de ta poche, rouvrant les yeux par les mêmes yeux dans le même temps et tu finis par les agiter devant Freya.
"J'ai toujours mes clés, peut-être que je vais aller droit dans un mur." Ou alors dans un autre véhicule, ou au fond d'une quelconque étendue d'eau, tu n'as pas encore décidé. Ta voiture est loin, pas dans les parages, tu l'as abandonnée sur le parking du premier bar où tu as commencé la soirée, mais ça, Freya ne le sait pas et ce n'est certainement pas toi qui vas lui dire.    

« Oui et ... ? » Oui et ? Et alors, pourquoi il ne passe pas son chemin, pourquoi il n’enlève pas ce regard lourd d’elle, pourquoi il a l’air bourré - d’alcool et de reproche ? Pourquoi est-ce que ça lui tombe dessus maintenant, pourquoi pas avant, pourquoi pas quand elle allait mieux ? Il y a une trop grande série de ‘pourquoi’ sans qu’elle puisse y donner un sens quelconque, sans pouvoir accéder aux réponses attendues. Freya n’a pas à demander à l’univers, ni aux nuages et encore moins à une croix car elle sait que le silence est d’or. La jeune femme croise ses bras autour d’elle - un signe de protection contre celui qui l’a pourtant aidé il y a des années. Ou au moins essayé. Avant qu’elle foute tout en l’air comme elle a l’habitude de faire. « Non, si tu t'en fichais vraiment, tu aurais déjà fait demi-tour, sans demander ton reste et sans essayer de me raisonner. Mais je dis ça... Je dis rien. » Ne dis rien alors parce que les mots sont bien plus brutaux que le silence, là. Elle se retient de le dire mais c’est une preuve qu’il ne la connait pas, qu’il ignore bien tout d’elle. Elle s’en fiche d’avant, elle s’en fiche de ses états d’âme d’avant. Elle est rancunière mais elle est aussi épuisée, elle est lasse de penser qu’un moment d’il y a dix ans puisse absolument tout ruiner, tout remettre en question.
Même si ce n’est pas le cas parce que Freya a tourné une bonne vingtaine de pages depuis (au moins).

« J’suis pas d’humeur à supporter ton alcool mauvais, Edge. » Rentre chez toi, ça vaut mieux pour tout le monde. La suédoise a juste l’impression qu’elle va s’écrouler par terre telle une masse de larmes à tout moment. Elle n’a pas les idées claires, elle n’a pas les épaules droites, sa carrure est complètement voutée et recroquevillée sur elle-même. Elle veut juste partir, elle devrait s’en foutre royalement, c’est vrai. De son devenir, de savoir s’il rentrera sain et sauf chez lui, sans accrochage, sans problème, sans accident. Pourquoi elle s’en soucie, d’ailleurs ? Il est adulte, il est responsable, c’est lui qui a choisi de boire pour finir dans cet état. C’est son problème, pas le sien. Freya a déjà assez de son lot quotidien, elle n’a pas besoin que des fantômes de son passé continuent à ressurgir comme ça de temps en temps.
« Fais pas genre que tu en as quelque chose à faire avec des années de retard, je croyais qu'on était ami, ou au moins qu'on allait l'être, maintenant t'es passée à autre chose et moi je suis toujours un connard. » La jeune femme finit par se pincer le nez tout en fermer ses yeux à son tour, tentant de reprendre un peu contenance. Où est-ce que cette conversation va mener, elle l’ignore encore. « J'ai toujours mes clés, peut-être que je vais aller droit dans un mur. » « Mais putain, ça suffit les conneries d’merde, là ? Quoi, quelqu’un t’a traité de connard et tu veux en finir ? Et ben vas-y, fais-le au lieu de geindre et de remuer le passé comme un tas d’merde ! » Elle en a marre, Freya, elle en peut plus. Des gens qui veulent en finir, des gens qui pensent que se foutre en l’air est la meilleure solution. Elle n’est pas bien placée pour ce genre de remarques mais c’est exactement parce qu’elle parle en connaissance de cause qu’elle peut savoir. Qu’Edge doit valoir mieux que ça, qu’il n’est pas dans les rats de la ville mais plus élevé que ça.

Doherty passe la main dans ses cheveux en reposant ses yeux sur lui, l’humidité commençant à parler sur le coin de ses yeux. Non, pas maintenant, s’il vous plait, pas de larmes, pas de crise, pas tout de suite, elle est où, la sortie, dans ce si vaste endroit ? « Si tu veux que j’m’excuse de mon comportement passé, va falloir trouver autre chose. T’es pas plus revenu vers moi que l’contraire. Ça t’a sûrement fait un bien fou de plus avoir l’boulet ambulant que j’suis toujours sur l’cul. Alors t’sais quoi, Edge ? Va t’faire foutre. Va chez toi, dans un mur, au fond d’la mer, je m’en contre fous. » Parce qu’il ne faut pas non plus abuser. Edge ne cesse de la rabaisser depuis cinq minutes alors qu’elle n’aurait rien demandé d’autre que de tracer son chemin. A peine la journée débutée que Freya a déjà envie de retourner se coucher.
Le temps va être long.

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{wasted times}
crédit/ winoncryder (tumblr) ✰ w/ @freya doherty

Freya apparait et disparait de ton champ de vision, ce qui ne peut pas être un très bon signe, un très bon signe de quoi que ce soit maintenant que tu y penses. Il est sans doute trop tard, trop tôt pour tout ça et tu devrais sans doute répondre aux demandes de la blonde et tout simplement la laisser tranquille. D'habitude, tu n'as pas l'alcool aussi mauvais, c'est rare que cela te rende aussi aigri, ou que tu ailles volontairement déranger la paix de quelque d'autre ou alors que tu dises ce qui te traverse véritablement l'esprit. Ce semblant d'honnêteté est nouveau et on peut seulement remercier la tequila et le whisky mêlés dans tes veines, sinon pas de doute que tu aurais fermé ta grande gueule depuis longtemps, c'est certain. Elle reprend la parole et si tu avais un minimum d'amour propre, les mots de la blonde te blesseraient, car, sans vraiment le savoir, car il faut dire que vous vous connaissez sans vraiment vous connaitre en fait, Freya a touché une corde sensible. Est-ce que tu veux vraiment en finir ? Si oui, qu'est-ce qui t'en empêche ? Ce n'est pas comme si tu avais besoin de la permission explicite de qui que ce soit pour le faire. Et puis, il faut dire la vérité, ce n'est pas comme si tu n'avais pas déjà commencé dans un sens. Tu le fais tous les jours, très lentement à petit feu, et ce sans que quelqu'un ne vienne te demander de rendre des comptes ou te cherches des noises.
Tu fais un pas de plus en arrière à ces mots, comme si ton corps cherchait tout seul une issue de secours et qu'il ne savait pas comment faire. Tu ranges les clefs de ta Mustang que tu as agité comme un prix devant les yeux de la jeune femme il y a quelques secondes de cela, et tu prends une profonde inspiration: la voix de Freya, toute pleine de vérité et de reproches fendant de nouveau l'air. La partie la plus logique de ton cerveau sait qu'elle a raison, que tu n'as pas à lui faire ses reproches et croire que tu es aussi blanc que neige, ce n'est pas le cas, ce n'est tellement pas le cas, et pourtant c'est bien la rancoeur et pas autre chose qui fait battre ton coeur. "C'est tout ce que tu as à me dire de plus...? Je suppose que c'est parfait pour l'occasion." Car non, vous n'avez jamais été particulièrement amis mais au moins, vous aviez la décence d'être un brin civils et même cela c'est fini, ce joli petit accord vient de partir en fumée, tout ça parce que tu as bu le verre de trop, tout ça parce que tu n'as pas su te contenir et que tu as franchi une limite que tu ne t'étais jamais autorisée à franchir. Du moins pas depuis longtemps.
Une autre inspiration, et la logique semble encore prendre place dans ton cerveau embrué, tu détestes ça, une de tes mains se perd dans ta barbe tandis que ton regard sombre, plus sombre que d'ordinaire ne la quitte toujours pas. Si tu pouvais, et si tu étais toujours dans un bar, tu demanderais un autre verre, histoire de te perdre un peu plus et de ne penser à rien justement. Quand la logique arrive, il y a tout de suite plus de difficultés, tout de suite plus de gens qui sont blessés. Et tu ne peux supporter aucune de ces deux alternatives là tout de suite. "Mais tu as sûrement raison sur quelques points au moins, je suis pas revenu vers toi, juste pour te laisser ton espace et te laisser le temps... De gérer tes propres problèmes mais ouais ça aussi on va le mettre sur mon dos, ça sera juste une chose de plus." Lâcheté, politesse, tu ne sais pas vraiment par où commencer et tu es certain qu'au moment où tu as pris cette décision, tu avais de très bonnes raisons, posées et mesurées et que tu as avant tout considéré le bien de Freya, et même avant le tient. Car même si cela implique que tu sois sur la touche, tu fais toujours passer les autres en premier, c'est comme ça que tu fonctionns, et les années, les blessures et autres cicatrices n'ont jamais changé cela et ne le changeront jamais.
"J'ai pas essayé et toi non plus, on va laisser ça comme ça je suppose." Car qu'est-ce que tu pourrais ajouter de plus dans une telle situation ...? Freya a sans doute raison, tu devrais juste foncer droit dans un mur et laisser tout le monde tranquille. Où est donc le mur le plus proche ? "Have a nice life I guess." Tes clés ont disparu dans la poche de ton jean et tu fais un mouvement de plus de recul, la laissant retourner à sa petite matinée propre et parfaite.