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C'est son odorat qui se réveille avant sa vue. Et son toucher aussi. Sa main caresse de la peau et son nez est assailli par une odeur familière mais qui n'a rien à faire ici. Lizzie ouvre les yeux et elle crut pendant une fraction de seconde d'avoir de nouveau seize ans alors qu'elle regarde la masse suédoise encore happée par Morphée. Wren a l'air loin de ses problèmes alors que Lizzie est en train de s'en créer dans sa tête. Une partie lui dit de rester mais l’autre, la plus grande, celle qui gagne toujours, lui dit de se lever. Ce qu’elle fait. En essayant de ne pas le réveiller. Le cœur battant et l’envie déjà de le rejoindre alors qu’elle s’empresse de remettre son pyjama. Non, on ne peut pas le rejoindre. C’est hors limite. Ce qu’il s’est passé est déjà hors limite ? Qu’est-ce qu’il s’est passé déjà ?

Quelques minutes après et sans savoir vraiment comment elle a atterri là, Lizzie se retrouve derrière les fourneaux. Une poêle se réchauffe sur la plaque avant qu'elle y foute distraitement des tranches de bacon. Elle a le cerveau en vrac malgré ses membres qui sont en apaisement certain. Comme si elle a fumé le meilleur cannabis du monde. Mais ce n'est pas le cas, se dit-elle en levant ses yeux vers le plafond qui donne directement sur sa chambre. Potter a les mains qui se torturent entre elles alors qu'elle commence à faire les cent pas dans la cuisine. Connerie sur connerie, voilà ce qu'elle fait. Les yeux portés dans le vide, elle ne voit pas la poêle qui commence à roussir ni même ne sent le bacon qui prend une couleur noire. D'ailleurs pourquoi elle fait du bacon ? Elle n'en mange pas, elle est végétarienne, ça n'a pas de sens. Peut-être parce que tu veux qu'il reste ? Non. Ce n'est pas prévu, ce n'est pas envisageable. Comme ce qu’il s’est passé hier soir. Ce n’était pas prévu non plus, évidemment que ce n’était pas prévu. Ses doigts tremblent et elle laisse la cuisine (la gazinière) en plan pour se sauver dans la salle de bain. Elle cherche, elle fouille, où est-ce qu’elle les a mis, bordel ? Ses mains renversent le gobelet et une crème et certainement une lime à ongles. Ce n’est pas grave, elle rangera plus tard. Elle ne trouve pas ce qu’elle veut et ça la frustre. Lizzie sent les palpitations, elle ressent le manque, il faut qu’elle mette la main dess- Respiration coupée alors qu’elle tombe nez-à-nez avec Wren qui descend les escaliers. La gorge se coince, les membres se paralysent et elle ignore où se planquer. Disparaitre six pieds sous terre serait une option terriblement délicieuse à cet instant précis.

Le suédois était habitué au réveil froid et solitaire, c'était quelque chose qui lui correspondait même plutôt bien alors, pourquoi ce matin-là le vivait-il plus durement qu'à l'accoutumée? Lorsque ses yeux verts d'eau s'ouvrirent sur un monde fade, le jour était déjà levé et l'odeur du bacon brûlé atteignait ses narines, sans comprendre d'où provenait cette nourriture bénie des dieux. Doherty se passa une main lascive sur le visage, s'appuyant sur ses coudes pour se relever légèrement et prendre en compte l'environnement autour de lui. La réalité le marqua à ce moment précis: il reconnut les lieux de la veille, se remit en mémoire chaque instant, des lèvres de Lizzie sur les siennes d'abord hésitantes puis la fougue qui les avait entraînés vers un autre monde, vers un remerciement que Wren n'avait pas anticipé avant de s'endormir avec la belle brune entre ses bras. Cette fois, il était seul sous les couettes et l'idée ne lui plaisait guère. Douze années auparavant, c'était lui qui se levait toujours en premier, le nordique toujours matinal, et il avait le temps de vivre une bonne journée avant d'oser aller réveiller sa belle. Là, elle s'était enfuie sans rien lui dire, laissant un Wren hésitant qui retirait la couverture et chercha ses habits à droite à gauche, histoire de redescendre dans une tenue décente. Si cela ne tenait qu'à lui, il serait sûrement resté toute la journée dans la plus belle des nudités parce qu'il considérait que les vêtements entravaient sa liberté mais Wren savait que d'autres êtres humains ne partageaient pas ce point de vue. Il finit par descendre les escaliers avec une lenteur déconcertante, s'arrêtant dans la cuisine pour éteindre le feu du bacon qui brûlait encore au fond de la poêle... Et voilà que d'un simple geste, il se rappelait qui il était. Il avait envie de laisser l'odeur se répandre, la fumée également et Wren dût se contenir parce qu'il avait promis de ne pas devenir le pyromane qu'avait été son père. A la place, il détourna le regard de la nourriture carbonisée pour se concentrer sur le bruit dans la pièce voisine, un suédois n'hésitant qu'à peine avant d'entrer et de trouver une Lizzie en panique en train de fouiller partout à la recherche de quelque chose qu'elle ne trouvait apparemment pas. "Qu'est-ce que tu fais?" Il savait, bien sûr qu'il savait. Les pilules, elle en avait parlé la veille et ils partageaient suffisamment les mêmes vices pour que Doherty sache ce dont elle avait envie et besoin à cet instant précis. Lui voulait du feu, elle un calmant, la logique était belle à mourir. "C'est ça que tu cherches?" Wren avait attrapé un flacon sur une étagère avoisinante, tendant les pilules à Lizzie, ne sachant pas s'il appréciait l'idée ou pas. De toute façon, il n'avait pas son mot à dire. "Tu vas bien?" Il savait que la réponse était négative et cela allait engendrer un cataclysme sur sa petite personne aussi. La fin d'une ère qui avait à peine débuté.

« Qu'est-ce que tu fais ? » J’aimerai bien le savoir.
« C'est ça que tu cherches ? » Oui. Le salut.
« Tu vas bien ? »

« Ça va. » Pas. Qui reste coincé dans la gorge mais qui est quand même hurlé à travers le loft. Il n’y a que ce mot non-dit qui résonne partout et Wren, Wren ne sera pas dupe. Il lui pose la question - trop de questions - mais il connait déjà les réponses. La preuve. Lizzie attrape le flacon avant qu’il n’ait l’idée de lui foutre hors de sa portée. Elle aussi, elle sait qu’il la jugera. Même silencieusement. Rien que son ton laisse prévoir qu’il est déjà bourré de reproches quelque part. Lizzie ne reste pas devant lui, elle se carapate aussi vite que son ombre, prenant bien soin de ne pas le regarder en pleine face et encore moins de le toucher. Comme si le contact est dangereux, comme s’il est porteur d’une maladie qu’elle ne veut pas être atteinte. Le problème, c’est que sa maladie, à Doherty, il l’a déjà transmise à Potter. Pire, elle le partage depuis tout ce temps, ayant vécu douze ans juste pour arriver au moment où la bulle éclate et les petites billes de couleur s’éparpillent. Et mon dieu que les couleurs étaient vibrantes. Entre eux, ça a toujours été comme ça, de toute façon. Leurs retrouvailles n’auraient pu être autrement.
Ou alors si.

Lizzie aurait pu s’adonner à plus de sentiments, plus de passion, se laisser aller sur cette vague qu’elle n’a jamais osé prendre. Mais non. Exactement comme maintenant. Elle refuse tout bonnement de s’y laisser couler et noyer. Elle respire furieusement alors que sa main ouvre le placard pour attraper un verre qu’elle s’empresse de remplir d’eau au robinet. Son autre main ouvre le flacon et elle laisse les pilules s’étaler complètement sur le plan de travail alors que son doigt en attrape une. Puis deux après une brève hésitation. Tant pis, elle passera la journée à croupir dans son lit. Avec un peu de chance, anesthésiée de toute pensée et vidée de toute émotion. Lizzie avale, Lizzie boit et Lizzie respire. Elle passe ses doigts entre ses yeux et sur son nez alors que son champ de vision prend conscience de la poêle. Automatiquement, elle sort une assiette pour y mettre les tranches et laisser tout ça choir sur le plan de travail. « Je sais pas si c’est mangeable, un côté doit être cramé, l’autre à peine cuit. Je devrai jeter ça, ça n’aurait été qu’un animal tué pour rien. Un de plus ou un de moins, qu’est-ce que ça change de toute façon quand on voit le gaspillage alimentaire quotidien ? » Est-ce que Wren est dans les environs ? Elle l’ignore. Tant pis, Lizzie parlera alors aux murs. Au moins eux, ils ne portent pas un voile dangereux ni un cœur trop lourd pour elle à porter.

Wren ne trouvait aucun mot parce qu'elle lui mentait, ouvertement. Il savait mieux que quiconque que Lizzie n'allait pas bien, elle lui avait montré la veille en se recroquevillant à nouveau, une mauvaise habitude que Doherty n'aimait pas voir. Ce matin-là, elle recommençait à ne pas exposer les faits et il la regarda simplement attraper le flacon et courir vers la cuisine. Lui resta planté là une bonne minute, essayant de retrouver un contact clair avec la réalité mais aucune de ses pensées n'avait l'air cohérente. Qu'avaient-ils fait la veille? Qu'allaient-ils faire le lendemain? Tout lui semblait si flou et pourtant, il savait déjà ce qu'il en était, même s'il ne voulait pas voir la vérité en face. Le suédois se rappelait fort bien de la nuit où ils s'étaient mis ensemble alors qu'ils n'étaient encore que des adolescents et l'ambiance avait été bien plus chaleureuse après l'acte. Là, il constatait surtout que Lizzie le fuyait le plus possible mais Wren n'arrivait pas à lui en vouloir. Elle était encore si fragile, lui aussi d'ailleurs et pourtant, ils avaient succombé à quelque chose de bien plus fort que leur petite personne. C'était dur à vivre, dur à digérer aussi mais Doherty finit par la rejoindre dans la cuisine, regardant les quelques pilules sur le plan de travail alors que Potter en avalait deux et il se doutait que d'autres suivraient sous peu. Wren abhorrait cette image: qu'est-ce que le monde avait fait de sa brune? Il s'en voulait aussi parce qu'il était responsable de ce mal profond à la base, c'était lui qui l'avait abandonnée et lui qui était revenu la chercher alors qu'elle avait l'air loin d'être prête à vivre ce genre d'aventures. Tout cela était bien trop intense pour une âme brisée et Wren resta debout de l'autre côté du plan de travail, la voyant déblatérer sur la tranche de bacon grillé, Doherty n'avait rien à dire sur le sujet. Il ne se considérait pas comme un consommateur exemplaire et à vrai dire, il n'avait pas l'air très enclin à parler nourriture sur le moment. "Dis le que tu veux que je parte, Lizzie. Fuis pas ce que tu penses ou ce que tu ressens, tu peux pas me mentir là." Il ne voulait pas prononcer ces mots, il en avait mal au coeur mais Wren savait que c'était ce que la belle brune avait en tête. Elle avait peur de lui comme la veille, il avait profité de sa fragilité et le jeune nordique se détestait pour cela, entre autres choses parce que la liste était longue désormais. "On peut effacer cette nuit si ça t'arrange." Ce n'était pas ce qu'il voulait, lui, mais pouvait-il la laisser aussi en détresse? Non, il devait faire en sorte qu'elle se relève de toutes les épreuves à traverser et Doherty, lui, ne pouvait plus être son bourreau. C'était l'inverse qui devait naître cette fois-là et l'âme du brun se brisait déjà en mille morceaux, avant même d'avoir obtenu la moindre réponse et son ego l'empêcherait d'exposer la vérité face à Potter. C'était la fin de tout ce qu'ils auraient pu être, dans une autre vie, d'autres circonstances, dans un monde où l'amour ne les avait pas rendus ignorants.

Ses doigts se crispent avant qu’elle ne les force à se détendre. Parce que ça va aller, tout va bien se passer, elle va réussir à garder le cap. N’est-ce pas ? Pas quand elle l’entend. Wren expose deux faits contradictoires dans une simple phrase. “Dis-le que tu veux que je parte, Lizzie.” vs “Fuis pas ce que tu penses ou ce que tu ressens, tu peux pas me mentir là.” Deux choses qui n’ont pas de sens dans sa tête. Lizzie a le regard qui se perd devant elle, sentant son palpitant tenter de s’apaiser, doucement engourdi grâce aux bons soins de valeureux scientifiques. Si elle écoute ce qu’elle ressent, elle va s’accrocher. Elle le sait. Parce que Wren est pire qu’une drogue, il est pire que tous les addictifs du monde. Qu’elle a passé douze ans à le détester, à le maudire, à réussir à foutre dans un coin de sa tête ce qu’il peut provoquer en elle. Et sur elle. Lizzie aurait préféré pouvoir dire qu’il y avait eu de l’alcool impliqué, elle aurait pu faire semblant de ne pas se rappeler. D’ailleurs, elle aurait aussi préféré ne pas se rappeler de toutes ces sensations. Ses lèvres sur les siennes, sa peau contre la sienne, leurs mains… Elle secoue la tête parce que ça ne peut pas recommencer. Ce n’est pas possible. Elle se l’interdit.
Alors fuir lui semble la meilleure option. Fuir ses propres sentiments et le faire fuir, deux décisions cruciales, meurtrières, brutales. Lizzie a la lèvre qui tremble légèrement et la voix coincée. Tout est normalement plus facile avec d’autres. Avec le reste du monde, le lendemain n’est pas aussi angoissant, il n’est pas aussi dramatique. Le contrat est clair d’entrée de jeu, normalement.

Mais Wren n’est pas le reste du monde et il ne le sera jamais.
Et on ne peut pas dire que le contrat a été des plus net.

Lizzie se sent mal, un vertige la cisaille en réalisant ce qu’ils avaient fait. Et c’est à ce moment que le suédois lui balance “On peut effacer cette nuit si ça t'arrange.” « C’est ce que tu veux ? » Répondre une question par une question est mal polie, lui avait répété sa mère. Et pourtant, c’est exactement ce que Lizzie fait alors qu’enfin, son visage se lève pour se porter vers lui. Peut-être qu’elle veut chercher et lire, savoir ce qu’il pense de tout ça. Mais Wren est imperturbable, ses traits ne le trahissant qu’à la commissure de ses lèvres crispées. Peut-être qu’elle essaie de savoir si ça ne l’arrangerait pas lui, parce que ça lui faciliterait la tâche et elle aurait moins ce sentiment de culpabilité. La sensation de l’avoir utilisé pour ses propres fins, pour son propre bien est cruelle et envahie tous ses pores.

Mais même s’ils le voulaient, ils ne pourront jamais effacer cette nuit-là. Lizzie le ressent encore partout, son corps entier le réclamant de nouveau. Laisser au placard ou dans un flacon ses craintes et franchir le plan de travail qui les sépare pour ne plus jamais le laisser s’enfuir. Ni le repousser.

Impossible.
« Ce n’était qu’une nuit, de toute façon. Pas de quoi en faire toute une histoire. » N’est-ce pas ? Lizzie prononce ses mots avec détachement et certitude mais elle n’en croit pas un mot. Leur histoire ne se résumera jamais à une nuit, tout comme elle ne se réduira jamais à un vide d’émotions. Il y aura toujours quelque chose entre eux mais ça, Lizzie préfère fermer les yeux dessus.
C’est bien mieux comme ça.

Il était avare de paroles et peut être qu'il aurait dû faire comme à l'accoutumée, rester silencieux et attendre que Lizzie finisse par prendre sa décision d'elle-même. La vérité, néanmoins, le martelait. Wren avait besoin de comprendre, il avait l'envie que tout devienne plus clair et qu'il n'y ait plus de secrets qui les tiennent éloignés l'un de l'autre. C'était un voeu trop cher et clairement bien trop pieux pour qu'il puisse l'obtenir. Potter ne lui donnerait pas raison parce qu'il lisait dans ses yeux et il n'aimait pas ce qu'il pouvait y lire. Elle allait fuir, elle allait résister, elle allait faire comme si elle pouvait tout oublier. En clair, elle allait penser qu'elle pouvait faire comme lui douze années auparavant mais avait-il le droit de lui répéter que le stratagème n'avait pas fonctionné du tout? Doherty ne s'en sentait pas capable, c'était à la brune de vivre son erreur, de la traîner avec elle partout où elle allait alors que Wren traînerait sa carcasse en quête d'un renouveau qui ne viendrait plus. Il ne pouvait plus guérir de ce mal de coeur, le Doherty, pas plus qu'il ne pouvait obtenir ce qu'il souhaitait car l'actrice n'était pas prête pour quelque chose d'aussi fort. L'était-il, lui? A peine quelques semaines plus tôt, il mettait la ville à feu et à sang après tout. Etait-ce quelque chose qu'il désirait faire vivre à Lizzie? Toujours pas. Au final, il n'y avait aucun bon choix, aucune évidence sauf celle qu'il l'aimait, sans pouvoir lui exposer clairement. "Non." Il ne voulait pas faire disparaître les souvenirs qui l'émoustillaient encore parce que ce qu'ils avaient vécu avait été exceptionnel, un moment qui allait lui manquer, non, qu'il lui manquait déjà. Wren voulait la serrer dans ses bras, il voulait pouvoir la toucher, sentir ses mains se balader sur ses courbes à nouveau et l'embrasser mais il ne bougeait pas. Wren voulait rester impassible, s'attendant à la cruelle sentence car, oui, d'après Potter, on ne parlait que d'une nuit comme une autre, un moment d'égarement qui ne devait pas avoir des conséquences énormes dans leur vie respective. Quel beau mensonge mais Wren y croyait, forcément. "Je crois que si, on devrait en faire toute une histoire. On parle de toi et moi après tout. Et ce genre de choses, ça a jamais été une histoire d'un soir, un truc sauvage qui, une fois satisfait, n'a plus lieu d'être mais si tu le crois..." J'en aurais le coeur en miettes, Lizzie Potter. Voilà la pensée qu'il avait mais qu'il n'était pas en mesure de formuler, bras croisés et yeux vides de toute émotion parce qu'il restait un Doherty et que, dans la famille, on se refusait à montrer la moindre vulnérabilité en public. Lorsqu'il serait seul, ce serait certainement une autre affaire par contre.

Le “Non” est cinglant, il est sans retenu et il est clair. Lizzie le voit très bien qu’il est honnête. Pour une fois, la roue tourne, les rôles sont inversés et c’est elle qui essaie de garder tout son être en composition. Ne serait-ce que le temps de cette conversation, juste l’espace avant qu’il ne tourne les talons et qu’il claque la porte. Il y aura sûrement comme un goût de déjà vu mais pour une fois, c’est Elizabeth qui le mauvais rôle. Il n’y a pas vraiment de meilleur choix pour l’instant, elle n’est pas prête pour tout ça et elle ne peut pas lui infliger ça. Elle met en péril à peu près tout ce qu’ils ont réussi à reconstruire ces dernières semaines, cette complicité naturellement retrouvée. Non, elle a mis tout ça en péril à partir du moment où ses lèvres se sont posées sur les siennes. Elle qui a incité le premier baiser, elle qui l’a poussé à la toucher. Elle qui est venue le voir au final pour lui demander de simplement la rendre vivante, de l’aimer pleinement. Elle qui a vaincu ses résistances et abattu toutes les gardes du suédois pour qu’il s’abandonne à elle. Elle la coupable et la pierre lui revient de droit.

Pierre de culpabilité qui traine déjà dans son estomac et dont elle n’en supporte pas la présence.
« Pour moi, ça l’était. » Une histoire d’un soir, un truc sauvage. Une version dans laquelle elle se complait totalement, un mensonge d’une brutalité qui n’est pas la sienne. Lizzie Potter n’est pas censée être comme ça, elle n’est pas supposée être aussi cruelle. Peut-être qu’elle aurait dû le reprendre dès le début, lui dire qu’effectivement, il peut - doit - partir. Même s’il y a ces fichues tranches de bacon qui prouvent que dans le fond, elle ne veut pas vraiment qu’il parte. « C’était une erreur. T’as dû croire que c’était plus que ça mais… T’allais pas bien, j’allais pas mieux, on était pas dans notre état normal. » Excuse typique, excuse facile, excise bidon. « Il n’y a rien à dire, Wren. Ça compliquerait trop les choses. On n’a pas besoin de ça. » Pas en ce moment, pas dans leurs états respectifs. « Désolée si tu as cru que c’était une porte d’entrée sur autre chose. » Ils ont réussi à recoller les morceaux un à un de chacun pendant des jours et des semaines, jusqu’à l’apogée d’hier soir. Mais là, c’est clairement le fracas, la fissure et les explosions en milliers de petits débris qui est en train de se passer. Lizzie l’observe se tenir les bras croisés, ces mêmes bras qui l’ont sauvé plus d’une fois. Wren a clairement la position de quelqu’un sur la défensive et elle se mord la lèvre tout en s’adossant au meuble derrière elle, ses mains sur les rebords. « Je croyais que tu n’étais pas un grand bavard de toute façon. » Quelque part dans son intérieur quelque chose se brise et se casse avec bruit. Lizzie avait presque oublié la sensation qu’un cœur brisé peut faire. Parce que quand il s’agit de Wren, il ne peut en être autrement. Son cœur sera toujours impliqué plus que de raison.

Wren avait la sensation d'être dans un univers alternatif, un endroit où elle était le bourreau et lui la victime car ils revenaient très clairement douze années en arrière mais avec des rôles inversés cette fois. Lizzie mentait et tout idiot qu'il était, Doherty allait la croire parce qu'il la considérait comme un petit ange, une femme honnête qui ne lui avait jamais menti au cours de leur relation. Le suédois ne prenait pas en compte toutes les années qui les avaient séparées et tout ce que cela avait provoqué comme bouleversement dans la personnalité de la belle Potter. Non, Wren ne voyait rien de tout cela parce qu'il était encore cet adolescent stupide qui avait l'air de ne rien avoir à perdre mais c'était faux, cruellement faux. Il avait déjà tout perdu à ce moment là, en fuyant face au regard inquisiteur de Lizzie, après avoir perdu son côté sain d'esprit et voilà qu'il s'apprêtait à se laisser marcher sur le coeur, non plutôt broyer sans se défendre. Elle le détruisait et peut être même qu'elle y éprouvait un certain plaisir parce que c'était une belle vengeance, non? Lui faire miroiter qu'ils étaient de nouveau sur la même longueur d'ondes pour mieux morceler son âme à peine l'instant passé, c'était en tout cas l'illusion qui en ressortait et Wren, effectivement, n'avait pas grand chose à dire en retour. Sa mâchoire se serrait, ses yeux verts d'eau laissaient échapper des éclairs alors qu'il retenait son venin parce que les mots de la brune n'avaient aucun sens, ils étaient tout bonnement impossibles. Cette nuit là, il l'avait sentie entièrement à lui, comme lui avait été à elle, deux âmes errantes qui s'étaient accrochées l'une à l'autre pour le meilleur et elle n'avait pas pu mentir en l'embrassant aussi fiévreusement, en forçant ses mains à rester là, bien ancrées sur sa peau qui lui avait tant manqué en douze ans. "T'es vraiment en train d'attaquer ma personnalité pour justifier ton choix là, Lizzie?" Il n'avait même pas bougé d'un millimètre en prononçant ses mots, sa langue glissant sur sa lèvre inférieure avant qu'il ne la mordille pour s'éviter de dire des mots regrettables. Pourtant, c'était ce qu'elle voulait, non? Qu'il devienne le vilain de l'histoire à nouveau, que tout redevienne à la normale mais peut être que cette fois, Wren ne lui ferait pas ce petit plaisir. Tout sauf cela. "T'as couché avec moi pour quoi alors? Si t'en as rien à foutre de moi, pourquoi tu m'as choisi pour ça? Il y avait p'tet cent enfoirés dehors que t'aurais pu avoir et toi, tu choisis ton ex, ça fait pas vraiment sens, Lizzie. Ce que tu dis correspond pas à ce que t'as fait hier. Il y a forcément un mensonge quelque part et si tu me mens là, tu sais très bien comment ça se passera." Il ne reviendrait pas, c'était ce qu'il lui suggérait comme lui avait dû vivre avec son absence pendant douze ans parce que cela avait été son choix et qu'il avait dû l'assumer jusqu'au bout, même si l'envie de la revoir avait été puissante au fil des ans. "C'était une porte de sortie, donc? Tu pourras pas la repasser dans l'autre sens, j'espère que tu le sais ça." Et bordel, qu'il avait mal au coeur de lui dire cela mais il se devait de le penser ou alors son coeur n'y survivrait pas. "Tu vivras avec ton choix, Lizzie, fais en sorte au moins de pas le regretter." Car lui allait le faire pour elle, sûrement en allant détruire une ou deux poubelles, voire plus encore. Il était fichu de toute façon, alors pourquoi se contenir? Pourquoi vouloir guérir?