Nouveau rendez-vous, nouvel hôtel. Owen avait revu sa stratégie quand l’hôtesse de l’accueil du précédent hôtel commençait à connaitre son nom par cœur et lui réservait systématiquement la même chambre depuis les trois ou quatre dernières fois. Comme si une paranoïa commençait à s’installer, il avait préféré quitter ses quartiers généraux et envoyer à Evie une nouvelle adresse sans rien ajouter de plus. Comme si ça allait mettre du piquant supplémentaire. Et alors que le prêtre connaissait enfin le numéro de sa chambre, celui-ci pouvait lui communiquer. Et le numéro de la chambre lui avait donné le sourire, comme un signe peut être. 2109 qu’il pouvait lire aussi 21 septembre, soit la date anniversaire d’Evie. Tant qu’on ne lui attribuait pas la chambre 666 tout lui allait de toutes façons, le jour où ça arriverait, il devrait sans doute comprendre que le seigneur avait été assez clément avec lui et qu’à partir de ce moment-là, il était entre les mains du démon. Mais en attendant, il pouvait continuer ses rendez-vous à la sauvette avec la demoiselle, en attendant n’importe quel signe qui pourrait le ramener à la raison.
Jamais le sujet n’avait encore été abordé entre ces deux-là, préférant sans doute profiter de l’instant présent sans pour autant devoir mettre sur la table les choses qui fâchent. Il n’était sans nulle doute qu’ils y pensaient tous les deux, du moins, Owen y pensait vraiment et en réalité, presque à chaque fois qu’il passait le pas de la porte de l’Eglise. A chaque fois, il jetait ce coup d’œil au Christ sur sa croix au-dessus de l’autel, chaque fois il avait cette même pensée : pardonne-moi. Et en même temps, comme un besoin vital, à chaque fois qu’il ressortait de là, ses pensées étaient tournées vers Evie et à la prochaine fois où il la verrait, à la prochaine fois où ses lèvres retrouveraient les siennes, la prochaine fois où il sentirait la chaleur de son corps contre le sien.
Attendant dans cette chambre d’hôtel, il se demandait à chaque fois si elle allait vraiment venir, si elle n’avait pas elle-même été rattrapée par la raison, si tout ça ne lui pesait pas et si elle ne préférait pas tout arrêter. Il y avait systématiquement ce moment de doute lorsqu’il était seul et qu’il n’avait plus que sa tête pour penser. Et à chaque fois, jusqu’à présent, les doutes se dissipaient quand elle frappait à sa porte. Le prêtre se leva du lit et alla ouvrir, prêtre à agripper Evie pour l’attirer vers lui et refermer cette porte quand finalement, dans le couloir, c’était une femme de chambre qui se tenait là et pas n’importe laquelle… « Oh, Père Baxton…» fit elle aussi surprise que lui de le voir là. Il ne s’attendait pas à ce qu’une des fidèles de l’église puisse travailler dans le coin mais en même temps, rien d’étonnant, c’est juste qu’il ne connaissait pas la vie de tous les croyants et même en prenant soin de prendre un hôtel éloigné de Redcliff, tout était possible. Le prêtre vira rouge. « J’ai oublié de changer vos poubelles plus tôt… »  il n’avait rien vu, n’y avait pas prêté attention. « Ce n’est pas grave, ne vous en faites pas Alice… ce sera pour demain. » Il espérait qu’Evie n’arrive pas de sitôt.  « J’en ai pour deux secondes… » qu’allait-elle dire en voyant ce bouquet de fleur posée sur le bureau de la chambre ? « Je vous les apporte… » il referma la porte avant d’aller dans la salle de bain et dans la poubelle sous le bureau pour récupérer les deux sacs presque vides. « Voilà pour vous. Bonne soirée et à dimanche. » il referma aussitôt la porte et se plaqua contre celle-ci, soufflant, il priait pour qu’Evie ait du retard.

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Le dos fusionnant presque avec le mur contre lequel elle s'était précipitamment plaquée lorsqu'en arrivant, elle s'était aperçu qu'une femme de chambre était arrêtée devant la chambre 2109, Evelyn hésita un instant avant de jeter de nouveau un coup d'œil méfiant dans le couloir qu'elle prévoyait d'emprunter. Curieusement, elle avait su que c'était une mauvaise idée à la seconde où elle avait lu le texto envoyé par Owen. Et pour cause, elle avait élu domicile ici même lorsqu'elle était rentrée d'Angleterre ; le temps de remettre de l'ordre dans ses esprits et dans ses affaires avant d'envisager de se réinstaller définitivement en Australie. Sans parler de la notoriété de sa famille, son visage était connu des employés de l'Emporium Hotel et ce n'était pas une paire de lunettes hors de prix qui y changeraient quelque chose ; ce qu'elle avait finalement abandonné, choisissant d'arborer un visage à découvert pour traverser le corridor de l'hôtel avec l'air calme et serein de la femme qui se rend à un rendez-vous d'affaire. Dans une chambre d'hôtel, en plein après-midi, en 2020 ?
On l'avait saluée dès son arrivée sur le perron de l'établissement, l'accueillant comme la privilégiée qu'elle était, le nom qu'elle portait rendant souvent les autres plus enclins à bien la traiter. Et tandis qu'elle grimpait dans l'ascenseur, c'est pour la première fois depuis que quelque chose s'était remis en route avec Owen qu'elle avait caressé l'idée d'annuler leur rendez-vous. Pas pour protéger sa réputation qui, si elle s'était arrangée avec la distance et le temps, n'était plus à faire, à un point tel qu'elle ne prenait plus la peine de s'en soucier, sachant mieux que personne qu'on ne pouvait rien contre la rumeur. Et justement, c'était ça qui l'ennuyait dans toute cette affaire. Qu'on colporte des faits à son sujet était une chose qu'elle pouvait contrer sans se donner beaucoup de mal, passée experte dans le domaine à force d'être au cœur des scandales montés de toutes pièces par les gratte-papiers du coin, mais qu'Owen en pâtisse ? Ça lui donnait moralement du fil à retordre. Il était déjà passé par des épreuves difficiles, des changements radicaux qui l'avait mené à revoir la totalité de son mode de fonctionnement ; et elle, elle débarquait avec ses grands yeux de biche, cachant à peine ses intentions et ruinait le code de conduite qu'il avait gagné en même temps que sa place à la droite du Tout-Puissant. Il le faisait peut-être en toutes connaissances de cause – il était prêtre, il était avant tout un adulte décemment constitué sur le plan intellectuel, et qui savait ce qu'il faisait –, elle admettait de pas mettre beaucoup d'énergie pour le convaincre que toute cette histoire était une très mauvaise idée. Parce qu'elle aimait ce qu'ils partageaient ? Sans doute, car au-delà de leurs longues étreintes, le secret qui les unissait lui donnait le sentiment d'avoir quelque chose à perdre ; et autant ça la terrifiait quand elle y songeait après-coup, sur le moment, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir plus spéciale qu'elle ne l'avait jamais été. Owen avait cet effet sur elle et ça aussi, ça lui donnait à réfléchir.

Ce n'était pourtant pas le moment idéal de se lancer dans un approfondissement complet de ce que lui inspirait la situation. Et alors qu'elle entendit le chariot de la femme de chambre s'activer, le bruit des roulettes usées devenant de plus en plus feutré à mesure qu'elle, de son côté, avait mis en route un décompte mental qui s'égrainait lentement, Evie quitta sa planque sommaire pour parcourir le couloir d'un pas ni trop lent ni trop précipité, et annonça sa présence au jeune homme par trois coups doucement assénés contre le battant de la porte de la chambre.
"Je ne suis pas en retard. Tu avais de la visite." fit-elle en guise d'entame, un sourire incontrôlable fendant son visage quand il lui ouvrit la porte. Elle entra "J'ai préféré patienter quelques secondes avant de m'annoncer, j'ai bien fait ?" Elle aurait aimé lui dire que personne ne l'avait vue, mais elle ne voulait pas lui mentir. Aussi elle n'ajouta rien, abandonnant sa veste et son sac sur le lit, dévoilant une tenue dans le pur style Evelyn Pearson ; élégante et efficace, composée d'un chemisier légèrement ajouré crème et d'une jupe crayon au ton un soupçon plus foncé. L'expression qu'elle lut sur le visage du jeune homme après s'être tournée vers lui la fit froncer les sourcils "Hey, qu'est-ce qu'il t'arrive ?" Elle s'approcha pour sonder le regard qu'il avait posé sur elle, se pelotonnant contre lui en passant ses bras autour de son cou, puis en l'embrassant doucement.

Owen avait pas bien réfléchit, il s’était contenté de prendre un peu au hasard un autre hotel et pour une fois, un hotel qui était plus sympa et plus confort que ce qu’il avait l’habitude de réserver. Pas qu’il voulait en mettre plein la vue à Evelyn, car il se doutait bien qu’elle était accoutumée à ce genre d’endroit, il voulait juste visé plus haut et proposer quelques chose qui lui correspondait plus. Même si jusqu’à présent elle ne s’était jamais plainte de quoi que ce soit.
Il n’avait pas imaginé qu’elle pouvait être connu de tous dans le coin, il ne s’était pas imaginé qu’il avait peut-être grillé leur couverture sans le vouloir. Evie était comme le loup blanc, elle ne passait pas inaperçue où elle allait et encore moins quand elle était familière des lieux. Owen manquait encore de jugeotte et gagnerait à en apprendre davantage sur elle.
Alors qu’il attendait dans cette chambre, priant pour que la Pearson soit en retard, il en avait presque eu des sueurs froides. Une fervente fidèle de son église qui travaillait ici, il était loin de s’attendre à celle-ci également. Il compris maintenant qu’en réalité, il n’était à l’abris nulle part et qu’il pourrait même essayer de partir loin de Brisbane, il y aurait peut être encore quelqu’un pour lui rappeler qui il était et d’où il venait.
Trois coups à la porte, c’était signe que c’était bien elle, c’était leur code en quelques sorte, bien que pas très original, n’importe qui pourrait frapper trois coups à une porte pour s’annonçer, mais ces coups-là, il pourrait les reconnaitre parmi dix. Evie avait toujours le même rythme et cette même douce intensité lorsqu’elle percutait la porte de ses phalanges. Et il aurait d’ailleurs du reconnaitre qu’il ne s’agissait pas d’elle quelques secondes plus tôt. Mais dans l’impatience de la revoir, il n’avait pas eu ce discernement. Il aurait pu craindre qu’il s’agisse à nouveau de la femme de ménage, mais il pouvait être certain de qui il allait trouver derrière cette porte. Il était encore tendu mais relâcha ses épaules et fit craquer son cou en un tour de tête avant de retrouver sa jolie brune. Il ouvrit la porte, ne manquant pas de regarder derrière elle, un coup d’œil rapide dans les couloirs, la voie était bien libre. Quant à Evie, toujours aussi élégante, c’est avec un sourire aux lèvres qu’il l’accueillait enfin. « Je ne suis pas en retard. Tu avais de la visite. » c’était alors moins une pour que leur petit jeu ne devienne un vrai fiasco. il se poussa, laissant entrer la demoiselle et refermant rapidement la porte derrière elle. « J'ai préféré patienter quelques secondes avant de m'annoncer, j'ai bien fait ? » il hocha la tête, grimaçant également, sentant ses épaules crispées et son dos tendu. Il tentait de ne rien laisser paraître quant à sa frayeur à la demoiselle, mais visiblement, son attitude ou son regard devaient le trahir. « Hey, qu'est-ce qu'il t'arrive ? » il allait avant profiter de ce baiser qu’elle lui offrait et de ses lèvres qui lui avaient manqué avant de pouvoir lui répondre, glissant ses mains sur les hanches de la Pearson et profitant de cette promiscuité. « Je devrais ficher toutes les personnes qui assistent à la messe et savoir où elles travaillent, quels quartiers elles fréquentes et dans quel genre d’endroit elles sortent. » fit-il en ayant l’impression que le contact avec Evie lui suffisait à faire baisser la tension. « La femme de ménage, Alice. Elle vient régulièrement à l’Eglise. J’ai complétement flippé en la voyant derrière cette porte. » il se détache de la jeune femme et fait un pas en arrière pour aller s’asseoir sur le lit juste derrière, tendant sa main vers celle d’Evie pour l’attirer doucement contre lui. « j’espère au moins que l’hotel te plait. » qu’il demande en regardant la chambre première classe dans laquelle ils se trouvent. « J’ai l’impression d’être un homme marié qui trompe sa femme et se donne des frissons. » marié à dieu en quelques sortent et sa femme à lui le voit à chaque instant.

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Le contrôle avait une part prépondérante dans le fonctionnement d'Evelyn. Elle aimait être maîtresse de sa destinée, encore trop marquée par la manière dont elle avait été élevée, c'est-à-dire dans l'idée qu'un enfant est né pour servir les désirs de ses propres parents, prêts à régenter la vie de leur progéniture pour répondre à des frustrations enfouies parfois sur plusieurs générations. C'était ce qui lui valait d'être considérée comme une jeune femme indépendante, intègre et ambitieuse, de savoir gérer sa vie avec une douce poigne tandis qu'elle laissait très peu de place à l'improvisation. Ça la rendait très certainement prévisible, d'agir avec la régularité d'une horloge, mais ça l'avait longtemps rassurée d'être capable d'anticiper les choses pendant que son cerveau, habitué à la supervision constante de ses moindres faits et gestes, agissait selon ce qu'elle avait décidé elle, et elle uniquement. D'une certaine façon, ça reflétait une grande anxiété, mais elle la dissimulait sous le charisme qu'elle avait cultivé toutes ses années, recluse dans un pays où elle avait pu prévoir son avenir sans craindre qu'on la juge. Alors finalement, n'avait-elle pas déjà prévu ce qui était en train d'arriver à ce moment-là ? Elle serait tentée de répondre que non, bonne joueuse, et croyant sincèrement que la situation entre elle et Owen ne valait pas qu'on en fasse tout un drame… mais la vérité c'était qu'elle était mieux placée que quiconque pour admettre que ce serait bientôt terminé, et que ce serait pour le mieux.
Les enjeux étaient trop importants pour qu'ils ne continuent à faire comme si tout était normal et pire encore, comme s'ils ne souffriraient pas des retombées induites par le scandale que provoquerait leur histoire – si histoire il y avait, car dans le fond, pouvaient-ils se targuer d'être un couple, ou juste deux vieux amants qui s'étaient laissé influencer par le doux chant de la nostalgie ? En effet, anticiper le futur désastre de ce feu de paille était dans ses cordes, comme de prétendre que la réponse d'Owen à sa question ne la mettait pas mal à l'aise. Le sujet n'avait jamais été abordé, il se contentait de flotter dans l'atmosphère, lourd et imposant ; comme un éléphant dans la pièce qu'ils s'obstinaient à contourner pour mieux profiter de l'instant présent, entre baisers fougueux et caresses agréables. Mais à sentir la tension qui émanait du corps du jeune homme, cesser de jouer à leur guise pour se reconcentrer sur certaines règles de base était nécessaire.
Elle le laissa faire un pas en arrière, rompant brièvement leur étreinte qu'il s'occupa de combler en la guidant par la main. Un instant, la jeune femme se demanda s'il ne serait pas judicieux de battre en touche tout de suite ; de prendre les devants pour ne pas souffrir de la distance qui les séparerait bientôt. Parce qu'il ne pouvait en être autrement, n'est-ce pas ? Si cette histoire pesait trop lourd sur les épaules d'Owen, elle ne le pousserait pas à continuer au risque de perdre plus que sa carrière. Elle s'assit à ses côtés, retenant un soupir que la question qu'il lui posa à propos de l'endroit rendit moins las.

"Bien sûr, elle est parfaite. Ne t'inquiète pas pour ça." Et elle opina, tournant la tête pour croiser son regard. Elle se pencha pour l'embrasser sur la joue, et frotta la légère trace de rouge à lèvres qu'elle laissa sur sa peau, avant de recevoir un léger coup au cœur face à son choix de vocabulaire. C'était maladroit, et la susceptibilité ne faisant pas partie de ses défauts immédiats, elle savait qu'elle n'avait pas le droit de le fustiger d'exprimer son impression avec autant d'emphase. Mais elle devait avouer que la comparaison était douloureuse, et que dans un sourire un peu triste, elle lui demanda "Je suppose que c'est moi la maîtresse dans l'histoire ?" Et même si elle était en compétition avec un vieux bonhomme dont l'existence restait à prouver, elle dut admettre que le sentiment d'humiliation était cuisant – une gifle reçue comme un rappel que dans cette histoire, elle pouvait ranger ses quadrillages, ses listes et ses organigrammes : elle n'avait pas son mot à dire.
Ça détruisait une bonne partie de ses principes féministes. Sans qu'elle ne le veuille tout à fait, elle pensa à Lara ; à la façon dont elle la mettait toujours en garde sur cette façon qu'avait les hommes de tout souiller, l'asticotant pour plaisanter sur ce gros défaut qu'elle avait de les préférer. Elle baissa la tête, fronçant doucement les sourcils pour lui dire, rompant le silence de cette grande chambre "Tu savais que ça allait être compliqué à gérer, je t'ai demandé si tu étais sûr de toi, Owen." lui rappela-t-elle. Evie n'attendit pas qu'il dise quoi que ce soit d'autre, elle ajouta en relevant la tête pour le fixer un instant "C'est rien si c'est trop pour toi. Je comprends et je ne te forcerais pas à continuer à…" A quoi ? A bafouer toutes les promesses qu'il avait passé sous le coup du deuil ? A ruiner tous les efforts qu'il avait abattu pour se reconstruire une nouvelle identité ? Ce fût saisissant, faisant naître un semblant de chair de poule sur sa peau caramel qu'elle frotta, paume contre ses avant-bras, en se levant du bord du lit pour s'en éloigner un peu ; elle se trouva égoïste d'avoir initié tout ça, d'avoir été la première à considérer leur ancienne relation comme une excuse pour raviver ce qu'elle avait ressenti si fort en le revoyant. Ça, ça faisait partie des choses qu'elle avait été incapable de contrôler – et ça la mettait secrètement en colère que ça puisse autant le toucher, alors qu'elle avait toujours fait partie de cette catégorie de gens qui s'échinaient à ne pas s'attacher, jamais.

Alors qu’Owen voulait s’assurer que tout était parfait pour Evie. Qu’il avait fait le bon choix sur l’hôtel, que la chambre lui plaisait, que les fleurs qu’il avait choisi étaient celles qu’elle aimait. Il mettait un point d’honneur à ne faire aucun faux pas, faire de son mieux mais il restait lui, ce mec un peu maladroit, qui se rendait pas toujours compte que ses mots pouvaient eux aussi être blessant. Si lorsqu’il était dans la peau du prêtre, il était de bons conseils, les mots lui venaient naturellement et il était d’une bienveillance sans faille, alors qu’il n’avait plus son col romain, il était bien moins à l’aise. Comme si, le costume lui donnait une force supplémentaire, le protégeant de toute maladresse. Il se rendit bien compte que le vocabulaire utilisé pour comparer Evie à une maitresse ne lui plaisait pas et elle lui fit bien remarquer. « Je suppose que c'est moi la maîtresse dans l'histoire ? » et qu’elle le veuille ou non, elle était bien celle avec qui Owen faisait des infidélités à son Seigneur. Lui qui lui avait juré de lui vouer tout son amour et rien qu’à lui. Il se détournait de ses promesses et transférait une part de cette amour aveugle vers la jeune femme.
Alors qu’il lui faisait part de ses doutes, elle se concentrait sur une maladresse, remettant peut être aussi au centre du terrain l’enjeu de ces petites entrevues en cachette. A distance, le prêtre la regardait, d’un air désolé et pourtant ne trouvant pas d’autres mots pour être rassurant. Silence sans doute trop pesant, qu’Evie finissait pas rompre enfin. « Tu savais que ça allait être compliqué à gérer, je t'ai demandé si tu étais sûr de toi, Owen. » il secoua la tête, il aurait aimé confirmer et affirmer qu’il était sûre de lui à ce jour. C’était plus compliqué que ça. C’était pas simplement un choix à faire entre une tarte au citron et un éclaire au chocolat. « C'est rien si c'est trop pour toi. Je comprends et je ne te forcerais pas à continuer à… » pourtant, hors de question pour lui de renoncer à tout ça. Il s’approcha enfin d’elle, réduisant cette distance qu’il avait instaurer par sécurité. « Y a une chose dont j’suis sûr, c’est que j’ai aucun regret d’être ici aujourd’hui. » il osa enfin ouvrir ses bras pour enlacer sa jolie brune et l’attirer contre lui, déposant son menton sur le haut de son crâne. « Y a un conflit d’intérêt que j’peux pas nier. Et si y a pas un jour où j’ai pas envie de te voir, c’est aussi compliqué pour moi d’être objectif et de savoir quoi faire, de prendre une vraie décision. » la vraie décision concernant son avenir, concernant toutes les forteresse qu’il avait construit depuis quelques années. « J’ai juste l’impression que si j’renonce à être prêtre, tout risque de s’écrouler et que la chute soit vraiment violente. » parce qu’il avait construit tous ses remparts autour de ça et qu’il était encore persuadé que sans son Seigneur, il serait qu’un corps sans vie et que si aujourd’hui il s’en sortait, c’était encore grâce à sa foi. « Et qu’est c’que j’vais faire… » impossible pour lui de revenir ce dentiste qu’il a été, cette partie de sa vie étant bien loin derrière lui.
Et le prêtre ne pouvait pas non plus s’empêcher de se rappeler ces paroles de son ami Hassan, à qui il avait osé avouer ses pêchés. Bien qu’avoués sans le vouloir. Et si Evie n’était qu’un souvenir et le signe de la nostalgie d’une période bien lointaine, si elle n’était que de passage dans sa vie, si elle allait repartir aussi vite qu’elle n’était revenue ? Comment être sûre qu’ensuite, il ne regretterait finalement pas son choix ? « T’as peut être pas envie d’assumer mes états d’âme… » non pas qu’il portait la responsabilité de leur relation sur elle, non pas qu’il voulait lui mettre la pression, mais il fallait aussi comprendre que tout n’était pas simple pour lui et que pour le moment, incapable et indécis, il faudrait sans doute composer avec ses doutes et ses questionnements. Il caressait du bout des doigts ses cheveux qui tombaient en cascades sur ses épaules. « J’espère juste que c’est pas qu’un rêve et que le réveil sera pas difficile. »

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L'ambiance avait subitement permutée, Evie le sentait. Un courant invisible passa dans tout son corps, la forçant à se tenir plus droite que d'ordinaire sur ses talons, et ce pendant qu'elle refoulait la vague étrange qui déferla dans tout son être ; en commençant par son cœur qui se mit à battre la chamade sous le tissu fin du chemisier qu'elle portait. Très doucement, elle ferma les yeux pour tâcher de faire le point sur ce qui la contrariait et qui au fond, n'avait pas grand-chose à voir avec l'étiquette de maîtresse que le jeune homme avait dégainé pour la lui coller sur le front telle une lettre écarlate à laquelle elle ne s'était pas attendue, transie par la perspective du moment agréable, plein de promesses, qu'ils auraient dû passer tous les deux. A vrai dire, elle avait été désignée de tant d'autres façons, celle-ci n'était pas la pire en définitive. Mais elle venait de quelqu'un qu'elle aimait trop pour que ça ne la touche pas.
Gardant le silence un instant, elle attendit que quelque chose se passe tandis que mentalement, elle faisait le point sur la situation. C'était pour cette raison qu'elle détestait tant s'impliquer dans une quelconque forme de relation. La manière dont les choses évoluaient, ça l'effrayait à un point qu'elle ne pouvait ignorer, la faisant redouter la suite des évènements avec une clairvoyance telle qu'elle eut besoin de s'éloigner du lit. Elle n'était pas fâchée contre Owen, elle l'était davantage contre elle-même. Sa mère avait raison lorsqu'elle la désignait comme une fauteuse de troubles ; il semblait qu'elle trouvait toujours le moyen de s'immiscer quelque part pour y mettre le boxon… et puis elle finissait toujours par partir en laissant les autres nettoyer à sa place.
Pourquoi les choses seraient différentes avec Owen ? Elle n'eut pas le temps de répondre à cette interrogation secrète. Evelyn le laissa s'approcher. Dos à lui, elle sentit son menton peser contre son crâne alors qu'elle fixait le mur devant elle avec la certitude qu'elle quitterait cette chambre plus tôt que prévu. Parce qu'au contraire du jeune homme qui lui disait de ne pas savoir prendre une vraie décision, elle avait une idée précise de celle qui était en train de germer dans son esprit. Et elle lui semblait la meilleure solution au problème qui les torturait, aussi bien elle que lui.

Furtivement, elle se remémora l'expression sur le visage du prêtre lorsqu'elle était entrée dans la chambre tout à l'heure ; comme il avait craint de s'être fait prendre… ce serait la croix qu'ils devraient porter jusqu'à ce qu'il mette assez d'ordre dans son esprit pour reprendre les choses en mains et constater qu'elle ne valait peut-être pas la peine de prendre le risque de perdre tout ce qu'il avait battit pour devenir celui qu'il était aujourd'hui. Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même, elle avait été l'initiatrice de tout ça… et elle avait déjà joué l'oiseau de mauvais augure, prenant la tangente pour préserver ceux qu'elle pensait aimer du lourd poids des responsabilités. Aussi, elle jouissait d'une assez mauvaise réputation pour ne pas s'encombrer de remporter le rôle de la méchante de l'histoire ; elle l'avait déjà fait. Et puisqu'Owen semblait indécis malgré les circonstances et le fait aussi qu'il serait sans aucun doute celui à le plus souffrir d'un scandale comme celui qui les attendait, elle se devait d'exploiter la seule option viable à ce sujet. Elle se ranima, l'obligeant à lâcher prise en même temps "Et si je la prends pour toi ?" demanda-t-elle avant de se retourner pour de bon, rompant la courte étreinte qui les avait unis un instant.
Glissant à deux mains ses cheveux derrière ses oreilles, Evie tut tous les clichés entourant les ruptures amoureuses pour se lancer directement dans le vif du sujet ; elle laissa de côté l'idée qu'elle ne voulait pas le forcer à choisir entre leur histoire, si histoire il y avait, et sa foi ; elle laissa de côté l'idée qu'elle ne voulait pas qu'il la déteste… "On s'est laissé emporter, ça arrive. Il est encore temps de calmer le jeu sans que ça ne se termine trop mal pour toi." Et elle alors ? Elle mit vite la question de côté, papillonnant des yeux quand elle reprit avec un léger sourire qu'elle n'adressa à personne en particulier. Il était uniquement là pour rendre ses propos moins difficiles à avaler – pour chacun d'entre eux d'ailleurs "J'arrêterai de venir à l'église. Je vais avoir moins de temps à accorder au bénévolat de toute façon." commença-t-elle à énumérer, s'accrochant à l'idée que c'était pour le mieux "J'avais déjà prévenue Heïana, ça ne paraîtra pas si étrange que ça que je disparaisse du jour au lendemain. Tu sais comment ça se passe là-bas… les allées et venues sont fréquentes, personne ne remarquera rien et tout redeviendra vite comme avant. Tu seras moins sous pression, ce sera plus facile." annonça-t-elle en opinant du chef avec conviction. Mais elle sentit que l'intention qu'elle mettait à garder la face paraissait un peu trop surjouée pour qu'elle ne continue à faire comme si de rien n'était. Alors le regardant brièvement, elle finit par s'activer à nouveau pour aller récupérer son sac et son manteau sans rien dire davantage, sentant quelque chose peser dans le fond de la gorge pendant que tout de même, elle se forçait à déglutir.

Lorsqu’Owen parlait de devoir prendre une décision, celle-ci n’était pas de savoir s’il avait envie de rester ou non avec Evelyn, là question pour lui, n’avait pas à être posée puisque c’est avec elle qu’il se sent si bien depuis quelques semaines. Owen s’était posé la question pour sa position en temps que prêtre. La décision était de savoir où il allait, dans quelle direction : devait-il continuer à faire comme si de rien n’était, avec de plus en plus ce poids sur sa conscience ou devait-il jouer franc jeu et tout laisser derrière lui ? Il était encore malheureusement trop tot pour lui d’être si sûre que ça. De dire fermement qu’il n’avait plus cette volonté de rester dans les ordres, d’être la parole de Dieu sur terre. Il avait, pour l’instant, l’envie de vivre le moment présent. Il ne voulait rien précipité et espérait d’Evie qu’elle pourrait le comprendre, qu’elle se montrerait suffisamment patiente, si jamais leur avenir en commun était prometteur. Mais il avait ce sentiment que s’il lui disait les choses si clairement, elle allait se braquet et penser qu’il est entrain de dire qu’il ne leur voit aucun avenir, qu’il ne leur donne aucune chance, finalement. Ce n’était pas la question, pourtant. « Et si je la prends pour toi ? » fit-elle en se détachant du prêtre qui sentait que la suite allait être compliqué à entendre et à vivre. Que voulait-elle vraiment dire alors qu’il venait de dire qu’il n’avait aucun regret jusqu’à présent ? « On s'est laissé emporter, ça arrive. Il est encore temps de calmer le jeu sans que ça ne se termine trop mal pour toi. » pourquoi fallait-il qu’elle décide à sa place ? Pourquoi fallait-il qu’Evie se mette à penser à la place du prêtre ? Pourquoi fallait-il éviter à tout prix une fin terrible ? Et si c’était ce qu’il devait arriver ? Le prêtre croisa ses bras sur sa poitrine, attendant la suite, sentant qu’elle n’en avait pas fini. « J'arrêterai de venir à l'église. Je vais avoir moins de temps à accorder au bénévolat de toute façon. J'avais déjà prévenue Heïana, ça ne paraîtra pas si étrange que ça que je disparaisse du jour au lendemain. Tu sais comment ça se passe là-bas… les allées et venues sont fréquentes, personne ne remarquera rien et tout redeviendra vite comme avant. Tu seras moins sous pression, ce sera plus facile. » le plan semblait être déjà en place, Evie avait-elle déjà anticipé cette rupture précoce ? Le prêtre porta une main à son visage, frottant son menton, ayant peu de visibilité devant lui pour assurer une réponse éclairée. « J’te demandais juste un peu de patience. » juste, c’était peut être trop demandé déjà pour elle. « Il est où le souci pour toi Evie ? » se lasserait-elle déjà de ce petit jeu du chat et la souris, les parties de cache-cache dans les hotels depuis quelques temps ? « Qu’est ce que tu veux ? Qu’à la minute où on se soit embrassé, il aurait fallu que je renonce à tout ? » ça aurait sans doute été preuve d’honnêteté mais c’était bien moins facile que ça n’en pouvait paraitre. « Alors que j’émets des doutes, peut être pour la première fois, sur une décision qui m’appartient, tu te décide à prendre les devants ? Qu’est-ce qui te chagrine Evie ? Que pour une fois, tu ne sois pas seule maitre à choisir ? Que la décision t’échappes tant que tu préfère décider pour moi ? » en colère, agacé ou triste, le prêtre ressentait plusieurs émotions qu’il avait du mal à définir clairement. « 8 ans de ma vie à consacrer mon temps à Dieu, à la religion. Excuse moi de ne pas trouver la force nécessaire pour y tourner la page de sitôt. Alors dis moi, pour que ce soit plus simple à comprendre : tu m’évite de devoir prendre une décision que je regretterai parce que tout ça n’a aucun sens pour toi ? C’est quoi ? Le danger qui te donne des frissons et tu t’en es lassé ? » il haussait la voix, petit à petit, à mesure qu’il parlait. « T’attendais une opportunité pour tout arrêter ? Dire que c’est pour moi, pour m’éviter des tracas et t’éviter d’assumer de prendre une décision qui ne te va qu’à toi… » il se calma sur cette fin, blessé finalement d’avoir cette impression de facilité de la part de la jeune femme.

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"Je te demande pardon ?" fit-elle en se retournant soudain. Pivotant sur ses talons dans une pirouette aussi mesurée qu'élégante, ses sourcils se froncèrent si fort qu'ils se rejoignirent entre ses deux yeux pour former une sombre ligne de soucis sur son visage bronzé dont l'éclat disparu tout à coup. Elle avait déjà remarqué que le jeune homme attendait que la pression monte pour mettre de côté sa réserve d'homme de foi et piétiner l'égo de la jeune femme pour mieux faire entendre l'opinion, la vraie, qu'il avait d'elle. Evelyn se souvenait que trop bien de sa révélation à propos de leur relation passée, quand il lui avait fait savoir qu'à l'époque, se montrer au bras d'une fille Pearson avait été sa seule motivation pour l'approcher. Elle n'y avait jamais repensé jusqu'alors, seulement elle devait avouer que le ton qu'il employa pour s'adresser à elle, sautant aux conclusions pour expliquer la situation qui était en train de se jouer, ça lui laissait le même goût amer qu'à ce moment-là.
Un léger sourire sans joie remonta l'une de ses joues lorsqu'Evie lui dit, la tête légèrement penchée sur le côté et les yeux plantés dans les siens à distance "C'est étonnant cette manière que tu as de révéler le fond de ta pensée à la seconde où je mets les pieds dans le plat. Ce n'est pas la première fois, ça devient même trop récurrent à mon goût. Je déteste ça." Très calme, elle n'en était pas moins tranchante. Dans le fond, il n'avait pas tort cependant. Une partie d'elle redoutait évidemment de ne pas être maîtresse de la décision qui ne regardait que lui – que lui, vraiment ? N'étaient-ils pas deux dans ce semblant d'histoire ? Si elle avait été troublée par le retournement des choses quelques secondes plus tôt, Evelyn réussit à réunir ses esprits pour ajouter, la voix aussi claire que précédemment, sa contrariété s'étant dissipée pour dégager le passage de sa gorge qu'elle racla pourtant, et ce pour plus aisément marquer son point "Mais au moins, je sais enfin ce que tu penses de moi. On avance, c'est bien… et ça va me faciliter la tâche." Pour s'attarder point par point sur ce qu'il venait de lui dire.
Elle commença, une de ses mains trouvant ses cheveux qu'elle glissa derrière une de ses oreilles. Là encore, un léger sourire s'esquissa très lentement, fendant son visage d'une expression indéfinissable, oscillant entre réflexion et amertume "Tu ne m'as rien demandé du tout. Tu as juste émis tes doutes sur ta capacité à gérer la décision que tu es de toute façon incapable de prendre." Et elle entendait ses arguments sur le travail que ça lui demandait de faire sur lui-même et sur la sensation de sacrifice que ça lui laissait, vraiment. Mais elle non plus ne lui avait rien demandé, ou alors avait-elle manqué un épisode ? Ils n'avaient même jamais discuté de leur relation à proprement parler, elle ne savait même pas si elle était sérieuse. A cette pensée, un léger sentiment de panique s'empara d'elle, aussi elle le stoppa net en se redressant sur ses talons, ses yeux plantés dans ceux du jeune homme.
Elle n'avait signé aucun contrat, elle n'avait même jamais prétendu que l'exclusivité régentait ce qu'il y avait entre eux, quoi que ce fût ; lui demander de renoncer à la prêtrise ? Qu'allait-il chercher-là ? "Tu sais pourquoi je la prends pour toi, cette décision ? Parce que si les rôles étaient inversés, je choisirais mon travail sans aucune hésitation." tint-elle alors à lui faire savoir, mettant son veto à la notion d'officialisation que semblait vouloir apporter Owen à leur idylle et qui la rendait mal à l'aise ; tout comme cette façon qu'il avait de considérer qu'il était le seul à pouvoir émettre un avis quelconque sur ce qu'ils vivaient tous les deux en montant des arguments à sa place, lui prêtant de mauvaises intentions sans même donner l'impression de ne pas les penser.
Ça la blessa, fort, profondément, mais elle tacha de ne pas le montrer en gardant sa dignité. Le menton haut, le regard fixé devant elle, sur la silhouette de l'homme dont les lèvres avaient frôlées les lèvres quelques longues minutes plus tôt, elle le trouva soudain bien vil. La voix qui s'échappa de sa gorge se fit un peu plus profonde, son cœur se mit à battre trop fort dans sa poitrine… Non, Evelyn ne craquerait pas, pas pour lui, pas encore une fois "Le fait que tu sois à la droite de Dieu ne t'as pas rendu moins homme pour autant. Cette manie que vous avez tous à faire porter le chapeau de vos névroses sur les femmes de votre entourage…" s'amusa-t-elle tandis qu'elle croisait les bras sur sa poitrine bondissante sous l'assaut de son cœur douloureux. Encore plus intensément, elle le fixa "C'est moi qui suis attirée par le danger, Owen ? Vraiment ?" fit-elle sur le ton de l'interrogation et ses yeux se plissèrent pour sonder ce qu'elle percevait à cette distance. Il était sérieux, elle le voyait bien "Je n'ai rien à perdre à côté de toi. Qu'est-ce que ça m'apporterait de faire un jeu de tout ça ?" lui demanda-t-elle en secouant doucement la tête qu'elle finit par baisser. Tendant les mains devant elle comme pour mettre le holà à son train de pensées, elle prit à nouveau la décision de mettre un terme à ce dialogue de sourds, très peu encline à déballer tout et son contraire pour le faire payer d'avoir autant entaillé l'image presque parfaite qu'elle avait de lui.
Un léger temps, Evie se mura derrière sa déception avant de s'agiter à nouveau et de se détourner pour, cette fois-là, récupérer pour de bon son manteau. L'enfilant manche par manche, elle laissa ses cheveux dans son col qu'elle releva avec détermination. Récupérant ensuite son sac, elle lui dit "Je crois que les choses sont suffisamment claires… cette histoire, elle te concerne toi et uniquement toi, n'est-ce pas ?" C'était purement rhétorique, elle avait bien comprit que seul son ressenti comptait. De ce fait, elle ne s'attarda pas plus longtemps.

« Je te demande pardon ? » Owen n’aurait jamais pu prédire le tournant qu’allait prendre cette soirée en compagnie d’Evie. Lui qui, avait pensé pouvoir se détendre après ces quelques jours passés sans la voir, quelques jours durant lesquels effectivement, il s’était posé beaucoup de questions. Il s’était torturé en prenant les choses dans un sens puis dans un autre en venant toujours à la même conclusion : celle que peu importe ce qu’il allait réellement décidée, c’est bien auprès d’Evelyn qu’il avait envie d’être. La seule question qu’il devait réellement se poser c’était : était-ce une lubie éphémère ou pouvait-il espérer se projet et avoir des projets concrets avec la jeune Pearson ? C’était en cette deuxième réponse qu’il avait envie de croire mais le prêtre, très lucide, ne voulait pas s’emballer davantage.
Et alors qu’il aurait pensé pouvoir enlacer sa belle pendant de longs instants ce soir, tout prenait une autre direction. Il sentait qu’une fois de plus, ils n’étaient pas sur la même longueur d’ondes et cette fois encore, le prêtre savait qu’il culpabiliserait, qu’il allait sans doute aller trop loin dans les mots qu’il allait pouvoir poser et pourquoi, s’il les posait, c’était sans doute qu’il y avait une raison. Ce sentiment de s’être fait dérober une décision qui lui appartenait, ce sentiment qu’Evie lui coupait l’herbe sous le pied, ça ne lui plaisait pas.
« C'est étonnant cette manière que tu as de révéler le fond de ta pensée à la seconde où je mets les pieds dans le plat. Ce n'est pas la première fois, ça devient même trop récurrent à mon goût. Je déteste ça. » Le prêtre eu un léger rictus, se demandant s’il devait dire amen à tout ce qu’elle disait sans pouvoir protester une seule seconde ? Owen avait juré fidélité au Seigner et si même face à la toute puissance, il n’était pas capable de se tenir, ce n’était pas pour se ranger dès lors qu’Evelyn le contredisait. Owen avait bien compris qu’il n’y avait jamais de bon à se retenir de dire quoi que ce soit et c’est d’ailleurs en ayant fait cette erreur qu’il s’était éloigné de bien des proches et de sa famille, des années durant alors qu’il avait décidé de s’enterrer dans un silence. Ce silence qui avait créer des tensions et des incompréhensions pour tous. Et depuis qu’il allait bien mieux, que la depression n’était qu’un lointain souvenir, Owen n’y prenait aucun plaisir, mais s’il fallait aussi mettre les pieds dans le plats, il le ferait. « "Mais au moins, je sais enfin ce que tu penses de moi. On avance, c'est bien… et ça va me faciliter la tâche. » et il avait cette impression qu’elle lui donnait raison, qu’effectivement, dès lors que ça n’allait pas dans son sens, Evie se braquait et montrait bien que ça ne lui plaisait pas, c’était sans doute une bonne chose car comme elle disait… la tâche allait sans doute y être plus facile…
« Tu ne m'as rien demandé du tout. Tu as juste émis tes doutes sur ta capacité à gérer la décision que tu es de toute façon incapable de prendre. » et il prenait cette remarque comme un reproche à nouveau. Il semblait se rendre compte que de toutes évidence, si leur attirance l’un envers l’autre les avaient amené dans cette chambre, si le jeu du danger les avait poussés dans les bruns l’un de l’autre, à présent, le prêtre se demandait si le jeu en valait réellement la chandelle. « Tu sais pourquoi je la prends pour toi, cette décision ? Parce que si les rôles étaient inversés, je choisirais mon travail sans aucune hésitation. » et c’était un coup dure supplémentaire pour l’homme qui avait l’impression de jouer bien plus gros dans cette histoire, de prendre tous les risques, d’avoir l’impression de faire des sacrifices pour elle alors qu’en retour, elle n’en aurait pas fait autant. Et il ne pouvait pas lui en vouloir réellement, car ni l’un ni l’autre ne pouvait mettre de mot concret sur ce lien qui les unissait à ce jour. Mais, oui, Owen sentie une blessure le heurter alors qu’elle avouait le choix qu’elle aurait fait. Et de sa colère qui était rapidement monté, c’était à présent de la peine qu’il ressentait. « Le fait que tu sois à la droite de Dieu ne t'as pas rendu moins homme pour autant. Cette manie que vous avez tous à faire porter le chapeau de vos névroses sur les femmes de votre entourage… » et le prêtre continuait de penser qu’elle-même avait sans doute un problème avec les hommes à toujours vouloir les porter en grands bourreaux. « C'est moi qui suis attirée par le danger, Owen ? Vraiment ? Je n'ai rien à perdre à côté de toi. Qu'est-ce que ça m'apporterait de faire un jeu de tout ça ? » et là, elle pouvait se venter de lui avoir clouer le bec, puisqu’il se retrouva simplement bête, sans avoir de réponse à lui apporter. Elle n’avait rien à perdre Evie dans cette histoire, contrairement au prêtre. Alors oui, qui était attiré par le feu ? Qui aimait jouer avec le danger ? Qui tentait de voir où étaient ses limites ? Sans être capable de lui apporter une réponse, le prêtre fit un pas en arrière, déjà bien distancée par la jeune femme qui allait récupérer son sac, prête à partir. « Je crois que les choses sont suffisamment claires… cette histoire, elle te concerne toi et uniquement toi, n'est-ce pas ? » et elle avait le don de choisir parfaitement ses mots. Car le prêtre n’avait pas eu l’impression de prétendre ça, mais il semblerait que si c’était ce qu’elle avait compris, il y avait erreur, mais pour autant, elle avait l’air, à son tour aussi blessée que lui. « Je suis désolé pour tout ça. » qu’il finit par répondre, n’ayant en réalité aucune autre excuse à lui apporter, aucune parole plus sincère qu’il ne pourrait prononcer et se disant que ça n’allait surement pas lui suffire. Il allait prendre la veste qu’il avait posé sur le lit, sur le départ à son tour. « Je crois que je ne regretterai rien. » malgré l’état dans lequel il pourrait se retrouver après cette ultime rencontre. « Sauf peut être une chose. » il laissa un moment en suspend avant de reprendre. « De ne pas m’être rendu compte qu’on irait tout droit dans un mur. » et qu’il aurait sans doute pu éviter des moments compliqués. Il passa devant elle, sortant dans le couloir, se moquant cette fi d’être surpris avec la Pearson puisqu’à présent, cette scène ne se produira plus et s’il devait en payer le prix, il le parait. Il marqua un stop après avoir passé la porte, se retourna vers elle avec la forte envie de goûter une dernière fois à ses lèvres, mais pourtant, en posant ses yeux sur elle, il compris qu’il n’y avait aucune issue positive à tout ça. « Porte toi bien… »