Lunah #3 • The tracks of my tears

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Lucia était en attente de son aval comme si le choix du burger était une affaire de vie ou de mort alors que dans les faits, Hannah aurait parfaitement été capable de prendre sur elle de manger quelque chose qu’elle n’appréciait pas. Il s’agissait de la politesse la plus élémentaire, surtout lorsqu’on considérait l’air chargé d’appréhension de la petite brune tandis qu’elle venait de lui exposer ses deux choix. Le médecin lui lança un petit sourire avant de préciser qu’elle prendrait le deuxième – qui lui semblait être moins hasardeux d’un point de vue gustatif – et d’ajouter que c’était parfait. Parce que ça l’était, même cette soirée – qui s’appuyait sur une crise d’angoisse mais passons – prenait des allures qui plaisaient beaucoup à la brunette, même si elle ne l’avouerait pas à voix haute. Car au fond d’elle-même, elle savait qu’elle n’était pas le premier choix de sa cadette en cas de crise et en l’occurrence, elle était blessée et ce même si cela était parfaitement fondé. « J’avais peur que tu sois devenue végétarienne ou quelque chose comme ça. » Hannah haussa un sourcil dans sa direction, sincèrement surprise qu’elle puisse s’attendre à ce qu’elle ait à ce point changé. Pourquoi un quelconque changement viendrait d’elle d’ailleurs, après tout, c’était Lucia qui avait quitté la ville et qui n’avait plus donné de nouvelles à personne. De son côté, la jeune femme avait continué sa vie en poursuivant le parcours déjà fixé avant que sa sœur ne prenne la tangente. « Rien à signaler de ce côté-là pour ma part. » Répondit-elle simplement dans un petit clin d’œil en redémarrant la voiture. « Pourquoi, il y a eu des changements significatifs chez toi ? Quelque chose que je devrais savoir ? » S’enquit-elle en levant le nez vers Lucia, tâchant de garder un ton badin même si le sujet restait un déclencheur de malaise chez elle et probablement chez sa cadette. Le trajet qui les séparait de l’appartement de la plus jeune des Whitemore n’était pas très long et la brune se gara plutôt facilement, plutôt impatiente de découvrir où Lucia vivait. Après quelques secondes à laisser son regard errer vers chaque recoin de la pièce de vie, Hannah se tourna vers sa sœur en se fendant d’un sourire, arguant que l’endroit était vraiment beau. « T’as l’air surprise, je sais pas comment je dois le prendre. » La jeune femme secoua la tête tout en se délestant de ses affaires. Le ton était celui de l’humour, mais la brunette savait pertinemment que sa sœur avait à cœur d’avoir son approbation ; c’était le cas depuis toujours. « Pas du tout, tu as toujours eu très bon goût. Enfin, vestimentairement parlant ça n’a pas toujours été ça, mais ta chambre était plutôt pas mal dans mes souvenirs. » Elle conservait son air sérieux et pourtant, c’était à son tour de taquiner gentiment la petite brune. « La table du salon ça te va où tu veux manger sur le bar ? » Le médecin haussa les épaules ; il était vraiment temps qu’elle se détente. Sans prendre la peine de formuler sa réponse à voix haute, elle s’installa là où Lucia avait déposé les victuailles et commença à ouvrir les sacs pour étaler leur repas frugal sur la table. « Je meurs de faim. C’est la première chose que je mange aujourd’hui. » Avoua-t-elle dans un petit soupir. Les horaires à l’hôpital n’étaient qu’un concept brumeux et dans les faits, elle prenait ses pauses à des heures impossibles et oubliait de manger de façon plutôt récurrente. « Ah les filles ? Oui, euh... Leah travaille était de garde ce soir et Eirlys, je crois qu’elle avait une conférence ou quelque chose comme ça. Mais tu la croiseras peut-être, elle ne devrait pas rentrer trop tard. » Hannah se recula un peu pour lui laisser de l’espace sur le fauteuil et hocha la tête en s’imprégnant des informations sur Leah et Eirlys. Elle aurait aimé mettre un visage sur ces prénoms, mais elle pourrait peut-être les rencontrer une prochaine fois. « Tu les considères comme des amies ou simplement des colocataires sympas ? » Lui demanda-t-elle, poursuivant sur la voie de la curiosité. Son but, c’était de savoir à quel point Lucia était entourée depuis son retour à Brisbane. Il lui fallait de vraies amitiés, des personnes sur qui elle pouvait compter et se reposer en cas de pépin. « Tu veux visiter ou manger d’abord ? Enfin je veux dire, t’es pas obligée de visiter si ça t’intéresse pas. » « Ça m’intéresse bien sûr, mais je n’aime pas manger froid. » Elle lui adressa un petit sourire et s’empara de son burger après avoir vérifié qu’il s’agissait bien du sien, mordant dedans avec un plaisir non-dissimulé. « C’est vrai que c’est bon… » C’était une tuerie, même. « Et non, Leah fait simplement des horaires de dingues et assez variables, et Eirlys est souvent à droite à gauche pour militer ou je ne sais quoi en plus de ses études. Mais ce sont pas de grosses fêtardes. Je pense que tu t’entendrais bien avec Leah. Et Eirlys… J’ai surtout l’impression qu’elle ne sera pas là longtemps. Ce sont toutes les deux des filles bien. » Hannah l’observa avec attention, réellement intéressée par la cohésion de ce petit groupe. Lucia était une fille très timide mais ça ne l’empêchait pas d’être sociable, peut-être un peu trop parfois. Son manque de méfiance était un vrai problème cela dit et c’était en partie pour ça que la brunette l’interrogeait, mine de rien. Si ces filles avaient quelque chose d’étrange, elle le capterait forcément au travers de quelques détails similaires à des fusées de détresse pour elle – bien que Lucia puisse en parler avec un naturel impressionnant. « Pourquoi avec Leah ? Et qu’est-ce qui te donne l’impression qu’Eirlys va pas rester dans les parages ? » Une chose qu’on ne pouvait pas enlever à Hannah, c’était son talent inné pour l’inquisition. « T’as jamais eu envie de vivre avec quelqu’un ? » La brunette releva les yeux vers sa sœur en haussant légèrement les épaules, terminant la bouchée qu’elle avait en bouche avant de lui répondre. « Honnêtement, je ne suis pratiquement jamais chez moi. Même si quelqu’un était là, je ne verrais pratiquement jamais cette personne… Alors non. » C’était une réponse sincère, la jeune femme avait un emploi du temps tellement chargé qu’elle ne rentrait pour ainsi chez elle que pour dormir. « Mais je comprends l’intérêt que tu trouves à partager ta vie avec d’autres filles, vous devez bien vous amuser. » Quand elles se croisaient du moins.

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« Rien à signaler de ce côté-là pour ma part. » Rien à signaler côté coeur, rien à signaler côté lubies alimentaires, je commence sérieusement à douter de pouvoir en apprendre un peu plus sur ce qu’elle est devenue un jour où l’autre. N’a-t-elle réellement pas changé ces deux dernières années ou me traite-t-elle simplement comme l’inconnue que je suis devenue à ces yeux ? Je m’accroche à la première solution elle est moins désagréable et je me promets de réussir à trouver un sujet de conversation qui délie un peu plus sa langue. « Pourquoi, il y a eu des changements significatifs chez toi ? Quelque chose que je devrais savoir ? » Difficile à dire. Evidemment, si je me cantonne à la notion de régime alimentaire il n’y en effet rien à déclarer. Mais comme moi, essaye-t-elle d’en savoir plus sur tout le reste ? Me démontre-t-elle un réel intérêt ou me fait-t-elle simplement la conversation pour se montrer polie ? Je l’ignore, mais par souci de dire n’importe quoi et passer pour une idiote je m’en tiens au minimu. « Non, j’avale toujours tout ce qui passe et je suis toujours capable de manger sucré toute une semaine. J’ai pris deux milkshake d’ailleurs, je savais pas si t’en voulais hein. » Je suis incapable de faire un repas sans sucre. In-ca-pa-ble.

Bien sûr, son avis quand à mon appartement et sa décoration compte. Il compte bien plus que je ne veux bien l’admettre et alors qu’elle me complimente, qu’elle semble sincèrement étonnée et ravie pour l’intérieur, je ne peux m’empêcher de fondre de bonheur. Ma mère et Gabrielle ont aimé l’endroit, mais je n’aurais pas été tout à fait satisfaite si Hannah avait détesté. « Pas du tout, tu as toujours eu très bon goût. Enfin, vestimentairement parlant ça n’a pas toujours été ça, mais ta chambre était plutôt pas mal dans mes souvenirs. » J’esquisse un sourire avant de hausser les épaules. « J’ai longtemps calqué mes goût vestimentaires sur les tiens alors... » Un air amusé sur ma frimousse je dépose le sac en plastique sur la table. J’ai même récupéré un certain nombre de vêtements qui ne lui allaient plus alors… « Je meurs de faim. C’est la première chose que je mange aujourd’hui. » Un air étonné se peint sur mon minois. « Maintenant ? A 21h ? Mais comment ça se fait ? » Je comprends un peu mieux les inquiétudes de ma mère : si je n’en suis pas à me faire du souci pour la santé de mon aîné, prendre soin d’elle n’a pas l’air d’être au coeur de ses préoccupations. Je ne prétendrais pas être étonnée, je ne le suis pas, elle a toujours été excessive lorsqu’il s’agissait de ses études ou de son travail. « Tu les considères comme des amies ou simplement des colocataires sympas ? » Pourquoi pose-t-elle seulement cette question ? Je vis avec ces filles et à mes yeux, il n’y a qu’une seule réponse possible. « Comme des amies, évidemment. » Est-ce réciproque ? C’est une autre question et si en ce qui concerne Leah je suis presque sûre de pouvoir affirmer que ça l’est, j’ai plus de doute concernant Eirlys et sa vision un peu particulière des relations humaines. « Surtout Leah. Elle m’aide vraiment, je suis heureuse de l’avoir rencontrée. » Je me garde bien d’ailleurs d’en dire plus sur les circonstances de notre rencontre. Hannah n’a pas besoin de savoir que lorsque la route de la brune a croisé la mienne j’étais en train de pleurer sous un abribus à cause d’un message de mon ex.

Elle prétend être intéressée par la visite - je ne la relancerais pas si elle ne la quémande pas plus tard dans la soirée, par peur qu’il ne s’agisse que de politesse, et entame rapidement son burger. Moi, je me contente d’abord de siroter mon milkshake en prenant quelques frites. De toute façon hein, dans l’estomac tout est mélangé. « Pourquoi avec Leah ? Et qu’est-ce qui te donne l’impression qu’Eirlys va pas rester dans les parages ? » Je me lèche les doigts avant de répondre en réfléchissant à ce qui va sortir de ma bouche : elle est prompte au jugement Hannah. « C’est une baroudeuse. Elle rentre d’un tour du monde mais se pose déjà la question de repartir. Je suis pas certaine qu’elle soit faite pour être sédentaire. » Elle se demande déjà si elle terminera ses études, si ce n’est pas gaspiller du temps qu’elle pourrait passer en voyage ou en volontariat. « Honnêtement, je ne suis pratiquement jamais chez moi. Même si quelqu’un était là, je ne verrais pratiquement jamais cette personne… Alors non. » Je fronce les sourcils et plisse le nez. « Tu passes tant de temps que ça à l'hôpital ? Y’a bien des moment où tu dors, où tu manges... » Où tu as une vie quoi. « Mais je comprends l’intérêt que tu trouves » Je réfléchis un instant. Quel intérêt j’y trouve ? « J’ai jamais vécu seule en fait. » J’ai fait mes études à Brisbane si bien que je suis passée de la maison familiale à un appartement à Sydney avec Lawrence sans transition. « Et je pourrais pas. Rentrer pour trouver un appartement vide tous les soirs, je trouve ça déprimant. » Je vis mal quand aucune des deux filles n’est à la maison, j’ai beau être timide, je suis une extravertie : je ne me ressource qu’après de mes semblables.

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Toute cette conversation tenait de l’improbable pour deux sœurs ayant été aussi proches qu’elles ne l’étaient autrefois, à croire que le départ de Lucia avait véritablement érigé un mur invisible entre elles et qu’en dépit de leurs efforts, elles ne parvenaient pas à l’escalader pour se rejoindre. Hannah prenait véritablement sur elle, tentant de mettre de côté sa rancœur afin de revoir Lucia comme la sœur qui lui avait tant manqué et non celle qui avait mis à mal la confiance qu’elle avait en elle ainsi que l’affection qu’elle portait à leur relation. Avait-elle changé ? Probablement, oui. Elle avait beaucoup évolué professionnellement parlant, et les différentes étapes de son cursus l’avait forgée, la rendant probablement plus dure qu’elle ne l’aurait été si sa cadette avait été à ses côtés durant tout ce processus. Tant de choses pouvaient changer dans une vie au seul contact d’une personne, alors qu’en était-il lorsque cette même personne avait brillé par son absence ? Plissant légèrement les lèvres, la brunette chercha à détourner l’attention de sa personne pour se diriger vers Lucia, essayant d’en apprendre davantage sur ses nouvelles habitudes hypothétiques. « Non, j’avale toujours tout ce qui passe et je suis toujours capable de manger sucré toute une semaine. J’ai pris deux milkshake d’ailleurs, je savais pas si t’en voulais hein. » Toujours égale à elle-même ; une grande enfant qui refusait de se laisser happer par le devoir inhérent à chaque adulte, préférant de loin évoluer dans la vie avec l’innocence qui était la sienne. Parfois, le médecin enviait sa sœur pour son insouciance, se demandant parfois ce que cela faisait de ne pas avoir un milliard de choses en tête à chaque minute de la journée – même la nuit pour ce que cela valait. « Je ne vais pas cracher dessus en tout cas. Chocolat ? » Demanda-t-elle dans un léger sourire, espérant qu’elle se soit souvenue de son goût préféré qui s’avérait plutôt classique, un peu comme elle. « J’ai longtemps calqué mes goût vestimentaires sur les tiens alors... » Oh, c’était nouveau cette répartie ? Surprise, Hannah esquissa un sourire qui se transforma rapidement en un petit rire qui était probablement basé sur une nervosité dont elle ne parvenait pas à se défaire. « Pas sûre que ça ait été une très bonne idée si tu veux mon avis… » Argua-t-elle en se laissant tomber sur le fauteuil, attrapant au passage un des sacs pour commencer à disposer le tout sur la table ; elle était affamée. « Maintenant ? A 21h ? Mais comment ça se fait ? » Hannah releva les yeux vers sa cadette, consciente qu’elle avait laissé échapper un missile en lui avouant à demi-mot qu’elle ne prenait même pas la peine de se nourrir durant les journées où elle avait beaucoup à faire, ce qui n’était pas une très bonne idée, surtout si Lucia décidait d’aller rendre des comptes à leur mère. « J’ai eu quelques urgences à régler, le genre qui t’empêche de prendre ta pause déjeuner si tu vois ce que je veux dire. » Rétorqua-t-elle, un rien sur la défensive en dépit du fait que ses horaires et la façon de les gérer ne regardaient qu’elle. « Comme des amies, évidemment. Surtout Leah. Elle m’aide vraiment, je suis heureuse de l’avoir rencontrée. » Le fait qu’elle considère ses colocataires comme des amies était évidemment un point positif, cela facilitait la vie en communauté et puis connaissant Lucia, elle devait se plier en quatre pour que tout fonctionne comme sur des roulettes. « Je suis vraiment contente que tu aies quelqu’un de confiance sur qui compter. » Quelqu’un qui ne s’appelait pas Hannah Whitemore, mais pouvait-elle réellement l’en blâmer ? La brune était sincère ; son retour à Brisbane n’avait pas dû se faire en tout facilité, et le fait qu’elle soit parvenue à s’entourer prouvait qu’elle avançait et qu’elle mettait derrière elle cet affreux Lawrence et tout ce qui allait avec. « C’est une baroudeuse. Elle rentre d’un tour du monde mais se pose déjà la question de repartir. Je suis pas certaine qu’elle soit faite pour être sédentaire. » Donc, cette Eirlys ne tarderait pas à prendre la tangente si elle était telle que venait de la dépeindre la petite brune, ce qui laisserait bientôt une place vacante pour cette colocation. « Vous allez faire quoi si elle part ? » La question méritait d’être posée, du moment qu’elles ne se précipitaient pas en prenant la ou le premier venu pour remplacer cette fille. C’était typiquement ce genre de décision prise à la hâte qui conduisait à de mauvais choix et qui se terminaient en meurtre en première page du journal. « Tu passes tant de temps que ça à l'hôpital ? Y’a bien des moment où tu dors, où tu manges... » La brunette haussa les épaules en mordant une nouvelle fois dans son burger à pleines dents. « Je partage mon temps avec l’association aussi, et oui je mange, je dors… Mais c’est à peu près tout ce que je fais chez moi. C’est rare que j’y sois. Les jours de congés, ça fait pas très brillant quand tu vises un poste haut-placé. » Elle adressa un sourire rassurant à Lucia, tentant de lui faire comprendre que tous ces sacrifices existaient pour une très bonne raison. « J’ai jamais vécu seule en fait. Et je pourrais pas. Rentrer pour trouver un appartement vide tous les soirs, je trouve ça déprimant. » Lucia et son tact, ça faisait longtemps. « Tu sous-entends que ma vie est déprimante ? » Hannah conserva un air sérieux, même si sa question avait pour but de déstabiliser sa sœur, à la fois pour qu’elle se rende compte de ce qu’elle venait de dire et surtout, pour la taquiner un peu. Beaucoup.

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« Je ne vais pas cracher dessus en tout cas. Chocolat ? » Evidemment. Pour qui elle me prend ? Je n’ai pas besoin de répondre quoi que ce soit, sur mon minois s’affiche une mimique qui traduit plutôt bien l’évidence et tout mon effarement à l’idée qu’elle ait besoin de poser la question. Comme unique réponse je sors l’un des deux gobelet en plastique du sac et je le tend dans sa direction. Elle a toujours été comme ça Hannah, elle s’est toujours foutu de ma gueule pour ensuite taper allègrement dans mon milkshake alors cette fois ci j’ai pris les devants. Parce que malgré les années, malgré la distance, je me souviens de ce genre de détails. « Pas sûre que ça ait été une très bonne idée si tu veux mon avis… » Non, la frange n’allait à aucune de nous deux et c’est loin d’être le pire fashion faux pas que nous ayons fait avec les années. « C’est ce que je me dis après coup à chaque fois que maman insister pour passer une après midi à regarder tous les albums photos. » Reliure et couverture en cuir, numérotés de 1 à 27, ma mère a immortalisé toutes les étapes de notre enfance, adolescence et elle continue aujourd’hui encore, même si les occasions de nous prendre en photo son rares. Je râle généralement pour la forme, il n’y a pas grand chose que j’aime plus pendant les fêtes que ce moment où on les feuillette un par un pendant toute une demie journée.

Hannah aimait ça aussi. Mais cette année pour noël elle a prétexté une urgence pour y échapper et si ma mère a fait semblant de la croire, je sais que c’était lié à moi. L’ont-elles fait en mon absence l’année passée ? S’y sont-elles résolues ? Je n’ai osé poser la question à voix haute m’en suis terriblement voulue en silence jusqu’à la fin de la journée. « J’ai eu quelques urgences à régler, le genre qui t’empêche de prendre ta pause déjeuner si tu vois ce que je veux dire. » Elle en a toujours des urgences. Et, naïve, j’ai bien du mal à voir de quoi il peut s’agir vu qu’elle est psychiatre mais je ne prends pas le risque de me faire fustiger. Je me contente de hausser les épaules et de rétorquer, la bouche pleine de nourriture. « Che pourrais pas chauter la pauche décheuner percho. » Distraitement et un peu gênée, je regarde dans la vide, à la recherche d’une façon acceptable de changer de sujet : elle a été claire : je n’ai pas la légitimité pour me faire du souci pour elle. Elle le trouve - peut-être souhaite-t-elle alléger l’atmosphère elle aussi ? - et aborde le sujet de mes colocataire avec un naturel qui donne presque l’impression qu’elle en a quelque chose à faire. « Je suis vraiment contente que tu aies quelqu’un de confiance sur qui compter. » Je ne sais pas trop ce qu’elle sous entend pas là, mais je sais qu’elle sous entend quelque chose, c’est toujours le cas avec elle. Alors à nouveau je hoche la tête en silence, préférant me taire que dire une bêtise plus grosse que moi. « Vous allez faire quoi si elle part ? » Je fronce les sourcils. On va faire ce que toutes les personnes normales font non ? « On en a pas encore parlé Leah et moi, mais je suppose qu’on mettra des annonces pour chercher quelqu’un d’autre, pourquoi ? » Qu’est ce que ça a de si exceptionnel ? Veut-elle faire partie du comité d’entretien, décider à ma place qui sera digne de vivre sous mon toit ? Ce serait tellement Hannah comme façon de faire, après tout ne s’est-elle pas montrée inquisitrice concernant mes colocataires actuelles ? Est-ce sa façon à elle de garder un oeil sur ce que je fais et avec qui je le fais ?

« Je partage mon temps avec l’association aussi, et oui je mange, je dors… Mais c’est à peu près tout ce que je fais chez moi. C’est rare que j’y sois. Les jours de congés, ça fait pas très brillant quand tu vises un poste haut-placé. » Et elle vise un poste haut placé. Je ne pose même pas la question puisque c’est évident et ça l’était avant même qu’elle en parle. Elle est née ambitieuse la brune, et cet aspect là de sa vie passera toujours avant le reste. « Et tu te dis jamais que t’aimerais avoir… Plus que le travail ? » Je fais tout pour que ma phrase ne sonne pas comme un jugement : il s’agit d’une vraie question, je n’envisage pas de vivre pour un travail quel qu’il soit. Ne veut-elle pas de conjoint ? D’enfants ? De vie de famille ? Pour ça, il en faut des jours de congé non ? Il faut savoir voir au delà de sa vie à l'hôpital et à l’association, et je n’ai pas l’impression qu’elle sache le faire à l’heure actuelle. « Tu sous-entends que ma vie est déprimante ? » Et voilà, chassez le naturel il revient au galop.

Elle me connait pourtant. Elle sait que j’ai rarement une idée en tête et que les sous-entendu sont loin d’être ma spécialité. Elle sait qu’il n’y a que peu de chance pour qu’un jour je lui adresse une pique dévoilée. « Bien sûr que non. » Je secoue la tête vivement, l’air horrifié. « C’est moi qui ça déprimerait. J’ai jamais vécu seule tu sais. » Et je ne pense pas être capable de le fairez. « Je voulais rien sous entendre d’autre. » Il n’en reste pas moins vrai qu’elle m’a définitivement coupé l’appétit et je dépose ma moitié de burger sur la table basse, hésitante. Que faire ? Que dire ? Lui proposer de rester ? N’a-t-elle pas mieux à faire, comme elle l’a glissé à plusieurs reprises dans la conversation. « Tu… Tu veux lancer un film ? Une série ? » Il y en a plusieurs qu’on suivait ensemble à l’époque, quand elle avait le temps, maintenant je suppose qu’en plus de ça il lui manque aussi l’envie.

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Lucia avait même pensé à prendre un dessert pour terminer ce repas sur une touche sucrée et Hannah salua cette initiative à laquelle sa cadette ne l’avait pas habituée. La brune attrapa le gobelet que lui tendait sa sœur dans un petit sourire et continua ensuite à attaquer ce qu’elle avait commencé, rattrapée par la faim de loup qui la tenaillait. « C’est ce que je me dis après coup à chaque fois que maman insister pour passer une après midi à regarder tous les albums photos. » Les fameux albums photos. Le médecin adorait se replonger dans ces souvenirs d’enfance, et même si elle avait pris sur elle ne pas se montrer à la dernière occasion – toujours dans l’optique d’éviter Lucia – ce n’était pas l’envie qui lui manquait. « Elle y tient beaucoup à ces albums, mais j’avoue qu’il y a certaines photos que ça ne me déplairait pas d’enlever. Tu sais, histoire qu’elles ne fassent pas leur réapparition par mégarde sur un diaporama à mon honneur. » Elle éclata de rire en secouant la tête, désamorçant volontairement le malaise lié à ces albums qui avaient une connexion toute particulière avec tous ces moments que la petite brune avait manqués de part son absence. « Che pourrais pas chauter la pauche décheuner percho. » Rétorqua Lucia, la bouche pleine, tandis qu’Hannah s’efforçait de lui expliquer les raisons de son jeûne forcé durant la journée. « Quand on a un travail prenant, on ne se rend pas toujours compte du temps qui passe. » Expliqua-t-elle dans un petit haussement d’épaules. La jeune femme était capable d’entrer dans une concentration tellement intense qu’elle en oubliait tous les signaux que son corps tentait de lui envoyer ; fatigue, faim, soif… Le sujet dévia ensuite sur la colocation de Lucia et sur le fait que l’une des jeune femme risquait probablement de partir d’un jour à l’autre, ce qui intrigua Hannah sur la suite des évènements. « On en a pas encore parlé Leah et moi, mais je suppose qu’on mettra des annonces pour chercher quelqu’un d’autre, pourquoi ? » Le médecin croqua une nouvelle fois à pleines dents dans son burger, réfléchissant à la meilleure façon d’amener la chose sans passer une nouvelle fois pour une control freak. « Rien, c’est juste que d’amener un ou une parfaite inconnue dans une colocation déjà existante, ça ne doit pas être simple. Tu fais quand même un minimum de recherches sur la personne ? Du genre… Casier judiciaire ? » Parce que si elle se retrouvait avec une sociopathe ou un meurtrier, tout ça parce qu’elle n’avait pas vérifié ses antécédents… Hannah savait que Lucia allait la prendre pour une folle, mais ce n’était pas elle qui voyait tous les jours des cas toujours plus étranges de maladies mentales en tout genre. C’était bien plus répandu que ce que l’on pouvait croire. « Et tu te dis jamais que t’aimerais avoir… Plus que le travail ? » Un sourire étira les lèvres de la brunette lorsqu’elle comprit où voulait en venir sa cadette. Elles avaient toujours été très différentes sur leurs priorités dans la vie. Lucia était fleur bleue et aspirait à une vie de famille comme celle que l’on voyait dans les films, tandis qu’Hannah, beaucoup plus pragmatique, travaillait d’arrache-pied pour s’offrir la vie et l’indépendance dont elle rêvait depuis toujours. « C’est plus qu’un travail Lucia, il faut que tu comprennes ça. » Une vocation, une promesse faite un jour à une amie avant qu’elle ne perde la vie quelques années plus tard. « Mais le jour où je rencontrerai quelqu’un qui en vaut la peine, je songerai peut-être à ralentir un peu. » Elle voulait se montrer rassurante, mais Lucia – tout comme elle – savait qu’elle ne prenait déjà pas le temps d’accorder son attention à qui que ce soit, alors de là à trouver quelqu’un à la hauteur, quelqu’un pour qui elle aurait envie de lever le pied… C’était un long chemin sinueux qui s’amorçait là. « Bien sûr que non. C’est moi qui ça déprimerait. J’ai jamais vécu seule tu sais. Je voulais rien sous entendre d’autre. » Lucia tentait de se rattraper et même si la brune adorait la voir sortir les rames, elle lui adressa un regard qui signifiait « calme toi, je plaisantais » mais ce fût peine perdue ; la petite brune laissa retomber sa nourriture, comme si la perspective d’avoir gaffé lui avait coupé l’appétit. « T’en fais pas, je ne me sens pas offensée. Je sais bien que ma vie est très loin de correspondre à ton propre schéma de vie, et ça ne me dérange pas. On est différente toi et moi, c’est loin d’être la nouvelle de l’année. » Plaisanta-t-elle dans un petit rire avant de repousser ce qu’il restait de ses frites pour s’emparer du milkshake – elle, elle avait encore faim. « Tu… Tu veux lancer un film ? Une série ? » Hannah plissa les lèvres en réfléchissant à ce que cela impliquerait de rester ici encore quelques heures de plus dans son emploi du temps, et mis à part un manque de sommeil à prévoir, rien ne l’empêchait réellement de rester encore un peu dans les parages. « Tu proposes quoi ? » Demanda-t-elle pour seule réponse, désireuse de faire un effort même si les choses restaient encore un peu étranges entre elles. Baby steps.

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Lucia Whitemore & @Hannah Whitemore Lunah #3 • The tracks of my tears - Page 2 873483867

« Elle y tient beaucoup à ces albums, mais j’avoue qu’il y a certaines photos que ça ne me déplairait pas d’enlever. Tu sais, histoire qu’elles ne fassent pas leur réapparition par mégarde sur un diaporama à mon honneur. » Je rit discrètement à l’évocation de ces albums de famille, de ces photos, même des plus embarrassantes. La vérité c’est que lorsque ma mère a sorti les gros albums en cuir à noël, je me fichais bien d’avoir l’air ridicule sur la moitié des photos, je me fichais bien que j’ai un ou deux boutons d’acnée sur certaines ou un appareil dentaire sur d’autres. Ces photos, toutes sans exceptions ont capturé année après année notre famille, elles respirent le bonheur, elles respirent la complicité et j’étais simplement heureuse de les feuilleter assise à côté de ma mère, Gabrielle et son époux de l’autre côté. J’étais heureuse lorsque notre maternelle a passé son bras autour de mes épaules pour m’attirer à elle et me serrer quelques secondes, et j’ai repensé à ce dernier noël que j’ai raté et les larmes me sont montées au yeux. « Je suis sûre qu’elle garde les pires à un autre endroit de toute façon, un tiroir secret pour les ressortir le jour de notre mariage, comme elle l’a fait avec Gaby. » Nous concernant, ce jour ne risque ceci dit pas d’arriver de si tôt. La différence entre nous deux c’est que moi j’en rêve, plus encore depuis que je travaille avec Evelyn Pearson, tandis que ma soeur ne rêve que de promotions, de réussites professionnelles et de parutions dans des revues médicales. « Quand on a un travail prenant, on ne se rend pas toujours compte du temps qui passe. » C’est dommage. Voilà la pensée que je réprime, puisqu’elle me rappelle que pendant deux ans loin des miens je n’ai pas toujours vu le temps qui passait non plus, pour des raisons bien différentes ceci dit. « Je me souviens quand c’était maman qui s’occupait de glisser dans nos sac à dos une lunchbox pour le midi. C’était le bon temps. » Même si cette dernière contenant toujours à mon goût trop de salé et trop peu de sucreries.

J’ai envie de lui poser pleins de questions sur l'hôpital mais je me retiens. Comment est-ce là bas ? A-t-elle rencontré des collègues dont elle est proche, comme je suis proche de Charlie ou Murphy ? Mange-t-elle à la cafétéria en compagnie de beau docteurs ? Je ne m’en permets aucune cela dit, consciente qu’elle est trop sur la défensive et prendrait ma curiosité comme un affront. « Rien, c’est juste que d’amener un ou une parfaite inconnue dans une colocation déjà existante, ça ne doit pas être simple. Tu fais quand même un minimum de recherches sur la personne ? Du genre… Casier judiciaire ? » J’écarquille les yeux et m’étouffe à moitié avec mon milkshake. « Casier judiciaire ? » Mais qui fait ça ? « Euh, non… Je suis même pas sûre qu’il soit possible d’avoir accès au casier judiciaire de quelqu’un comme ça... » Et cela ne me viendrait simplement à l’idée. « Je rencontre la personne, je vois si le feeling passe… Jusqu’ici je ne me suis pas trompée, les filles sont géniale. Et Eirlys n’est pas encore partie de toute façon, ce ne sont que des suppositions. » Je me garde bien de la traiter de psychopathe, quand c’est ce que tout le monde aurait pensé en l’entendant poser cette question. « C’est plus qu’un travail Lucia, il faut que tu comprennes ça. » Et nous y revoilà. C’est une vocation. J’en suis parfaitement consciente, mon aînée était destinée à devenir psychiatre, mais une vocation, est-ce que ça tient réellement chaud la nuit ? Est-ce que ça aide à se sentir moins seule quand on rentre chez soi ? Ne se sent-elle jamais seule, ou bien joue-t-elle les dures, comme elle le fait toujours ? Elle n’est pas du genre à laisser entrevoir ses sentiment la brune, ça a toujours été comme ça depuis le plus jeune âge. « Mais le jour où je rencontrerai quelqu’un qui en vaut la peine, je songerai peut-être à ralentir un peu. » Je fronce les sourcils et d’un ton dénué de jugement, je m’étonne. « Mais comment tu rencontrera quelqu’un qui en vaut la peine si tu ne ralentis pas ? » A-t-elle seulement le temps de faire des rencontres ? De découvrir d’autres personnes, de voir d’autres personnes que quelques amies d’enfance triées sur le volet et ses patients ? « T’en fais pas, je ne me sens pas offensée. Je sais bien que ma vie est très loin de correspondre à ton propre schéma de vie, et ça ne me dérange pas. On est différentes toi et moi, c’est loin d’être la nouvelle de l’année. » Effectivement. C’est pas la nouvelle de l’année, et si elle ne s’exprime pas avec sarcasme, je ne peux m’empêcher de me sentir attristée par cette affirmation. On est différentes, c’est pas la nouvelle de l’année. Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire ? Que nos différences ne sont une surprise que pour nous après toutes ces années à avoir été proches et qu’à présent que nous nous sommes éloignées, elles nous empêcheront toujours de retrouver notre chemin l’une vers l’autre ? N’est-ce pas ça qui devrait nous rapprocher : le fait que nous nous complétions plutôt bien ? J’en avais le sentiment quand j’étais gamine, à présent elles me semblent creuser le fossé qui nous sépare de plus en plus jour après jour, ces différences. « Ouais, c’est vrai. » J’ai du mal à masquer la déception dans ma voix, mais je n’ai de toute façon pas les talents d’actrice nécessaires pour faire croire à ma psy de soeur que tout va bien. Alors je noie le poisson, et je lui propose une activité pour le restant de la soirée, en priant pour qu’elle accepte. « Tu proposes quoi ? » J’attrape la télécommande plus rapidement que je ne l’aurais souhaité, démontrant de mon enthousiasme, et bascule sur netflix en trois clics. « J’ai tout une tonnes de films dans ma liste. » Ma liste qui s’affiche, mais qui ne comporte évidemment que des comédies romantiques à l’eau de rose. Tout ce qu’Hannah déteste. Je clic sur le retour en arrière avant de la regarder. « Mais j’ai vu qu’ils avaient rajouté l’intégrale des Star Wars en super qualité sur mon site de streaming, tu veux qu’on en regarde un ? » Et peut-être qu’avec un peu de chance, un deviendra neuf, neuf soirées où elle viendra me voir à l’appartement sous prétexte de regarder son film préféré et pendant lesquelles nous pourrons nous rapprocher. Nous les avons découvert ensemble et gamines ces films, et si moi je les ai toujours détesté, je me suis toujours bien gardé de le dire à Hannah, trop contente de pouvoir partager quelque chose avec elle.

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The tracks of my tears.

Hannah pouvait voir que le sujet de ces fameux albums photos troublait quelque peu Lucia, pour une raison qu’elle ne parvenait pas à comprendre. Il s’agissait de bons souvenirs, dans l’ensemble, et ce même si leurs têtes n’étaient pas toujours des plus esthétiques en fonction des années et de la mode inhérente à celles-ci. La jeune femme était d’ailleurs persuadée d’avoir vu le regard de sa sœur s’assombrir et s’embuer de larmes, mais elle ne l’aurait pas juré, raison pour laquelle elle s’abstint de poser la moindre question même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Elle se rendait compte que parfois, son côté inquisiteur avait tendance à mettre Lucia à terre, ce qui n’était pas du tout l’effet recherché. « Je suis sûre qu’elle garde les pires à un autre endroit de toute façon, un tiroir secret pour les ressortir le jour de notre mariage, comme elle l’a fait avec Gaby. » Le mariage ; cette idée la révulsait et donnait des sueurs froides à son côté indépendant, mais fort heureusement, il fallait un homme pour un tel évènement, et elle n’en avait pas – la question était donc réglée. Concernant Lucia, les raisons étaient toutes autres mais la finalité était la même ; le mariage n’était pas à l’ordre du jour, pour aucune des deux. « Mieux vaut pour toi que pour moi dans ce cas. » Lança-t-elle dans un petit rire, avant de reprendre un peu de sérieux. « Tu as toujours envie de te marier toi ? » Ce sujet n’était pas son sujet de prédilection, mais si ça pouvait lui en apprendre davantage sur la jeune femme qu’était devenue sa cadette, alors pourquoi pas. « Je me souviens quand c’était maman qui s’occupait de glisser dans nos sac à dos une lunchbox pour le midi. C’était le bon temps. » Ah ça, elle ne pouvait pas le contredire. « C’était le bon temps, oui. Il faudrait peut-être que je prenne justement le temps de me préparer quelque chose, mais j’ai plutôt tendance à grapiller les minutes de sommeil que je m’accorde en bonus après que mon réveil ait sonné. » Avoua-t-elle en se fendant d’un sourire. Était-elle fatiguée ? Carrément, mais encore une fois, ça en valait la peine. Une fois que son objectif serait atteint, peut-être songerait-elle à s’octroyer quelques jours de répit ou même à voyager comme elle en avait toujours rêvé. « Casier judiciaire ? Euh, non… Je suis même pas sûre qu’il soit possible d’avoir accès au casier judiciaire de quelqu’un comme ça... » Tout pouvait se faire avec un peu d’insistance et beaucoup d’imagination. « Je rencontre la personne, je vois si le feeling passe… Jusqu’ici je ne me suis pas trompée, les filles sont géniale. Et Eirlys n’est pas encore partie de toute façon, ce ne sont que des suppositions. » Le feeling. A tous les coups, chaque jeune fille mutilée par un espèce de psychopathe meurtrier avait forcément pensé ressentir un feeling avant de tomber sur le couteau dans la veste ou encore les cordes dans le coffre de la voiture. Hannah avait beaucoup d’imagination, et son passage au sein des sciences comportementales ne l’avait probablement pas aidé à voir le monde d’un œil plus serein. Lucia était naïve et imprudente, et une part d’elle espérait que son amie Leah avait un peu plus de jugeote, sans quoi sa sœur finirait par faire les gros titres un jour – et pas dans le bon sens du terme. « Tu sais que je te dis ça pour que tu fasses attention à toi, c’est tout. Tu as tendance à croire que tout le monde est gentil et ce n’est malheureusement pas le cas… » Elle l’avait d’ailleurs appris avec la manière forte, Lawrence était un exemple qui illustrait parfaitement ses dires. Son nom ne fut pas prononcé, mais sa présence planait dans l’air grâce aux sous-entendus d’Hannah. « Mais comment tu rencontrera quelqu’un qui en vaut la peine si tu ne ralentis pas ? » La brunette plissa légèrement les lèvres, se retenant tout juste de froncer les sourcils en sentant que sa cadette la jugeait sur sa façon de mener sa vie, ce qui était plutôt ironique venant de sa part. « Je rencontre des gens, ne t’en fais pas pour ça. » Entre deux patients et des cafés volés, mais tout de même. « Ouais, c’est vrai. » Lucia semblait déçue que le médecin pointe leurs différences avec autant de facilité, mais elle était simplement pragmatique. Si leur relation était proche d’être qualifiée de fusionnelle à l’époque, la distance avait emporté avec elle le peu de choses qui les avaient rapprochées, ne les laissant désormais qu’avec des vides à compléter et un malaise permanent. On avait vu mieux, mais au moins le canal de communication était restauré. Plus ou moins. « Qui sait, on a peut-être toutes les deux développer une passion commune sans le savoir pendant que t’étais à Sydney. » Lança-t-elle dans l’air, juste pour essayer de l’apaiser alors qu’elle pouvait sentir son tourment intérieur. « J’ai tout une tonnes de films dans ma liste. » La petite brune s’était emparée de la télécommande à toute vitesse et dans un petit sourire, Hannah s’était laissé aller un peu plus profondément dans le fauteuil, sentant qu’elle allait y passer la soirée. Est-ce que ça la dérangeait ? Difficile à dire. Une chose était certaine, son enthousiasme n’était plus le même qu’à l’époque, chose qui la peinait étrangement mais qu’elle ne dirait jamais à sa cadette. « Je vois ça. » Commenta-t-elle en laissant son regard se perdre sur la série de films ayant tous le même point commun ; le romantisme. Hannah avait beaucoup de mal avec ce genre en particulier, mais si Lucia y tenait vraiment, elle pourrait faire un effort. Peut-être. S’il le fallait vraiment. « Mais j’ai vu qu’ils avaient rajouté l’intégrale des Star Wars en super qualité sur mon site de streaming, tu veux qu’on en regarde un ? » Vraiment ? La mine de la brunette s’éclaira et elle hocha la tête vigoureusement ; elle ne ferait jamais l’impasse sur une telle proposition, même si elle connaissait ces films par cœur depuis le temps. « C’est une offre que je ne peux pas refuser. » Lâcha-t-elle en attrapant un plaid, se mettant en position sans se départir de son petit sourire. « Ça t’embête pas hein ? On peut regarder un des tes trucs sinon… » Pitié, non.

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« Mieux vaut pour toi que pour moi dans ce cas. » Je lève un sourcil. Ah oui, j’oubliais, la grande Hannah Whitemore est vaccinée contre le plus noble des sentiments et n’envisage pas le mariage autrement que comme une corde autour du cou, une privation d’indépendance. Là dessus, nos avis se sont toujours opposés sans ce que cela ne nous gêne ni l’une ni l’autre, et si c’est toujours mon cas j’ai presque l’impression qu’elle me juge légèrement aujourd’hui d’aspirer à ça avant tout. Le tableau de la famille parfaite, c’est mon objectif. Je veux être entourée, je veux quelqu’un auprès de qui vieillir et je veux des enfants, je veux de tout ça si fort que je me jette à corps perdu dans chaque relation que j’entame. « Tu as toujours envie de te marier toi ? » Je l’observe avec de grands yeux ronds. « Bien sûr que j’ai toujours envie de me marier. » Je m’abstiens de préciser que j’estime même que le plus tôt sera le mieux que je n’en peux plus de ce besoin de construire autre chose, plus que le professionnel.

Pourquoi ne le voudrais-je pas ? Au delà de l’engagement et du fait de trouver la bonne personne, je rêve du jour en lui même depuis le premier mariage auquel j’ai assisté alors que j’avais à peine quatre ans. La robe blanche, la journée magnifique, le lieu - je veux me marier au même endroit que mes parents - le gâteau, la bienveillance des gens présents pour célébrer l’amour, j’en ai des étoiles dans les yeux rien que d’y penser. « Faut que je te rappelle dans quelle branche je travaille ? » Finalement, c’était une évidence pour moi que de devenir wedding-planner en herbe. Je n’y avais jamais pensé avant la proposition de ma nouvelle mentor, mais je m’épanouie dans ce que je fais comme jamais avant. « C’était le bon temps, oui. Il faudrait peut-être que je prenne justement le temps de me préparer quelque chose, mais j’ai plutôt tendance à grapiller les minutes de sommeil que je m’accorde en bonus après que mon réveil ait sonné. » « Je pense qu’à ton stade, même acheter quelque chose à la cafétéria de l'hôpital serait une amélioration ! » A partir du moment où elle prend le temps d’avaler quelque chose, ce sera mieux que ce qu’elle fait aujourd’hui. « Mais je suis surprise que maman t’ait pas proposé de te déposer un truc tous les matins, ou de remplir ton frigo de tupperware pour la semaine. » En fait, elle l’a forcément fait la connaissant. Ne plus avoir aucune de nous à la maison a forcément changé sa vie, et elle saisit chaque opportunité qui se présente à elle de redevenir la mère aimante mais étouffante qu’elle a toujours été. « Je dis n’importe quoi. Elle l’a fait non ? » Le contraire me semble impossible maintenant que je l’ai énoncé tout haut.

« Tu sais que je te dis ça pour que tu fasses attention à toi, c’est tout. Tu as tendance à croire que tout le monde est gentil et ce n’est malheureusement pas le cas… » Je sais qu’elle le fait, mais je sais aussi qu’elle a tendance à vouloir, pas contrôler ma vie, le mot est fort, mais m’imposer sa vision des choses. En quoi est-bien différent de ce qu’elle reproche à ceux qui ont profité de moi années après années, parce que je suis trop gentille, parce que je me laisse faire ou autres litanies qu’elles m’a répétés tant de fois ? Je suis assez grande à présent pour savoir de quelle fenêtre je veux observer le monde, et j’aime la mienne, celle optimiste, celle qui me permet de voir le bon en chacun, ou de le chercher jusqu’à ce que je le trouve. Mais je n’ai pas envie de ranimer nos conflits, alors je me contente d’un « Je sais... » qui manque de conviction. « Je rencontre des gens, ne t’en fais pas pour ça. » Je lève innocemment les paumes des mains l’air de dire ”dans ce cas c’est parfait je n’ai rien à dire” avant de sourire. Si nos relations n’étaient pas ce qu’elle sont, je me serais permise de lui demander qui, de lui demander s’il y a un homme dans le lot mais je me doute que ce ne doit pas être à l’ordre du jour. « Qui sait, on a peut-être toutes les deux développer une passion commune sans le savoir pendant que t’étais à Sydney. » Je fais la grimace en entendant cette phrase. « Oh j’en doute. » Parce que je n’ai pas développé grand chose à Sydney, si ce n’est un manque de confiance en moi plus accru encore. Mais je n’ai pas envie de l’alarmer, alors j’invente une excuse. « Parce qu’on était très occupé avec Lawrence et le groupe, j’avais pas réellement le temps de trouver de nouveaux hobbies. » Les soirées, le fêtes et les paillettes m’ont fait briller les yeux un temps, avant que l’envers du décor ne s’impose à moi.

Elle accepte ma proposition et je suis heureuse qu’elle ne cherche pas à s’enfuir à peine arrivée. Ce n’est plus comme au bon vieux temps, mais je m’accroche tout de même à ce souvenir. « Je vois ça. » « Sans commentaire. » Je lui jette un regard en coin en souriant. J’opte pour un film qu’elle aime, et le mot est faible, par simple envie de lui faire plaisir. « C’est une offre que je ne peux pas refuser. » Mon sourire s’élargit tandis qu’elle s’installe. « Ça t’embête pas hein ? On peut regarder un des tes trucs sinon… » Je secoue la tête. « Bien sûr que ça m’embête pas, ça me rappelle la maison. » Et ces années où nous étions si proches. « Bon on fait quoi, on les prend dans l’ordre chronologique ? » Je n’ai jamais compris cette bataille entre les fans qui ne jurent que par la première trilogie en terme de date de sortie, et ceux qui préfère les films les plus récents.

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Le sujet du mariage était l’un des nombreux sujets sur lesquels leurs avis divergeaient – sans que cela soit étonnant compte tenu de leur caractère respectif – et si la brune ne comprenait pas comment le besoin de se faire passer la bague au doigt pouvait être un objectif de vie, Lucia avait du mal à concevoir que l’inverse puisse exister. « Bien sûr que j’ai toujours envie de me marier. » La question était rhétorique, mais la possibilité que sa cadette ait été échaudée par sa relation avec Lawrence existait, raison pour laquelle elle s’était tout de même permise de demander. Mais apparemment, tomber sur un connard de la pire espèce n’avait pas suffit à entamer sa réserve d’espoir quant à la création d’une famille parfaite, ce qui était à la fois surprenant et pas tant que ça, finalement. « Faut que je te rappelle dans quelle branche je travaille ? » Non, pas vraiment. Si Hannah n’avait jamais regardé de haut le choix d’études de sa sœur, elle aurait tout de même espéré qu’elle se spécialise dans un autre style d’évènement que le mariage – qu’elle jugeait être une entreprise futile et inutilement onéreuse. Mais après tout, si la jeune femme s’épanouissait là-dedans, c’était tant mieux pour elle. « Non ça ne sera pas nécessaire. » Rétorqua-t-elle dans un petit rire, réalisant qu’elle était parvenue à froisser sa sœur par cette simple question. « Mais je me disais juste que tes plans avaient peut-être changés, ça arrive. » Justifia-t-elle en souriant avant de rebondir sur le fait qu’elle ne prenait pas suffisamment le temps de s’organiser pour être certaine d’avoir toujours à manger quand elle partait au travail. « Je pense qu’à ton stade, même acheter quelque chose à la cafétéria de l'hôpital serait une amélioration ! » Pas faux. Mais son travail était parfois tellement chronophage qu’elle ne réalisait que trop tard que l’après-midi touchait à sa fin et qu’elle n’avait rien avalé d’autre qu’un litre de café – ça, elle en avait toujours à portée de main. « Mais je suis surprise que maman t’ait pas proposé de te déposer un truc tous les matins, ou de remplir ton frigo de tupperware pour la semaine. » Elle hésita une seconde avant de reprendre sur un ton amusé « Je dis n’importe quoi. Elle l’a fait non ? » qui déclencha une moue amusée chez Hannah. Evidemment que sa mère avait tenté de s’immiscer dans sa vie pour être certaine qu’elle prenait soin d’elle, c’était typique chez elle et le contraire aurait été très étonnant. « Elle a tenté oui, mais j’ai toujours refusé de lui fournir un double de mes clés. Elle serait toujours fourrée chez moi sinon. » Et même si la brunette n’était pas souvent là, elle tenait à sa vie privée comme à la prunelle de ses yeux. Ce n’était pas comme si elle ramenait un homme chez les tous les quatre matins, mais tout de même. Le sujet dévia sur la tendance qu’avait Lucia à donner sa confiance aveuglément et sans imaginer un seul instant que quelqu’un puisse avoir de mauvaises intentions, et Hannah essaya une fois de plus de lui comprendre qu’elle devait faire attention, ce à quoi cette dernière répliqua par un « Je sais... » qui manquait d’assurance. En temps normal, le médecin aurait insisté, mais les deux brunes commençaient seulement à retrouver un semblant de complicité et malgré la rancune tenace qui faisait encore rage en elle, Hannah ne tenait pas à tout gâcher. Elle tenta de la rassurer sur le fait qu’elle rencontrait toujours des gens malgré son emploi du temps surchargé et Lucia l’observa innocemment, armée d’un sourire qui en disait long sur ce qu’elle pensait. « Oh j’en doute. Parce qu’on était très occupé avec Lawrence et le groupe, j’avais pas réellement le temps de trouver de nouveaux hobbies. » Apparemment, la petite brune parvenait à parler de ce qu’elle avait vécu à Sydney avec un détachement qui avait tout l’air de déni puisqu’elle ne semblait même pas réaliser le poids de ses paroles à chaque fois qu’elle exprimait certains détails de sa vie avec lui à Hannah. « Je vois. » Le visage du médecin se ferma, comme à chaque fois que sa sœur faisait allusion à Lawrence. Heureusement, la proposition de regarder un film tomba à pic et les deux jeunes femmes s’installèrent confortablement face au programme des films que Lucia avait sauvegardé dans le but de les regarder plus tard, une liste que Hannah n’aurait jamais retenue mais encore une fois, elles étaient si différentes. « Sans commentaire. » Jamais. La brune lui rendit son sourire, ce dernier s’élargissant lorsqu’elle émis l’idée de se faire les Star Wars, chose qui avait le don de plonger le médecin dans un enthousiasme irréfrénable. « Bien sûr que ça m’embête pas, ça me rappelle la maison. Bon on fait quoi, on les prend dans l’ordre chronologique ? » Hannah cala un coussin sous sa nuque et soupira légèrement, ravie de la tournure que prenait la soirée. « On commence par les vieux, évidemment. » Evidemment. Lucia obtempéra d’un signe de têtes et les deux sœurs se laissèrent happer par ce film qui faisait ressurgir de vieux souvenirs d’une complicité qui ne demandait qu’à refaire surface, si on la laissait faire.

RP terminé Lunah #3 • The tracks of my tears - Page 2 873483867

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