(streets beach) S’il y a de la nourriture dans le coin, il y a forcément une Lily qui s’en tient non loin. Fière de son pays et de ses origines, elle ne raterait jamais les festivités du Foundation Day, pour rien au monde. Elle est allée à la fête foraine, elle a parié sur les bateaux, elle a observé les feux d’artifice. Elle a souhaité l’anniversaire d’Ezra, aussi, lequel rime avec le même jour que leur fête nationale. C’est au moins une date qu’elle ne risque pas d’oublier - parce que c’est la fête nationale ou parce que c’est l’anniversaire du Beauregard, ça, c’est à vous de voir. Aujourd’hui elle a promis de ramener les meilleurs burgers du coin à Matt pour qu’ils aillent ensuite les manger sur la plage lorsqu’il aura terminé son shift au DBD et laissera le bar aux bons soins de Decklan pour la soirée.

Lily est un être paradoxale qui veille toujours à recouvrir son corps suffisamment pour ne pas attirer des regards indiscrets autour de ses formes - parce que c’est mal - mais qui n’a aucun mal à se balader en simple maillot de bain sur la plage puisque ses principes ne datent que du siècle dernier, pas de deux. Après tout, pour une grande fan de surf comme elle, elle n’aurait jamais été capable de porter ses cols roulés préférés à tout va, surtout pour sous la chaleur étouffante de l’Australie et de ses plages brûlantes. Autour d’un barbecue, elle aurait de toute façon eu bien trop de mal à se débarrasser de l’odeur de friture ensuite. Alors elle fait la queue, la brune sage et souriante qui use de ses meilleurs small talk avec ses amis de quelques minutes - elle ne les connaît pas, eux non plus, ils se contentent de dire des mots qui ne font pas réellement de sens. “Boom !” Surprise, elle sursaute et se retourne en direction de la voix avant de se reprendre bien rapidement, un sourire au coin des lèvres. “Un orgasme culinaire à point, c'est pour qui ?” Et la voilà qui, déjà, ne trouve plus rien amusant du tout. Ses sourcils se froncent, sa bouche forme un “o” outré face à l’attitude de l’inconnu.

Elle s’avance rapidement en sa direction, d’un pas aussi assuré qu’automatique alors que déjà ses bras se croisent sous sa poitrine en signe de mécontentement. Ses sourcils se froncent autour de ses yeux bleus. “Vous n’avez pas vu qu’il y a des enfants ici ? Ce n’est pas une façon de parler en public !” S’il s’était appelé Alfie, Joseph ou Ezra alors elle lui aurait donné une baffe en prime - mais pas Matt, puisque Matt ne dit pas de telles absurdités, voyons. Il devrait au moins s’estimer heureux de ça puisqu’il a désormais une Lily accrochée à sa cheville tel le parfait boulet qu’elle représente dès qu’on met à mal ses précieux principes. Quelle idée que de vouloir faire une blague en sa présence, aussi. “Ce n’est pas la peine de se prendre pour un pseudo chef si c’est pour dire de telles choses ensuite.” Et dire qu’aujourd’hui elle est pourtant de bonne humeur, qu'est ce que ça serait sinon ?

Lily n’était pas friande de la drague à tout va avant et elle l’est encore moins maintenant qu’elle porte deux bagues à son annulaire et qu’elle reste éternellement outrée de voir que certaines personnes ne sont pas capables de voir ce genre de détails. A ses yeux, justement, cela n’a rien d’un simple détail, tout comme la révérence de l’inconnu à laquelle elle ne sait répondre que par un énième roulement d’yeux agacé. En plus d’utiliser un vocabulaire inadapté, il semble ne pas savoir se comporter comme il se doit non plus.

“Par où je commence ? ” Elle voudrait lui répondre qu’il n’a pas à commencer nulle part mais seulement à se taire. Ce serait sans doute trop facile et Lily a appris à force de temps que personne ne l’écoute, que ce soient ses paroles ou ses pensées. Ce n’est pas faute d’y mettre tout son cœur, pourtant. Répond-il, du tac au tac, gardant sa bonne humeur malgré l'attaque frontale dont il est victime. “Le débat sur le fait que le plaisir qu'on cache aux enfants les rend plus vulnérables aux conneries du porno ou celui sur le droit de chacun de se mêler de ses affaires s'il n'est pas content de ce qu'il se passe chez les voisins ?” Oh la Keegan qui prend toujours tout au pied de la lettre, oh la Keegan qui se dit qu’elle est bien heureuse de ne surtout pas être la voisine d’une personne telle que lui. Oh Lily qui espère déjà qu’il habite à l’autre bout de la ville si ce n’est même du monde - fichue île, elle ne veut pas vivre sur la même terre que lui et ses pensées malsaines pour les plus jeunes. Il ne fait pas ça par pédagogie, il agit seulement en voulant faire son intéressant. “Pas la peine de jouer au spécialiste, il n’y a aucun débat à avoir. Les parents sont les seuls à savoir comment éduquer leurs enfants.” Elle est presque mère (elle a failli y arriver, quelques fois, alors c’est tout comme) et elle a évidemment plus de crédibilité que lui en la matière, cela va de soi. Il n’a pas une tête à avoir des enfants - bien sûr qu’il faut un faciès particulier pour élever un mini-soi dans le monde, ça aussi cela va de soi.

Quand bien même, désireuse d’en terminer au plus vite, la brune accepte l’assiette tendue par l’inconnu, qu’elle attrape tout de même du bout des doigts. Comme si elle craignait encore d’attraper le tétanos à travers une assiette, oui. Même en étant vaccinée. Oui. Et dire qu’elle est infirmière. Oui. “Allez, goutte, tu me diras si ça ne mérite pas qu'on prononce le mot tabou.” Il a l’air de faire preuve de bonne foi, tant et si bien qu’elle relâche quelque peu la pression - mais pas totalement, n’allons pas jusque là. “Merci mais je goûterai plus tard. Je viens simplement chercher des assiettes pour mon mari et moi.” Elle goûtera avec Matt, lorsqu’elle aura récupéré une seconde assiette pour être certaine de rassasier un minimum son estomac rivalisant avec celui de Gargantua. “Sportif ? Professionnel, je veux dire.” Elle ne s’excusera pas de l’avoir jugé trop vie (elle ne risque pas de s’excuser de grand chose, en réalité) mais elle tente au moins de se rattraper maintenant en en apprenant un minimum à son sujet. Ce n’est que le temps de récupérer une seconde assiette, de toute façon.

Lily a toujours un avis tranché sur les personnes qu’elle rencontre mais elle n’en fait très souvent pas part, préférant toujours sourire de toutes ses dents et utiliser son visage d’ange pour faire passer n’importe quel mot qu’elle aurait pu avoir dans le but de blesser l’autre. Elle n’a pas l’air d’être incisive, derrière ses yeux bleus, ses longs cheveux bruns et ses habits toujours parfaitement repassés et entassés sur son corps pour cacher certaines parcelles de peau qu’autrui n’a pas à observer. Tout est toujours le fruit d’un long cheminement de pensées, avec la Keegan devenue McGrath. Même sourire à l’inconnu et soudainement lui parler de sport n’a rien de semblable au fruit du hasard, bien au contraire. Cela ne veut pas dire qu’elle ne pense pas ce qu’elle dit, simplement qu’elle pense bien d’autres choses derrière encore. Un sportif, donc. Amateur. Elle hoche poliment de la tête sans n’en venir à aucune conclusion spécifique. “Choix ou mauvaise sélection des entraîneurs ?” Lily est curieuse en même temps qu’elle flatte son ego, ce qui pour elle est totalement naturel. Pourtant, elle est bien placée pour savoir que dans le sport il ne suffit pas d’être doué physiquement mais que le mental joue aussi un rôle crucial. Bientôt, ce ne seront plus ses affaires.

Qui dit questions d’un côté dit souvent qu’elles vont revenir en face aussi, et Lily n’avait pas le moins du monde prévue celle de l’inconnu. Maman ? - “Généralement on m’appelle plutôt Lily, ça sonne moins bizarre en public.” Elle préfère utiliser l’humour pour répondre à cette question plutôt que lui laisser voir à quel point ce simple mot peut la toucher. Elle aimerait être mère, ça oui, mais les années ont passé et ses tentatives ont échoué à un stade plus ou moins avancé, à chaque fois. Elle est une mère dans son cœur simplement et même elle sait que ce serait une réponse pathétique, raison pour laquelle elle ne s’aventure pas là-dedans. Ou institutrice peut-être ? Déstabilisée qu’il puisse viser aussi rapidement et aussi juste, son sourire est temporairement teinté d’un voile de stupeur. “Infirmière. En pédiatrie, cela revient du pareil au même parfois.” Elle ne compte pas le nombre d’enfants qu’elle a aidé à lire, à compter, à reconnaître les animaux. Elle tient tous les rôles et dès qu’elle le peut, elle a tendance à rapidement oublier que les enfants qu’elle soigne ne sont pas les siens. “Toi aussi tu te vantes d’être le meilleur cuisto de toute l’Australie ? Mon mari fait ça.” Dès qu’il est question de cuire quelque chose sur un barbecue, Matt ne laisse pas une seule seconde s’écouler avant de préciser que ‘vous saviez que j’étais le meilleur de tout le pays ?’ sans que personne ne lui ait jamais demandé quoi que ce soit - sans doute parce que tous ses proches sont déjà largement au courant, aussi, et cela continue de tous les faire rire doucement.

La réponse a au moins le mérite d’être claire et précise. Il n’y a aucun doute à avoir et aucun commentaire supplémentaire à laisser découler de la langue bien pendue de l’australienne. “Choix” Elle ne peut pas s’empêcher qu’il existe bien d’autres raisons derrière cette réponse hâtive mais son rôle aujourd’hui n’est pas de les chercher. Lily ne fait qu’être polie et relancer la conversation en mimant s’intéresser à lui et s’il est vrai qu’elle aime savoir à qui elle parle, elle ne compte pas non plus se lancer dans d’interminables discussions autour d’un barbecue qui va parfumer ses vêtements pour le reste de la journée, à son plus grand dam. Même après avoir passé toute une vie à être élevée autour des barbecues en tout genre, elle ne peut pas s’habituer à l’odeur, ni sur elle ni sur les autres.

Il le félicite sur son travail ; Lily n’ajoute rien si ce n’est un sourire en coin. Elle sait toute l’importance qu’il a pour bien des personnes et inutile de faire semblant d’être étonnée qu’on le lui fasse remarquer. A ses yeux, elle fait bien évidemment le plus beau travail du monde, et les autres n’ont le droit qu’à la seconde place - qu’ils peuvent se partager, là n’est pas le problème. Plutôt, elle préfère se moquer de sa dextérité derrière les fourneaux, sachant par avance qu’il sera plutôt tatillon sur ce sujet. Sa réaction la fait sourire simplement, surtout alors qu’il pense aussitôt avoir quelque chose à prouve et s’amuse à faire tourner le steack encore et encore sur les plaques brûlantes. “ Le meilleur cuisto de tout le pays je ne sais pas, mais j'te garantis qu'une fois qu'il aura goûté ce steak, c'est moi que ton mari voudra pour femme.” - “Il sera trop vexé que tu lui voles son titre de meilleur cuisto de tout le pays pour ça.” Heureusement qu’il parle d’un nouveau mariage pour Matt et qu’il ne s’adresse pas directement à elle, sinon elle n’aurait pas manqué l’occasion pour de nouveau lui reprocher tous les maux de la Terre. Il l’a sans doute compris, d’ailleurs, et c’est la raison pour laquelle il arrive à la faire répondre par une autre blague et un sourire de plus. Elle refuse pourtant poliement la canette tendue sans plus de cérémonies, lui précisant qu’elle est de garde en soirée et qu’elle ne peut pas se permettre même le moindre gramme d’alcool dans le sang. “Jax et Matt en plus, ça le fait pas. Désolé, il va falloir voler le mari de quelqu’un d’autre.” Amusée, elle utilise un argument dérisoire pour clore sa blague sans avoir à préciser que ce qui ne le fait pas, surtout, c’est que deux hommes décident de s’aimer au point de se marier. Cette fois-ci, c’est le Dieu des Prénoms qui a parlé. Matt et Lily, ça le fait beaucoup mieux, vous voyez.

“Mais je lui dirai qu’il a un nouveau prétendant et qu’en plus tu peux lui faire la cuisine, ça au moins il en sera content.” Il ne faut pas passer beaucoup de temps avec Matt pour comprendre qu’il parle autant avec son coeur qu’avec son ventre, et c’est une annonce tout à fait sérieuse qu’elle lui fait là. S’emparant de la seconde assiette pour lui, Lily laisse la place autour du feu pour enfin aller rejoindre son mari, non sans avoir pris le temps de se tourner une dernière fois en direction de Jackson, souriante. “Bonne journée, meilleur cuisto d’Australie.” Le surnom est sans doute un peu long mais ce n’est pas son ego qui devrait s’en plaindre.

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