Revenir à la caserne, c'est l’une des choses qui m’angoissait le plus en revenant à Brisbane. Si je devais faire la liste des choses qui me tracassent dans cette foutue ville, elle serait longue mais la caserne ferait partie du top trois des choses que je n’ai pas envie d’affronter. La caserne me rappelle bien trop de souvenirs pour que je revienne travailler sereinement. Je me rappelle des bons moments, des rires entre collègues, de la camaraderie, du succès de certaines interventions ou encore des jours de fête où on improvisait un repas pour oublier qu’on ne pouvait pas passer du temps avec nos proches. Mais je me souviens aussi de moments bien plus sombres. Je n’ai pas oublié les échecs, les larmes de certains de mes collègues après de longues nuits où la chance n’avait été de notre côté et surtout, je n’ai pas oublié la journée du 10 septembre 2014. Je revis cette maudite journée tous les jours, que ce soit dans mes cauchemars ou avec les choses qui me font penser à cet incendie. Un craquement, une odeur, ce sont des petites détails anodins qui peuvent me replonger au milieu de cet enfer sans que je ne puisse rien y faire. J’ai l’impression d’étouffer quand ça arrive et même si grâce à Sally qui m’a poussé à aller voir un psy, j'ai appris à gérer un peu mieux les crises, je sens bien que je ne suis toujours pas sorti d’affaire. J’avais réussi à travailler à peu près normalement à la caserne de Toowanda après mon arrêt de travail, parce que même si voir un camion de pompier pouvait me faire penser à cet incendie je ne connaissais pas mes collègues et la caserne n’était pas chargée de souvenirs. Ici c’est différent, quand je marche dans les couloirs je revois Mike et Thomas, je les vois à la machine à café, à côté des camions, ils sont partout et c’est difficile à encaisser. Le pire ça a été le premier jour. Mes anciens collègues m’ont accueilli très chaleureusement, j’ai fait comme si tout allait bien et j’ai caché tant bien que mal mes yeux larmoyant. Il n’était pas question de passer pour quelqu’un de fébrile aux yeux des anciens et surtout pas des nouveaux. Je voulais qu’ils me traitent comme les autres, comme l’officier que j’étais avant l’incendie : un homme fort et courageux. Pas comme un vieux faible et incapable de maitriser ses émotions. Le premier jour a été difficile mais les jours suivants n’étaient pas plus simples. Même si je me suis habitué petit à petit à la caserne, il y a toujours des moments où j'aimerais être ailleurs. Alors je me suis noyé dans le travail, c’est la solution que j’ai trouvé pour penser à autre chose. Lorsque je suis concentré au téléphone pour les appels d’urgence je ne pense pas à tout ça. Je me concentre sur ceux qui ont besoin d’aide et j’essaie d’être fort parce que des personnes au bout du fil ont besoin de moi, je ne peux pas flancher.

Aujourd’hui c’est le calme plat. C’est l’ambiance générale qui règne à la caserne depuis plus d’une heure déjà et je trépigne d’impatience. Je regarde le standard qui reste silencieux, j’ai eu quelques appels pour des problèmes mineurs : une cheville foulée, un malaise vagal mais rien de plus palpitant. D’un côté c’est tant mieux, si personne n’a besoin de moi aujourd’hui c’est plutôt bien mais je commence à sérieusement m’ennuyer. L’action et l’urgence il n’y a que ça de vrai, c’est quelque chose qui m’a toujours fait vibrer. Rester avachi sur une chaise et ne rien faire, c’est inimaginable pour moi. Je regarde mon collègue qui lui aussi a l’air profondément agacé par la dame qu’il a au téléphone. “Madame, vous nous appelez pour votre voisin ?” Je devine rapidement en voyant ses yeux qui roulent qu’elle est en train de lui faire perdre son temps “Il est blessé ? Non ? Ah il n’a pas coupé sa haie c’est bien ça ? Et vous voulez qu’on se déplace pour tailler la haie à sa place ?” Je le vois soupirer et je hoche la tête pour lui montrer que je suis tout autant agacé par ce genre d'appels abusifs. Si au début cela peut faire sourire, ils nous font perdre un temps précieux. Et puis le calme de la caserne disparaît brutalement lorsque des éclats de voix se font entendre. Mon collègue me regarde en fronçant les sourcils, tout aussi intrigué par ces bruits et me demande à voix basse en mettant une main pour couvrir le micro. “C’est quoi ce bordel ?” Je plisse légèrement les yeux et j’écoute plus attentivement ce qu’il se passe. Je n’arrive pas à entendre ce qu’il se dit mais il y a de l’agitation ça c’est certain. “Pourquoi ils gueulent comme ça en bas ?” Mon bureau est au premier étage de la caserne alors je décide d’aller voir ce qu’il se passe. C’est peut-être une dispute entre mes gars ou autre chose. Je n’en sais rien mais je n’aime pas ça, il faut que j’aille vérifier ce qui se trame. “Reste là, je vais voir.” Je le laisse avec la voisine procédurière et je quitte la pièce.

Je m’approche de la rambarde et je me penche pour jeter un coup d'œil à ce qu’il se passe en bas. Je vois un petit attroupement sans trop arriver à distinguer qui se trouve dans le lot. “Qu’est-ce que c’est que ce…” J’entends un nom d’oiseau voler et je ne comprends pas pourquoi est-ce que quelqu’un vient de hurler le mot “enfoiré” au milieu de la caserne. Je repère John dans le lot et je le vois poser sa main sur l’épaule de quelqu’un en civil qui dégage vivement la main de mon collègue. “bazar” Je prends immédiatement la décision de descendre voir ce qu’il se passe avant que ça dégénère. Je n’ai pas bien vu qui était ce type mais une chose est sûre il est en colère. Je descends les marches deux par deux et je me dirige vers le fauteur de trouble et là c’est la douche froide. “Angus ???” Je cligne plusieurs fois des yeux, comme pour chasser ce que je pense être un mirage. Le type en colère c’est Angus, je ne m’attendais pas du tout à une surprise pareille. Je le scanne rapidement de haut en bas, je n’en crois pas mes yeux, il a tellement changé. J’ai eu du mal à le reconnaître mais ce regard, les traits de ce visage, ils ne trompent pas : c’est bien mon gamin qui est en train de mettre un bordel monstre à la caserne. “Mais qu’est-ce qui te prend ?” C’est tout ce que je trouve à dire parce que je suis pris de court. Je pensais devoir sortir un ivrogne manu militari de la caserne ou quelque chose dans le genre. Mais me retrouver face à Angus, qui fait deux têtes de plus que la dernière fois que je l’ai vu. Je suis sur le cul et je dois faire face à la première place du podium des choses que je ne voulais pas affronter en revenant ici.

J’ai l’impression de prendre un seau d’eau glacée en pleine tête quand je vois la raison de l’agitation au sein de la caserne. Angus est là face à moi en train de repousser violemment la main de John qui cherche de le calmer. Je ne comprends pas pourquoi il est dans un état pareil. Enfin si, je peux imaginer un petit peu ce qui le met en rogne : mon retour en ville bien évidemment. Mais faire un scandale pareil, être aussi agressif face à mes collègues je ne comprends pas. Je n’avais pas prévu de reprendre contact avec lui alors que je sois dans la même ville ou à l’autre bout du pays n’aurait rien changé. Après avoir prononcé son prénom je contemple ce gamin que je ne reconnais pas. J’ai laissé un enfant et je me retrouve face à un adulte incontrôlable. Je lui demande ce qui lui prend pour être dans un état pareil et il me lance un regard assassin. ’"Qu'est-ce qui me…” Avant que je n’ai pu dire quelque chose ou l’esquiver son poing s’écrase sur mon nez avec violence. Je recule face à la violence du coup. Ma main se porte instinctivement à mon nez après avoir lâché une expression de douleur. "QU'EST-CE QUI ME PREND ?" Le gamin calme, curieux et brillant dans tous les domaines semble appartenir au passé et je me retrouve face à un géant complètement hystérique qui est en train de me hurler dessus. S’il a envie de crier, je peux crier plus fort que lui. “MAIS CA VA PAS ?” John s’approche de lui pour le calmer et Angus recule un petit peu. Un autre de mes collègues s’approche de moi pour savoir si je vais bien, je lui fais signe que oui. Je passe une main en dessous de mon nez et je vois qu’il saigne, mais ça attendra, j’aimerais d’abord comprendre pourquoi mon fils réagit de cette manière. Je vois Angus fouiller dans sa poche avant de sortir quelque chose que je ne distingue pas tout de suite. Il me balance au visage ce qu’il a trouvé dans sa poche avant de dire avec la voix tremblante. "Elle est morte” Je me baisse pour ramasser cet objet que je connais que trop bien : l’alliance de Beth. Celle que je lui ai passée à l’annulaire gauche il y a 25 ans. Je la serre fort dans ma main en encaissant les paroles d’Angus. Elle est morte. Non ce n’est pas possible il dit n’importe quoi, ce n’est pas possible. Je suis complètement sonné et j’ai l’impression d’avoir mal entendu, qu’on me fait une mauvaise blague, tout sauf la possibilité qu’Angus dise vrai. “Quoi ??” Mon ton a changé, la colère laisse place à l’incompréhension et mon interrogation était à peine audible. “et c'est ta faute !" Il reprend de plus belle en criant dessus, le doigt pointé dans ma direction et aucun des autres pompiers présents n’ose bouger. "Elle a attendu ton retour pendant sept ans ! Sept ans passés à panser sa peine sur le canapé du salon pour être sûre de ne pas te rater le jour où tu te déciderais enfin à la retrouver." A chaque nouveau mot qu’il prononce j’ai l'impression de me prendre un coup de couteau en plein cœur. Je ne comprends rien à ce qu’il se passe, j’ai l’impression d’avoir été percuté par un bus ou par un troupeau de bétail qui aurait piétiné mon corps qui suffoque en dessous. Elle a attendu. Beth m’a attendu pendant toutes ces années, alors là j’en perds les mots. “Je..” Bien sûr je pensais à elle, je me demandais si elle avait refait sa vie mais s’il y a bien une chose que je croyais sincèrement c’est qu'elle avait été là pour Angus et Samuel. Malgré tout ce qui a pu se passer entre nous et toute la colère que je garde contre elle, je l’ai toujours considérée comme la femme la plus forte de mon entourage. Celle qui avançait en dépit de toute difficulté, qui n’a jamais renoncé face à un obstacle. Je suis en train de trembler mais je secoue légèrement la tête pour chasser cette vérité que je ne veux pas accepter. Non Beth n’est pas morte, ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible. Je sens mes yeux devenir humides, je sais qu’Angus me dit la vérité, je le vois à sa voix qui se brise, à la rage qui l’anime mais je ne peux pas l’accepter. C’est trop difficile, trop brutal, trop douloureux. "Votre équipier a passé sa vie à sauver celle d'inconnus sans se soucier de la seule personne qui aurait été prête à donner la sienne pour n'avoir ne serait-ce qu'une minute de plus à passer en sa compagnie." Quand il s’adresse aux autres pompiers présents tout autour de nous, je reprends conscience que nous sommes en plein milieu de la caserne. Je serre le poing avant de lui gueuler dessus. “ANGUS.” J’ai passé ma vie à me soucier d’elle. Je lui ai tout donné, mon cœur en haut de la liste. J’aurais pu mourir pour elle, tout sacrifier pour  son bonheur. Je voulais son bien-être plus que le mien, “celui qui la touche je lui brise les reins” à l’époque c’était ça ma seule certitude. Mais finalement je n'étais qu’un grand con amoureux. Un imbécile qui avait donné sa vie pour une femme qui l’avait lâchement trompé avant de lui mentir pendant plus de 18 ans. Je me souviens de la douleur que j’ai ressenti ce jour-là, en surprenant cette conversation téléphonique, si je n’étais pas rentré plus tôt je n’aurais peut-être jamais su la vérité. Elle aurait continué de me mentir pendant toute ma vie. Elle m’a trahie alors que je lui avais déjà donné tout ce que j’avais de plus cher, mais ça Angus ne le sait pas. "T'aurais dû crever dans l'incendie." Là c’est trop, il va trop loin. Il cherche à me donner le coup de grâce et bingo il a tapé en plein milieu de mon point faible et ça il le sait pertinemment. Mon poing se serre et je dois retenir de toutes mes forces la gifle qui démange ma main droite. Je me suis promis après la claque que je lui avais mise il y a quelques années et pour laquelle j’avais énormément culpabilisé de ne plus jamais recommencer. Le pire c’est qu’il a raison, j’aurais préféré crever cette nuit-là plutôt que subir la descente aux enfers qui a suivi. Une partie de moi est morte dans cette maison et j’ai tellement souffert et culpabilisé d’être celui qui restait, celui qui avait survécu que j’aurais préféré que cette poutre enflammée me tue sur le coup. “Bon ça suffit maintenant.” Mes nerfs sont mis à rude épreuve aujourd’hui et plutôt que de répondre à sa provocation, chose que je ne peux pas faire parce que c’est toujours trop difficile. Il y a une chose dont je suis sûr c’est que je n’accepterais pas qu’il continue de semer la zizanie et qu'il me manque de respect une seconde de plus dans ma caserne. “On va aller s’expliquer dehors TOUT DE SUITE” J’insiste bien sur le fait que je veux régler ça maintenant, d’homme à homme et sans servir de spectacle à des équipiers qui je le vois bien ne savent pas comment réagir. Je me tourne vers eux avant de leur aboyer dessus. “Qu’est-ce que vous regardez ? Retournez bosser y a rien à voir ici.” Et la foule se disperse petit à petit. Ma main tremble à cause de la montagne russe d’émotions que je suis en train de vivre et je serre le poing autour de l’alliance pour masquer ma fébrilité. Je regarde Angus droit dans les yeux et je lui laisse un choix qui est plutôt simple “Soit tu te calmes et on discute, soit tu dégages.” J’essaie de prendre un air assuré et autoritaire mais mon ton est fébrile. Je veux qu’on parle de Beth, qu’il me dise qu’il n’était pas sérieux et qu’elle est toujours là parmi nous. C’est la seule chose que je veux entendre. Je ne lui ai toujours pas pardonné mais merde on parle de mon premier amour, celle que j’ai aimé toute ma vie, elle ne peut pas être partie, c’est impossible.

C’est en voyant Angus essuyer ses larmes d’un revers de la manche que je prends conscience des mots qu’il vient de me balancer à la figure. J’en perds les mots et je ne sais pas quoi dire. J’essuie le sang qui coule de mon nez mais les mots ne sortent pas. Il se tourne vers mes coéquipiers pour leur dire à quel point j’ai été un mauvais père et un mauvais mari. Je sens la colère monter et je crie son prénom pour qu’il arrête son petit numéro. Il est en train de mettre un bazar monstre à la caserne et je n’apprécie pas qu’il mêle mes collègues à nos histoires de famille. Il essaie de m’humilier et je ne peux pas laisser passer ça. Je lutte pour ne pas laisser mes réflexes primer en lui mettant une gifle pour le faire taire, à la place je serre le poing et je prends une grande inspiration. "Vas-y, frappe-moi pour voir. " Il est en train de me pousser à bout et il le sait. Je sais bien qu’il fait référence à l’unique fois où j’ai levé la main sur lui. Je ne lui donnerais pas l’occasion de m’en vouloir encore davantage. Je tiens ma promesse, je ne le frapperai pas, ça ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu ou créer du spectacle pour les pompiers de la brigade. Je pointe un doigt accusateur vers lui avant de lui répliquer. “Arrête de me provoquer.” Il me regarde plein de défi avant de me dire la phrase de trop, celle qui me fait complètement vriller : t’aurais dû crever dans l’incendie. Ce gamin sait exactement où taper pour que ça fasse mal et cette phrase me fait l’effet d’un uppercut. Bien plus difficile à encaisser que son coup de poing même si le sang qui continue de couler de mon nez est le témoin de la violence de son coup. Cette discussion n’a que trop duré et je lui dis que nous allons discuter dehors. Je ne lui donne pas le choix, je l’exige parce qu’il est sur mon lieu de travail et que mes collègues sont toujours en train de nous fixer. Aucun d’entre eux ne sait comment réagir et ils ont bien compris qu'il valait mieux qu’ils ne s’en mêlent pas. J’en profite pour les remettre au travail en dispersant la foule en leur aboyant dessus. "T'as plus aucun ordre à me donner." Oui Angus est un adulte sur le papier, mais ce que je vois devant moi c’est un gamin et je suis toujours son père donc je prends quand même le droit de lui donner des ordres. Je lui pose un ultimatum : soit il se calme et nous pourrons peut-être discuter, s’il n’est pas prêt à faire cet effort il peut quitter la caserne. Je n’ai pas envie de perdre du temps à discuter avec quelqu’un en colère qui n’attend qu’une chose : pouvoir m’achever par des phrases assassines ou avec des arguments à cinq phalanges. "Me calmer ?” J’entends son rire nerveux mais je suis très sérieux. Il ne peut pas venir ici, me frapper, hurler sur tout le monde ce n’est pas comme ça que les choses marchent. "Est-ce qu'on t'a demandé de te calmer quand t'as perdu tes potes dans l'incendie, espèce d'enfoiré ?!" Je serre à nouveau le poing et j’essaie de cacher que mes yeux deviennent à nouveau humide. Non il n’a pas le droit de me faire un coup pareil. “Je t’interdis de parler d’eux.” La blessure est toujours béante et elle ne se refermera jamais complètement. A la manière d’un vase brisé : on peut toujours recoller les morceaux mais rien ne sera comme avant. Je dois lutter contre mon envie de lui en coller, il est déjà allé trop loin en parlant de l’incendie où j’aurais dû crever d’après lui mais parler d’eux c’est trop dur. Angus ne sait pas ce que j'ai ressenti, il ne peut pas comprendre ce par quoi je suis passé et l'enfer dans lequel je suis encore bloqué. "Tu ferais mieux de te casser, plus personne ne veut de toi, ici." Je tremble comme une feuille avec toutes ces émotions. J’essaie de ne pas le montrer mais je suis complètement bouleversé, en colère, surpris. Un genre de cocktails  d’émotions qui sont en train de me faire perdre pied. Mais j’essaie de garder une poker face, de me montrer fort, comme si tout ça ne me faisait pas souffrir. Je regarde Angus droit dans les yeux en lui disant. “Je vais rester et tu devras t’y faire. Point final.” Je suis revenu pour de bon, je travaille ici, c’est là que j’ai grandi et même si je sais que cette ville ne veut pas de moi je ne partirais pas. Je n’ai nulle part où aller alors Angus devra s’habituer à cette idée, ce qu’il me dira ne changera rien à mes projets. "Et ne t'avises même pas de jouer le mari endeuillé." Le mot deuil c’est ce qui finit de m’achever mais je garde tant bien que mal cette expression froide. Je ne peux pas m’effondrer là devant lui ou devant les autres. Je suis toujours dans le déni de ce qu’il m’a annoncé, je ne veux pas y croire. Je me suis concentré sur cette dispute pour oublier cette annonce et ne pas regarder la vérité en face. “Et toi ne t’avises plus de venir foutre le bordel dans ma caserne ou de t’en prendre à mes collègues comme tu l’as fait.” La caserne est une deuxième maison, une grande famille pour moi, la seule qu’il me reste vraiment alors je ne peux pas tolérer des comportements comme celui d’Angus aujourd’hui. La prochaine fois qu'il essaiera de s'en prendre à un de mes gars je n’hésiterai pas à le faire sortir manu militari s’il le faut. S’il veut me blesser, m’insulter et me crier dessus qu’il le fasse mais ailleurs. Je ne sais pas combien de temps je pourrai feindre que j’arrive à encaisser tout ça. Mon cœur bat vite et à chaque seconde qui passe j’ai envie de m’effondrer. J’ai besoin d’être seul pour me remettre de ces émotions extrêmes, il doit partir. “J’ai du travail. Rentre chez toi Angus.”