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right or wrong, you were always on my side

@KENDALL HARDING & SHILOH

lieu: toowong cemetery, toowong

Dernière rangée, à l’écart de tous, complètement présente, mais parfaitement à l’écart, les bras croisés sur sa poitrine et le regard rivés sur ses chaussures, le visage dissimulé au reste du monde, mais l’oreille attentive aux discours de l’officiant. Dans un coin de son esprit se rejouaient mille souvenirs d’adolescence, elle pouvait encore entendre les plaisanteries que Monsieur Harding pouvait échanger avec elle, lui demandant par mille fois comment elle avait pu atterrir dans l’entourage des garçons. La nouvelle de son décès était venue chambouler sa vie, réveillant quelques fantômes du placard. Elle avait presque loupé l’encart dans le journal, n’aurait probablement jamais posé les yeux dessus s’il n’avait pas été accompagné d’une photo rappelant à ses souvenirs un visage si familier. Il était parti sans que jamais elle ne soit au courant de son combat contre la maladie. Et malgré les années, malgré la distance, elle n’avait pas hésité une seule seconde à se rendre à la cérémonie. Relevant les yeux vers la foule qui s'était massée dans ce coin du cimetière, elle aperçut le dos légèrement vouté d’un Kendall qui cherchait à garder la face. Il n’était pas complètement seul, il ne l’avait jamais vraiment été, mais quelque chose dans sa posture criait à la blessure ultime. Il venait de perdre son pilier et parmi les vagues connaissances, la famille éloignée, se cachaient deux revenants échappés d’une époque révolue. Elle l’avait vu en arrivant, avait reconnu sa tignasse brune parmi toutes les autres et s’en était allée dans l’autre direction. Mais comme elle, Lewis avait décidé de se déplacer, pour leur ami en commun. Drôle de lieu pour des retrouvailles.

Rien ne paraissait adapter, ses mains moites trahissaient sa fébrilité et tout autour d’elle venait à lui rappeler que les années s'étaient écoulées. Et pourtant, elle refusa de s'éloigner, se tenant à l’écart le temps que la valse des condoléances s'épuise autour de celui pour qui elle n’avait que l’intérêt. Il paraissait porter le poids du monde sur ses épaules et plus encore. L’émotion la gagnait à mesure que ses souvenirs semblaient danser au travers de ses pupilles et si elle pouvait sentir un autre regard sur sa personne, Shiloh ne délogeait pas le sien. Il était là, elle le savait, mais elle n’était pas venue pour lui. Il pourrait attendre, encore un peu. Kendall se retrouvait seul devant la tombe de son père et Shiloh ne pouvait le laisser ainsi sans se faire voir. Elle inspira longuement, une fois, puis deux. Un peu de courage pour tous les mots qu’elle ne pouvait trouver, pour tout le soutien qu’elle n’avait su lui apporter. Et sans un mot, avec le plus grand des respects pour l’homme que l’on venait de mettre en terre, elle se glissa auprès de ce fils qui cherchait à pleurer son père. Sa main vint effleurer le dos de Kendall, un signe qui l’aiderait sûrement à savoir qui venait de rompre son semblant de tranquillité. « Je suis désolé, Kendall. » De ne pas avoir été là ces dernières années, de ne pas avoir su avant, de ne pas avoir été présente. Elle s’excusait de tout et de rien, mais surtout elle se rapprocha de celui qui avait toujours été son ami, avant toute chose, pour lui offrir tout son soutien.

La journée a été complètement surréaliste et Kendall en a été spectateur. Il a participé à la cérémonie, a serré tout un tas de mains en remerciant les personnes de s’être déplacées, le tout dans un état second. C’était comme s’il était en pilote automatique, son corps réagissait mécaniquement, son esprit était ailleurs tout du long. Il a dissocié toute la journée sans s’en apercevoir, un moyen que son esprit a trouvé pour se protéger. Il faut dire que les derniers jours ont été épuisants, ne laissant au bouclé aucun repos. Il a eu beaucoup de choses à gérer, que cela soit auprès des conseillers funéraires, des différentes visites qu’ils ont reçu à la maison ou comme il l’a dit à Arthur “avec ce putain de buffet à la con”. Sa mère a voulu respecter la tradition d’inviter les personnes présentes à l’enterrement pour manger un morceau chez eux après la cérémonie, quelque chose que le bouclé ne comprend pas. Il n’a aucune envie de devoir être sociable après un événement comme celui-là, d’autant plus qu’il trouve parfaitement indécent d’avoir des personnes qui n’ont absolument pas leur place chez eux. Les vautours comme il les appelle. Le genre de personnes qui ne se sont préoccupés de son père qu’à partir du moment où il arrivé tout en haut. Des personnes intéressées par son fric, sa renommée et qui ne se sont jamais intéressées à la personne qu’il était réellement. Une belle bande d’hypocrites qu’il doit tolérer sous le toit de la maison familiale parce que sa mère n’a pas la force de leur dire leurs quatre vérités. Kendall n’en ressent pas la force non plus et il sait qu’il peut compter sur la présence d’Arthur pour apaiser les tensions. Enfin, il pensait avoir besoin d’Arthur pour l’empêcher d’être désagréable mais il n’y a même pas besoin de ça. Le policier est comme une coquille vide, aucune émotion n’émane de lui. Il ne pleure même plus, il n’y arrive plus, ayant trop pleuré dans les jours qui ont précédé l’enterrement. Et puis il y a sa mère, sa mère qui se retrouve veuve et qui devra vivre seule dans cette grande maison. Kendall essaie de se raccrocher à l’idée qu’il doit être fort pour elle, qu’il n’a pas le droit de s’écrouler pour qu’elle supporte le choc. Alors il ne pleure pas Ken, il se met en mode survie en appuyant sur le bouton “off” du cerveau et de ses émotions. Il n’a pas dit un mot de la journée sauf pour dire “merci” à la sortie de l’église et le discours qu’il a lu en tremblant comme une feuille. Il n’a pas quitté sa feuille des yeux tout du long, c’est le seul moyen qu’il a trouvé pour aller au bout de ce qu’il a à dire sans s’écrouler. Il aurait suffi qu’il croise le regard de sa mère ou de n’importe qui dans la salle pour s'effondrer et c’était inenvisageable. D’autant plus qu’il entendait des sanglots dans la salle pendant son hommage. Son père lui a fait promettre quelques jours avant qu’il parte d’être fort, de soutenir sa mère. “C’est toi l’homme de la maison maintenant, il faut que tu sois là pour elle, elle a besoin de toi.” Et même si le coeur de Kendall est en miette, il fait de son mieux pour tenir sa promesse : il ne peut plus se défiler et fuir, il doit être à la hauteur cette fois.

***

La cérémonie était belle, enfin c’est ce qu’on lui a dit. La douleur est trop grande pour qu’il soit réellement conscient de ce qu’il s’est passé. Le retour à la maison sera tout aussi difficile, il ne pense qu’à une chose : au moment où les invités partiront et où il pourra enfin être seul, s’enfermer quelque part pour relâcher la pression et s’effondrer à l’abri des regards. Maintenir les apparences au cimetière est épuisant et le bal des condoléances ne semble jamais s’arrêter. Au bout d’une dizaine de minutes le cimetière s’est vidé et il prend un instant pour rester seul devant la tombe de son père. Il prend une grande inspiration pour essayer de relâcher la pression. Il sait qu’il ne pourra pas profiter du calme très longtemps puisqu’il devra supporter encore tout ça une fois rentrés à la maison. Alors qu’il est complètement perdu dans ses pensées une voix qu’il connaît bien se fait entendre et brise le silence.. « Je suis désolé, Kendall. » La main de Shiloh se pose dans son dos et c’est les larmes aux yeux qu’il se retourne. “Shiloh. Je t’avais pas vue…” Le bouclé cherche ses mots. “Désolé y avait tout ce monde et…et j’ai pas vu que t’étais là.” Il s’enfonce et il prend conscience qu’il y a plus important. Aussi, il la prend spontanément dans ses bras, à la recherche de réconfort dans cette épreuve. “Merci d’être venue, ça me touche.”  Il n’aurait pas pensé qu’elle vienne. Après tout, il a complètement disparu des radars pendant près de deux ans, il n’a pas été un ami fidèle avec elle ou Lewis. Il n’a même pas donné de nouvelles quand il avait remis les pieds à Brisbane. Constater qu’elle est toujours là même après tout ça, même après toutes ces années, ça lui fait quelque chose. Ce qu’on dit est peut-être vrai : les vrais amis sont toujours là pour nous, même après des bas et dans les moments les plus difficiles ils ne nous laissent jamais tomber.

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Sous ses yeux se déroulait un spectacle auquel elle aurait préféré ne jamais avoir à assister. Il lui était physiquement difficile de rester à l'écart, de se rendre invisible, quand quelques rangs devant elle, Ken paraissait perdre pied. Il y avait ce garçon à ses côtés, un grand brun qu’elle était persuadée d’avoir déjà croisé par le passé. Il agissait tel un pilier à la mine, renfrogné, tenant à distance tous les vautours qui cherchaient à grapiller sur la tristesse de Ken. Elle lui en était reconnaissante, autant qu’elle jalousait le fait qu’il sut prendre cette place en premier. Elle n'était plus réellement légitime à ce poste. Les années s'étaient écoulées sans nouvelle, sans le moindre signe de reconnaissance. La vie les avait emportés dans des courants bien différents. Elle s’était expatriée dans l’idée de faire décoller sa carrière pour mieux faire imploser son monde dans un silence que les garçons n’avaient pu interpréter que comme de l’indifférence. Alors Shiloh s'était tenue à l’écart. Elle n’était pas croyante, mais avait prononcé une petite prière pour cet homme qu’elle avait connu, qu’elle avait apprécié. Puis elle avait attendu. Incapable de s’effacer comme le faisait le reste des inconnus venus se recueillir. Son regard ne pouvait se détacher de Ken et de toute la tristesse qui irradiait autour de lui. Comme toujours, son instinct lui hurlait d’aller lui porter secours, de lui proposer de partager un peu du poids qui lui faisait courber l'échine.

Elle avait attendu ce qui lui paraissait être le bon moment quand il était impossible d’en trouver un dans ce genre de situation. Mais le silence avait gagné le cimetière et les épaules de Ken restaient si frêles. Il lui était impossible de lui tourner le dos. Shiloh ne cherchait aucune reconnaissance. Tout ce qu’elle désirait se voulait empreint d’une démarche de soutien. Elle avait hésité, il avait tremblé et elle s'était précipitée à ses côtés. « Shiloh. Je t’avais pas vue… » Bien sûr qu’il ne l’avait pas vu, elle s'était voulue si discrète. Il ne devrait même pas s’en vouloir, mais Ken se souciait du petit rien pour ne pas laisser le reste le submerger entièrement. « Désolé y avait tout ce monde et…et j’ai pas vu que t’étais là. » Elle lui adressa un sourire tendre, venant chercher l’une de ses mains pour la serrer dans la sienne. « Je voulais pas te déranger. » Les mots se voulaient fragiles, l'explication quelque peu bancale, mais le sentiment était présent. Elle avait voulu lui laisser de l’espace, n’avait pas cherché à ce qu’il la voit. « C’est pas important, Ken. » Ce n'était que des futilités desquelles il ne devait même pas se soucier. 

Il était si simple de se laisser aller dans cette étreinte. Instinctivement, ses bras s’enroulèrent autour des épaules de Ken. Lui qui paraissait soudainement si fragile, si petit, quand elle ne l’avait toujours vu que grand et solaire. « Merci d’être venue, ça me touche. » Un léger sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’elle resserra son étreinte autour de son ami. « J’ai vu dans le journal, je… Je devais être là. » Elle n’avait pas pu imaginer les choses autrement, malgré les années et la distance. « Je l’appréciais beaucoup. » Son père, qui avait toujours su les accueillir, qui avait toujours un mot gentil. Cet homme à la carrière flamboyante et toujours fier de son fils. Lentement, elle laissa une de ses mains se glisser dans les boucles de Ken. Pour le maintenir auprès d’elle. Pour que cette étreinte transmette tout ce qu’elle ne saurait formuler intelligemment. « Je suis là pour toi. » Pour cet ami de toujours. Celui qui l’avait fait tant rire avec ses frasques et ses actions parfois emplies de folie. Qu’importe les années de silence. Cela n’avait plus d’importance en cet instant. « J’aurais aimé être là bien avant. » Ce n’était pas un reproche envers lui, mais plus envers elle. De ne pas avoir écrit, de ne pas avoir jeté une bouteille à la mer bien avant. Elle le serra contre elle, juste une seconde de plus, avant de prendre un pas de recul pour plonger son regard dans celui de son ami. Shiloh était désolée de tout. Elle aurait voulu avaler toute sa tristesse pour le voir sourire. « T’as pas changé. » Qu’elle murmura finalement dans un petit rire étranglé par les émotions.