Un matin... difficile. Difficile de sortir de ce lit, difficile de mouvoir ce corps qui semble compter chacun de ses membres dans un calcul douloureux et trop compliqué. Les jambes engourdies et lourdes, les bras lourds aussi, difficile de plier les coudes, difficile de marcher... Je m'étire comme pour tout rassembler de façon linéaire dans un grand soupir. Quelques mouvements de balancement de droite à gauche, les bras écartés, la tête qui s'oppose au reste. Voilà qu'en une quinzaine de minute, je parviens enfin à sortir un pied du lit sur le carrelage froid de ma chambre pas encore tapissée, pas encore décorée. Je m'approche de mon armoire, visionne le planning du jour. Visiblement je travailles de nuit ce soir. Ce matin c'est censé être course. Je n'aurais jamais du doubler ma séance jambe hier soir. Aujourd'hui ce ne sera pas du fractionné. Simplement un 10 km. J'ai envie de dire 8, mais mon mental n'est pas très coopératif. Ce sera 10.
Je me dirige à reculons vers la cuisine. Aujourd'hui c'est flemme, le corps et le mental ne suivent plus, demain ce sera repos, mais aujourd'hui, on s'en tient au planning. Je prévois donc de me shooter au café toute la journée pour tenir.
Arrivée dans le salon, je remarque un sacré bordel dans le canapé. Jo a certainement encore invité ses amis. J'ai joué aux cartes avec eux samedi mais je ne suis pas suffisamment restée à l'appartement pour en apprendre d'avantage. Quoiqu'il en soit, les yeux à moitié fermés je me dirige vers la machine, quand à ma plus grande stupeur, cette dernière décide de ne pas fonctionner. Un matin... difficile.
Le corps presque tremblant à l'idée du manque qu'il vient de se créer, je sors mon téléphone et recherche le café le plus proche de mon point de départ pour mon running. Un starbucks. D'habitude je préfères les petits cafés indépendant, un peu plus hipster que les starbucks que je trouve terriblement américain et visant une classe moyenne qui tente de se donner des airs supérieure à payer des cafés fantaisies hors de prix. Je décide d'en être quand même pour cette fois ci, totalement désespérée et incapable de réfléchir sans ma dose d'adrénaline.
Je me prépare rapidement, j'enfile un short de sport assez court, une brassière que je couple à un teeshirt ample que je relève dedans. Mes chaussette qui s'arrêtent juste avant les mollets, ma casquette préférée, une paire d'écouteurs bluetooth, ma banane avec de quoi payer mon café et rentrer chez moi, ma montre connectée et mes meilleures baskets à amorti. J'ai finalement carrément le look de la white girl faisant son jogging matinal pour prétexter passer au starbucks juste avant.
Une fois arrivée dans ce dernier, je me plait plutôt à l'ambiance où chacun fait sa vie, certains discutent, d'autres travaillent. Moi je me retrouve tout à fait perdue devant la carte gigantesque aux choix trop multiples pour mon cerveau indécis. Je décide de prendre le premier truc que mes yeux parviennent à lire. Il s'avère que c'est un simple latte avec ce qui s'apparente être un sirop de caramel. Très bien. Je prend la plus grande taille. J'imagine que la dose de sucre couplé au café fera son effet pour l'entrainement.
On me demande mon prénom pour la boisson. J'invente, parce que visiblement personne ne sait jamais comment orthographier le mien et que je préfère fonctionner à l'inspiration. Suzie. Ca fait un peu prénom de vieille mais je suis certaine que je pourrais le rendre tendance. Je mets un moment à réagir quand mon prénom est enfin décrié, puis me dirige confuse vers la boisson, pour finalement me poser un peu à l'écart du passage. Ou visiblement pas...
Car quelques instants plus tard, une personne passe à grande vitesse très proche de ma table, et sans que je ne comprenne d'où cette sensation ne puisse venir, voilà que mon visage et mon teeshirt se voient arrosés par une boisson (chanceusement) glacée.
"Ostia!!!"
Je laisse sortir un cri du cœur dans ma langue maternelle, tout en effectuant un petit mouvement de recul, avant de me reprendre, le regard un peu sévère pointé sur cette inconnue qui se retrouve à me tripoter tout en s'excusant.
"Excusez moi je ne vous avais pas vu. Une personne m'a busculé sans faire attention à moi."
"Une personne ne vous a pas vu, et vous ne m'avez pas vu. C'est une véritable malédiction, il va falloir que j'ouvre bien les yeux aujourd'hui..."
Mon regard se plisse, peut être pour la jauger, ou parce que ma réaction fini par m'amuser. C'est une jeune femme qui doit avoir à peu près mon âge. Elle a un beau visage, le genre à être suffisamment symétrique pour avoir l'impression de l'avoir déjà croisé. Je lui adresse un sourire en coin, pas tout à fait chaleureux, peut être un peu mesquin.
"C'est qui qui vous a poussé? Il vous doit une boisson."