Il y avait un part de frustration chez Yasmine qu’il n’était pas simple pour elle d’accepter. Et pourtant elle était bien consciente que pour le bien de leur amitié elle devait arrêter de remettre le sujet sur le tapis, arrêter de manifester ce besoin d’en savoir plus - de comprendre. Elle avait même cru un instant qu’elle y arriverait mais Hassan avait alors amené de nouveaux éléments, juste assez pour raviver son besoin d’informations pas assez pour satisfaire ce même besoin. « Pendant combien de temps on va continuer à ressasser ça ? » Evidement elle l’avait cherché, elle le savait bien et la simple ton de son ami avait fini de lui donner l’impression d’avoir mal réagit face à des révélations qui se voulaient plus ou moins sincère de sa part. « J’arrive pas à ne pas y penser Hassan… » Son ton était presque aussi effacé que celui d’Hassan alors qu’elle fixait le sol un peu honteuse.   « Mais pour ce que ça vaut, non, c'est arrivé que cette fois-là. Et de toute façon maintenant je n'ai plus ni voiture ni permis, alors le problème est réglé. » Comme si le problème se trouvait vraiment dans la possession d’un quelconque permis. Comme si tout ça avait le pouvoir de régler les problèmes. C’était un leurre… Pendant plusieurs secondes encore Yasmine était restée silencieuse. Se heurtant à l’agacement qu’elle avait entendu dans la voix d’Hassan sans arriver à vraiment l’accepter et le comprendre. Il avait pourtant fait écho qu’à ses propres paroles. « J’en parlerais plus… » La promesse était presque dur à faire - comme si elle lui brulait les lèvres. Parce  que quelque part si elle acceptait de ne plus jamais aborder le sujet, elle se promettait aussi de ne plus pouvoir jouer de cette honnêteté envers lui. Parce que ne pas en parler ne voulait pas dire qu’elle n’y pensait pas… Parce qu’il ne savait pas comme son coeur se mettait à battre fort dans sa poitrine quand il mettait plus que quelques minutes à répondre à un de ses messages, il ne savait pas non plus que depuis son accident tous les jours en arrivant à son travail et en le quittant elle vérifiait la liste des urgences pour être sûre qu’il n’y était pas - elle se risquait même, le coeur battant à aller voir toutes personnes pas encore identifiée, avec la peur au ventre que ce soit son corps qui soit sur la table. Il ne connaissait pas ses craintes là, parce qu’elle ne pouvait pas les lui confier sans qu’il ne se braque - sans qu’il ne pense que plus jamais elle ne lui ferait confiance. Elle essayait pourtant - se persuadait que la lueur dans ses yeux n’était plus la même - elle voulait croire en ses promesses mais le sentant fuyant dès que son avenir était évoqué… Comme si dans sa tête il n’existait pas réellement d’avenir pour lui. C’était tout ça qui l’effrayait, tous les jours et qui la poussait à aborder encore et encore le sujet comme pour être sur de savoir identifier les signes… De ne plus jamais laisser une telle chose se produire. « Je te le promets… » Si Hassan décidait un jour de livrer les quelques secrets qu’il gardait encore pour lui elle serait là… Mais il était sans doute temps qu’elle lâche prise… Tout du moins qu’elle ne lui force plus la main pour l’obliger à dire des choses qu’il lui refusait. Elle s’en faisait la promesse.

Durant quelques secondes encore le silence avait plané sur eux. Menaçant de rendre cette journée bien moins heureuse que ce qu’elle avait espéré. Finalement elle avait repris la parole changeant complètement de registre pour lui parler à son tour de projet d’avenir et de voyage. Elle avait eu l’impression de voir le corps de son ami se crisper pendant un quart de seconde quand elle avait annoncé son potentiel départ avant qu’il ne bafouille quelques mots. « C'est … d'accord, j'veux dire c'est chouette, c'est … génial. » C’était étrange comme les mots semblaient ne pas coller à la voix - à son corps - à son regard sur elle. Et un frisson avait parcouru l’échine de la jeune femme avant qu’il ne se reprenne pour formuler une phrase plus élaborée. « Pardon. C'est juste qu'avec ce que tu m'as dit la dernière fois je m'attendais pas à ce que tu changes d'avis … Mais c'est vraiment génial, c'est une opportunité qui ne se rate pas. » Elle se rendait bien conte du côté soudain de son retournement de situation. Elle avait semblé si sûre d’elle quand ils avaient parlé ensemble et pourtant tout lui semblait si flou une fois qu’ils s’étaient quittés. « Tu m’as convaincu Hassan… Je veux pas me réveiller un matin et me dire que j’ai loupé ma chance… » Puis sans qu’elle ne soit capable de l’avouer son propre départ était l’élément déclencheur de tout ça. Il a bien des mois elle avait mis ce projet de côté pour rester au près d’Hassan si aujourd’hui il pouvait prendre la décision de partir loin d’ici… Elle devait elle aussi trouver la force. « Toi tu t’en vas… La santé de mon père est bien meilleure, Sohan… C’est Sohan mais il se débrouillera et ça va aller pour lui… » Qu’est ce qui l’empêchait de partir au fond ? L’espoir d’un amour de la part d’Hassan qui ne viendrait sans doute jamais ? Il était temps qu’elle se fasse une raison sans doute même si la simple idée d’être définitivement séparée de lui était encore inacceptable dans son esprit.

Le regard rivé sur Hassan elle cherchait à déchiffrer une émotion chez lui - ne sachant comment interpréter le léger frisson qui l’avait pris d’un coup. « Excuse-moi. C'est juste que … je m'étais déjà fait à l'idée qu'on ne se reverrait pas pendant plusieurs mois, mais j'avais rien envisagé de … permanent. » Un sourire réconfortant s’était alors glissé sur les lèvres de Yasmine, elle n’aurait su expliquer pourquoi mais la réaction d’Hassan lui réchauffait le coeur. Comme si pour la première fois elle entrevoyait elle aussi la peine qu’il pourrait avoir à être séparé d’elle. Cependant il avait rapidement rajouté. « Fais pas attention, ça me passera. Mais je suis vraiment content pour toi, je sais que ça te tenait à cœur. » La main de la jeune femme s’était glissée avec douceur sur la cuisse de son ami alors qu’elle cherchait son regard. « J’ai pas parlé de permanent… C’est juste quelques semaines. Comme des vacances rien de plus… » Du moins c’est ce dont elle tentait de se convaincre. Parce qu’imaginer un réel départ était impossible pour le moment.

En douceur elle avait faire remonter sa main le long de son torse jusqu’à sa nuque le regardant en souriant. « Tu veux bien me prendre dans tes bras ? » En lui adressant un léger sourire elle avait ajouté. « J’ai envie de profiter de toi un maximum avant que tu ne t’échappes. » Peut-être aussi mettre fin à une conversation qui les rendait tous les deux un peu mélancoliques.  Elle était alors venue se glisser entre les bras forts de son ami tandis qu’ils se laissaient tous les deux glisser sur le sol. A moitié couchée sur lui, la tête proche de sa clavicule elle s’enivrait de son parfum, son nez venant parfois caresser l’angle de la mâchoire d’Hassan. « Merci pour ce pique-nique… » Relevant un peu les yeux vers lui elle avait souri sincèrement. Les choses ne s’étaient sans doute pas déroulées comme il l’avait prévu mais quelque part elle avait aussi besoin de ça. D’avoir ces conversations avec lui avant qu’il ne parte - de se remémorer des souvenirs et de pouvoir se livrer un peu à lui. Pendant plusieurs minutes encore elle était restée accrochée à Hassan, pas décidée à le laisser lui échapper. Dans ses bras elle était bien - mieux que nul part ailleurs et c’était ce dont elle voulait ce souvenir quand elle se remémorerait cette journée.