@Hassan Jaafari

Quelques mois s'étaient écoulés depuis la rencontre fortuite entre Jonah et Hassan au bar. Depuis, Juliet n’était plus leur unique point commun, et bien que les deux hommes ne le sachent pas encore, ils étaient également liés par Ethel. Le Fletcher et elle se fréquentaient depuis quelques semaines et, si on posait la question à Jonah, il vous dirait une fois encore qu’elle était la femme de sa vie, sans l’ombre d’un doute. Parallèlement, une amitié naissante se tissait peu à peu entre lui et Hassan. Ils partageaient un intérêt commun pour la découverte de nouvelles expériences, entre autres. Une opportunité intrigante s'était présentée à eux : le National Multicultural Festival de Brisbane. Parmi les activités proposées, les treks en pleine nature et les différents workshops autour de l’artisanat autochtone avaient particulièrement attiré l'attention du jeune homme dont la curiosité et la soif de nouvelles connaissances paraissait insatiable. Intrigué par la perspective d'une aventure nocturne au cœur des paysages australiens, et attiré par la perspective de séquences aussi esthétiques que mystérieuses pour sa chaîne Youtube, il décida de s'inscrire à l'un de ces treks et y traîna Hassan avec lui. Grâce au stage qu’il avait effectué à la Survival Academy, le Fletcher avait gagné en confiance en lui en ce qui concernant son rapport à la nature sauvage. S’il se perdait entre les mangroves, il était à peu près sûr de savoir comment tenir en attendant d’être secouru (alors qu’avant, il se serait probablement roulé en boule dans un coin en pleurant).

Jonah, équipé de son sac à dos, de sa GoPro et de son énergie débordante, retrouva Hassan devant le point de départ de cette randonnée sous les étoiles. “Avec un ciel aussi dégagé, on sera les premiers à spotter les aliens s’ils débarquent ce soir !” s’exclama-t-il avec le sourire et le regard pétillant d’un écolier. Toujours débordant d’enthousiasme et d'excitation, il se mit à fredonner "le lion est mort ce soir" dès que le groupe se mit en mouvement. Ses owimbowé résonnaient dans la nature environnante. Cliché, puérile, un brin maladroit (si peu). Lui estimait qu’il apportait une touche ludique à l'atmosphère de la soirée. Les sentiers étaient doucement éclairés par la lueur des étoiles, de la lune, et des lampes de poche. Les arbres eucalyptus se profilaient en ombres sombres, leur feuillage diffusant des nuances subtiles de vert. L'air était imprégné d’une combinaison de notes terreuses et boisées. Le murmure léger des feuilles en mouvement s'entend sporadiquement, créant un fond sonore naturel. Quelques insectes stridulent dans l'obscurité, ajoutant une texture sonore à la nuit. Le Fletcher, caméra à la main, commença à documenter les instants notables de leur périple. Il parlait à la GoPro avec une énergie contagieuse, mais surtout perturbante au milieu de cette flore endormie et cette faune grouillante. "Salut tout le monde, c'est Jojookie ! On est ici pour un trek nocturne incroyable au cœur de l'Australie avec notre super guide, Jarra. Ça promet d'être une expérience inoubliable ! Vous voyez, la nuit révèle une toute autre facette de la vie sauvage. On peut parfois croiser des kangourous, des opossums, voire même des dingos. Mais il faut rester vigilant et respectueux de leur habitat." À commencer par leur accorder un peu de silence, peut-être, Fletcher ? Que nenni. Jonah, tout excité, s'approcha du guide, et commença à bombarder ce dernier de questions en oubliant autant ses ponctuations que sa respiration. Tout était bien trop fascinant, respirer pouvait attendre.

Hassan Jaafari & @Jonah Fletcher

'Cause you're a sky, 'cause you're a sky full of stars, I'm gonna give you my heart 'Cause you're a sky, 'cause you're a sky full of stars, 'Cause you light up the path. ☆☆

gifs @wifeymakesgifs & @harlivygifs

Dire que toute trace des stigmates laissés par la tempête Olga avait disparu était peut-être un peu exagéré. Néanmoins, la maison de Logan City ne ressemblait plus à une pataugeoire municipale, et Hassan avait enfin pu commencer à faire le compte des travaux nécessaires pour que cet épisode climatique ne soit bientôt plus qu’un mauvais souvenir. C’était ce à quoi il passait la plupart de ses soirées une fois Mo couché, abandonné même de ses animaux qui s’obstinaient à se coucher dans le couloir du haut, comme pour veiller le sommeil du petit humain de la maison quand bien même chacun possédait un panier confortable au rez-de-chaussée. Le week-end précédent, Sohan et lui étaient supposés s’atteler au remplaçant du parquet du salon, gondolé et trop gorgé d’eau pour être récupérable, mais victime d’une mauvaise chute le Khadji se retrouvait avec la cheville dans le plâtre pour quelques temps, et outre la seconde paire de bras qui lui aurait été utile pour bricoler, Hassan perdait également son habituel acolyte de randonnée. Autant dire que lorsqu’il avait vu passer le prospectus vantant les treks nocturnes organisés par la ville à l’occasion du Multicultural Festival, l’enseignant s’était contenté de soupirer, l’idée de se lancer dans l’expérience en solitaire lui faisant à peu près aussi peu envie que celle d’écumer sa liste de contacts à la recherche d’un.e volontaire pour l’accompagner. Et pourtant, après trois semaines passées chez l’autre Jaafari et sur les plages de Sydney avant que ne sonne l’heure de la rentrée des classes, retrouver le rythme du métro-boulot-dodo avait quelque chose d’étouffant pour Hassan, qui aurait bien eu besoin de s’aérer un peu le corps et l’esprit.

Pour toutes ces raisons, la proposition de Jonah n’aurait pas pu mieux tomber, et l’enseignant n’avait même pas fait mine d’hésiter un instant avant d’y répondre par l’affirmative. Fatima et Amjad Khadji, pour leur part, ne s’étaient pas non plus fait prier pour accepter d’accueillir petit Mo pour la soirée, et les épaules légères de savoir l’enfant entre de bonnes mains Hassan avait retrouvé Jonah à l’heure convenu, sac à dos sur les épaules et chaussures de marche aux pieds. « Avec un ciel aussi dégagé, on sera les premiers à spotter les aliens s’ils débarquent ce soir ! » Armé de son habituelle énergie débordante, et d’une GoPro dont on pouvait légitimement se demander si ceux qui en verraient les images ensuite n’attraperaient pas le mal de mer tant son propriétaire peinait à rester en place, Jonah fredonnait comme un enfant amené à Disneyland pour la toute première fois. « Pourquoi à t’entendre j’ai l’impression que tu voudrais que les aliens débarquent ce soir ? » Sourire amusé sur les lèvres, le brun ne voyait aucun inconvénient à laisser son acolyte gambader quelques mètres devant lui, comme on le ferait avec un bambin dans l’attente qu’il se fatigue tout seul. Pas le moins du monde découragé par le silence feutré de la nuit tombée ni par les oeillades tantôt curieuses, tantôt jugeantes de certains autres membres du groupe, le vidéaste s’était adressé à sa caméra avec le ton de l’habitude : « Salut tout le monde, c'est Jojookie ! On est ici pour un trek nocturne incroyable au cœur de l'Australie avec notre super guide, Jarra. Ça promet d'être une expérience inoubliable ! Vous voyez, la nuit révèle une toute autre facette de la vie sauvage. On peut parfois croiser des kangourous, des opossums, voire même des dingos. Mais il faut rester vigilant et respectueux de leur habitat. » Grand prince, le dénommé Jarra s’était prêté au jeu des – nombreuses – questions débitées par Jonah les secondes suivantes avec un flegme et une patience à toute épreuve, la curiosité sans bornes du Youtubeur ayant au moins le mérite de faire profiter à tout le reste du groupe des réponses de leur guide.

Alors au milieu d’une explication passionnée du lien existant entre le cycle des saisons et le comportement de la faune locale, leur guide s’était soudainement interrompu lorsqu’un autre membre du groupe, rapidement imité par Hassan, avait laissé échapper une exclamation émerveillée. « Ça fait des années que je n’en avais pas vus autant … » s’était même entendu murmurer le brun, presque plus pour lui-même que pour Jonah ou qui que ce soit d’autre. Les vers luisants de Nouvelle-Zélande, presque entièrement disparus de la côte Ouest du pays, se faisaient de plus en plus rare au fil des années de leur côté du pays également, et l’enseignant se souvenait avec un brin de nostalgie d’avoir chassé le ver luisant avec son frère et Sohan lorsque tous n’étaient encore que des enfants, à l’époque où la bête pullulait encore dans les recoins boisés de Logan City. « Tu sais, je ne suis pas certain que ça rende grand chose à l’image. » avait-il néanmoins fait remarquer à Jonah, la GoPro déjà brandie pour tenter de capturer les lueurs qui dansaient dans la pénombre. « C’est comme avec les nuages, on peut essayer de deviner des formes … Genre, là, on dirait une tortue qui tient une raquette de ping-pong. » Ou bien un lapin avec un nœud papillon sur la tête ? Son cœur balançait.

LANCER DE DÉS a écrit:

WIN – la GoPro de Jonah a plus de ressources qu’Hassan ne l’imagine, et le Youtubeur peut d’ores et déjà affirmer que ce plan sera de toute beauté dans son prochain vlog.

SO CLOSE – C’est bien joli, tous ces vers luisants, mais être le centre de toute cette attention n’est visiblement pas à leur goût, et tous ces “oooh”, ces “ahhh” et cette agitation ont eu vite fait de faire fuir les jolies bêtes, plongeant à nouveau le groupe dans la pénombre – voilà qui devrait leur servir de leçon et leur apprendre à ne pas brusquer la nature pour la suite de la visite.

FAIL – Jarra n’a même pas le temps de terminer sa phrase pour les prévenirs que les plus curieux du groupe, Hassan et Jonah parmi eux, s’éloignent un peu trop du sentier balisé et enfoncent leurs chaussures de randonnée dans une boue épaisse et collante, dont ils vont avoir bien du mal à se libérer.