C'est l'avenir qui nous a forcé à nous quitter

Je souffle. Je ne sais pas si je suis prête pour tout ça. Zek si. Selon lui, il est plus que temps même. Il était toujours là pour moi, à m'aider mais cette fois ci, il ne le pouvait pas. C'était à moi et à moi seule de le faire. Et, à l'origine c'était mon choix. Je restais persuadée qu'il était bon, que j'avais bien agi alors il était temps que j'agisse en conséquence. Je n'aurais pas pu supporter qu'il ait à vivre et subir tout cela. Zek en avait bavé. Ça avait été les montagnes russes pour lui. Combien de fois avait il tout dévasté alors qu'on nous annonçait qu'il ne me restait que quelques mois à vivre ? Il avait dû se battre pour deux, mettant entre parenthèses, une fois de plus, sa vie pour moi. Mais il était mon frère. Nous étions liés inévitablement l'un et l'autre. August..  August ne l'était pas encore pas. Vivre tout cela? Comment aurais-je pu lui souhaiter? Non, c'était inenvisageable. Il n'avait pas à voir sa femme plus bas que terre, malade à souhait. Il n'avait pas à craindre des rechutes ou à espérer pour mieux se prendre une claque dans la tronche. Je ne guérirais sans doute jamais. Et je ne passerais surement pas la quarantaine. Je l'aimais assez pour lui épargner tout cela. Une rupture nette était moins douloureuse qu'un deuil que l'on voit arriver et l'angoisse que l'autre ne se réveille peut être pas le lendemain. Je voyais ce que vivais mon frère. Je ne souhaitais cela à personne.

J'avais déjà reporté deux fois ce rendez-vous. La première fois par fuite. La seconde parce que ça avait été un jour sans. La troisième fois était la bonne. Je me sentais... en forme ce matin même si j'avais l'estomac noué. Le rendez-vous était matinal et ce n'était pas plus mal. Avec un peu de chance je pourrais aller au travail ce soir plutôt que de ressasser. Et cela permettrait à mon frère de bosser sereinement. Avant de partir je ne peux pas m'empêcher de vérifier que mon apparence. J'ai perdu du poids depuis la dernière fois où il m'a vu. Les premiers mois de traitement avaient été durs. Et si je reprenais du poids, je restais en dessous malgré tout. Je ne semble pas malade et cela me rassure. J'ai camouflé mes cernes sous mon fond de teint que j'ai rendu moins pâle. Mes cheveux étaient tressés, cachant ceux que j'avais perdus, grâce aux rajouts que j'avais fait poser. Je portais une robe à manche longue masquant le bleu laissé sur mon avant bras droit par la perfusion que l'on m'avait administrée la veille. J'avais l'air fatiguée mais quel adulte ne l'est pas ? Pas de coquetterie en plus que celle visant à me donner meilleure mine. C'était simple et suffisant. Je ne me rendais pas à un rendez-vous galant. Je n'allais pas à sa rencontre pour le séduire. Je n'y allais pas pour plaider ma cause. Je n'y allais pas pour lui expliquer ma fuite ni même pour recoller les morceaux. Non. Et si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais laissé Zek' continuer de s'occuper de tout ça et éviter tout contact direct avec Lui. Mais il avait refusé de s'adresser une fois de plus à mon frère, lui indiquant que je devais venir en personne.

Prenant mon courage à deux mains, je descendais de la voiture de mon frère. Je n'avais plus le droit de conduire au cas où je sois prise d'une crise de douleur et Zek avait refusé que j'y aille en transport en commun. Sans doute avait-il peur que je fasse demi-tour ? A moins qu'il ait conscience que j'avais besoin de lui non loin au ça où . Sa présence avait toujours suffit pour me rassurer. C'était sûrement ça d'ailleurs. Il m'attends déjà sur le trottoir et me prends la main dès que je suis sortie. Il ne la lâche pas jusqu'à ce qu'on entre dans le café où nous avions convenu du rendez-vous. Là, alors, il s'éloigne pour venir saluer August, et me laisser le temps d'encaisser le choc de Le revoir. Il a changé et mon coeur se serre. C'est de ma faute, je le sais mais c'est pour le mieux. J'ai fais le bon choix. Ils échangent quelques paroles jusqu'à ce que j'arrive à leur hauteur. Mon frère dépose un baiser sur mon front, serre ma main et va s'asseoir à une table plus loin, nous laissant seuls. Je meurs d'envie de regarder celui qui était mon fiancé mais je n'en fais rien. Je m'installe à la table et prend le menu. Mes mains tremblent alors je le pose sur la table, et les pose sur mes cuisses tout en continuant à le lire. Une serveuse prend notre commande et je me mets à la donner pour nous deux. Lorsque je m'en rends compte elle est déjà en train de partir. Bon sang. Je me sens nulle et stupide. Je finis par relever les yeux vers lui. Je suis mal à l'aise et il me connait assez pour s'en rendre compte. Je lui lâche un vague Salut Assez pitoyable avant d'ajouter J'ai lu ton article. Et? Bon sang je suis une cruche. Pourquoi est-ce que je lui ai dit ça ? Impossible de dire que je suis tombée dessus par hasard puisqu'il sait que je ne lis pas le journal. Je les trouve trop déprimants, trop pessimistes. Je me tiens informée des nouvelles via Zek' et avant lui. Alors avant qu'il ne réponde je préfère enchaîner. Je veux racheter tes parts de la maison. Avec Zek' nous sommes suffisamment solvables. Notre banquier enverra au tiens tous les documents l'attestant. Oui voilà, parlons de ce qui nous amène ici et finissons en. Le plus vite sera le mieux. Cela faisait quasiment un an que nous nous n'étions pas vu et je n'étais définitivement pas prête à le revoir. Je pensais avoir avancé le concernant et il était vrai que sa présence me manquait moins qu'avant, que je pensais moins souvent à lui. Je m'étais surestimée. Mon frère avait tort. Je n'étais pas prête à l'affronter. A partir du moment où je n'arrivais pas à me séparer de ma bague et de la maison que vous avions partagé... Tu pourras y rester si tu veux, en ne payant que les charges. Zek' allait me tuer mais il n'était pas question de le mettre dehors. Et, je savais que s'il voulait la vendre c'était parce qu'elle devait lui coûter cher. J'avais gardé l'argent de mon héritage et je pouvais l'acheter. Si mon frère deviendrait également proprio ce n'était pas par manque d'argent mais parce que j'étais malade et que la banque avait besoin de certitude. Lorsque je ne serai plus là, il pourra la vendre avec l'accord d'August qui récupérerait la moitié de la vente. Je comptais faire les papiers en ce sens sans en avertir bien évidemment mon ex fiancé. Pas pour me racheter. Je voulais simplement lui laisser quelque chose quand je partirai. J'avais déjà préparé une lettre aux deux univers de ma vie. Elles les attendaient sagement chez le notaire que j'avais engagé pour gérer l'Après. J'avais besoin de ça, de savoir que tout était en ordre si demain je ne me réveillais pas.

C'est l'avenir qui nous a forcé à nous quitter

Je ne sais pas ce que je fais ici, ni pourquoi il a tant tenu à ce que je vienne. Ce n’est bon pour personne, ni pour lui, ni pour moi.Passer par Zek était la meilleure chose à faire, exception faite pour mon frère qui servait, littéralement de messager.J’étais nerveuse, au point où j’en aurais presque la nausée. Mes mains étaient moites et je ne savais pas quoi dire ou faire. Je sens qu’il ne me quitte pas du regard. C’est pesant, déstabilisant. August ne m’a jamais donné ce sentiment, ce sentiment d’être la pire personne au monde, d’être… Indésirable. J’y étais préparée pourtant… Ou du moins, je le pensais. Je n’étais pas prête à le voir et sans doute ne le serait-il jamais finalement. J’essaye de meubler ce silence mais il me renvoie tout de suite dans mes cordes. Ma gorge est sèche et mes mains posées sur mes cuisses se serrent. Je déteste cela. Je déteste qu’il puisse me parler et se comporter ainsi. C’est lui qui a voulu que je vienne, pas moi. Alors autant couper court et aller droit au but. Il connaît ma position mais je le lui rappelle. Il a tout à gagner d’accepter ce que nous lui proposons. Je pousse même en lui proposant de rester y vivre s’il le désire. Je ne le mettrais pas dehors. Jamais. Cette maison, c’est autant la sienne que la tienne. Quand il répond je relève la tête et fronce les sourcils. Il n’y vit plus? Pourquoi alors ne pas simplement accepter de… Ah. Je vois. Je m’en doutais. Non. En fait, je le savais. Ce n’est pas vraiment à propos de la maison qu’il m’a demandé de venir. Je comprends ses sous-entendus, je sais ce qu’il veut que je lui dise. Je le connais. Il a sans doute changé oui, en un an, mais il reste au fond, toujours le même. Six ans de relation ne s'oublient pas rapidement. Moi, en tout cas, je n’ai rien oublié. La manière dont il parle de ce qui a été notre foyer me met en colère, plus que cela ne l’aurait dû. Il piétine tout ce que nous avons vécu là bas, comme si cela n’avait aucune importance. Il est froissé et en colère? Il n’est pas le seul. Oui, aux yeux de tous j’étais la méchante et c’était le cas.  Je prends le temps de respirer avant de lui répondre, pour ne pas laisser ma colère dicter mes mots. Je ne peux pas revenir en arrière, et je ne le ferai pas. Pour rien au monde. Ma vie, je ne l’envisageais qu’avec lui. Il était, est, et restera mon âme soeur et cela même si je n’étais pas la sienne. J’allais mourir après tout. Je ne pouvais l’être alors que mes jours étaient comptés. C’était impossible. Pourquoi ? lui dis-je en le regardant.  Au fond, de savoir, qu'est-ce que cela va changer? Cela ne changera absolument rien. Si tu ne veux pas y vivre très bien. Je réponds aussi calmement que possible, même si j’ai une furieuse envie de lui interdire de parler ainsi de notre maison. Le notaire pourra rapidement te virer ta part de la maison et tu n'entendras plus parler ni d'elle, ni de nous. Je ne t'empêcherai pas de vendre tes parts. Si elle ne représente rien pour lui alors il n’avait vraiment aucune raison de ne pas accepter. Il n’avait rien à y perdre, rien du tout. Et non, je n’en ai pas “rien à foutre” pour reprendre tes mots. La serveuse arrive et dépose devant nous la commande que j’ai passé. La boisson et le dessert préféré d’August, ainsi qu’une tisane à la menthe pour moi. Je la remercie, tout en lui tendant ma carte pour l’encaissement. Cela me donne un peu de temps pour faire retomber la pression.  Je n’ai jamais voulu la vendre mais j’ai bien compris que tu en avais la nécessité alors j’ai accepté de le faire. La banque a refusé de me suivre quand j’ai voulu racheter tes parts mais c’est différent si c’est Zek’ qui le fait. Je ne pouvais pas le faire directement à cause de ma maladie. Trop risqué pour mon banquier. Mon frère, lui, le pouvait s’il achetait uniquement les parts d’August, que je lui rembourserai au fur et à mesure. Nous en avions les moyens grâce à nos parents et l’héritage qu’ils nous avaient laissé. Notre maison d’enfance s’était bien vendue et ils avaient économisé énormément d’argent. August savait tout cela. Je n’ai jamais eu à manquer de rien même si j’ai toujours fais attention. On ne savait pas de quoi demain était fait après tout. J’avalais une gorgée de la boisson chaude que je n’avais pas sucré - je n’en avais pas le droit - Il n’y a aucun piège. Nous ne cherchons pas à te nuire, ou je ne sais quoi. Tu n’as rien à perdre à accepter. finis-je par lui dire pour qu’il se rende compte que nous n’avions aucune intention cachée, même si je n’avais pas réellement répondu à toutes ses demandes, ni à ses sous-entendus. Je voulais que nous en finissions et vite.


HJ : désolée c'est pas génial  

C'est l'avenir qui nous a forcé à nous quitter

Parce qu'il s'agit de notre maison. C'est ce que je veux répondre mais je ravale mes mots. Je ne peux pas les lui livrer sans qu'il ne vienne reposer plus de questions derrière. Je fuis mais ai-je un autre choix? On a toujours le choix Ya. J'entends la voix de mon frère me dire cela dans ma tête. Je sens son regard sur moi. Il garde ses distances, mais je doute qu'il ne rate une seule parole, qu'elle vienne de moi ou de celui qui a fait partie pendant de si nombreuses années de notre famille. August avait su obtenir son estime et sa confiance alors que ce n'était pas gagné. Et il gardait encore une bonne opinion de lui. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il lui aurait tout dit. Ils auraient pu être un soutien l'un pour l'autre… J'en avais décidé autrement. C'était déjà dur à vivre de dépendre de Zek', de l'inquiéter, de savoir qu'il allait devoir m'enterrer… Mais il était mon frère et nous étions liés l'un à l'autre depuis ma naissance et jusqu'à ce que la faucheuse ne vienne me chercher… August était mon âme soeur oui… Mais je connaissais son coeur, et il pouvait aimer quelqu'un d'autre. Il pouvait trouver le bonheur ailleurs. Rompre avec sa fiancée ou mettre en terre son épouse… On pouvait se remettre du premier, le second beaucoup moins. Et lui imposer des rendez-vous à l'hôpital, et tout ce cela lui rappellerait ? Non je ne le pouvais pas. Pas alors que j'avais justement le choix de faire autrement. J'ouvre la bouche mais élude sa véritable question. Je sais qu'il ne parle pas seulement que de notre maison mais de nous. Ce n'était pas le cadet de mes soucis mais j'estimais que je n'avais pas la priorité dessus et qu'elle te revenait. Tant que tu le désirais, elle était tienne. Et cela même si je continuerai à la payer. Pourtant, je me rendais compte que je n'avais pas pensé à tous les frais annexes. Et Zek' ne m'avait jamais demandé de l'aider sur ce point là. J'étais un véritable parasite dans sa vie et pourtant il était prêt à encore une fois m'aider pour me permettre de racheter les parts de August. Savoir NOTRE maison entre les mains d'autres… Non je n'y arrivais pas.

Je m'impatiente en écoutant ses réponses et les intentions qui ne sont pas les miennes. Il est en colère et c'est légitime. Il ne veut plus entendre parler de moi et c'est le mieux pour lui en fait. Il ne peut pas savoir que je fais tout cela pour lui. Je pourrais lui cracher au visage que je suis condamnée, de combien cela est dur pour moi, de tout ce à quoi je suis forcée de renoncer à cause de ce putain de cancer. Mais je ravale mes mots encore une fois. Lâche me murmure une voix à l'oreille. Qu'importe. Ce n'est qu'une question de point de vue. Il aurait été plus simple de tout lui dire et le laissait tout subir. Si j'avais été égoïste, c'est ce que j'aurais fait. Mais je l'aimais trop pour ça.

Ses mots… Lorsqu'il me demande comment j'arrive à me regarder dans le miroir, mes poings se serrent. Non de colère mais d'une douleur mentale que je contiens en m'en infligeant une physique. Mes ongles entrent dans ma peau, et l'écorchent sous la table, à l'abri des regards. Je fais un non de la tête pour ne pas que Zek' intervienne et ne s'emporte contre August qui finit par repousser la commande qui nous avait été de apportée. Je garde quelques minutes le silence avant de fouiller dans mon sac et de sortir de quoi régler ce qui allait finir à la poubelle. Même moi je n'avais pas l'intention de boire cette fichue tisane de toute façon. Wahoo… Ne sus je dire que dans un premier temps avant d'ajouter Quel bon rôle ? Qui de nous deux est détesté de tous? À lequel de nous deux on a tourné le dos sans même chercher à comprendre ? Qui de nous deux se colle une image de monstre, d'une personne sans coeur ? Qui de nous deux s'est retrouvé du jour au lendemain la cible de colère, de mépris et d'insultes ? Ce n'était pas lui. Et je n'avais pas cherché une seule seconde à changer ce fait. Je le méritais oui, je le méritais mais August avait il seulement pris la peine de les calmer, de me trouver des circonstances atténuantes, de leur rappeler mais surtout de se rappeler que je n'étais pas fausse ou une horrible personne ? Lui, plus que tous les autres, aurait dû savoir que je n'avais pas fait cela pour le seul plaisir de l'humilier ou de m'amuser.  Et tu sais quoi? Peu importe. Peu importe que vous me détestiez. Ce choix que j'ai fait, ce message que je t'ai écrit, je ne changerai rien, absolument rien. Je n'ai pas fuis comme tu le dis, j'ai fait un choix, j'ai pris mes responsabilités et j'en assume chacune des conséquences qui en découlent. Il allait sûrement le prendre mal mais je ne pouvais rien y faire. Au moins ce rendez-vous aura eu le mérite de mettre les choses au clair. Il me haïssait. Bien. Au moins le jour où je mourrais je ne lui infligerais pas de peine. Ma voix avait beau trembler, mon ton ne laissait place à aucune indécision. Je souffrais de le voir sans pouvoir le toucher, sans pouvoir me blottir dans ses bras mais la pire souffrance était ces mots. Je l'aimais, et chacune de ses colères, chacun de ses mots acides m'atteignaient énormément. Des souvenirs oui mais contrairement à toi, je ne vois pas cela comme un problème. Cette maison, tu n'en veux plus je l'ai compris. Mais ce n'est pas mon cas. J'aimais cette maison. Et même si y vivre pouvait être étouffant de souvenirs, je préférais plutôt les considérer comme quelque chose auquel se raccrocher, quelque chose de beau, de joyeux. Nous avions eu aussi des moments moins reluisants oui mais ils ne l'avaient jamais emporté. Cette maison c'était la dernière chose finalement qui me restait de nous.  Puisque tu sembles le désirer plus que tout au monde, vas-y August, livre moi le fond de tes pensées, crache moi ta haine, ta colère au visage. Ensuite tu pourras retourner à ta nouvelle vie et oublier jusqu'à mon existence. Je pouvais encaisser… Ou plutôt faire semblant de le pouvoir. Il le fallait. Ainsi il pourrait avancer et moi… Moi qu'importe. De toute façon, il y avait des chances que demain je ne me réveille pas. Et au fond, je commençais à être épuisée de devoir me battre encore et encore. J'avais été sincère dans mon message en lui souhaitant de vivre heureux avec une autre femme. Il méritait un bonheur encore plus grand que nous avions connu, un bonheur teinté des rires de ses enfants, de cette grande famille qu'il avait toujours désirée avoir et que jamais je ne pourrais lui offrir.

C'est l'avenir qui nous a forcé à nous quitter

Je ne sais vraiment pas ce que je fais ici. C’est un tribunal que j’avais fui pendant tant de mois. Je ne pouvais pas expliquer à August. Et il ne pourrait pas comprendre ce qui me ferait que le rendre encore plus furieux et colérique. Je ne lui reprochais pas. Quelque part, je pourrais m’en réjouir. Quand on me mettra entre quatre planches, au moins il n’aurait plus une once de sympathie pour moi et donc pas un seul moment de tristesse. Je l’avais quitté pour cela. Je l’avais quitté pour qu’il ne soit pas veuf. Je l’avais quitté pour qu’il n’ait pas encore à enterrer quelqu’un qu’il aime. Je l’avais quitté pour qu’il n’ait pas à assister à ma descente en enfers. Je l'aimais. Putain je l’aimais encore tellement que j’en avais mal de le voir. Je souffrais le martyre de le voir me détester autant. Je secoue la tête, me retiens de soupirer et de me taper la tête contre la table. Je ne réponds pas. Pour dire quoi? Cela me servirait à rien. Je savais qu’en partant comme je l’avais fais, qu’en coupant tous les ponts, on allait me détester. J’étais prête à cela… Tant que je m’en tenais loin. Je n’étais clairement pas prête à l’affronter lui, à lire tout ce... Dégoût dans ses yeux. Et j’en assume seule les conséquences. quasiment toute seule, puisque j’avais Zek encore avec moi, le dernier de tous, le seul qui n’avait justement pas pu en faire autrement. Lui comme moi avions conscience que si cet appel était arrivé ne serait-ce que vingt minutes plus tôt, lorsque j’étais en train de me préparer sans lui, je serais partie sans même lui expliquer non plus le pourquoi du comment. Lui voyait cela comme une chance, moi… Comme une véritable malédiction pour lui. S’il n'avait pas été là, je ne serais plus de ce monde. Je me serai éteinte à Paris, cette ville qui m’avait vu naître, et dans laquelle j’aurais donné des indications pour y être enterrée. Je n’aurais vraiment été qu’un souvenir lointain pour tous. Mais, pour mon frère, j’avais accepté de me battre, certains jours plus que les autres.

Je sursaute quand il s’emporte concernant la maison. August n’est pas un homme violent. Il ne l’avait jamais été en tout cas devant moi, et encore moins envers moi. Mon coeur bat extrêmement fort et je sens que je perds moi aussi patience. Nous avions eu nos lots de disputes et d'engueulades. Ce serait mentir que de dire que notre relation a été une balade de santé. Nous nous sommes pris la tête plus d’une fois. Nous nous sommes criés, emportés l’un contre l’autre, nous poussant dans nos retranchements… Avant de nous réconcilier. Nous finissions toujours par le faire. Parce que notre amour était bien plus fort que nos différences. C’est peut-être cliché mais je l’avais toujours vu et ressenti ainsi. Je ravale difficilement les mots qui manquent de déborder de ma bouche. Je me retiens de lui balancer que ces souvenirs qu’il piétinait me permettait de tenir quand la maladie était trop présente et que j’avais envie de tout lâcher. Quelque part, j’espérais que si elle disparaissait, nous pourrions reprendre là où nous nous étions arrêtés. Je savais pourtant que ce ne serait jamais possible, mais une partie de moi s’accrochait à cela, à cet amour que je ne pouvais pas oublier. Il était mon âme soeur, et il le restera jusqu’à ce que la faucheuse ne m’emporte avec elle rejoindre mes parents. Parce que tu crois vraiment que ce que tu pourras dire m’aidera à me sentir mieux? Je n’ai pas besoin de me convaincre que j’ai fais le bon choix en te quittant, parce que tu vois August, j’en suis profondément persuadée et tes mots, ton attitude me prouvent que j’ai eu raison. Je me suis levée. Mon corps tremble de colère. Ma voix aussi, même si elle vibre aussi de sincérité. Je ne regrettais pas ma décision. Je le regarde dans les yeux et continue. Merci. Merci de me voir comme une étrangère.  Vis ta vie August. Trouve le bonheur, l’amour, la paix. Oublies jusqu’à mon existence, c’est tout ce que je désire. Mes lèvres tremblent. Je souffre. J’ai tellement mal, mais c’est nécessaire. Je dois le faire. Je dois me sacrifier pour qu’il puisse avoir un avenir. Je lui devais cela. Notre amour lui devait cela. Je récupère mon sac, les mains tremblantes. Adieu August. Puisse-tu n’avoir plus jamais à recroiser ma route. J’ai envie de pleurer, mais je me retiens. Je ne dois pas craquer. Je suis si proche de mon but. Je ne dois pas craquer.