Le musée est encore plus imposant lorsqu'il est vide. Si l'entrée est barrée et qu'elle n'augure absolument rien de bon à savoir comment l'immense institution s'assure de rassurer les troupes face aux récents événements, c'est vers l'entrée des curateurs que j'entraîne Auden à me suivre.

Brisbane est restée derrière nous pour des raisons évidentes. C'est ici maintenant que se cachent les quelques réponses qu'il nous reste à assembler pour espérer peut-être arriver à lever la malédiction à laquelle j'ai pris part bien malgré moi lors des recherches archéologiques qui de base semblaient si inoffensives. Lorsque le sarcophage s'est ouvert sous nos doigts aussi curieux qu'ingrats, qu'impolis - que gages de mauvais présages.

La longue nuit dure depuis des jours déjà. Assez longtemps pour qu'on rassemble les derniers détails possible ici, assez pour qu'il dérobe un avion à l'armée, assez pour qu'on arrive à Paris en force et en furie. L'impression que tout nous réussit maintenant me colle autant à la peau que celle stipulant sournoisement que la fin est proche, qu'on peut la goûter désormais. Les fleuves sont devenus sang d'un bout à l'autre de la planète, de les voir du ciel m'a horrifiée. Les sauterelles voyagent par essaims, les grenouilles les suivent. Le monde n'est qu'un immense champ de cadavres d'animaux laissés pour sacrifices. La prochaine plaie en sera une qui sera violente dans ses blessures et déjà, je sens qu'elle monte au même titre que les bourdonnements de plus en plus agressifs longeant les immenses murailles entourant le Louvre.

C'est ici qu'on est venus chercher asile, c'est ici, à travers les archives, qu'il est autant persuadé que moi qu'on trouvera ce qui manque à l'équation, qu'on réussira à déchiffrer les symboles toujours incompréhensibles et rendant la tablette encore un peu plus obsolète en l'état. C'est aussi ici que j'ai finalement cédé à une vraie poignée d'heures de sommeil. Ma tête s'est lovée contre lui presque au même moment où je me suis endormie - et si la sensation de brûlure piquant mon épaule à m'en réveiller me fait rire une seconde une seule, l'appropriant à Auden qui joue à mordre comme un enfant, n'en reste que je n'ai pas du tout envie d'ouvrir les yeux pour constater l'évidence que je n'arrive pas encore à croire véritablement.

« Auden? » au moins s'il est toujours là, tout va.

On a atterri au Louvre. Littéralement. On a littéralement atterri au Louvre, retour express en Europe que jamais je n’aurais cru vivre en raison des récents événements. Pourtant le monde s’est enfin rendu compte que nous étions tous en train de courir à notre perte, raison pour laquelle les plus éminents scientifiques et archéologues du monde entier ont été mandatés pour se rejoindre et se regrouper. Beaucoup sont mort, trop étaient effrayés, peu ont pu recevoir la note. N’en reste que Ginny et moi, on l’a reçu et on n’a pas hésité un seul instant non plus avant de prendre le premier avion (et dernier) pour s’en aller à l’autre bout du monde, profitant des interminables et difficiles heures de vol pour nous concentrer bien plus sur la tablette que sur le monde qui se meurt à petit feu, lui dont toutes ses teintes semblent virer au pourpre.

« Auden? » Maintenant pourtant j’ai abandonné l’encrier et les plumes, j’ai abandonné les feuilles en tout genre et autres parchemins, j’ai laissé de côté tous les vieux livres et leur poussière. On nous a aménagé une pièce pour en faire ce qu’on voulait ; on a volé toutes les couvertures poussiéreuses du musée pour qu’elles deviennent enfin nôtres. J’étais supposé travailler plus tard qu’elle mais le sommeil m’a à mon tour gagné, raison pour laquelle c’est désormais mon bras que je sens à peine, logé sous sa nuque, dénué de toute circulation sanguine digne de ce nom. “Non c’est pas encore l’heure de manger Ginny.” Je râle sans ouvrir les yeux et replace mon corps contre le sien, les dizaines de draps entre nous. Notre sommeil ne nous quitte désormais plus, peu importe si on arrive à dormir trois voire même quatre heures, lors des meilleurs jours - des moins pires, selon les versions. Je tente de l'apaiser à ma manière pour qu’elle puisse se rendormir, je sais qu’elle en a besoin, elle qui lutte contre son syndrome du super heros. Elle ne peut pas tous les sauver ; elle l’a déjà vu.

WIN - Elle consent à se rendormir, ils ne se réveilleront qu'avec le lever du soleil.
SO CLOSE - Elle consent à se rendormir, pour cinq minutes à peine. La journée débute.
FAIL - Ils n'ont pas le temps de quoi que ce soit qu'il écrase à son tour un moustique contre son bras, esquissant au passage un rictus de douleur. Ok, ils sont réveillés. C'est quoi ce merdier ?

Personne ne parle fort, au musée. Toutes les voix sont feutrées, toutes les discussions le sont également. Autour des grandes tables qu'ils ont tirées dans l'imposant hall de la galerie principale, les quelques têtes pensantes et survivants des catastrophes s'étalant depuis trop longtemps déjà ont passé des jours et des heures à tenter de s'entendre. Qu'est-ce que tout ça veut dire, de comment et de pourquoi la fin est aussi proche qu'elle semble être arrêtable. Pour chaque révélation vient son ascendant chaotique, pour chaque eureka vient le revers de la médaille et de bien pires nouvelles que celles de la veille.

La veille aussi, on a cédé à Morphée. Il avait promis être meilleur que moi, plus vif et plus fort, plus insensible au sommeil et j'avais ri, ri jusqu'à m'endormir à poings fermés, mes mains littéralement refermées contre les siennes. Ce n'est qu'une petite pause avec la suite, ce n'est qu'une façon comme une autre de recharger nos batteries dans cette salle qui est désormais la nôtre. Celle où personne ne vient nous déranger autrement qu'en toquant distraitement à la porte avant de dégager les couloirs, de manière à ce qu'on vienne les rejoindre. Ce matin (ce soir? cet après-midi? cette nuit?) pourtant, personne n'est venu nous chercher, personne n'a brusqué le silence désormais causé par nos réveils en décalé.

L'ennemi est à l'intérieur et l'ennemi brûle, pique, démange maintenant. Mon bras guérit des contusions de sauterelles se retrouve à nouveau marqué au vif, un autre dommage collatéral me rappelant encore une fois que si le monde tire à sa fin, j'en suis l'une des principales responsables.

“Non c’est pas encore l’heure de manger Ginny.”
« Je tuerais pour des macarons. » douce ironie quand dehors, des corps morts s'empilent devant les plus belles pâtisseries.

Un soupir un seul, et c'est à lui d'être attaqué par une guêpe de plus. Comme à chaque fois où les piqûre sont listées parmi les prochaines plaies à venir (déjà là, du coup), tout le monde reste sur le qui vive d'une potentielle allergie. Un retour à l'envoyeur qui compliquerait véritablement les choses. Me redressant dans le lit de fortune aménagé à même le sol, mes yeux passent de ses rougeurs à lui aux miennes. « Embrasse-moi pendant que je m'assure que tout va bien. » si ce n'est pas lui qui me distrait lorsque l'Apocalypse risque de me terroriser un peu plus, c'est mon boulot à moi de le faire avec lui. Toutes les excuses sont bonnes, dirons-nous.

WIN - ni lui ni elle n'est allergique, Toutankhamon soit loué
SO CLOSE - la réaction est lente, il faudra tirer une nouvelle fois le dé pour savoir si l'un ou l'une est allergique plus tard durant le jeuuuu
FAIL - bon ben ils sont allergiques tous les deux ce RP sera intéressant

Après mes mots susurrés à son oreille d’une voix à moitié endormie, ce sont les siens qui s’élèvent et qui grimpent, presque tout aussi poétiques. « Je tuerais pour des macarons. » On en vient à se dire qu’on tuerait pour bien des choses, maintenant, et à chaque jour qui passe on en vient à la conclusion qu’on doute de moins en moins qu’une telle éventualité puisse arriver. On a tous connu des histoires de fin du monde contées par nos aînés, on les vit aujourd’hui au plus près de l’action, qu’on le veuille ou non. Mes attaques de bambins tournent court suite à une piqûre puis une seconde, un grognement puis un râle étouffé. La douleur est vive mais elle se diffuse rapidement, la lâche, la garce, l’infâme petit poison que je sens se répandre dans mes veines et mon organisme tout entier.

Le sommeil est terminé, donc, et cela sonne la fin d’un rêve qui, même si je ne m’en souviens pas, devait être paradisiaque en comparaison à la réalité amère. Assis sur le lit de fortune, chacun observe les bras de l’autre et en dénote les rougeurs supplémentaires et les boutons allant avec. « Embrasse-moi pendant que je m'assure que tout va bien. » Elle a le coeur à ça parce qu’elle est une enfant - dix jours, souvenez vous en, dix longs et interminables jours qui nous séparent - mais pour ma part c’est loin d’être le cas, comme le confirme mon visage fermé. Pas même un sourire amusé n’a la force d’étirer mes lèvres alors que si mes doigts glissent dans son cou et sous son menton, ce n’est que pour lui faire relever la tête et observer de moi même ses minuscules plaies lesquelles ont tendance à se faire de plus en plus visibles à chaque seconde qui passe. “T’es allergique à quoi, Gin ?” Je connais la liste qui se compose de clous de girofle et d’orange, je connais celle qui s’étend même à ce qu’ils mettent dans ce shampooing en particulier qu’elle a un jour utilisé, gamine, avant d’avoir le visage écarlate. Ecarlate, comme le grain de sa peau en ce moment, comme la mienne qui, en parallèle, démontre peu à peu mon inquiétude à son sujet. Tout semble porter à croire que la liste de ses allergies s’est agrandie depuis le temps et la mienne avec - mais ça, je ne m’en rends pas même compte pour le moment encore ; elle passe avant toutes choses une fois de plus.

WIN - Sa peau la gratte, son visage et ses membres enflent.
SO CLOSE - Sa peau la gratte, son visage et ses membres enflent. Elle tousse et est étourdie.
FAIL - Sa peau la gratte, son visage et ses membres enflent. Elle tousse et est étourdie. Elle a la nausée, l’envie de vomir. (yes bonne ambiance)

La piqûre est vive, trop rapide pour être évitée. Sur mon bras, le moustique est passé aussi vite qu'il est reparti, laissant avec lui une traînée de marques que je ne vois pas de suite. Habituée aux ecchymoses en tous genres, éternelle abonnée aux genoux en sang et aux coudes qui ne sont pas en meilleur état, c'est tout logiquement que mes blessures ne me font pas le moindre pli. Pour l'heure, mon attention est rivée sur les taons qui s'attroupent tout en haut, les plafonds faits en hauteur dans la salle qu'on a investie comme si elle était la nôtre nous laissant une poignée de secondes de répit.

“T’es allergique à quoi, Gin ?” je n'aime pas sa voix. Je n'aime pas ses lèvres loin des miennes et j'aime encore moins les rougeurs que je vois apparaître sur son bras, homologues aux miennes. « À ton sens de l'humour. » pas drôle Ginny, pas drôle du tout. En temps de crise, plus personne ne fait de blague ou presque. On s'en garde quelques unes, une fois la tête reposée et les idées moins claires. Quand le monde dehors est mis sur pause parce qu'il nous a fait trop mal ou fait trop peur, c'est là où on rit, c'est là où on tente de, du moins. Se changer les idées au passage. À l'instant, il n'y a même plus le moindre sourire qui se dessine sur son visage, pas plus qu'une seule fossette se creuse sur le mien.

Depuis quand une piqûre de moustique fait aussi mal?
Depuis quand ma peau semble brûler autant que les muscles qu'elle abrite?

« Je peux pas être allergique à ça, ça fait aucun sens, c'est impossible, j'ai déjà été piquée par des taons, c'est arrivé avant aujourd'hui je te jure. » le voilà, l'esprit cartésien. La scientifique, l'analyste, celle qui se fie sur les faits et rien que les faits, qui a été chamboulée des dizaines de centaines de fois depuis le début de l'Apocalypse. Mes conventions sont bafouées à tous les jours, mes idéaux sont changés à toutes les nuits, rien ne fait de sens et c'est désormais ça, ma nouvelle réalité. Notre réalité à nous tous.

Ma réalité à base de peau qui pique, qui gratte, que même mes ongles, dédiés à râper ma chair jusqu'à ce que des marques s'y fassent, fines et minuscules cicatrices cramoisies. La toux vient ensuite, sèche, difficile, elle est impossible même à passer tant je sens ma gorge se serrer sur elle-même. Et là, mon bras il enfle? Mon pied aussi? Mes joues, est-ce qu'elles -

« Oh, Auden... » et mes yeux, eux, ont peut-être la vue brouillée mais se vissent à ceux de l'homme de ma vie dans la seconde, luttant déjà contre la panique qui viendra ensuite.

WIN : aucun symptôme, c'est Auden après tout, il est pas allergique aux taons, les taons sont allergiques à lui
SO CLOSE : sa peau le gratte, son visage et ses membres enflent, il tousse et est étourdi #relationshipgoals
FAIL : toux sèche, fièvre, douleurs respiratoires - a-t-il covid ou est-il allergique?

L’inquiétude monte en pointe en même temps que s’étendent les plaies et autres ecchymoses sur le bras de la jeune femme sans que je ne puisse rien y faire pour les contrer ou au moins ralentir leur progression. La question n’était pas de savoir si elle était allergique à quelque chose mais bel et bien de savoir quelle chose exactement puisque seule une allergie pourrait causer de tels dégâts aussi rapidement. Je ne pense pas aux Plaies, je ne pense pas à tout ce qui nous a mené ici alors que dans mon cerveau, pour un temps encore, nous ne sommes qu’un duo dans un lit par une belle nuit d’automne - rien de plus, rien de moins. « À ton sens de l'humour. » J’aurais voulu pouvoir rire de cela et être soulagé que son humour soit toujours présent mais il n’en est rien alors que mes yeux s’ancrent dans les siens, sévères. « Je peux pas être allergique à ça, ça fait aucun sens, c'est impossible, j'ai déjà été piquée par des taons, c'est arrivé avant aujourd'hui je te jure. » Je la crois, bien sûr que je la crois, bien sûr que son je te le jure m’arrache une partie du coeur puisque jamais cela n’a été une accusation contre elle et jamais je ne lui en ai voulu de quoi que ce soit. “Je sais.” J’étais là quand, de la croupe des chevaux les taons ont à un moment décidé de se nourrir de son sang à elle, avant de finir eux même écrasés contre le métal de l’hangar, sous ma main. J’étais là et elle n’était pas allergique. J’avais besoin qu’elle me le dise de vive voix avant de passer à mes propres conclusions, celle qu’elle va détester. “et tout le pays d’Égypte fut dévasté par les mouches.” J’aurais pu me contenter d’Exode 8 et elle aurait quand même compris. On aurait compris tous les deux. On devait savoir que les Plaies n’allaient pas arrêter de s’abattre sur le monde comme par magie, on aurait dû savoir qu’espérer que ce soit le cas ne suffirait jamais.

Première piquée, elle est aussi la première à accumuler les symptômes - et moi le seul à rester impuissant face à eux. Mes mains entourent les siennes pour qu’elle ne puisse pas se gratter, même si la sensation n’en sera que pire pour elle encore et qu’elle va une fois de plus vouloir avoir ma peau - tant pis. Elle ne doit pas se gratter mais pour le reste je ne peux rien faire face à ses membres enflant à vue d’oeil, face à sa toux qui naît et croît tout aussi rapidement. « Oh, Auden... » Mon visage se crispe non pas de douleur mais bien de frustration alors que je viens l’apposer contre le sien. “Je suis désolé Ginny, je suis désolé.” Rien n’aurait dû se passer de la sorte ; elle n’aurait pas dû souffrir, elle n’aurait jamais dû souffrir et si j’avais pu prendre tous ses maux en plus des miens, grandissant, alors je n’aurais pas hésité un seul instant avant de le faire.

Je ne me décale de son corps que lorsque la toux me gagne à mon tour, lorsque mes bras ne sont plus que lave et que, si jamais vous vous en doutiez, je n’avais jamais été allergique à quoi que ce soit avant aujourd’hui. A la Guerre on apprend pourtant à transporter tout un tas de choses, dont les antihistaminiques qui doivent s’être faufilés dans une poche ou une autre de mon sac que je fouille avec rage, avec peine. Je reste assis, craignant déjà de ne pas assumer la position debout. Je sais que j’en ai, je suis certain que j’en ai. Ou que j’en avais ?

WIN - Il lui reste deux cachets, il donne à Ginny le sien en premier.
SO CLOSE - Il ne lui reste qu'un cachet, il ne le dit pas à Ginny et le lui tend quand même.
FAIL - Câlisse y'a rien de rien de rien du tout.

“et tout le pays d’Égypte fut dévasté par les mouches.”
« J'aurais préféré par les papillons. »

Il n'a pas le droit de parler de ce qui se passe dehors quand ce n'est que ce qui se passe ici qui compte. Mes yeux cherchent les siens, quand bien même ils piquent, quand bien même tout pique. Mes mains elles, serrent fort les siennes, à en marquer sa chair de mes ongles à défaut de pouvoir faire de même avec la mienne. C'est qu'il retient et qu'il immobilise Auden, il est partout et ma gorge fait mal, et tout fait mal au final, à qui je mens.

À moi-même alors que je statue que tout ça est impossible. À lui, lorsque je secoue la tête de manière à signaler que non, tout va bien, tout va merveilleusement bien. Rien ne va, les blessures se multiplient, les douleurs avec et l'oxygène lui, il est proscrit, il s'envole, il n'est plus. “Je suis désolé Ginny, je suis désolé.” « Je t'aime, c'est pas ta faute, tout va bien aller, reste avec moi. » son front sur le mien est presque aussi bouillant que l'est ma peau marquée au fer rouge. Et il tousse Auden, il s'en arrache la langue tellement son corps est secoué de soubresauts.

Reste avec moi, mais il se dérobe. il rage, il est furieux. Je glisse mes mains sous mes cuisses en espérant ralentir les grattements, gardant les yeux bien ouverts pour m'assurer de suivre l'étendue de ses blessures. C'est son dos, le pire. Son dos qui devient de plus en plus cramoisi, son dos qui se rapproche ironiquement des mêmes teintes de corail qu'ont mes fleurs préférées. Celles qu'il arrachait des jardins de nos voisins juste pour faire un mauvais coup de plus, juste pour se moquer de moi alors que je tentais de les lui dérober une minute des doigts, qu'il me les tendait hilare la suivante.

Ce n'est pas le moment de voir les souvenirs défiler devant mes yeux comme s'ils amenaient une fin plutôt qu'une confirmation. Ce ne sont que des piqûres, ce ne sont que des taons, ce ne sont que des écrits et et et et et ce sont des cachets, là, dans son sac?

Il m'en tend un, le pose sur mes lèvres boursoufflées, douloureuse. « Ensemble ou rien. » c'était le deal quand on avait respectivement cinq ans et cinq ans moins dix jours, ça le restera aujourd'hui encore alors qu'à mon tour je mime ses gestes, pose la pilule sur ses lèvres à lui.

Dehors, au-delà les couloirs et derrière les portes, ils paniquent pour d'autres raisons presque aussi inquiétantes que les nôtres. « La tablette, elle a disparue! »

WIN - les effets disparaissent rapidement, ils peuvent partir avec l'équipe à la recherche de la tablette
SO CLOSE - les effets mettent du temps à disparaitre, ils doivent se vêtir de manière à cacher les marques pour ne pas alerter personne
FAIL - fuck it les effets restent là mais au moins la toux s'en va - ils pourraient faire un bed in en vrai

« J'aurais préféré par les papillons. »
« Et moi les danseuses exotiques. »

« Je t'aime, c'est pas ta faute, tout va bien aller, reste avec moi. » J’aurais tout donné pour entendre ses mots dans une autre contexte, j’aurais donné encore plus cher de ma vie et de ma peau pour justement ne pas avoir à la laisser tomber une fois de plus, une fois de trop. Ma gorge est bien trop nouée pour que je réponde et je peine même à jouer la comédie et faire semblant que tout aille bien ou, en tout cas, pas trop mal. Mon monde à moi ne va pas droit, il tremble, il chavire quand bien même nous ne sommes plus sur un bateau depuis longtemps. On joue du tambour dans mon esprit, au point où je ne sens même plus ses ongles entrer dans ma chair ou les miens dans la sienne. Il n’y a rien de normal dans une telle réaction, aussi intense et aussi spontanée. Je l’aime, je voudrais le lui dire, enfin. Je voudrais arrêter de jouer à ce jeu que je n’ai jamais ô grand jamais su apprécier. « Ensemble ou rien. » “Prends la.” Elle a toujours eu cette sensibilité que je n’ai jamais eu, cette douceur que je n’ai toujours observé que chez elle. Mes mains tremblentes ont bien du mal à accéder au second cachet quand elle trouve cela moindrement intelligent que de me laisser le premier - et si, justement, il n’y en avait eu qu’un seul ?

Pourtant je me plie silencieusement à ses ordres et l’avale sans un mot, luttant contre les muscles atrophiés de mon corps pour qu’ils m’obéissent une fois de plus, me gardant bien de hurler au combien mon corps entier n’est qu’un volcan en éruption, au combien j’ai envie d’insulter le reste du monde pour être la cause de tout cela. Ma main pose le dernier cachet contre ses lèvres avec bien moins de douceur mais avec au moins l’assurance qu’elle l’avalera. De là, il ne nous reste plus qu’à attendre, luttant pour ne pas se gratter ou se rouler en boule, luttant tout autant pour ne pas montrer à l’autre tout ce qu’on peut bien ressentir. Je lutte aussi pour ne pas m’imaginer ce qu’elle subit, elle qui a été la première, nous pour qui quelques secondes de différence prennent aujourd’hui une importance capitale. Mes lèvres sont bien trop gonflées pour que je lui dise que je l’aime ; les siennes restent pragmatiques.

« La tablette, elle a disparue! »

Et là, peu importe les douleurs, mon poing rageur vient s’abattre contre le mur près de nous. Incapables. Bien que les effets semblent se faire ressentir rapidement, mon ordre de priorité n’a pas changé et c’est là la seule raison pour laquelle mes premiers mots sont pour elle et personne d’autre, surtout pas cette foutue tablette que j’ai envie de briser moi même. “Tu vas bien ?” Je demande, inquiet malgré tout.

WIN - « On a besoin de vous ! » et elle, elle n’a pas le temps de répondre.
SO CLOSE - « On a besoin de vous ! » mais Auden n’en a rien à faire et colle son poing dans le visage du scientifique.
FAIL - Il tente de se relever pour rejoindre le groupe mais les symptômes ne partent pas aussi vite qu’espérés  ; il titube avant de se retenir au mur et de se rasseoir. La course attendra.