Does destiny is a matter of luck ?

feat @"Allen Aldridge" & Siobhan Sallinger  

2021 ═ Plusieurs années s’étaient écoulées depuis qu’elle avait apposé sa signature sur son premier contrat d’hôtesse de l’air, un coup de stylo jouissif qu’elle n’avait jamais regretté, effectuer quelques mois de formations pour accéder à ce métier avait été l’une de ses meilleures décisions. Siobhan avait envoyé en l’air son tablier de serveuse, pour revêtir son premier uniforme, celui qui lui donna l’impression d’en être véritablement une. Elle avait trépigné d’impatience à l’idée de démissionner de son dernier restaurant, même si les deux métiers étaient similaires, elle s’était persuadée qu’ils n’auraient pas la même saveur. Être dans les airs de longues heures pouvait paraître ennuyeux, mais les récompenses à la clé ne pouvaient qu’être fabuleuses et cela s’était confirmé assez rapidement. Une immense porte sur le monde s’était ouverte à elle, une porte qu’elle n’aurait jamais eue les moyens d’ouvrir à de nombreuses reprises, si elle n’avait pas décroché cet emploi. Une nouvelle activité professionnelle qui n’avait laissé personne indifférent dans son entourage,  ses proches étaient majoritairement heureux pour elle, même si dans le fond ils savaient qu’il ne s’agissait pas de son plus grand rêve. Seule sa sœur s’était montrée sceptique, probablement parce qu’elle était la mieux placée pour savoir ce qui la motivait vraiment, un désir de fuir tout ce qu’elle ne voulait pas affronter. La Sallinger était pourtant courageuse à sa façon, elle surmontait ses traumatismes en arpentant des terres qui n’étaient pas forcément accueillantes, en pratiquant des langues étrangères qui lui donnaient à chaque fois la sensation d’être une nouvelle femme. Les voyages se succédaient, mais ne se ressemblaient jamais, ce qui lui avait fait prendre conscience d’à quel point la planète recelait de trésors, de découvertes à faire avant qu’il ne soit trop tard. Elle s’était plus ou moins faite la promesse qu’elle allait y consacrer ses jeunes années, puisqu’elle se considérait encore dans la force de l’âge. 
 
Intrépide, elle n’avait jamais hésité à sortir des sentiers battus, qu’elle soit accompagnée ou non, elle avait décrété que rien ne la freinerait dans son envie de dévorer le monde. Des œillères invisibles semblaient encore l’empêcher de voir que certains endroits pouvaient s’avérer dangereux, l’accueil chaleureux des locaux du pays dans lequel elle venait atterrir avait contribué à la tromper. Une semaine c’était le temps qu’elle devait rester en Afrique du Sud, un laps de temps durant lequel elle était déterminée à voir des animaux qu’elle était habituée à voir dans de tristes enclos de plus près, dans leurs habitats naturels. Siobhan et ses collègues avaient rapidement réservé un safari, qui leur promettait monts et merveilles. Apercevoir la Land Rover de couleur kaki qui allait les y conduire, lui donna instantanément un sentiment de frisson. Elle s’y installa avec deux de ses comparses, avant d’être suivie par des inconnus. L’australienne fut particulièrement attentive aux paroles du guide, jusqu’à ce que la faune ne détourne son attention. Un zèbre fut le premier à lui faire détourner la tête, avant qu’elle ne soit contrainte de la lever au ciel pour admirer une girafe. Elle se dit que la nature ne finirait jamais de la surprendre, avant que le véhicule ne s’arrête d’un coup sec. Siobhan crut naïvement qu’ils venaient de s’arrêter pour mieux observer les rhinocéros qui se trouvaient un peu plus loin, mais elle s’était profondément mise le doigt dans l’oeil. Plusieurs hommes armés s’étaient approchés d’eux, l’un d’entre eu pointa son fusil sur le conducteur, avant d’adresser un regard haineux à tous les touristes. Le cœur de la jeune femme manqua un battement, elle les sentit hostiles, ce qui rendit nerveux un passager qui se trouvait juste derrière elle. Il dégaina un pistolet, ce qui lui valut d’être immédiatement pris pour cible, la balle manqua de toucher l’épaule de l’hôtesse de l’air, qui eut le réflexe de se jeter hors de la voiture. Démunie de ne pas pouvoir communiquer avec eux, elle ne savait pas quoi faire, mis à part d’essayer de garder son sang froid. Un dialogue de sourds semblait s’être installé entre le guide et les terroristes, qui décidèrent de ligoter les vacanciers. Le touriste rebelle avait été maintenu à terre, son arme avait été saisie, mais il restait suffisamment récalcitrant pour garder l’attention de son attaquant. Siobhan prit une grande inspiration, avant de tenter de lui subtiliser son fusil, en vain, avant de se retrouver assommée par la crosse de celle-ci. 
 
Elle ne savait plus ce qui lui était arrivé, lorsqu’elle se retrouva allongée sur un brancard, observée par un homme en blouse blanche. Un inconnu qui parlait visiblement de son état à elle, à l’une de ses collègues qui se tenait près d’eux. Siobhan cligna plusieurs fois des yeux, elle se demanda si elle était encore réellement en vie. L’hôtesse de l’air avait cru voir de précieux souvenirs défiler devant ses yeux, comme un signe qu’elle ne s’en sortirait pas. Le médecin finit par s’adresser directement à elle, ce qui leva progressivement ses doutes. Elle pouvait encore se mouvoir, mais il fallut qu’elle n’attrape la main de son interlocuteur pour la serrer fortement, pour qu’elle comprenne qu’il s’agissait bel et bien de la réalité. Bien qu’elle ait l’habitude d’être tactile, elle s’étonnait elle-même d'avoir fait cette action avant de le remercier chaudement, mais il lui répondit qu'il n'y était pas pour grand-chose, qu'elle avait eu la chance d'être tombée sur une personne apte à la soigner durant son périple. Inapte à se souvenir de qui il s'agissait, elle fronça ses sourcils avant de refermer ses paupières. Les aiguilles de l’horloge s’avancèrent, d’un nombre d’heures qu’elle était tout bonnement incapable de définir. Elle effectua un dernier examen, avant d’être accompagnée à la sortie. Siobhan comprit qu’ils avaient trop de travail pour se permettre de la garder trop longtemps, elle décida de se réfugier à son hôtel pour se remettre les idées en ordre. La rousse venait d’échapper une seconde fois à la mort, ce qui la fit entrer dans une interrogation philosophique ; était elle dotée d’une bonne étoile ? En attendant d’avoir une réponse à cette question, elle finit par se décider à prendre l’air. Elle rejoignit l’espace qui lui semblait le plus sécurisant, celui du centre-ville. L’hôtesse de l’air s’y promena sans but précis, elle s’arrêta soudainement devant une échoppe et déposa ses mains sur ses bras. Est-ce qu’elle avait vraiment envie de ramener des souvenirs, d’un pays qui avait failli la voir s’éteindre ? ...