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Pull me closer

@Loan Hartmann & @Nieves del Pino

J'avais mis momentanément mes envies de solitude au placard, à rester cloîtrée seule chez moi, pour affronter Brisbane. Même si, cette dernière n'était pas ma ville préférée, -j'y préférais toujours Madrid et désolée pour ceux et celles qui y résidaient-, elle était mon lieu de résidence actuel. À l'âge de dix-huit ans, mes valises avaient été posées et je ne le regrettais pas. Mais parfois, ma ville de naissance me manquait et je ne pouvais rien y faire. Alors, par pure et simple nostalgie, je décidais d'arpenter certains quartiers que je ne connaissais pas encore et qui étaient, semblait-il, une réelle découverte.

Or, j'avais déjà quelques habitudes. Notamment en ce qui concernait une boisson que j'affectionnais particulièrement et que je buvais peut-être, en quantité astronomique. Le matcha latte, avait ma préférence. Mais celui, préparé avec art. Pas cette boisson infecte du Starbucks, qui n'avait dès lors aucun goût ou qui était un brin trop amère. Tout se devait d'être subtil et ce n'était clairement pas ce qui en ressortait de l'enseigne à la sirène. Ou peu m'importait de ce que cela pouvait être.
Alors, en ce jour, je décidais de sortir. Vêtue d'une tenue assez simple mais griffée par un créateur, une chemise à carreaux oversize d'une enseigne connue que j'avais remonté jusqu'aux coudes, ainsi qu'un mini-short en jean. Le tout réhaussé par des spartiates en cuir camel, dont j'avais noué les lanières fines jusqu'en dessous de mes genoux.

Pas de tissus en plus, juste des accessoires. Des lunettes de soleil rondes, sur mon fin nez ainsi qu'un sac à main doré, en terminaient cet habillement que j'avais pensé un brin présomptueux pour le temps parfois peu clément de Brisbane. Cependant, je m'y étais habituée à force. Et, il ne pleuvait pas. Il faisait assez bon en soi, pour que je me vêtisse ainsi et participe à l'effervescence qui avait gagné certaines zones de la ville australienne.
Attentive à chaque visage et à chaque personne que je pouvais reconnaître parmi la foule, je m'attardais sur le stand de la Fondation Pearson. Malheureusement, je ne la connaissais que de nom, mais quelque chose me soufflait que ça n'allait plus être le cas, aujourd'hui.

Néanmoins, je savais quelles étaient les actions promues et leurs répercussions envers la population féminine, qui était encore aujourd'hui, toujours bien moins représentée que nos homologues masculins. Et, investir dans le sport féminin était une réelle promesse d'avenir, étant moi-même concernée, par cette éventualité. Toutefois, je n'allais pas tout de suite, montrer mes compétences en tir à l'arc, -que je n'avais pas ; mais j'avais envie d'essayer et cela était l'occasion-, ou en limbo. Là, j'en avais de l'expérience ! Mais, ce qui attira mon attention fut un domaine tout autre : le stage d'auto-défense.

À force de voir certains films d'action, j'avais pu constater certaines techniques pour le moins récurrentes mais ... je n'avais pas vraiment essayé. Je savais potentiellement me défendre et encore. Un coup bien placé dans les cojones de l'agresseur, le dissuadait généralement. Mais après ... s'il était armé ?! C'était plus compliqué.
Alors, je décidais de faire la file jusqu'aux bénévoles s'occupant des inscriptions, parce qu'apparemment, je n'étais pas la seule à avoir eu la même idée. Replaçant mes lunettes de soleil dans leur étui, je le rangeais précautionneusement dans mon sac à main, sans faire pour autant attention à la personne à ma droite, que je venais de bousculer.

- Pardon. Je ne relevais pas la tête, mais j'avais une intuition. Du moins, j'avais cette impression que la personne que j'avais quelque peu percuté, m'observait. Lentement, je tournais mon regard vert, et je pouvais constater que cet individu, je le connaissais. Docteur Hartmann ?
- Vous deux, en binôme ! Je n'eus pas le loisir de m'appesantir sur le pourquoi de sa venue, que l'un des bénévoles nous mettait déjà en duo. Pour le meilleur ou pour le pire ? Telle était la question.

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Après un commentaire distribué par une responsable de département agacée, l'invitation de la Fondation Pearson à des Olympiades caritatives était tombée à pic. Certes, la cause féministe était tellement à la mode ces derniers temps que je m’étonnais que ces dames ne s’insurgent pas plus souvent de l’évident Purple Washing ici et là. Mais que m’importait, au fond : j’avais pu afficher le carton d’invitation sous le nez de ma collègue et lui prouver que j’étais un membre parfaitement légitime de la bonne société de Brisbane, parfaitement soucieux de grandes causes, loin du portrait qu’elle avait fait de moi quelques instants plus tôt.

Le sourire en coin avait sans doute été de trop. Je ne le regrettais nullement. La façon dont elle avait cesser d’avoir l’usage de la respiration rendait le tout particulièrement savoureux.

J’entendais bien prendre une photo de moi en plein événement caritatif, et le poster sur le WhatsApp de l’hôpital. Pour en remettre une couche.

Restait à trouver l’activité qui me mettrait le plus en valeur. Ou me serait la plus profitable, pour faire d’une pierre deux coups. Voilà ce qui m’avait traversé l’esprit alors que je circulais entre les différents stands, vêtu d’un polo crème, affirmant simultanément la décontraction et une certaine sophistication. D’où m’étais venu cette pensée ? Mon esprit, bien sûr. Et le stand de self-défense.

On surestime souvent la capacité des gens à se contrôler. Vous ne croirez pas le nombre de primates que l’on peut croiser dans un hôpital, patients incapables de se maîtriser lorsqu’on les confronte à la vérité.

Oui, ce petit stage de self-défense est une excellente idée.  A vrai dire, les organisateurs paraissent sérieux : anciens militaires aux regards d’acier, des deux sexes. Malgré toute mon exigence, je dois reconnaître que tout ça s'annonce prometteur et qu’au-delà de faire la nique à ma collègue, je suis intéressé.

Reste un détail (important) : le stage se fait en binôme mixte. Or, en bon gentleman célibataire, je me suis présenté seul.
Ca ne m’inquiète pas, ne doutant pas de mon potentiel à recruter mais… je n’ai même pas à convaincre une apprentie sportive. On me bouscule, et j’ai la surprise de découvrir une tête connue. Nieves del Pino, patiente au caractère volcanique, que j’ai eu le hasard d’accompagner quelques temps plus tôt, dans un cadre professionnel. Elle met quelques secondes à me reconnaître, ce qui finit par me faire sourire, ironique, lorsqu’elle m’identifie enfin.

« Ne leur dites pas que je me suis enfui de l’hôpital. »

Le Destin a, décidément, un sens de l’humour particulier.

Probablement parce que nous sommes les deux derniers participants, et qu’il ne sera plus possible de s’inscrire après nous, on nous place arbitrairement en binôme ; pas que cela me dérange, bien au contraire. La demoiselle a de la répartie, une intelligence piquante. J’apprécie. Comme il n’est pas établi que la réciproque soit vraie, je laisse passer quelques instants, afin qu’elle soit libre de protester, et de demander un autre partenaire.

Et parce que je ne peux m’en empêcher, je commente, à mi-voix :


« Dans quel monde « participer à un stage d’auto-défense » est cohérent avec des consignes de ne pas forcer sur votre cheville ? »

Je l’observe en coin, amusé.

« Dépêchez-vous de signaler qu’on vous a attribué pour binôme un insupportable chirurgien, sinon, ils vont vous laisser entre mes mains pour l’heure et demie à venir, et vous n’aurez nulle part où fuir. »
 

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Honnêtement, que pouvais-je attendre seulement de cette journée ? Rien, si ce ne fut ce stand d'auto-défense qui m'avait interpellée plus que de raison alors qu'à l'heure actuelle, il était préférable de savoir se défendre. Évidemment, je n'étais pas réfractaire à donner des coups de genoux bien sentis à quelques jeunes hommes qui eurent tôt fait de dépasser les bornes, s'ils y voyaient un quelconque green flag. En ce qui me concernait, j'étais bien plus adepte des stops marqués que de potentiels signaux qui bifurquaient sur un vert flamboyant.

Car, comme je me plaisais expressément à le dire : j'étais très bien toute seule. Il n'y avait nul besoin de se reposer sur les épaules d'autrui. Parce qu'à un moment donné, je me sentirais forcément déçue. Et, j'étais sûre et certaine, que je n'étais pas la seule à penser ça. Que quoi que l'on fasse, on s'évertuerait toujours à nous décevoir. Premier exemple : ma mère. Mon père, cela lui arrivait parfois de mettre en péril l'amour que sa fille unique pouvait lui porter.
C'était décidément n'importe quoi.

Comme le fait d'être dans cette file d'attente, avec la potentialité d'avoir un binôme qu'on m'attribuerait de toute manière. Et, la personne qui ferait partie de ce duo improbable que je formerais avec elle, n'était nulle autre que le Docteur Hartmann. Que je mis un temps certain à reconnaître. Ce n'était pas son genre de se mêler à la foule, n'est-ce pas ? Je le voyais plutôt en train de régner dans son service, dans un lourd fauteuil de cuir sombre, à scruter les fenêtres dont sa tour d'ivoire était constituée.
C'était cette froideur qui émanait de lui, malgré ce sourire 'complice' auquel, j'étais conviée bien malgré moi. Sourire certes sarcastique, mais qui eut pour effet de me faire lentement froncer les sourcils. Pour qui se prenait-il, cet imbécile ?!

- J'aimerais. Juste pour avoir la vision de vous voir mis sans ménagement dans une ambulance pour vous rapatrier à l'hôpital. Que des surveillants vous empoignent, ça, ça me ferait bien rire. Peut-être, éprouverait-il une certaine dose d'intérêt ? Après tout, je ne le connaissais que dans le milieu professionnel. Lui, qui m'avait permis assez rapidement de ne pas souffrir de séquelles dûes à cette fracture de fatigue qui avait été le point d'orgue de notre rencontre.

Toujours sur le ton de la confidence, il me prenait à parti, me faisant bien malgré moi, frissonner. Sans que je ne veuille l'admettre. Toujours mes sourcils froncés, mon regard vert se rivait au sien, couleur de cacao chaud. Qu'est-ce qu'il pouvait m'agacer, avec ses manières !
Intérieurement, je passais tout le répertoire de mes insultes en espagnol. Il les méritait, amplement. Alors qu'à l'extérieur, je tentais de maintenir une certaine ... neutralité.

- N'êtes-vous pas le meilleur comme vous me l'aviez dit lors de notre rencontre ? Un silence. Ce qui m'a permis peut-être de me remettre sur pieds, assez aisément. Un haussement d'épaules mutin, avant qu'il ne me fasse avoir un frisson bien moins discret que le premier. Parce que j'avais eu toujours l'imagination fertile et ses quelques propos eurent le mérite d'agiter un semblant de fantasme. Hum. Hum. Je devrais crier. Ce serait peut-être plus ... approprié.

Avais-je perdu quelque peu de ma répartie qui faisait ma signature ? Il semblerait.
Alors que l'instructeur nous indiquait par des gestes de nous mettre en place. Tant que le chirurgien ne me touchait pas, ça irait. Puis, si c'était le cas, il se retrouverait avec l'un de mes genoux dans ses couilles. Il n'y avait pas plus simple que cela, en définitive.