TW : dépression, mention implicite du deuil.

Ce mois de Janvier était moins joyeux et plein d’espoir que le précédent. Alors même pour une fille qui s’appelait Sunshine et dont le prénom lui allait comme un gant, il était difficile de rayonner dernièrement. La vie avait été tout sauf simple et douce comme elle l’avait été autrefois. Sunny était fatiguée, à bout de nerfs, et c’était pour faire plaisir à Marnie qu’elle était allée faire un tour ce matin. Et pour la soulager du fardeau qu’elle pensait être pour sa tante actuellement, aussi. La blonde voulait laisser sa tante souffler, parce qu’elle souffrait pour deux et assumait tous les rôles pour aider Sunny à se relever. Alors pour la soulager un peu et lui laisser un peu de temps pour elle, Sunny était partie. Un sursaut de motivation l’avait poussé à enfiler sa tenue de sport, et sa paire de basket pour aller se défouler. Elle avait passé un peu plus d’une heure à frapper dans un punching-ball acheté pour passer ses nerfs dessus l’année dernière. La blonde s’imaginait défoncer la Vie à mains nues, se vengeant du mauvais tour qu’Elle lui avait joué en la privant de ce qui avait été, était, et resterait sans aucun doute pour toujours sa plus grande fierté et son plus grand bonheur. Après lui avoir mis une bonne raclée, devant s’arrêter, à bout de force, Sunny quitta la maison dans laquelle elle et sa tante avaient emménagées il y a peu pour aller courir. Elle n’en avait pas spécialement envie, mais quelque chose la poussait à se bouger et à sortir. A aller courir au parc pour profiter du beau temps, pour croiser du monde. Su-per. Tout ce que la si chaleureuse et sociable Sunny qui adorait en temps normal exécrait, à cause de cette graine d’amertume qui poussait un peu plus chaque jour au creux de ses entrailles.

Alors que la jeune femme courait, elle vit deux petites filles brunes jouer ensemble au pied d’un grand arbre, dans un coin du parc que Sunny connaissait bien. Elle y avait passé de longues heures lorsqu'elle devait avoir autour du même âge que ces deux fillettes. De longues journées d'été passées ici, à jouer, à papoter, à courir partout après un pique-nique. Des heures à fouler l'herbe verte et fraîche pieds nus, à s'extasier sur les iguanes qui passaient, à regarder les ibis faire leur petite vie près des plans d'eau, à jouer à cache-cache et autres jeux créés de toutes pièces par son imagination débordante d'enfant au pied de cet arbre où se trouvait ce qu'elle appelait autrefois sa cabane. Tout cela, elle le faisait avec sa copine d'enfance, Nieves. Sa sister from an other mother, comme on dit. Sa sœur espagnole, rencontrée en vacances quand elle était toute jeune. Sunny cessa de courir pour se rapprocher de ce coin si cher à son cœur, pour observer un instant les deux fillettes. La blonde aurait voulu revenir en arrière pour revivre ces moments heureux où Nieves venait à Brisbane pour les vacances et où les au revoir, aussi douloureux étaient-ils, présageaient toujours des retrouvailles. Jusqu'au jour où: plus de retrouvailles. De moins en moins de nouvelles, puis un jour, plus rien. Nada.

L'odeur des fleurs jaunes aux pieds de l'arbre lui chatouillait les narines, et elle se prit une vague de nostalgie teintée de mélancolie en plein visage. C'était tout sauf ce dont elle avait besoin, aussi doux ces souvenirs étaient-ils en temps normal, ils lui rappelaient que la vie n'était plus aussi simple désormais. Les senteurs, la lumière, les couleurs, le soleil sur sa peau... cette drôle de journée lui rappelait Nieves et à quel point elle lui manquait. La jeune femme espérait que son amie allait bien, et que leurs chemins se recroiseraient un jour. Sunny sentit des larmes perler ses joues. Elle les essuya du revers de la main, souriant aux fillettes qui venaient de tourner la tête pour la regarder, se demandant sûrement ce qu'elle fichait plantée là. La blonde souffla un bon coup pour se ressaisir, puis reprit sa course en se disant que ce soir, elle essaierait peut-être de fouiller sur les sites de recherches pour peut-être reprendre contact avec Nieves. Après tout, si son jogging matinal l'avait menée ici alors qu'elle n'avait pas du tout prévu de prendre ce chemin, c'était peut-être un signe, ou quelque chose dans ce genre.

Mais alors qu'elle faisait demi-tour, totalement distraite et perdue dans ses pensées, Sunny percuta quelqu'un. Elle eut pile le temps de mettre ses bras devant elle pour éviter que le choc ne soit trop violent, mais cela ne l'empêcha pas de se retrouver sur les fesses, sur le carré d'herbe derrière elle. Ouch, souffla-t-elle en atterrissant sur son postérieur. Se redressant sur ses genoux pour aller rapidement vers la jeune femme qui semblait avoir fini par terre elle aussi, Sunny s'exclama « Mon dieu ! Je suis tellement désolée, excusez-moi ! ». Elle était morte de honte, affreusement gênée et tétanisée à l'idée d'avoir blessé quelqu'un. « Est-ce que tout va bien ?? », demanda la blonde les sourcils froncés, inspectant la jeune femme pour s'assurer qu'elle n'avait rien. Alors qu'elle croisa son regard, Sunny se figea. Non, c'était impossible, cela ne pouvait pas être elle... Si ?

@Nieves del Pino

J'avais tout quitté. Du moins, j'étais partie de mon Espagne natale et ensoleillée pour un pays dont je ne savais pratiquement rien. Ou du moins, juste ce qui pouvait s'observer en surface. Mon père, Rafael del Pino, avait voulu de ce fait, m'envoyer en éclaireuse. Voir, de quoi il en retournait en Australie, à Brisbane, plus exactement. Évidemment, j'avais sauté sur l'occasion, m'étant renseignée au préalable sur les écoles supérieures qui seraient susceptibles de m'accueillir au demeurant. En ce qui me concernait, j'avais toujours eu une fibre artistique. Une volonté de traduire ces émotions que je ne verbalisais pas, par de l'Art. Parce que cela m'était bien plus aisé que le reste. Et, il fallait croire qu'au vu de certaines citriques constructives que j'avais entendues : j'étais assez douée.

Alors, je n'avais pas attendu bien longtemps pour faire mes valises. Habituée à être seule, car abandonnée par une mère, qui avait décidé de baisser les bras à peine, j'avais poussé mon premier cri en ce monde. D'elle, je n'en attendais plus rien. Spectatrice de ses absences et de sa volonté à vouloir m'oublier. Au moins, mère et fille, étions d'accord sur ce point. Ce qui était déjà, une sacré avancée en soit. Même si, la Nieves au cœur d'enfant, souhaitait que sa génitrice l'accompagne à l'aube de sa nouvelle vie. Mais, ce n'était pas ce qui était arrivé. Tandis, que j'arrivais à l'aéroport international de Brisbane, baignant dans sa foule dense et cosmopolite.

Cet endroit, ou du moins sa nostalgie, ça venait de me saisir à la gorge. Car, ce n'était pas vraiment la première fois, que j'atterrissais dans cette ville. Cette ville, j'y avais connu cette merveilleuse amie d'enfance. Celle avec qui pourtant, il y avait des dissemblances mais tout autant de similitudes. Elle, c'était Sunny. Et, elle le portait si bien ce prénom. Il lui allait comme un gant. Comme une seconde peau. Avec elle et sa tante, je me sentais bien. J'avais comme qui dirait, trouvé une autre famille. Une, où le cœur prévalait sur la raison. Et la raison, c'était mon père. Qui avait préféré que je coupe court à ce simulacre d'amitié, parce que nous ne venions pas du même milieu social. Évidemment, je m'étais rebellée. Évidemment, j'avais voulu maintenir ce lien. Tout comme mon amie.

Mais ... à force de ne pas répondre aux lettres, ces dernières n'arrivaient plus. Jusqu'à complètement disparaître. Et alors, je n'avais plus eu aucune nouvelle. C'était cette réflexion qui m'animait à nouveau, alors que j'avais décidé de sortir. D'aller courir. De partir de cette chambre d'hôtel dans laquelle, je vivais temporairement. AirPods dans mes oreilles, je choisissais comme à mon habitude, une playlist Spotify. Afin de ne pas être dérangée dans ma course et de prétendument ignorer, toute velléité de rapprochements inhérents au sexe masculin. Partie sur mon circuit, que j'arpentais quotidiennement pourtant, j'en déviais alors inconsciemment.

Et, ce fut peut-être cet égarement qui me coûta le fait de me retrouver à terre. Ayant été percutée par une jeune femme blonde. Ou plutôt, était-ce moi qui étais à l'origine de ma propre chute ? Époussetant mon ensemble vert émeraude moulant, je me mis à froncer lentement les sourcils, parce que cette voix, je la connaissais. Ce timbre de voix, soumis à l'inquiétude. Mais non ... ce n'était pas possible !

- Ce n'est pas grave. Je vais bien. Un mince sourire, alors que mon regard vert, quant à lui, se trouvait littéralement à fixer un fantôme de mon passé. Sunny Goldsmith.  Sol ? C'était ainsi que je la surnommais quand nous étions ensemble. Elle était mon rayon de soleil à moi, que j'avais dû sûrement ternir avec mes silences ...